298 ◊ Le Ferrant ou la force de parvenir à ses fins.

« […] Et c’est la raison pour laquelle, Lord Arryn, je vous écris en ce jour sombre, pour quémander votre protection ! Cet homme est un rustre, un fou-dangereux ! Depuis la mort de son père, mon regretté seigneur et maître, il conspire contre vous et déverse sur tous ceux qui le contredisent, une colère froide et incontrôlable !
Stoppez-le, Lord Arryn, arrêtez-le avant qu’il ne commette l’irréparable, car j’ai moi-même renoncé à le faire. Ses colères me terrifient, ses sautes d’humeur m’angoissent et les plans qu’il projette me glacent le sang ! »

La missive qu’ils venaient d’intercepter était signée. Et c’était sa propre fin que son auteur avait signée. Le bout de vélin chiffonné tomba au sol devant les yeux pleins d’effroi du pauvre homme. Le visage enfoui dans la tourbe grasse, la bouche pleine d’herbe boueuse et sale, il implorait son seigneur de lui laisser la vie sauve.
La brume de la vallée morne en ce jour de pluie glissait ses longs doigts froids et humides entre les mailles sombres du Noire-Epée. La froideur du jour blême roulait sur ses épaules et la faible clarté du soleil caché derrière les lourds nuages bas vêtait le paysage à l’entour d’un songe austère. Nulle supplique pourtant ne semblait parvenir à infléchir la froide résolution du Sire de Cordial qui se tenait là, debout, devant l’homme à terre. Le fracas des sabots et le cliquetis des armes s’imposèrent, incongrus, dans le calme de ce matin brumeux.

– L’autre nous a échappé, Lord Corbray ! Un regard noir de colère accueillit la nouvelle et suffit à faire tourner bride aux cavaliers qui repartirent en chasse…

Et la détermination du Lord de Cordial se reporta sur l’homme allongé sous sa botte, et sembla soudain à nouveau toute entière attachée à son épée. A sa pointe, le dos de l’homme suppliant. Vivant, à cet instant encore, compissant ses braies en suppliques vaines et larmoyantes.

Le chuchotement de la lame contre le métal du fourreau plongea le pauvre bougre dans une panique muette. Il tenta de ramper quelque peu. Se débattit mollement, assommé par la terreur de la mort qui venait. Et l’acier Valyrien fit son œuvre, implacable et propre.

Jamais Dame Affliction n’avait si bien porté son nom.

Sans un mot, le Noire-Epée essuya dans son manteau la lame noircie par le sang du pauvre bougre. – Celui-là ne parlera plus à tord et à travers !


L’obscurité des cachots de Cordial semblait valoir sans peine l’opacité des cellules du Donjon Rouge. Seul le faible éclat de la paire de torches qui grelottaient au bout du couloir offrait une perception étriquée de l’endroit où l’on mettait les pieds. Le chatoiement et les lueurs vacillantes et changeantes qu’elles projetaient esquissaient des formes sombres et mouvantes sur les murs froids des entrailles de Cordial. L’écho du pas lent du Noire-Epée se répercutait plusieurs secondes durant avant de s’éteindre, asphyxié par la pesanteur des lieux. Lorsqu’il parvint à l’extrémité du long couloir sinistre, sa venue inexorable et résolue permit à la clarté des torchères de s’énamourer de sa silhouette longiligne et de se jouer d’elle comme tous les corbeaux de Cordial de jeunes chiots maladroits. Le scintillement des flammes lointaines décrivait au mur tout un bestiaire sombre et intrigant qui changeait Lord Corbray tantôt en un nain grossier, tantôt en un géant difforme, mais le muant toujours, au gré des morsures de la flamme dans le tissu imbibé d’alcool, en un ondoyant transformiste.

Le tintement de la clé dans la serrure de la porte de la petite cellule annonça l’arrivée du Seigneur et de ses hommes.
– L’est là-bas, m’sire ! L’homme était trapu et bedonnant. L’œil fatigué et les traits tirés. Il vint droit sur le prisonnier recroquevillé dans l’ombre du fond de la petite cellule. – T’as d’la visite, mon gars ! maugréa-t-il en lui flanquant un coup de pied. – Tiens-toi mieux qu’ça, t’as vu qu’est là !? Le prisonnier blêmit lorsque le visage de Lord Lyonel traversa l’ombre pour apparaître un bref instant dans la lueur faiblarde qu’offrait le couloir à travers la porte entrebâillée. Le Sire de Cordial se tenait devant lui, entouré de deux hommes en armes et du geôlier.  
– Laissez-nous ! ordonna-t-il d’une voix neutre.

Après quelques secondes d’incompréhension durant lesquelles les trois hommes se questionnèrent du regard, le fracas de la porte claquée sur leurs talons escorta leur sortie.
Le regard ardoise du Seigneur fixa celui, apeuré, de celui qui, quelques heures plus tôt seulement était un fuyard traqué dans  la vallée. La main gantée du Corbray se saisit du visage du vieil homme. Sa bouche se tordit sous la pression de la poigne ferme du Noire-Epée. Entre deux gargouillis, l’homme laissa échapper une bouffée de vapeur.

– Pourquoi as-tu fait ça, Ed ? Pourquoi ?

Le ton était sec, la menace à peine sous-jacente...

– Votre père, messire !, bafouilla le vieil homme.

Après un long silence, l’homme osa tout de même. – Jamais Lord Harwyn n’aurait tenu de tels propos... Il n’aurait... Sa phrase s’acheva dans des bredouillements qui s’amenuisaient à mesure que le regard métallique du Corbray s’enfonçait dans le sien...  
La colère de Lord Lyonel était à présent palpable.

– Laisse mon père où il repose, tu veux bien !?


297 ◊ L’ombre de l’Etranger.

L’incrédulité se referma sur le morceau de vélin. La missive froissée roula au sol.
Comment une chose pareille avait-elle pu arriver ? C’était impossible, inimaginable. Inacceptable. Cela ne se pouvait !

Un nauséeux mélange de douleur sourde et d’incompréhension brutale avait envahi ser Lyonel. Ser Lyonel ? Non. Lord Lyonel, désormais.
Dans un élan de rage étourdie, le Corbray renversa la petite table sur laquelle patientait son repas. La coupe d’étain vint s’écraser contre le mur, le vin rouge noircir le sol à présent jonché, épars, de fruits éclatés et de morceaux de pain ou de viande.
Lord Harwyn Corbray était mort. Et son fils aîné était ravagé par la douleur de ce décès aussi soudain qu’incompréhensible. Sur le parchemin, l’écriture était celle de sa mère. Désormais veuve. Lady Lyana avait parsemé la petite missive de mots hésitants et visiblement agités par les soubresauts du deuil. Sa calligraphie habituellement si aérienne et déliée semblait à présent rabougrie et misérable...

L’éclat métallique des yeux gris de ser Lyonel s’embua de l’écho des souvenirs qui, soudain, l’assaillaient.

Comme un fantôme de lui-même, le chevalier du Val tituba, hébété, jusqu’au vaste fauteuil de la petite pièce. Les larges bras réconfortants l’accueillirent comme ceux d’un père. La tête basse, reclus dans des pensées enfiévrées par les cris de sa mémoire blessée, il s’abîma sans résistance dans ses propres turpitudes.


270-278 ◊ La Mère d’En-Haut et la figure du Père.

La lueur déchirante de l’éclair qui venait de zébrer le ciel donna un éclat singulier à l’atmosphère déjà particulière de la chambre de lady Lyana. Comme dans une invocation mystique, le cri du nouveau-né se mêlait maintenant aux roulements du tonnerre qui, encore, grondait dans les cieux. La mère se redressa, ruisselante de sueur, éreintée par l’effort de cette longue délivrance. Alors qu’après avoir humecté l’enfant, elle procédait à présent à son emmaillotage, la septa ordonna à la sage-femme de courir chercher Lord Harwyn. Il était enfin père. Pour la toute première fois.

L’enfance de l’aîné des enfants de Lord Corbray devait être à l’image de sa naissance. Turbulente et orageuse. Le jeune Lyonel était un garçon vif et d’une énergie débordante qui devait épuiser tous les précepteurs qui se succédèrent, auprès de septa Lorine, pour son éducation. Le jeune garçon était sans cesse à faire ce qu’il fallait éviter et si une chose était interdite, il ne parvenait pas à résister à l’envie de s’en approcher. Ses relations avec ses jeunes frères, Lyn (272) et Lucas (277) étaient, elles aussi, sujettes à de nombreuses querelles d’enfants. Toute l’exubérance et la vantardise dont savait faire preuve Lyonel causait bien souvent des disputes et bagarres qui, si elles amusaient beaucoup Lord Harwyn, n’étaient pas du tout au goût de lady Lyana.
Mais Lyonel était l’aîné, et cette place si particulière dans la fratrie apportait autant d’avantages que d’inconvénient. Même s’il était adoré et admiré par ses frères, ceux-ci se plaignaient aussi très souvent du comportement de leur aîné et de la rudesse que celui-ci savait mettre dans son verbe et ses jeux. Et dès qu’une dispute éclatait, c’était toujours la même chose. Lyonel durcissait le ton et les actes, ses frères tentaient de s’opposer à lui et ils perdaient. En larmes, ils allaient alors trouver le réconfort de leur mère qui, après les avoir consolés et calmés, demandait à leur père de sévir... Celui-ci, de fort mauvaise grâce, se chargeait alors d’annoncer les sanctions à Lyonel. L’aîné partait alors râler, bouder, et s’en prenait parfois à nouveau à ses petits frères, coupables, à ses yeux, de son mauvais sort.    

En tant que premier né, il était adoré de son père. Lord Harwyn lui passait tout et il était très difficile ensuite pour la septa ou les précepteurs d’infléchir cette immunité paternelle… Le garçon passait ses journées dans les pattes de son père dès que celui-ci était à demeure et lorsque Lord Harwyn désertait le fief familial, le petit Lyonel n’aimait rien tant que se faufiler jusqu’à la lice d’entraînement pour admirer les hommes d’armes s’exercer. Là-bas, dissimulé sur les chemins de rondes enserrant la courtine, il rêvait de tous ces grands chevaliers qui peuplaient les leçons d’histoire de Mestre Erald. Il rêvait des dragons, d’Aegon le Conquérant et des grands rois.  

Ainsi, le talent n'attendant pas le nombre des années, il s’avéra que le jeune Corbray, observant sans relâche ni répits la danse des épées devait se révéler un beau jour, très doué lui aussi. Tant et si bien que ses prédispositions au combat à l'épée surprirent tout Cordial et jusqu’à Lord Harwyn lui-même. Le Seigneur de l’ancestrale Maison aux trois corbeaux remarqua un jour que son jeune fils, à peine assez dégourdi pour pouvoir courir dans les couloirs de la citadelle, passait un temps étrangement long à observer les chevaliers s'entraîner dans la cour du château. Mais il ne se doutait pas que tout ce qu’avait disséqué le petit Lyonel, durant les longues heures passées près des combats, allait s'inscrire dans sa mémoire avant même que son corps n'apprenne à éprouver le poids d'une épée.
Or, il vint un jour où le garçon s’exerçant avec un bout de bois, Lord Harwyn eut la surprise de pouvoir l’observer, de loin, sans que son fils ne le remarque. Il s’assit et se tint à distance pour ne pas être vu de Lyonel. Ce dernier exécutait parades, coups de tailles ou d’estoc, parait à nouveau et enchaînait instinctivement de belles passes dans lesquelles il reproduisait instinctivement les mouvements qu'il avait vus accomplir par des hommes faits et accomplis dans l'art de la guerre.

Depuis ce jour-là, Lord Harwyn prodigua à son fils le meilleur enseignement au maniement des armes qu’il put. Il fit venir du Bief, une terre réputée pour ses nombreux chevaliers fieffés, un Maître d’armes de renom. Dès lors, ser Garlan fut l’instructeur du jeune Lyonel qui, chaque jour, progressait grâce à la science des armes de son nouveau mentor.


278-285 ◊ L’Aïeule ou les voies de la sagesse.

En parallèle à cet apprentissage précoce des armes et de leur maniement, le jeune virtuose, élève appliqué sur la lice, suivait un enseignement éclectique et de qualité dans de nombreux domaines. Comme tous les jeunes nobles de son âge et de son rang, il dut se plier, souvent de mauvaises grâces, à de longues heures d’écoute et de restitution dans de multiples champs d’apprentissage. Cours élocution, de géographie, d’histoire, doctrines religieuses, enseignement des arts de la guerre et de la stratégie militaire, leçons de sciences, d’équitation ou de dressage...
Parmi tous ces domaines, aussi variés que nombreux, le jeune Lyonel avait bien sûr des préférences et si l’équitation, les arts de la guerre ou l’histoire étaient des enseignements qu’il suivait avec passion, la plupart des autres l’ennuyaient mortellement.

Ses rêves d’enfants puis d’adolescents furent ainsi cousus de chevalerie, d’honneur, de bravoure... et de dragons... Lyonel avait un réel intérêt pour la grande histoire des Sept-Couronnes et les destins, parfois tragiques des grandes Maisons...
A ses oreilles, des noms comme Jardinier, Targaryen, Chenu ou Stark résonnaient avec éclat et éveillaient en lui des songes enfiévrés de passion.
Aux leçons de mestre Erald, s’ajoutaient aussi les récits magiques de son père. Dès qu’il en avait l’occasion, Lord Harwyn, fier de ses fils et de leur intérêt évident pour la chevalerie, se lançait dans le roman de ses exploits, ses aventures et ses rencontres.

En 283, lorsque vint la révolte de Robert Baratheon, le Val, au même titre que la plupart des grands territoires des Sept-Couronnes, se déchira entre les loyalistes, partisans du Roi, et les rebelles, soutiens du Baratheon...
Cette époque sombre et tragique qui vit la mort de milliers de personnes, fut une véritable épreuve pour la Maison Corbray et pour Lyonel. Lord Corbray était un farouche défenseur du Roi et des Targaryen et des tensions et heurts eurent lieu, nombreux, avant que le Jon Arryn, le suzerain du Val, ne parvienne à fédérer toutes les grandes Maisons au profit de son projet de soutien à la rébellion de ses pupilles.
Lyonel, qui vivait cette époque de tensions avec une implication extrême, du haut de ses treize ans, traversa cette période cauchemardesque violemment heurté par les luttes intestines et les jeux de pouvoirs qui s’opérèrent alors. Lui qui avait toujours grandi dans le culte des Targaryen et de leurs légendaires dragons se trouva profondément bouleversé par la chute de l’ère Targaryenne. Bercé depuis tout petit par les préceptes et les valeurs de la chevalerie, il ne comprit pas immédiatement les raisons qui avaient poussé à cet odieux complot contre la Maison Royale. Et il lui fallut des années avant de se faire à l’idée que le destin des Sept-Couronnes avait basculé définitivement.


285-297 ◊ Le Guerrier et la Jouvencelle

Quelques années après le couronnement de Robert Baratheon, et alors qu’il commençait à être en âge de le faire, Lyonel apprécia énormément voyager avec son père. Bien qu’en grandissant leur relation tendait à se compliquer souvent et même à se tendre parfois, Lyonel adorait son père et aimait par-dessus tout partir ainsi avec lui. Il avait l’impression de chevaucher vers de grandes aventures qu’il se complaisait ensuite de densifier à l’envi afin de les rendre plus impressionnantes pour ses jeunes frères.  
Il voyagea ainsi jusque dans le Bief, patrie de son maître d’armes, chevaucha à travers le Conflans, découvre Port Réal et traverse même le Nord jusqu’à Winterfell.
En chevalier passionné et accompli, Lord Corbray participait à de nombreux tournois. A force de voyager à ses côtés, Lyonel, devenu chevalier à son tour après avoir prêté serment en 288, prit lui aussi goût pour ces grands rassemblements festifs. Les tournois offraient au jeune chevalier tout ce dont il pouvait rêver et comblaient toutes ses envies. Ils impliquaient l’aventure du voyage, la découverte de terres bien souvent inconnues du Corbray et permettaient à celui-ci de s’adonner sans modération au combat et à la boisson. Journées à combattre, nuit à festoyer… Tout ceci loin de sa mère et des gentils sermons de lady Lyana…
Bien qu’il avait assisté à son tout premier tournoi à Harrenhal, en 281, Lyonel n’en gardait qu’un souvenir lointain, puisqu’il ne l’avait vécu qu’en temps que spectateur.
En 289, pour son premier tournoi en tant que chevalier, il participa aux joutes à Port-Lannis où, malgré son jeune âge, 19 ans, il parvint à se hisser jusqu’au quatrième tour, faisant mieux que Lord Royce en personne. Il fut pourtant défait par Hosteen Frey dès le premier assaut et ne put participer à la mêlée, à cause de la blessure à l’épaule récoltée sur la lice.
En 294 et 295, il prit part aux tournois de Sombreval et de Castral Roc avant de réussir sa plus grande performance lors du tournoi de Port-Réal, en 296. Tout le monde là-bas se souvient de ses prouesses, cette semaine-là, lorsqu’il ne fut défait qu’en finale, par le prodigieux Lord Commandant de la Garde Royale, ser Barristan Selmy.

En 297, Lord Royce entreprit un voyage jusqu’au Mur où son fils Waymar devait prendre le Noir dans la légendaire Garde de Nuit. Lord Corbray et son fils, habitués à combattre les clans des Montagnes de la Lune aux côtés de Yohn Royce « le Bronzé », accompagnèrent Lord Royce jusqu’à Winterfell. Durant le voyage, Lyonel, alors âgé de 27 ans, fit des rencontres aussi nombreuses que différentes. Le colossal Lord de Roches-aux-Runes, aussi grand et fort que Lord Harwyn ; son fils Waymar, mais aussi un homme fier et robuste, répondant au nom de Stepan Stone et se présentant comme Capitaine de la Garde de Roches-aux-Runes. Dans le convoi Royce, venait aussi une toute jeune femme, plutôt jolie, qui se disait issue d’une haute lignée du Val et parente de Lord Yohn. Bien qu’il ne sut les dires de la jeune femme tout étaient vrais, Lyonel eut tendance à la croire, étant donné l’importance de l’air qu’elle se donnait. S’il n’a pas gardé en mémoire son nom, Lyonel garde en revanche le souvenir très précis de son joli petit cul et d’un tempérament assez insupportable.
A Winterfell, Lyonel et son père rencontrèrent Lord Stark et sa famille. Il se lia d’amitié avec un jeune homme, un peu plus jeune que lui et avec qui il partagea un entraînement à l’épée. Le jeune homme, très doué, lui avoua être le fils bâtard de Lord Eddard et s’appeler Jon Snow. Lyonel garde aussi le souvenir d’une rencontre intéressante avec un jeune homme dénommé Robb et qui n’était autre que l’héritier de la Maison Suzeraine du Nord. Lyonel croisa le fer avec Stepan Stone, le Capitaine de la Garde de Roches-aux-Runes. Les deux hommes se connaissaient déjà pour avoir à plusieurs reprises combattu ensemble les clans des Montagnes de la Lune mais n’avaient jamais eu l’occasion de s’offrir un duel à l’épée. La chose fut dès lors réparée et Lyonel garde de Stepan le souvenir d’un habile bretteur.

Lyonel est un homme fier et fougueux. Fier de sa haute naissance, de sa vénérable famille et de sa riche condition. Le Noire-Epée est très souvent décrit comme un foutu prétentieux, susceptible et bagarreur, et dont l’humour et l’ironie permanente agacent généralement. Les rares hommes qui ont eu le courage de lui dire tout cela en face ont généralement dû essuyer les coups et l’emportement dont il sait si souvent faire preuve lorsqu’il est égratigné. Ces hommes-là sont aussi pour la plupart maintenant ses amis car Lyonel est un homme qui aime l’honneur et la franchise. Il est tout en contraste. Impulsif et grossier, parfois, ironique et bienveillant, souvent. Le Sire de Cordial est un mélange corsé de tout ce qui fait la complexité de son personnage. Fier, orgueilleux, détestant la contradiction, il sait aussi et pourtant se montrer affable et courtois, si la situation l’exige. Son père et lui ont bien souvent fait résonner les cris de leurs bruyantes altercations contre les murs navrés de la forteresse familiale. Jusqu’à sa mort récente, on ne dénombrait plus les altercations musclées entre feu Lord Harwyn Corbray et son fils aîné. Des différends souvent nés de petits rien ou d’absurdes incompréhensions entre ces deux sanguins. Des conflits aussi soudains et exagérés que brefs et violents qui se terminent bien souvent aussi rapidement et étrangement qu’ils ont commencé et autour d’une énorme bière et dans de franches rigolades. Père et fils étaient bien issus de la même branche, pas de doute là-dessus ! L’humour grinçant et les moqueries continuelles de Lyonel sont parfois à l’origine de disputes qu’il déclenche et regrette immédiatement. Mais comme rien de tel qu’une bonne bagarre, les explications musclées sont une des activités favorites du Corbray. Le Noire-Epée de Cordial est parfois décrit comme un fils à papa insupportable. Il est vrai que sa naissance lui confère une aisance et un train de vie dans lesquels il aime se vautrer. Il profite intensément des plaisirs que sa condition lui offre régulièrement puisqu’il est issu d’une des plus importantes familles du Val. Jusqu’à une époque récente et, bien qu’héritier de sa Maison, il ne croulait pas sous les responsabilités puisque son Lord de père se chargeait de la gestion du fief. Alors, pourquoi s’embêter ?
Depuis la mort de son père qu’il cherche à oublier tant la tragédie l’étouffe de tristesse et de rage, il cherche désespérément à offrir à sa Maison, une reconnaissance et un pouvoir que lui-même a toujours rêvé de goûter. Pour noyer sa rage et oublier son chagrin, il se complaît aussi dans l’intense fréquentation des bordels des environs de Cordial desquels il se fait « livrer » les putains les plus savoureuses qu’il parvient à dénicher... Un être très complexe que ce Lyonel, cousu de paradoxes et de complexité, de blessures profondes et de bêtise puérile.
Pour autant, Lyonel sait aussi faire preuve d’intelligence et de mesure lorsque les situations l’exigent. Il sait aussi être drôle, tendre et aimable, lorsqu’il s’applique. Il porte ainsi à ses frères, Lyn et Lucas, les derniers descendants de sa lignée, un amour simple et discret qu’il traduit par une attention et une vigilance bienveillante. Loin de l’image de fou dangereux qu’il trimballe la plupart du temps, il est, pour ses frères et eux seuls, le grand frère protecteur que son tout nouveau statut de Lord le pousse à assumer…

Lyonel est un Corbray de la plus pure espèce. Brun de cheveux, aux yeux gris pour un regard métallique, une légère barbe encadre bien souvent son visage, fin et noble, tout de fermeté et de suffisance cousu. Lyonel apparaît bien souvent comme un homme particulier dont la perpétuelle moue méprisante n’est en fait qu’une posture inconsciente et immuable. Son visage est celui d’un homme aisé et sans souci, de ceux qui ont tout mais ne sont pas accablés de responsabilités. La cicatrice qu’il porte sur la pommette gauche est une conséquence de son caractère sanguin et bagarreur. Ce chevalier grand amateur de tournois et de joutes a hérité de cette blessure lors du Tournoi de Port-Réal, en 296, où il avait atteint la finale de la lice avant d’être défait, lors de l’ultime assaut, par ser Barristant Selmy, le Lord Commandant de la Garde Royale. Le Noire-Epée de Cordial est, comme son père avant lui, un homme de stature imposante, fort, souple et vaillant de corps comme d’esprit, aux cheveux sombres comme sa mère, et comme elle, sujet au rire simple et à l’ironie communicative. Fougueux comme son père, téméraire, excessif et bagarreur plus que lui, il fut un supplice, enfant, pour le mestre de la Maison aux Corbeaux et pour ses précepteurs successifs. Large d’épaule mais fin de visage, sa mâchoire serrée et noueuse dépeint sa fierté et son courage. Il fait preuve de beaucoup de force, d’une solidité et d'une endurance rares auxquelles s’ajoutent beaucoup d’agilité et de vivacité comme ne le laisse guère supposer sa grande taille. Son morphotype plutôt long mais massif traduit un homme solide et stable tant physiquement que mentalement. Ses yeux, conformément à beaucoup de ceux de sa race sont sombres comme le plumage des corbeaux du blason de sa Maison. Il porte généralement une barbe de quelques jours qu’il laisse parfois grossir, au grès de son humeur... ou de sa paresse. Il a le regard franc et droit des hommes justes et de parole, mais bien souvent éclairé d’une malice très caractéristique de sa personne. Souvent élégant et généralement vêtu de sombre ou de noir, couleurs distinctives de sa Maison, porteur d’une cape frappée des trois corbeaux de Cordial, le Seigneur revêt, bien souvent de riches atours qui attestent de l’intérêt manifeste qu’il porte à sa haute condition. Ainsi, lorsqu’il sort de la forteresse, il se pavane invariablement dans une livrée noire et or rehaussée de mailles somptueuses et alourdies de broches et bijoux représentatifs des armoiries de sa famille.