Jon ♫ Hermine
298 - 13ème lune - Semaine 3 - jour 6

Alors qu’Hermine tendait à Lubin la pointe de flèche qui avait tué l’Autre, ce dernier approcha la pointe de son épée de la gorge blanche de la jeune fille et réitéra sa question sur un ton qui n’entendait pas la contestation. Elle lui dit alors qu’elle s’appelait Hermine et qu’elle venait du Conflans et qu’on l’avait amenée de l’autre côté du Mur quand elle dormait. Le corbeau éclata de rire et lui rétorqua que si elle continuait à mentir, elle finirait comme son ami. Hermine regarda alors Lachlan, terriblement désolée qu’il soit mort en l’aidant, se disant qu’elle était maudite, se demandant si Lubin ne sauverait pas beaucoup de monde en la tuant. Mais à travers ses larmes elle aperçut les saules qui bordaient la rivière de son enfance, des chevaux, de Silvana, de Gendry, de ses amis, des Petits Frères du Bois du Roi, de Jon. Elle se souvint aussi avec effroi du Marcheur Blanc et d’Azahel qui marchait alors qu’elle était morte. Elle ne voulait pas mourir de ce côté–ci du mur, elle ne voulait pas marcher de nouveau pour tuer. Alors elle raconta toute l’histoire, depuis Winterfell et sa rencontre avec Jon Snow et Brandon Stark à son enlèvement, ce qu’elle avait subi ensuite et lorsqu’elle c’était réveillée à grand renfort d’eau chaude sur le visage dans le tente d’une jeune sauvageonne. Lubin sut que tout ce qu’elle disait était vrai, car il avait été parmi ceux à qui on avait proposé d’abuser d’elle contre quelques sols ou une ration supplémentaire de bouillie d’avoine. Il rangea son arme, prit la pointe de flèche et remit la rouquine sur pied avant de la pousser devant lui tout en observant cet étrange matériaux d’un noir brillant qui semblait fragile comme le verre. Il haussa les épaules et la fourra dans sa poche alors, que, arrivés devant son cheval, il se mit en selle, regarda un instant Hermine et l’aida à monter derrière lui.

C’est ainsi qu’il rattrapa sa troupe de patrouilleurs et leur expliqua qu’elle connaissait Jon Snow et avait des informations pour lui sans leur servir la véritable histoire qu’ils auraient peine à croire. D’ailleurs, elle pourrait bien signer l’arrêt de mort de la gamine si parmi les hommes présents certains avaient profité de sa présence à Château Noir et craignait d’être reconnu. Heureusement la rouquine était méconnaissable, sale, les cheveux emmêlés et ternes, emmitouflée dans des fourrures, tout d’une sauvageonne, il y avait peu de chances qu’ils la reconnaissent. Hermine faillit dire la vérité, mais Lubin sentit le coup venir et la prit par les épaules pour l’emmener plus loin prétextant qu’il allait l’attacher et que, comme elle était sa prisonnière, il allait veiller sur elle personnellement. Certains ricanèrent. Il l’emmena à l’écart et lui expliqua pourquoi il ne fallait pas dire la vérité, elle comprit, elle se tut, et Lubin monta la garde une partie de la nuit avant de la réveiller pour qu’elle lui octroie quelques heures de sommeil en faisant le guet à son tour. Le lendemain, ils arrivèrent à Château Noir et passèrent le sous terrain qu’Hermine voyait donc pour la première fois avec de grands yeux émerveillés. Le mur aussi haut que le ciel tout d’abord, qu’elle voyait enfin de près, le tunnel creusé dans la glace et les lourdes grilles qui en barrait l’entrée, cela avait quelque chose de rassurant vu ce qui se cachait au-delà.

Lubin lui ordonna de couvrir sa tête et de se taire, elle sauta de cheval dans la cour et il l’amena à Jon, ou plutôt à Jeor, mais après s’être assuré que Jon était avec lui.

__ Lord Commandant, j’ai trouvé cette fille de l’autre côté du Mur, elle dit qu’elle vient du Conflans, j’ignore si cela est vrai mais je peux témoigner qu’elle a bien été enlevée par un de nos frères à Winterfell et ramenée ici avant d’être relâchée de l’autre côté du Mur. »

Il la poussa légèrement pour qu’elle s’avance et enleva la pelisse qui couvrait ses cheveux. Elle fit un pas, fit une sorte de révérence puisqu’elle était devant un Lord et resta la tête basse sans trop savoir quoi faire pendant quelques instants. Elle finit par apercevoir Jon et ce visage connu la rassura un peu, elle lui sourit.

__ Racontes lui ce qui t’es arrivé Hermine. »

Encore ? Elle n’avait pas très envie d’en parler pourtant, vraiment pas, mais bon, si on le lui demandait. Elle raconta, sans trop s’attarder sur les détails, passant plus vite encore sur les viols à répétition. Mais elle ignorait le nom de son ravisseur, elle ne se souvenait même pas vraiment de son visage, seulement qu’il était habillé en noir. Et les autres, c’était encore pire, les autres elle n’avait entendu que leurs voix, elle avait les yeux bandés, elle était attachée, elle n’avait rien à manger et à peine plus à boire, alors elle se souvenait surtout de la faim et de la douleur. Puis elle se souvenait du froid, elle avait eu si froid, tout le temps, dès qu’elle était seule, et encore plus froid après, un froid qui l’avait endormie, elle ne sentait plus rien, elle était bien, jusqu’à se prendre une casserole d‘eau brûlante sur le visage. Azahel, Lachlan, le Marcheur Blanc, Lubin… Elle se mit à pleurer doucement en évoquant ses amis sauvageons morts, et à sangloter quand elle repensa au gentil cheval gris perdu tout seul au-delà du Mur.

Hermine termina son histoire en larmes et prit volontiers le mouchoir de Jon pour les sécher, mais elles continuèrent à couler malgré tous ses efforts pour les calmer. C’était, devant le visage abasourdi de colère de Lord Jeor et de son ami qu’elle venait de prendre la pleine conscience de ce qui lui était arrivée, de l’horreur qu’elle avait vécu. Jusqu’ici, elle était simplement heureuse d’être encore en vie, mais là, elle voyait dans les yeux de ces hommes combien sa vie était misérable et combien le crime était grave. Elle baissa les yeux en pensant que de toute façon, elle était une fille de rien, que cela avait toujours été le cas et continuerait à l’être, le lord lui avait bien dit ce jour-là, il pouvait faire ce qu’il voulait d’elle et était déjà bien gentil de la laisser en vie. Tout ce qui importait à partir de là était bel et bien de survivre et de continuer l’aventure, non ? Que d’autres fassent ce qu’ils voulaient d’elle importait peu, cela ne durait pas, même si cette fois-là ça avait duré longtemps et faillit véritablement lui couter la vie. Alors était-ce parce qu’il ne s’agissait pas d’un noble que c’était si grave ou était-ce parce qu’il était un frère juré de la Garde de Nuit ? Elle n’osa pas demander, la rage des hommes dans cette pièce lui donnait le tournis et lui faisait peur…

Lorsque Jon évoqua sa troupe de troubadours, elle ouvrit de grands yeux ébahis et le fixa, avait-il des nouvelles, savait-il où ils étaient, pouvait-il la ramener avec eux ? Elle aurait tellement aimé les retrouver et leur dire qu’elle allait bien, elle était si triste de les avoir quitté, elle espérait qu’il ne leur était rien arrivé et qu’ils continuaient à exercer leur art en toute simplicité. Elle lui demanderait plus tard. En attendant, Mormont la fit sursauter en donnant des ordres de sa voix caverneuse. A moitié paniquée, elle se dit qu’elle avait quelque chose à faire mais ne savait pas quoi, alors elle fit un pas en avant un tour sur elle-même et un nouveau pas en avant. Dépitée elle s’arrêta. Elle n’avait rien compris, si, qu’elle devait rester avec Jon, et c’était un grand soulagement pour elle d’être avec quelqu’un qu’elle connaissait et en qui elle avait toute confiance. Elle se rapprocha donc de lui et lui sourit, les yeux encore tout mouillés de ses larmes. Elle s’accrocha à son bras comme à une solide branche d’arbre, elle ne voulait pas le lâcher, cet endroit était assez effrayant et ce qu’elle avait vécu au-delà du mur pire encore. Revenir à la civilisation la rassurait en un sens, mais elle savait aussi que la dernière fois qu’elle s’était retrouvée dans un tel endroit, elle avait souffert.

__ Avec toi oui, je l’avais dit à Lachlan que je serais en sécurité avec toi. Tu restes avec moi, hein, surtout tu me laisse pas toute seule Lord Snow. »

Ils montèrent tout un tas d’escaliers et croisant pas mal de monde. Hermine avait compris qu’on essayait de la cacher, elle ne comprenait pas trop pourquoi, mais en docile petite chose, elle évita de parler et de lever les yeux durant tout ce temps pour que personne ne voit qu’elle était une femme. Cachées sous ses peaux de bête, elle ressemblait à un petit ours qui trottinait à côté de Jon ce qui fit bien rire les Corbeaux qu’ils croisèrent et pensèrent qu’il s’agissait probablement d’un gamin sauvageons trouvé lors d’une patrouille.

__ Alors Snow, premier interrogatoire ? »
__ Faudrait pas qu’Fantôme bouffe le gosse avant qu’il ait parlé, Jon Snow ! »
__ L’Lord Commandant veut apprendre quoi donc de la bouche d’un gamin, foutre Dieux qu’il l’exécute et qu’il arrête de faire genre… »
__ Retiens ton fauve, si non l’sauvageon va finir en charpie ! »

Ils continuèrent leur chemin et arrivèrent enfin à leur destination. Hermine se débarrassa de ses fourrures et posa à Jon la question qui lui brulait les lèvres depuis qu’ils étaient partis.

__ Tu parlais des troubadours toute à l’heure, tu sais où ils sont ? Comment ils vont ? »

La rouquine éclata alors en sanglot et se jeta dans les bras du jeune homme.

__ Je porte malheur – snif - ils meurent tous à cause de moi. Azahel – snif - est partie et quand – snif - elle est revenue – snif - elle, elle, elle était morte – snif - mais elle marchait quand même – snif - elle nous a attaqué – snif – on a dû al brûler. Et – snif - son ami tout blanc avec ces yeux – snif - qui font peur – snif - il voulait nous tuer. Lachlan – snif - l’a fait exploser – snif - et on est parti. – snif - Mais Lachlan – snif - a été tué par le Corbeau – snif - Lubin. – snif - Ils – snif – meurent – snif - tous – snif - à cause – snif - de – snif - moi. – snif - »

Elle pleurait dans la cape de Jon et n’arrivait plus à s’arrêter se retenant parfois jusqu’à exploser de nouveau.