Surprise ? Stupeur ? Ou peut-être satisfaction, le Prince des Sables lui-même ne pouvait le dire. On venait de lui faire parvenir une lettre d’une lointaine contrée de Westeros. Alors que le gouverneur de Lancehélion crut qu’il s’agissait d’une nouvelle lettre du Sire d’Accalmie, il ne sut comment réagir en voyant un lion héraldique. Jamais encore la maison Lannister n’avait daigné entretenir un quelconque lien avec la maison Martell et cela avec raison. Pourtant, à sa lecture, Manfrey ne put que s’amuser de la simplicité de ces mots, de la poésie de ces sons. Immédiatement, il attrapa de quoi écrire tout en égouttant au mieux sa plume.

À l’intention de Lady Myrielle Lannister,

Ma Dame,

Rares ont été les occasions pour moi d’écrire votre nom sur un parchemin pourtant, en Lionne avisée, vous avez fait le premier pas ; la témérité de votre maison n’est donc pas usurpée. Toutefois, je me dois de vous avouer que mon réel étonnement se trouve dans votre pessimisme certain. Loin de moi l’idée de critique une dame de votre rang mais acceptez ma demande en faisant plus confiance à l’audace qui vous sied qu’à la possibilité de ployer par la suite. L’honneur m’incombe de féliciter une Lady faisant preuve de tant de perspicacité en voyant en ma personne un être doté d’une curiosité pouvant hélas lui faire défaut. C’est ainsi avec un éminent plaisir que j’ai lu vos mots sans sourciller à leur égard.

Le sujet dont vous traitez m’intrigue fortement. Il est vrai qu’en tant que Prince de Dorne, je ne suis pas la source la plus objective au sujet des terres de sables, cependant, votre relation avec Ser Ulryk a éveillé mon intérêt. Le loisir de sa présence ne m’a jamais été offert pourtant sa réputation est peut-être aussi appréciable que celle de la vertueuse maison Dayne. M’est heureux de savoir qu’une lady de votre lignée soit en bonne relation avec au moins un Dornien. C’est pourtant moi-même qui suis ravi de savoir ma passion pour ma propre culture appréciée de part et d’autre des Sept Couronnes.

Par ailleurs, étant un grand lettré, je vous demanderai, avant un quelconque conseil mal avisé de ma part de me faire parvenir quelques uns de vos écrits auquel cas vous pourriez alors me demander en quoi mon aide pourrait vous être précieuse. Me voilà rassuré de savoir que l’avenir culturel de nos terres est entre les mains de si jeunes et vigoureuses têtes.

En espérant entretenir une relation captivante avec Lady Myrielle, mes amitiés les plus sincères à vous et votre famille,

Manfrey Martell, Prince de Dorne et Gouverneur de Lancehélion.

Son temps était précieux. Si la demoiselle avait été présente directement, converser avec elle n’aurait pas été un problème mais savoir qu’il devra à présent s’attarder sur de nombreuses lettres était moins plaisant. Pourtant, la place d’une Lionne était tout bonnement intéressant et juste pour cet aspect en plus de son enrichissement personnel, Manfrey répondrait à la prochaine missive et à celle d’après encore. On pouvait le qualifier de manipulateur mais une part de lui avait le cœur presque attendri par une telle candeur de la part d’une descendantes des Roi du Roc.

Il enroula aussitôt le parchemin auquel il attacha l’écusson ensoleillé de la famille Martell. Il espérait une réponse vive.

Déjà, une nouvelle lettre arriva à Lancehélion. À nouveau, Manfrey s’étonna de voir le sceau du Lion sur le papier car il avait déjà oublié avoir correspondu avec la jeune Myrielle tant il avait été affairé de tâches administratives. Rapidement, il s’attela sur la réponse avant de constater que divers parchemins étaient accrochés à cette même lettre. Avant de les feuilleter, il lut ce qui était écrit et attrapa sa plume.

Ma Dame,

Vous me voyez toujours aussi flatté de recevoir tant de louanges de votre part et bien que cela reste toujours aussi surprenant, c’est encore avec plaisir que je me permets de les quérir. Cependant, il m’a été apporté que vous étiez d’un âge plus jeune que le mien et c’est pourquoi, en tant qu’ainé, je me permets de vous donner ce quelque conseil que votre grande famille aura sûrement eu la pertinence de vous offrir avant : ayez bien plus confiance en vous car si votre plume tremble, vos mots font de même et perdent de la force de conviction dont vous êtes très certainement détentrice.

Manfrey stoppa sa rédaction afin de s’attarder plus sur les esquisses que Myrielle lui avait envoyées avant de retrouver sa plume et son encre dans un fin rictus.

Je vous remercie grandement pour les œuvres dont vous m’avez fait cadeau et je ne puis que vous féliciter quant à votre maîtrise dans l’art de la cartographie. Si votre plume était déjà bien appréciable, je ne puis que me réjouir de voir que vos courbes mêmes sont toutes aussi zélées. Je me permets également de corriger quelques unes de vos indications afin de les rendre plus précises et ce, notamment dans la région des Montagnes Rouges qui peut paraître très confuse pour les non-natifs de Dorne. N’y voyez là aucun acte présomptueux mais plutôt la correction de votre humble prince et professeur.

Je souhaite à Lady Myrielle et à toute sa famille prospérité ainsi que mes amitiés les plus sincères,

Manfrey Martell, Prince de Dorne et Gouverneur de Lancehélion

Secouant la pointe de sa plume afin de ne faire aucune dernière tache, le Prince réenroula les cartes de la Lionne afin de les ajouter à sa propre lettre qu'il s'empressa de sceller du blason de sa famille et envoya le lendemain même.

Depuis plusieurs jours maintenant, la dernière lettre de Myrielle croulait sous la paperasse du bureau de Manfrey. Lorsqu’enfin celui-ci se dégarnit, il put redécouvrir ce délicat parchemin qu’il avait hélas oublié et après relecture afin de se remémorer les mots de Dame Lannister, il attrapa une plume.

Ma Dame,

La gouvernance de Lancehélion prend beaucoup de mon temps aussi, veuillez excuser la rapidité à laquelle mes lettres vous parviennent. Toutefois, c’est toujours avec le cœur léger que je vous écris ces mots car la volupté et la candeur des vôtres ne font qu’adoucir les obligations qui m’incombent.

Le souvenir de la honte passée préserve l'honneur de l'avenir. Ceci est aussi vrai pour ma maison que pour la vôtre. Je ne vous tiens aucunement fautive d’actions perpétrées en tant de guerre. Hélas, si la face de ce mot tend à rappeler casques et épées, il existe bien des moyens de guerroyer et les plus lâches sont les plus efficaces. Hélas pour nous, heureusement pour certains. Le devoir de mémoire est important, je vous l’accorde mais la famille l’est tout autant et c’est pourquoi je vous salue vous et celle-ci avec respect.

Porter un nom n’est en aucun cas un blême mais bien un honneur, un héritage qu’il vous ai demandé de chérir bien que je soutiens votre indignation de par la fierté des Martell. Je ne pourrais vous assurer que cela soit une qualité mais j’ose croire être le plus ouvert membre de ma faille et c’est pourquoi je suis ravie que votre délicatesse m’ai été adressé à moi plutôt qu’à autrui, j’aurais eu peur que celui-ci puisse vous froisser d’une quelconque façon.

Avant que je n’oublie, je me suis permis d’ajouter à cette lettre divers documents que j’ai pu trouver dans la bibliothèque de Lancehélion. S’il aurait été plus avisé de ma part de vous faire parvenir des ouvrages, le transport par corbeaux, vous en conviendrez, ne le sied guère. Ceux-ci comportent une généalogie des maisons des Montagnes Rouges ainsi que les grandes batailles dans lesquelles elles auraient pu participer, notamment dans la protection de la Passe-du-Prince.

Mes amitiés à votre personne seulement,
Manfrey Martell, Prince de Dorne et Gouverneur de Lancehélion