Il y a-t-il au monde un lieu plus bruyant qu'une taverne bravoosi? Probablement pas. Un vacarme infernal avait envahit la taverne du „Serpent de Mer“, une invasion qui se produisait chaque nuit, semaine après semaine, année après année. Des serveuses aux formes généreuses déambulaient à travers les tables bondées de jeunes et moins jeunes, portant échoppes et plats de viande aux assoiffés et affamés. On levaient les échoppes de bière pour trinquer à la santé de tous ce qui existe sous le ciel. Le liquide alcoolique débordait à plus d'un coup d'échoppes pour arroser la joyeuse compagnie dessous. Des musiciens, amateurs de leur art, faisaient résonner à travers les airs des sons maladroits à l'amusement d'un public pas compliqué.

Aryos se trouvait avec une bande de copains à une table plus bruyante que les autres. On levait chaque fois le verre pour trinquer à un dieu présent à Braavos. En somme, on avait l'intention de boire à travers toute la nuit. Le jeu était simple. On prononçait le nom du dieu, on levait l'échoppe en trinquant au nom du dit dieu et on buvait une belle gorgée pour recommencer de suite avec le prochain dieu. Il avait probablement pas de hommes plus pieux dans cette cité que cette bande d'ivrognes assumés. Bien évidemment la qualité de la prononciation des dieux les plus exotiques se faisait ressentir au fur à mesure que les échoppes se vidaient et se remplissaient.

Une jeune serveuse à la chevelure blonde arriva à la table avec une grande cruche, remplissant les verres vides et les yeux des jeunes loups. Elle posa alors sa main sur l'épaule d'Aryos et dit avec un sourire érotique.

« Alors mon petit Ary, je vois que vous vous amusez bien ! Mais ne priez pas trop, il y a encore un spectacle à venir ce soir. Ce serait dommage que vous ne le voyiez pas quand vous serez sous la table. »

« Ne t'inquiète pas pour nous, Teodora, nous sommes des croyants bien fervents et entraînés. » dit Aryos en levant l'échoppe et en buvant une gorgée. « Ne veux-tu pas nous tenir compagnie un moment ? ». Il écarta ses jambes. Teodora s'assit alors sur sa cuisse droite en l’enlaçant autour du cou. « Alors à quel spectacle devons-nous nous attendre ? » dit le jeune patricien, sourire aux lèvres, avant de reprendre une gorgée. Un peu de bière dégoulinait de sa bouche que Teodora n'hésita pas à lui enlever avec la pointe de son tablier. « Une bande d'artistes venus directement de Port royal avec leur tout nouveau spectacle. Je crois que ça va tous vous plaire. Ah tiens, en parlant du loup, les voilà qui arrive. »

Sur l'estrade en bois au fond de la taverne arrivait un homme, vêtu dans un manteau rouge et s'étant visiblement teint les cheveux dans la dorure du blé mûr.

« Sirs et dames, oyez, oyez, les nouvelles de Port royal. »

Les échoppes furent posés bruyamment sur les tables et le vacarme diminua assez pour permettre à un homme d'être entendu au-delà de sa table. Même la bande d'Aryos arrêta de prier, observant avec attention le spectacle. Les hommes et les femmes, aussi adultes soient-ils, restent toujours friands du théâtre comme à l'aube de leur existence.

C'est alors qu'entra sur scène un homme, ventripotent et portant une tunique peinte en argent simulant une armure. Sur la tête, il portait une couronne en bois dorée. Il se tenait sur un homme marchant à quatre pattes et avançant, servant de monture à l'étrange guerrier. L'homme au manteau rouge cria alors au public en montrant avec la main sur le souverain.

« Voici Robert, Premier de son nom, roi des Andouilles et des Premiers Ivrognes, Protecteur du tonneau de vin ! »

Le public éclata de rire. Pas tous connaissait le roi de Westeros mais il ne fallait pas ça pour trouver la scène comique. Robert dit alors à l'homme en rouge.

« Tywin, trouvez-moi une femme ! Je ne trouve pas une seule femme que je n'ai pas encore fécondé ce mois à Port royal! »

Tywin s'inclina, excessivement provoquant l'hilarité et dit.

« Mais votre graisseuse majesté, il n'en existe plus une en tout Port royal ! »

Il se releva et dit en mettant sa main au front, comme pour feindre l'apparition d'une idée.

« Ah, mais que je suis bête. Il en existe bien une ! Ma fille, Cersei ! Et nul homme ne l'a touché depuis dix ans ! Elle devrait bien vous plaire ! »

Robert descendit de l'homme à quatre bas et s’avança d'un pas vers Tywin en disant.

« Cersei ? Jamais ! Je suis un homme honorable ! Un roi ne couche pas avec sa femme ! Quelle débauche m'incitez-vous à commettre, pauvre fou ! Ah, me voilà bien aigri ! Ma journée ne pouvait pas être pire, déjà que mon cheval est de piètre qualité ! Encore une idée à vous Tywin qui s'avère idiote. »

Tywin porta la main à la bouche, imitant l'inquiétude.

« J'avoue de m'être trompé sur votre monture. »

Il s'adressa alors à l'homme à quatre pattes.

« Lord Renly, je suis surpris. Je vous crus être habitués à cette position et d'être pris par un autre homme pour monture. »

Renly se leva et dit.

« Hélas, sa Majesté me pèse et mes fesses brûlent encore de la nuit dernière. Vous ne savez pas comme il est difficile de satisfaire toute la garde royale ! »

Le public éclata à nouveau de rire. Certains recommençaient à boire mais sans trinquer, préférant pouvoir suivre la suite du spectacle de loin. Aryos observa l’événement, un grand sourire aux lèvres, avec Teodora sur la cuisse. Celle-ci ne se déplut pas auprès d'Aryos mais il fallait dire qu'elle avait offert à Aryos bien plus que de la viande et de la bière. Ils n'étaient donc pas des inconnus un pour l'autre. Une femme alors entra sur scène, les cheveux en bataille et portant une peau de bête. Elle ordonna alors.

« Halte à tous et à tout ! Moi, Ashara la Sauvageonne du Val, j'ai la preuve que c'est moi la reine de Westeros ! »

Elle sortit un papier et le faisait agiter dans l'air. Tywin s'approcha et saisit le papier. Il le déplia et le lu.

« Cher Lord Baelish, le dernier jeune homme que vous m'avez fait parvenir est mort d'une crise cardiaque à l'instant ou je me suis dévêtu. » Le public éclata à nouveau de rire. «  Veuillez m'envoyez un autre capable de supporter ma beauté naturelle. »

La fausse Ashara rougit et rugit « Diantre ! J'ai pris le faux papier ! Mais j'ai un papier prouvant que je suis la Reine de Westeros, la Dame de mer de Braavos et la souveraine de toutes les cités libres ! » Deux hommes déguisés en gardes montaient alors sur scène et saisirent la femme pour l'emporter avec eux. Elle cria une dernière fois « Mais je suis la Reine de Westeros ! ». Les autres acteurs suivaient la garde sous l'applaudissement du public. Après quelques minutes, les gens reprenaient leur activité habituelle. Les échoppes remontaient dans l'air et les chants de taverne résonnaient à nouveau. A la table d'Aryos on reprit la prière avec encore plus de zèle.