Année 273 – Salvemer

Jason Mallister arpentait le couloir en long, en large et en travers depuis plusieurs heures maintenant. La mine renfrognée, le Sire de Salvemer n'en finissait pas de s'inquiéter. Chaque mouvement, chaque parole dans la pièce attenante était pour lui une alerte à laquelle il répondait en accélérant la cadence de ses pas.
Enfin le vieux Mestre apparut. Les traits tirés, il arborait tout de même un large sourire en s'adressant à son Seigneur.
- C'est un fils. Un fils fort et vigoureux, il portera fièrement votre nom !
Les traits de Jason se détendirent un instant avant que son visage ne s'assombrisse de nouveau.
- Et mon épouse ?
Le vieux Mestre secoua la tête d'un air désolé. Voilà des années qu'ils étaient mariés et cette première grossesse avait été pleine de tracas et avait grandement affaibli la femme du Sire de Salvemer.
Jason s'était alors précipité pour être à ses côtés lors de ses derniers instants. Elle le laissait seul, avec un enfant à éduquer. Il se fit la promesse de ne pas la décevoir. Il ferait de ce fils un héritier sans failles. Il le fallait.

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Année 280 – Vivesaigues

- Dépêche-toi Ed ou je vais encore gagner ! Le jeune garçon jeta un regard en contrebas pour observer d'un œil goguenard le fils Tully. Son ami n'était décidément pas le meilleur pour grimper aux arbres ! Patrek reprit donc tranquillement son ascension en riant.
Ce n'est que lorsqu'il entendit un bruit sourd suivi d'un râle de douleur qu'il se retourna pour constater qu'Edmure gisait plus bas. Le gamin descendit aussi vite que possible pour rejoindre son compagnon de jeux.


Un bras cassé plus tard, les deux enfants faisaient face à Jason Mallister et Hoster Tully, furieux tous les deux.
- A quoi est-ce que vous pensiez ? Faire de l'escalade dans le bois sacré, quelle idée !
Les deux jeunes amis baissèrent la tête, dépités de s'être faits prendre de cette manière. La punition à venir ne les réjouissait guère.

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Année 281 – Salvemer

- Concentrez-vous jeune homme.
Le vieux Mestre jeta un regard réprobateur à l'enfant qui lui faisait face et qui faisait tout sauf être attentif à sa leçon du jour.
Non pas que l'histoire de la Maison Mallister ne soit pas intéressante mais il estimait en avoir saisi tout ce qui pouvait être important. Il savait à qui allait son allégeance. Il savait que l'oncle de son père avait pris le noir alors qu'il était encore jeune et qu'il était à présent le commandant de Tour Ombreuse. Patrek avait du mal à concevoir cela. Qu'on puisse vouloir aller vivre là-haut pour toujours. On pouvait très bien se battre ici aussi. Le jeune garçon laissa son regard bleu-gris vagabonder un instant par la fenêtre.
Son grand-père et le frère de son père avaient été exécutés pour trahison par le vieux Roi fou. Selon l'enfant, c'était là tout ce qu'il fallait savoir de sa famille. Il n'allait pas non plus apprendre les dates de naissance de chacun d'entre eux !
La porte s'ouvrit alors d'un seul coup, sans que personne ne se soit annoncé. Derrière, une servante, l'air affolé :
- S'cusez... Mais...
- Qu'y a-t-il ? s'impatienta le vieux Mestre.
- Des animaux... Partout... Dans vot'chambre. Vous devriez v'nir !
L'homme déglutit difficilement en prenant aussi prestement que possible le chemin indiqué par la femme. Patrek en profita pour s'éclipser en douce à l'extérieur de la forteresse avant que ne retentisse le trop connu :
- Patrek Mallister ! Qu'avez-vous encore fait !
Il fallait dire que cette fois, c'était particulièrement fort. Non seulement le jeune gaçon avait réussit à déménager une bonne partie de la roukerie dans la chambre du vieux Mestre mais il y avait également enfermé tous les animaux qui avaient bien voulu l'y suivre. C'était donc à présent une vraie ménagerie pleine de poules, de chiens et même d'un petit bouquetin qui lui avait donné du fil à retordre en plus de quelques bleus. Seuls les faucons de la maisonnée avaient échappé à cette blague géante qui lui vaudrait certainement une punition au-delà de toutes celles subies jusqu'à présent. Mais ça en valait la peine car, jusqu'au coucher du soleil, il pourrait faire tout ce que bon lui semblait sans avoir de comptes à rendre à personne. Et puis ça ferait une bonne histoire à raconter !

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Année 288 – Vivesaigues

- Qu'est-ce qu'il y a Ed ?
L'héritier Tully secoua la tête en réponse, pour signifier qu'il n'y avait rien.
-Tu as l'air contrarié pourtant, insista Marq Piper tandis que son jeune frère Lewys se tortillait sur sa chaise en écoutant avec avidité les conversations des plus grands que lui.
- J'aime pas ces gredins de brailleurs, répondit Edmure en fixant le baladin présent de l'autre côté de la pièce.
- Ah bon, pourquoi ?
Patrek et Edmure échangèrent un regard entendu. C'était à présent une vieille histoire pour les deux jeunes hommes et si le fils de Jason aimait par-dessus tout plaisanter et se moquer, il avait vite compris que cette mésaventure là, il valait mieux la taire. La tentative de perte de pucelage de son ami avait tourné court lorsqu'il était allé trouver cette prostituée. Trop saoul pour arriver à quoi que ce soit, l'histoire avait été racontée et un baladin en avait même tirée une chanson. Très drôle au demeurant mais Patrek lui avait promis de ne jamais en faire mention. Comprenant la gêne de son ami, il avait tenu parole (après avoir beaucoup ri, certes) et coupa donc la suite de la conversation d'un grand :
- Hey, vous avez goûté ce vin les gars ? Bon sang, je vous le conseille !
Les yeux bleu sombre d'Edmure adressèrent un regard reconnaissant à l'héritier Mallister tandis que ce dernier emplissait les verres de leurs amis en distrayant l'assemblée.

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Année 288 – Salvemer

- Où est mon fils ?
- Introuvable mon Seigneur...
- C'est bien le moment ! Veillez à ce que la cloche de la Tour Retentissante n'arrête pas de sonner. Il faut donner l'alarme ! Il n'est pas dit qu'ils réussissent à prendre Salvemer ! tonna Jason d'un air farouche.


- Tu entends ? minauda la fille du tenancier en collant son corps nu à celui de Patrek.
- Mmmh, marmonna ce dernier en la prenant dans ses bras, sans ouvrir les yeux, encore à moitié assoupi.
- On dirait comme une cloche, c'est bizarre à cette heure...
A ces mots, Patrek se redressa d'un bond.
- Oh, bordel..! Je dois y aller, Salvemer est attaqué !
Ce disant, il enfila la moitié de ses vêtements à l'envers sans parvenir à retrouver l'autre moitié qui avait été jetée ça et là, au moment de l'étreinte passionnée qui avait précédé.

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Année 289 – Port-Lannis

- Ton père a vraiment tué Rodrik Greyjoy ? demanda Edwyn Frey en jetant un regard intéressé au Sire de Salvemer.
- Oui, et des tas d'autres, répondit Patrek d'un ton fier.
- Et toi ? demanda le fils de Ryman.
- Moi ? le fils de Jason eut un sourire gêné en répondant : Je n'étais pas à Salvemer ce soir-là. Lorsque j'ai entendu la cloche de la Tour Retentissante, je suis parti pour rejoindre la bataille mais à mon arrivée, tout était déjà terminé. Mon père les avait déjà rejetés à la mer.
- Ah, dommage... Ça aurait été un beau moyen de t'illustrer.
Patrek hocha la tête sans relever le ton mesquin utilisé par le jeune homme qui lui faisait face. S'ils avaient parlé de tout autre chose, il l'aurait rembarré aussi sec, avec grand renfort d'humour potache. Mais là, c'était bien l'un des rares sujets qui pouvait l'atteindre. Pas le fait qu'il ne se soit pas illustré au combat en défendant Salvemer, non. Ce n'était pas cela qui l'ennuyait. Il avait de la chance d'avoir un père vigoureux qui avait pu défendre leurs terres. Si Jason était mort alors que lui-même était simplement en train de boire et de jouer à quelques jeux polissons avec une demoiselle rencontrée peu avant, il ne se le serait pas pardonné.
Mais ça n'était pas arrivé. Tout allait bien et ils fêtaient là leur victoire sur les Fer-Nés. Le jeune homme rejeta la tête en arrière en ajoutant, d'un ton léger :
- Mon père aurait quand même tué Rodrik Greyjoy, il ne m'aurait laissé que les miettes !
Bien sûr, il savait que c'était faux et que son père aurait sans nul doute été fier de pouvoir raconter leurs exploits à tous les deux plutôt que de ne pouvoir raconter que le sien.

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Année 298, Onzième Lune, Semaine 4 – Port-Réal

Patrek se frottait les yeux tandis que Jason le sermonnait.
- Te rends-tu compte ? Être éliminé ainsi, dès le premier tour, sans même avoir pu mettre en pratique tout ce que je t'ai appris ? Boire et courir la gueuse, c'est vraiment tout ce qui t'importe ? Tu déshonores ton rang et notre nom en agissant de la sorte !
L'héritier de Salvermer retint avec peine un haut-le-cœur. Ce qu'il avait bu hier soir ? Il n'en était plus sûr. Tout ce dont il se rappelait, c'est que cela ne se comptait pas en verres. Et ce mal de crâne ! Il priait pour que son père finisse rapidement son sermon afin de pouvoir retourner s'allonger pour décuver en paix.
Les tournois n'avaient été créés que pour manger, s'enivrer et baiser. S'illustrer au combat n'était qu'accessoire pour le jeune homme. Et un accessoire peu important. Il n'avait que faire que l'on remarque ses compétences à la joute ou au corps à corps. Pour lui, ce qui était primordial, c'était juste de profiter de chaque potentiel agréable moment.

Patrek est d'un naturel avenant, souriant et volontiers goguenard. Il a de l'humour (pas toujours très fin) en presque toutes circonstances, même s'il essaie (parfois) de rester digne et sérieux lorsque la situation l'exige.
A défaut d'avoir des connaissances sans failles, il est malin et a un sens pratique très développé. S'il n'est pas un grand stratège, il convient cependant d'admettre qu'il a du flair. C'est également un bon meneur d'hommes, même s'il n'est pas encore du niveau de son père dans ce domaine. Plus téméraire que courageux, il ne manque pas de bravoure, même s'il se moque ouvertement de ceux qui font étalage de la leur.
Fidèle en amitié, il l'est moins en amour et enchaîne les conquêtes féminines sans jamais pouvoir se prévaloir d'en avoir plus aimé l'une que l'autre. Sur le moment, bien sûr, il est doux et attentionné, qu'il ait face à lui une servante ou une fille mieux née. Mais il ne promet jamais rien et prend toujours garde à ne pas semer de bâtards sur son passage.
Il aime les femmes simples, douces et souriantes, qui ne lui demandent pas trop d'efforts. S'il recherche leur compagnie, ce n'est fichtre pas pour discuter ou se disputer des heures durant mais juste pour passer un agréable moment.
Il prend rarement grand chose au sérieux et, s'il s'implique dans la gestion de Salvemer, il faut bien avouer que c'est surtout son père, Jason, qui gère d'une main de fer leur Maison en essayant de responsabiliser le plus possible son fils en le mettant parfois face à ses devoirs. Néanmoins, cela ne suffit pas à faire de Patrek un héritier consciencieux et concerné. Il aime bien plus profiter des plaisirs simples de la vie plutôt que de jeter un œil aux finances de sa Maison par exemple. Et tant que Jason Mallister sera de ce monde, il y a peu de chances pour que la tendance s'inverse.
En plus d'aimer son père, il respecte l'homme et le Lord charismatique qu'il est ; aussi, dans les rares moments où il pense à l'avenir, il redoute de ne pas être à sa hauteur lorsque ce sera à lui de gérer Salvemer. Mais ces instants là ne durent jamais bien longtemps.
On peut parfois avoir l'impression que Patrek se moque de tout et que rien ne peut l'atteindre. C'est souvent vrai. Le jeune homme n'est pas du genre à se miner le moral et il lui arrive d'être vain.
Il a par ailleurs le contact facile et sympathise aisément. Il a beaucoup moins d'à-priori que son père et cela fait de lui quelqu'un d'ouvert ; à la compagnie agréable et recherchée. Il a du reste un sacré bagout et sait comment se mettre une assemblée dans la poche, même s'il ne trouve rien d'exaltant à cela. Sauf lorsqu'il s'agit de ridiculiser quelqu'un en public, bien sûr. Il convient d'avouer que son humour caustique n'est pas tout le temps bien vu parmi les gens qui ne font pas partie de son cercle d'amis proches.

Patrek est grand et plutôt mince ; il est souple, vif et léger mais pas sans force. C'est d'ailleurs un bon combattant dont le principal défaut est de ne jamais prendre un duel au sérieux. Par ailleurs, il n'hésite cependant en aucun cas à recourir à la ruse afin de déconcentrer son adversaire. Une autre manifestation de son sens de l'humour à toute épreuve, sans nul doute. Il a gardé son agilité d'enfant et excelle à escalader arbres et murs en tous genres.
Comme son père, c'est un bel homme. Il a hérité de ce dernier d'ardents yeux gris-bleu et de sa mère une tignasse châtain à laquelle il porte peu de soin, tout comme la barbe de trois jours qu'il arbore en permanence.
A l'instar de son père, il a les traits fins et bien dessinés. Un visage harmonieux moins sévère que celui de son paternel et souvent paré d'un sourire taquin.
Il arrive bien sûr que Patrek se mette en colère et, dans ces rares moments, son physique se métamorphose. De jeune homme plaisantin et léger, il peut devenir d'une froideur extrême, tant dans ses mots que dans son apparence. Il est alors impressionnant de charisme et sa filiation ne peut, dans ces moments là, être remise en question. Son regard gris-bleu devient alors féroce et mieux vaut éviter d'être à l'origine de cette métamorphose.