An 298 • Sixième lune • Semaine 1 • Jour 3.

Tout était absolument magnifique, comme dans ses souvenirs. Silithia n'avait pas mis les pieds à Hautjardin depuis bien longtemps, mais dès qu'elle avait appris que son père devait s'y rendre, elle avait tout fait pour pouvoir l'accompagner. Il avait finalement accepté, cédant à un énième caprice de sa fille aînée. Pour rien au monde elle n'aurait manqué un tel voyage car, de toutes les villes qu'elle avait jusqu'ici visitées, Hautjardin était sa préférée. Les Tyrell devaient être bienheureux d'être maîtres des terres du Bief.
Mais où qu'elle aille, son rang de lady ne la quittait pas, et il en était de même pour ses responsabilités et ses devoirs ; des septas et caméristes ne cessaient de la suivre pour continuer de lui inculquer tout ce qu'avait à savoir une jeune demoiselle, et aussi pour l'aider dans la vie de tous les jours. Quoi de plus embêtant que d'être considérée comme une enfant idiote et incapable de s'habiller soi-même ?

Ce matin-là, elle avait été fort ennuyée de devoir se lever tôt pour sa leçon du jour. Par chance, ce jour-ci, il ne s'agissait pas d'une leçon de tissage, mais de musique. C'était là une discipline dans laquelle excellait la jeune Farman, et elle s'y adonnait avec plaisir.
Ses doigts pinçaient doucement les cordes d'une petite harpe tandis qu'elle entonnait d'une voix douce et claire « L'automne, de mon temps » sous le regard brillant d'une admiration non dissimulée de la jeune septa, qui ne put réprimer un grand sourire lorsque la voix de Silithia monta dans les premiers aiguës. En quelques minutes, la jeune demoiselle de l'Ouest eût achevé la chanson et la septa frappa gaiement dans ses mains.

-C'était magnifique ma lady !
-Je vous remercie.

Silithia inclina doucement la tête en souriant et interrogea du regard la septa pour savoir si elle pouvait partir. Celle-ci regarda à gauche, puis à droite, certainement pour vérifier si la septa la plus sévère était en train d'épier les moindres de leurs faits et gestes ; visiblement, non. Elle hocha alors la tête et la lady Farman se leva presque brusquement, posant cependant avec douceur la harpe devant la jeune femme chargée de s'occuper de son éducation. S'inclinant brièvement en guise de salut, elle s'éloigna d'un pas pressé. Elle avait beau aimer chanter plus qu'elle aimait coudre, elle n'aimait pas qu'on le lui impose.

Ses pas assez vifs se firent alors plus calmes, plus légers, lorsqu'elle arriva au détour d'un chemin. Elle soupira doucement, puis entreprit de visiter les moindres recoins de ces immenses jardins. Elle passa à plusieurs reprises sous des zones ombragées à travers lesquelles perçaient parfois quelques rayons de soleil qui venaient l'éblouir. Quelle joie pour elle, que de revoir toute cette beauté qui lui avait terriblement manquée. Un sourire plus vrai que vrai vint illuminer son visage tandis qu'elle laissait ses doigts glisser sur les doux pétales d'une rose à la couleur jaune ; le symbole des Tyrell était là, entre ses doigts, et elle aurait pu l'y écraser.
Mais douceur et finesse n'étaient-ils pas ses maîtres mots ?

Son sourire se perdit dans une expression plutôt rêveuse, ses yeux luisant encore de mille envies et espoirs. Être puissante, comme l'étaient tous ces lions et ces cerfs, et ces fichues fleurs aussi ! Tout ceci lui était visiblement impossible. Du coin de l’œil, elle aperçut une silhouette. Tournant son visage vers celui qui perturbait ses rêveries, elle fut étonnée de voir là ser Garlan Tyrell. Elle s'inclina doucement, et lui dit :

-Messire, quel plaisir de vous voir, j'espère ne pas vous déranger.