Dans la solitude d'un champ de luzerne, sous le soleil écarlate à demi-couché, deux hommes dansaient la gigue macabre où le fer tonne contre le fer. Il y a avait d'un côté un homme brun aux cheveux bouclés et de l'autre un homme d'âge mur aux sourcils grisonnants ; ils se jaugeaient mutuellement, frappaient, échangeaient des passes, et tentaient de déborder la garde d'autrui par des mouvements de côté, et c'était comme une lutte endiablée entre deux tigres qui tournoyaient, debout, puis tombaient, tombaient dans un fracas de métal.
Lorsque le voile clos de ses paupières se déchira, il vit le plafond de pierres rondes, et il inhala toute la senteur de la nuit qui s'engouffrait par la fenêtre ouverte. Voilà qu'il s'avérait à nouveau impossible de dormir en une nuit d'été, la chaleur lui causait des sueurs, la chaleur rendait sa jambe douloureuse. Après quelques instants passés à sortir son esprit du brouillard son bras bascula lentement contre le bord du lit, cherchant en tâtonnant le pommeau de sa canne.
Il fut bientôt levé, oubliant la douleur de son genou, cette douce douleur qui berçait son existence, et le faisait se sentir parfois vivant, parfois misérable, quoique l'on pût difficilement se sentir l'un sans l'autre. Il sortit.
Les jardins du palais avaient cette odeur enivrante, entêtante, qui pouvait certainement dispenser un homme de jamais boire une quelconque liqueur d'alcool, n'était-ce ces vins captieux que l'on produisait dans les collines alentours, et qui certes rendaient l'existence plus attrayante.
Dans cette nuit du début de l'été les arbres relâchaient toutes leurs senteurs, et le vent chaud faisait s'envoler les pétales des fleurs, qui retombaient un peu plus loin comme des flocons blanchâtres. La canne les écrasait en cognant d'un bruit sourd et périodique contre la terre.
L'épée et le bouclier. La fleur. Les jardins, leurs terres, leur honneur. Les Tyrell se définissaient peu ou prou par cela, et il y a derrière ces emblèmes familiaux, une réelle identité. Le temps viendra où le vieux Mace Tyrell rejoindra les Sept, et où son fils Willos lui succédera, mais il ne portera ni l'épée ni le bouclier.
Les fleurs sont tout ce qu'il me reste, pensa-t-il en claudiquant. Mais sa grand-mère Olenna lui avait une fois dit que le travail d'un grand seigneur était comme celui d'un jardinier, s'occupant de chacun de ses sujets comme des fleurs de son jardin, qu'il devait embellir et maintenir en bonne santé. Il y avait d'autres seigneurs qui moissonnaient les petites gens comme le fait la faux, mais par l'épée. Les Tyrell pendant longtemps avaient planté autant qu'ils avaient récolté, ici et ailleurs. Quel genre de prince y aurait-il à Hautjardin qui ne pouvait manier ni l'épée ni le bouclier? Un seigneur seulement savant, peut-être. Mais parfois les mauvaises herbes pouvaient menacer la sérénité du jardin. Il fallait être capable de les combattre, sans pitié.
Oh ! le jeune homme n'avait pas peur de la moisson, ni de ses douleurs, ni de la crainte et du sang. Mais voilà bien longtemps que cette vie l'avait rejeté, lui qui serait bientôt seigneur en Hautjardin, un Tyrell solidement appuyé sur ses terres, mais non pas sur ses deux jambes. Le prince Oberyn Martell l'avait blessé encore jeune, à un tournoi ; depuis Willos Tyrell était resté incapable de combattre.
Mais cette force physique qui l'avait en partie délaissé, il s'était acharné à la reconquérir ailleurs : un jour de ses 15 ans, Tyrion Lannister avait visité Hautjardin, et avait lancé au jeune homme qu'il ne pouvait certes pas soulever une épée, mais qu'il avait rendu son esprit aussi affûté et tranchant qu'une lame d'acier valyrien. Willos était devenu homme de poésie et hommes de lettres, de techniques et d'ingénierie, fréquentant les Mestres de Vieilleville et les maîtres à penser qui dispensaient la science de gouverner les hommes. D'Essos et de Port Réal, du Sud et du Nord les hommes savants avaient visité Hautjardin, sur la route de Vieilleville. Ils avaient tant de chose à dire.
Au cours de son enfance, il avait toujours été proche de ses frères et soeurs. Garlan avait toujours été plus distant que les autres, là où Loras, Margaery et Willos passaient plus de temps ensemble : peut être était-ce à cause du caractère efféminé du premier et de l'infirmité de ce dernier. Garlan avait épousé jeune Leonette Fossoway, et était avec Loras le bras armé de la famille. Garlan était le plus brave, Loras était le plus doué chevalier. Quant à son père, Willos avait toujours apprécié sa bonhomie, et même si son père était moqué par les membres plus âgés de sa famille, il l'aimait tendrement. En revanche, sa grand-mère Olenna avait une estime immense pour son petit fils, dans lequel elle voyait un bien meilleur prince que son fils Mace Tyrell.
Au fil des années, le prince Willos passa pour très savant, et par dessus cela, adroit à parler aux femmes, si bien qu'il passa aussi pour galant homme. La femme qu'il avait aimée le plus, c'était sa ville et sa terre natale.
Sa patrie. Car sa patrie était aussi celle de sa famille. Son père Mace le répétait à l'envie : "notre famille est tout ce qui compte". Le nom Tyrell devait raisonner sur toutes les bouches, craint pour la richesse et la puissance qui l'accompagnait, craint et respecté pour les exploits de ceux qui le portaient. Le prochain seigneur de Hautjardin, gardien du Bief, aurait pour devoir de porter ce nom plus haut que ses prédécesseurs : cet homme, c'était Willos Tyrell.
Mais pour celui-ci il était temps de retourner dormir.

Personnage chaleureux et cultivé, le prince Willos Tyrell entend remplir la tâche qui lui incombe avec la plus grande dignité possible. Les années passées durant son enfance à se préparer à sa mission et aux impératifs de la vie seigneuriale lui ont appris à avoir un sens des responsabilités, surtout envers sa famille. C'est un homme qui attache beaucoup d'importance au bien être de ses frères et soeurs, et qui est prêt à tour pour garantir les intérêts des Tyrell.
Homme lettré, il a beaucoup d'amis auprès des mestres de Vieilleville, et bien qu'il ait toujours voulu rejoindre la citadelle, son statut d'aîné l'en a empêché. Il est versé dans toutes les sciences du gouvernement et de la gestion, il comprend donc ce que font les hommes du peuple, et c'est ce qui lui confère une grande popularité auprès d'eux.

C'est un homme de haute stature, presque toujours vêtu de vêtements noirs. Sa stature lui aurait conféré rapidité et force, et il aurait fait un très bon chevalier, semble-t-il, s'il n'avait été blessé par le prince Oberyn durant son enfance. Désormais, le voilà marchant toujours une canne à la main, lançant un regard souriant derrière ses cheveux noirs et bouclés ; aller plus lentement qu'autrui lui a appris à vivre l'existence différemment.
Cette douleur qui le tiraille, c'est à la fois une force et une malédiction. Elle fait partie de lui, et fera peut-être de lui un meilleur souverain qu'il ne l'aurait été sans celle-ci pour lui rappeler que chaque homme est mortel, faible, et peut être qu'un jeune homme fougueux et passionné par les armes est moins apte à être un seigneur sage.
Sa ressemblance physique avec les membres de sa famille est frappante : le même brun foncé dans ses yeux et ses cheveux que sa soeur Margaery, et qui rappellent tant sa mère, Alexia Hightower, que sa grand mère Olenna.