Cela faisait maintenant plus de cinq Lunes que Septa Talla essayait tant bien que mal d’aider la population de Port Lannis à panser ses plaies, sauver les nombreux blessés, enterrer ou bruler les morts pour éviter l’épidémie, reconstruire les Septuaires, mais aussi leurs maisons incendiées. Mais elle n’avait pu jusqu’ici compter que sur la bonne volonté des habitants et la récupération des matériaux sur place ainsi que l’entraide des paysans alentour qui donnaient un peu de leur temps, et de leurs récoltes pour aider. Heureusement depuis qu’elle avait été nommée par sa Sainteté Melicent Septa temporaire en charge de Port Lannis sous la supervision du Septon de Castral Roc, les choses avançaient plus vite. Il lui suffisait de présenter la lettre qu’elle gardait toujours sur elle pour ouvrir les portes et obtenir un peu plus d’aide que ce qu’elle avait auparavant. Et quelques semaines plus tard, un miracle se produisit avec l’arrivée de plusieurs dizaines de Septa et Septons, de vivres et de moyens de la part du Grand Septuaire de Baelor pour aider les sinistrés et reconstruire les Septuaires. Bref, les choses avançaient, pas assez vites hélas pour ceux qui n’avaient plus de toit, mais la situation qui avait semblé si désespérée à la grande brune dégingandé à son entrée dans la ville éventrée par es Fer-Nés lui semblait désormais porteuse d’espoir. En plus, elle avait appris il y a peu qu’un Manoir proche de la cité portuaire avait ouvert ses portes pour accueillir les plus démunis, et c’est avec une joie et une reconnaissance immense qu’elle s’y était rendue pour remercier le Seigneur des lieux.

Absente lui avait on dit, mais alors comment se pouvait-il que les portes soient ouvertes ? Et le Mestre de lui expliquer la situation et elle de lui confier ses ouailles et de lui promettre de passer le plus souvent possible pour aider. Elle envoya quelques Septa et Septons au Manoir Clegane pour s’assurer que les gens de Dame Eleanor ne seraient pas seuls face à la misère et aux blessures et maladies éventuelles. Elle tenta de n’y envoyer que les familles, les orphelins et les gens les plus calmes pour garder à Port Lannis les soudards, les voleurs, les agressifs et les profiteurs, mais elle ne pouvait empêcher personne de se rendre là-bas et évidemment la promesse d’un toit et de vivres à profusion dans la demeure d’un noble, ne fusse-t-il qu’un Chevalier fieffé attirait tout le monde. Mais elle se devait de rester à Port Lannis pour superviser la reconstruction des Septuaires et l’organisation de la distribution de vivres. Il y a avait déjà eu quelques émeutes et quelques incidents isolés dans la cité meurtrie, heureusement, les manteaux rouges avaient pu facilement remettre de l’ordre. Cependant, les charrettes de nourriture envoyées par Melicent avaient déjà été toutes vidées ou presque et avec de moins en moins de nourriture à distribuer et de plus en plus de bouches à nourrir, car certains des plus démunis aux environs en profitaient cela risquait de tourner vinaigre d’ici peu.

Talla tenait sa promesse et faisait de nombreux aller retours entre Port-Lannis et le Manoir Clegane, n’ayant ni cheval ni calèche, elle marchait, qu’importe le temps perdu, cela lui permettait de réfléchir ou même parfois de se vider un peu la tête. Si non, elle profitait des allées-venues des paysans du coin, des habitants de la ville, des marchands. Car en un sens la vie avait déjà repris son cours, pour certains tout du moins, même si les cicatrices de l’attaque des Fer-Nés et de la Bataille du Bouclier Brisé restaient bien visibles et ne s’effaceraient pas de sitôt.

Elle avait marché toute la journée de la veille et avaient profité de quelques heures de repos sur place avant de se mettre au travail. Ce matin-là, elle avait donc essayé de trouver de la place aux nouveaux venus et d’encourager certains à retourner en ville où les Septuaires nouvellement reconstruits offraient un logis plus confortable, mais, taisait-elle, de moins en moins de nourriture. Désormais dans le Septuaire, elle prenait soin des blessés et des malades qui y avaient été mis à l’abri.

Talla se retourna, entendant qu’on l’appelait. Immense. Telle fut sa première réaction face à la jeune fille. Elle était déjà grande, trop disait-on pour trouver un époux, Mais Lady Clegane était plus grande encore. Elle lui sourit néanmoins, passée la stupeur de sa taille. C’était elle, lui avait-on rapporté, qui avait décidé d’ouvrir les portes du manoir pour offrir gite et couvert aux sinistrés de Port-Lannis et des alentours. De fait, par sa générosité et sa miséricorde, la grande brune l’aimait déjà de tout son cœur.

C’était Dame Eleanor Clegane mais elle n’eut pas le temps de prononcer un mot avant que la jeune fille se présente. Pas difficile à deviner, sa robe et son châle disaient tout de son identité, même si cela pouvait passer inaperçu pour le commun des mortels, Talla était née Tarly et c’était le genre de détails qu’elle remarquait immédiatement. Elle remarqua aussi que sa tenue n’avait rien d’ostentatoire, mais elle ignorait tous les moyens de la Maison, elle ne porta donc aucun jugement sur ce point si ce n’est qu’elle avait raison de ne point porter de tenue trop richement ornée dans le coin.

__ Vous n’avez rien à vous faire pardonner Ma Dame, se serait plutôt à moi et à tous ses gens de vous remercier pour votre hospitalité. Je suis Septa Talla, enchantée de vous rencontrer enfin. Je suis à vous tout de suite. »

La Septa fit signe à une autre pour qu’elle vienne prendre le relais auprès de la personne qu’elle soignait et suivit la maîtresse des Lieux.

__ Bien, parlons donc. L’on m’a dit que vous étiez à Lancehélion et que vous avez hérité de ce fief à la mort de votre frère durant la Bataille du Bouclier Brisé. Toutes mes condoléances pour votre frère. Votre geste est d’autant plus généreux que vous avez eu vous-même votre lot de malheur. »

Elle ne connaissait pas très bien l’histoire des Clegane et encore moins leur généalogie, aussi, l’existence de Sandor et la façon dont une femme avait hérité d’un fief ne lui était pas venu à l’esprit. Sans compter qu’elle se fichait pas mal du pourquoi du comment et que tout ce qui lui importait, c’était que cette Eleanor aidait les plus démunis. Evidemment, elle connaissait la Montagne de réputation, et s’il était aussi grand que sa sœur, elle pouvait bien croie toutes les légendes à son sujet, mais au vu de son geste, celle-ci semblait bien différente. Elle avait parfois senti l’hésitation de certains à se rendre ici à cause de la réputation de l’ancien maître des Lieux, mais lorsque sa mort eut fait le tour de la ville, plus personne n’hésita.

Talla rougit et s’inclina légèrement devant les compliments tout juste voilés de la maîtresse des lieux. Elle mettait toute son énergie au service des populations sinistrées, mais était bien consciente néanmoins, que cela ne suffirait pas à sauver tout le monde. Elle se souvenait de ses mots durs, mais si juste, qu’avait prononcés Septa Gertrude alors qu’elles ramassaient les blessés sur le champ de bataille juste après la chute du Bouclier de Port-Lannis. « On ne peut pas sauver tout le monde. » Elle avait dit ça alors que la grande brune voulait ramener un homme à la tente, un homme qui, pour les autres Septa ne pouvait pas être sauvé. C’était ainsi que la jeune novice était rentrée dans la dure réalité de la guerre et elle n’était pas prête de l’oublier. D’autant que cet homme, elle avait tant insisté qu’on l’avait pris, et il était finalement mort au bout de deux jours. Peut-être que si elle l’avait laissé se vider de son sang en paix, il n’aurait pas tant souffert ou en tout cas moins longtemps.

« On ne peut pas sauver tout le monde » ces mots qu’elle voulait épargner à la jeune Clegane résonnaient dans son esprit comme les paroles de l’Etranger en personne. Il fallait se contenter de l’aide qu’on pouvait apporter, ce qui était souvent très dur pour la jeune femme. Talla Tarly était partie, avait quitté le confort relatif de Corcolline, laissé son nom et son rang derrière elle pour, justement, sauver tout le monde. Septa Talla se rendait à présent compte de la réalité et elle n’avait de cesse de vouloir se surpasser pour que cette réalité change, ou tout du moins pour qu’elle soit moins difficile à supporter. Voir mourir ses ouailles était un déchirement à chaque fois, elle ne tenait bon que parce qu’elle savait qu’il en restait des centaines à aider. Malgré le nombre elle en connaissait la plupart par leurs prénoms, s’enquérait de leur famille et leurs amis à chaque fois qu’elle les croisait, elle avait appris à les connaitre au fil des semaines et à les aimer, plus qu’elle n’avait jamais aimé sa famille.

__ Je vous remercie Dame Eleanor, nous faisons tous de notre mieux en ces temps difficiles, ça ne sera jamais assez, mais c’est mieux que rien. »

Talla n’était pas certaine que Gregor aurait ouvert ses portes comme sa sœur, mais elle se garda bien de lui faire la remarque, d’autant qu’elle n’avait jamais rencontré cet homme. Elle avait certes entendu trop de rumeurs sur ses exploits et sa réputation pour ne pas estimer qu’il y avait, probablement, quelque part, un fond de vérité, mais elle n’avait pas les moyens de juger. D’ailleurs pourquoi juger, il était mort, jugé depuis longtemps par le Père d’En-Haut, elle était simple Septa et n’était pas là pour juger qui que ce soit. Elle se demanda néanmoins depuis combien de temps Eleanor avait quitté le fief familial pour n’être au courant d’aucune des rumeurs qui circulaient sur le compte de son frère, des plus étranges au plus réalistes. Elle répondit donc, un peu sceptique, mais le plus poliment du monde :

__ Oui, probablement. »

En entendant la géante citer Lancehélion, la ville immaculée, Talla ouvrit de grands yeux émerveillés et souffla ces mots, comme si les dire trop forts ou trop distinctement allaient faire s’envoler son rêve et la cité qu’on disait magnifique avec lui.

__ Vous êtes allée à Lancehélion… »

La jeune Septa mourrait d’envie de lui poser tout un tas de questions sur la capitale de la principauté, ces habitants, sa culture, mais ça n’était pas vraiment le moment, elle se fendit donc d’un léger sourire rêveur sur tout ce qu’elle pourrait apprendre par la suite et continua à marcher. Elle n’avait jamais osé trop se renseigner sur Dorne, ennemis mortels et éternels du Bief et de la Maison Tarly qui avaient vus tomber tant de seigneur des Marches sous les flèches et les attaques éclaires venues des Montagnes Rouges. Mais, du peu qu’elle savait, elle avait pressentit une culture riche et si différente de celle des autres Couronnes qu’elle rêvait d’en apprendre plus depuis des années. Maintenant qu’elle n’était plus une Tarly, elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait à ce sujet, mais une autre fois, car pur l’instant, il y avait d’autres priorités que de satisfaire sa curiosité.

__ Les Sept n’oublient jamais leurs ouailles. » Sourit Talla. « En fait, je suis venue avec l’ost du Bief. Le Septuaire dans lequel j’étais novice a envoyé une délégation de Septons et Septa à Port-Lannis pour aider les blessés et les victimes de l’attaque des Fer-Nés. Comme vous le savez, la bataille ne s’est pas du tout passée comme prévue, mais nous avons néanmoins fait ce pourquoi nous avions été envoyés. Je suis donc dans l’Ouest depuis près de six lunes. Mais, nous sommes restés un moment sur le champ de bataille qui a vu tombé Lord Tywin, entre autre, et nous ne sommes rentrés dans Port-Lannis qu’une bonne semaine plus tard après que les blessés aient pu être sortis d’affaire. En entrant dans la ville calcinée et exsangue, en rencontrant ses habitants et en voyant leur détresse, j’ai été tellement choquée, que je n’ai pas pu m’empêcher d’écrire au lettre au Grand Septuaire de Baelor pour obtenir de l’aide de Port-Real. Sa Sainteté Melicent, dans sa grande bonté, m’a informé qu’elle enverrait de l’aide et m’a nommée, Septa en charge de Port-Lannis sous la responsabilité du Septon de Castral Roc. Ainsi, je suis restée et lorsque j’ai eu vent qu’un manoir ouvrait ses portes à la population, j’y ai envoyé du renfort et les plus démunis, depuis, je passe de temps en temps quand la situation à Port-Lannis me le permet et que la météo n’est pas trop mauvaise. »

__ Oui Dame Eleanor, prions la mère pour qu’elle nous accorde la force de continuer à aider ses pauvres gens et prions l’aïeul pour qu’elle nous montre la voie d’une véritable solution à cette misère. » Sourit Talla d’un air las.

Fatiguée, exténuée même, elle l’était. Mais elle ne perdait pas espoir, chaque jours à Port Lannis, on remontait des murs entiers de septuaires et de maisons, chaque jours elle voyait les habitants de la ville s’entraider et se souder dans l’adversité. Elle voyait aussi l’inverse, ceux qui profitaient et n’aidaient en rien, mais ceux-là, elle préférait les oublier et voir avant tout le positif, car il y en avait au fond, et elle trouvait cela magnifique, de voir éclore cette bonté dans toute cette horreur.

__ Non, je n’en sais rien. Je pense rencontrer Septa Melicent dans peu de temps, je lui demanderais si un remplaçant est en route. »

Talla n’était vraiment pas très au fait de tous ses aspects techniques, elle n’y avait même pas pensé, mais effectivement, il fallait un nouveau septon ici, comme dans bien d’autres septuaires. Ils avaient été les premières victimes des Fer-Nés, en tant que représentants des Sept et bien que ceux et celles qui étaient venus aider d’un peu partout avaient pris le relais, rien n’était encore officiel et certains d’entre eux voudraient probablement rentrer chez eux un jour.

__ Je vous remercie, mais je n’ai nul besoin d’appartements privatifs, je dors la plupart du temps avec mes collègues dans une des tentes et cela me suffit amplement. En revanche, je ne serais pas contre un bon bain… »

Talla sourit, amusée, à Eleanor. C’était beaucoup demander, elle le savait, mais si elle pouvait très bien se passer d’un lit douillet et de tout le confort auquel elle avait renoncé en entrant au septuaire, l’hygiène en revanche, lui manquait. Elle ne savait même plus à quand remontait son dernier bain, peut-être bien qu’elle l’avait pris à Hautjardin et malgré les toilettes qu’elle faisait tous les matins, elle se sentait aussi crasseuse que les pauvres hères qu’elle soignait.

__ Mais pas tout de suite, il y a trop à faire. » Ajouta-t-elle.

Lorsque Dame Eleanor lui demanda des nouvelles de Port Lannis, Talla ne put s’empêcher de lever un regard triste, presque mouillé, vers la jeune femme. Elle soupira, baissa les yeux et se résolut à répondre malgré tout, sans fard, puisque c’était là le désire de la douce Clegane.

__ Tous les gens que vous voyez là viennent de Port Lannis. La ville a été incendiée et mise à sac par les Fer-Nés, il y a des quartiers entiers à reconstruire et les gens ont tout perdu, leur toit, mais aussi tout ce qu’ils possédaient. Mais ce n’est pas le pire. On déplore des dizaines de milliers de morts qui ont laissé derrière eux des veuves et surtout des orphelins. Je reçois aussi des femmes qui viennent me voir en cachette pour me supplier de prendre leur enfant à naître et je crains que celles qui ne viennent pas me voir soient décidées à tuer leur bâtard par tous les moyens possibles, avant ou après sa naissance. Plusieurs sont mortes après avoir avalé des potions abortives faites maison. »

__ La foi est présente, j’ai envoyé des Septons et des Septa pour vous aider à accueillir tout ce monde et je pense que certains pourront assurer l’office. L’urgence et l’état de la population ne me faisait point apparaître cela comme une priorité, mais vous avez raison, la foi doit reprendre ses droits, ici comme à Port-Lannis. »

Prise dans le tourbillon de l’horreur qu’avait semée les Fer-Nés, Talla n’avait pas pensé à réorganiser les offices au sein des septuaires de la ville ou ailleurs, allant à l’essentiel : l’organisation de l’aide, des soins et de la reconstruction. Mais en entendant la requête de Dame Eleanor, elle se rendit compte que c’était là une erreur en tout point. Première chose, en tant que Septa en charge de Port-Lannis, elle aurait dû y penser et se débrouiller pour que les cérémonies reprennent le plus vite possible. Deuxièmement, cela, elle le savait, rythmait la vie du peuple et des nobles, c’était important pour eux, important pour que la vie reprenne son cours et qu’ils commencent à oublier l’horreur, à passer à autre chose. C’était presque aussi important que de faire disparaître les cicatrices encore bien visibles dans la ville, aussi important que de reconstruire. En réalité, cela faisait partie de la reconstruction, car il n’y avait pas que les chaires et les pierres qui avaient brûlées, les âmes blessées avaient besoin de la foi pour ne pas sombrer. Il était grand temps donc, de réorganiser les offices, même si cela devait se faire dans des septuaires à ciel ouvert.

__ Merci infiniment. Je risque fort de terminer très tard ce soir, ce serait l’idéal si vos domestiques ne dorment pas déjà. Si non, demain matin avant l’aube. Dès que les premiers rayons de soleil éclaireront la route, je repartirais pour Port-Lannis, j’en ai pour la journée si je ne traîne pas en route. »

Elle partirait très tôt comme à son habitude, et avec un peu de chance, elle tomberait sur une charrette de marchand ou d’un paysan du coin qui irait vers la ville et accélérerait grandement son trajet. Si non, effectivement, elle n’arriverait que peu avant le coucher du soleil, c’est pourquoi elle ne pouvait pas se permettre de partir trop tard pour éviter de voyager de nuit, c’était trop dangereux, même pour une Septa.

__ Oui, c’est certain, il y aura des places à pourvoir. Vous avez ici même quelques jeunes garçons qui pourraient convenir, n’hésitez pas à les solliciter, ils seront ravis d’aider et de s’occuper l’esprit si vous voulez mon avis. »

Talla sourit, mais elle craignait, tout comme Eleanor à en croire sa mine, que cela ne soit pas suffisant, si seulement la Septa pouvait réaliser son rêve d’ouvrir un orphelinat, mais elle n’en avait hélas pas les moyens. Elles régleraient les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présenteraient car elles ne pouvaient pas faire autrement, trop anticiper minait le moral et n’aidait pas pour le présent. La brune avait eu l’occasion de s’en rendre compte depuis qu’elle était là, elle n’avait pas cessé de se faire du souci pour l’avenir pour autant. Mais elle essayait de relativiser, de se féliciter de ce qui avait déjà été accomplis et ainsi prenant les choses d’avantage au jour le jour, elle profitait mieux des réussites, relativisait les échecs et avait retrouvé le sommeil et renforcé son envie d’aider.

A l‘évocation du nom de Lancehélion, Talla rougit brusquement. Pas par rapport à la chaleur dorienne, mais plus parce qu’Eleanor c’était rendue compte que la principauté ne la laissait pas indifférente ce qui pouvait être mal perçu par les gens de l’ouest. Elle baissa les yeux, un peu honteuse de sa curiosité et se mit à bégayer :

__ Pardonnez-moi… en fait… non, je n’y suis jamais allée, je… j’aurais aimé y aller, visiter Dorne, voir Lancehélion. Je… c’est pour cela… Je suis confuse… Quand vous avez dit que vous en veniez, votre Mestre me l’avait dit avant, mais… Quand vous avez dit que vous veniez de Lancehélion, je me suis dit que vous deviez avoir vu là-bas bien des choses et que, peut-être, vous pourriez me raconter… Pardonnez mon indiscrétion Ma Dame. »

Rouge comme un piment Dornien, elle regardait ses pieds sans trop savoir où se mettre ni quoi dire. Il y avait de fortes chances pour que le séjour de la géante là-bas n’ait pas été des plus agréables et elle s’en voulait terriblement d’être plus curieuse de Lancehélion que de la culture Ouestienne. Mais cette dernière ressemblait quasiment trait pour trait à la culture du Bief, même si les montagnes et les minerais précieux la rendaient plus hostile mais tout aussi riche. Dorne c’était l’exotisme, une autre religion, d’autres influences, le soleil, les plats épicés, la beauté du sud, plus piquante encore que les roses de Hautjardin, les Martell, les Aspics. Pour Talla, c’était comme un gâteau d’anniversaire trop gros à avaler, plus réjouissant encore qu’un bon livre.

__ Je vous remercie, je ne voudrais pas vous déranger avec mon caprice. »

En était-ce un ? Oui, probablement, désormais que l’organisation de ce bain nocturne lui venait en tête, elle s’en rendait compte. Elle voulut reculer, dire que ça irait. Mais par les Sept, elle puait ! Ce bain, elle le réclamait à corps et à cri depuis des semaines. Elle donnerait n’importe quoi pour cela, même un peu de son humilité, oui, même un peu de sa vertu. Non. Elle le voulait vraiment, elle voulait se plonger dans une eau brûlante. Bon même tiède, cela serait très bien. Elle voulait se savonner de fond en comble, se récurer jusqu’à faire disparaître cette odeur de crasse et de mort qui lui collait à la peau. Elle voulait sortir de l’eau propre, fleurant bon la jeune fille à nouveau, débarrassée de toute la crasse et comme neuve. Elle voulait cela. Alors elle ne dit rien et laissa Eleanor lui promettre que tout serait fait pour que son bain soit prêt en temps et en heure, même si elle savait que c’était mal. Et elle s’en voulut tant qu’elle se mordit la lèvre au lieu de sourire.

__ Je suis ravie de vous l’entendre dire Dame Eleanor. Je me suis laissée emportée par ma propre curiosité, oubliant les griefs qui opposent Lannister et Martell, tout comme il m’a toujours été interdit de m’intéresser à cette région lorsque j’étais plus jeune, de vieilles querelles opposant aussi le Bief et Dorne. Néanmoins, je suis d’avis qu’il faut oublier les rancœurs et les guerres du passé pour se concentrer sur le présent et l’avenir et qu’ainsi, le passé et ses batailles ne resurgiraient pas aussi souvent. » Elle soupira. « Enfin je dis ça, mais l’on n’a pas tué mon père ou ma sœur, encore moins mon fils ou… mon frère. » Elle sourit niaisement et enchaîna pour faire oublier sa maladresse. « Qui suis-je pour juger ? Je ne peux que panser les plaies des autres. »

Talla sourit à la géante et serra à son tour ses mains dans celle de la Clegane comme deux copines de toujours qui se font des confidences. Elle qui avait eu si peu d’amis dans son enfance et qui, malgré une certaine complicité, avait du mal à considérer ses collègues comme des amies. C’était étrange d’ailleurs. Ces femmes étaient probablement plus proches d’elle que ne l’avait jamais été sa famille, très différentes pour beaucoup, elles venaient de milieux différents, mais elles avaient, le plus souvent, la vocation de faire le bien. En réalité, elles étaient des amies, mais c’était comme dans un rêve - mise à part la guerre terrible évidemment et ses victimes - cette vie de Septa qu’elle n’avait pas voulue et qu’elle avait essayé d’éviter en cherchant un époux à Hautjardin était bien mieux qu’elle ne l’aurait imaginée. C’était tout ce qu’elle avait toujours voulut, aider les autres. Certes, elle n’avait plus tellement le temps de lire et de s’instruire et cela lui manquait, mais à part ça, elle avait tout, elle voyageait, elle rencontrait plein de monde tous plus intéressants les uns que les autres, et elle aidait ceux qui en avaient besoin. Elle sourit et secoua la tête en se traitant d’idiote en repensant furtivement à Willos dont elle était tombée amoureuse, se demandant même si elle l’était encore, si elle l’avait vraiment été…

__ Oui ! Nous sommes d’accord. Avec plaisir ! »

Talla était surexcitée à cette idée de converser de Dorne avec Eleanor Clegane, ou plutôt de l’écouter lui raconter son séjour. Le fait qu’elle n’y ait passé que quelques mois n’y changeait rien du tout. Elle était à nouveau rouge comme une tomate et avait presque du mal à respirer tant l’enthousiasme l’avait gagnée. Ne se sentant plus de joie, elle la serra dans ses bras et l’embrassa avant de la remercier une dernière fois et de retourner à ses occupations.


Le soir venu, lorsque Talla put enfin se reposer et demander son bain, elle fit quérir Dame Eleanor pour que, comme promis, elle lui raconte ce qu’elle avait vu de Dorne.


__ Bonsoir Dame Eleanor, merci infiniment de votre sollicitude et un grand merci à vos gens pour ce bain ! »

Le Manoir des Clegane était bien plus petit, plus simple et nettement moins fortifié que Corcoline, mais Talla n’en avait que faire, il était un refuge dont les victimes des exactions Fer-Nées n’auraient pu rêver sans la bonté de Dame Eleanor. Et la bonté de la jeune femme ne s’arrêtait pas là. Ainsi dès qu’elle demanda son bain après une dure journée de labeur, elle fut conduite dans une chambre et durant tout le trajet, n’eut de cesse de remercier tous les gens d’être resté veiller si tard et aussi, d’ailleurs, de venir en aide aux gens de l’ouest. Elle entra sans trop se poser de question, et comme on ne l’annonça pas, elle fut surprise de trouver là, nulle autre que la maîtresse des lieux.

__ Bonsoir Dame Eleanor. » dit-elle avec une révérence.

Talla se demanda si son hôte avait été réveillée, certains indices lui donnèrent à penser que oui et quelque part, cela la chagrina, mais comme Eleanor l’accueillit avec un sourire, elle se dit que cela ne devait point trop la déranger. Elle sourit à son tour. La pièce lui semblait bien modeste pour accueillir la Dame Clegane, elle ressemblait plus à sa propre chambre à Corcoline, perchée en haut de la tour nord, bien plus petite et sombre que les chambres des autres enfants de Lord Randyll. Une pièce où elle avait été recluse après que les premières tentatives de mariage de son père aient échouées, une pièce qu’avait connue Samwell à la naissance de Dickon, une pièce qui l’excluait plus que jamais du reste de la famille. Cela dit, comme elle l’avait déjà remarqué, le manoir n’avait rien à voir avec son ancienne demeure, aussi, Eleanor ne devait pas se sentir oppressée ici comme Talla dans son ancienne chambre.

__ Vous dormiez n’est-ce pas ? J’espère sincèrement que je ne vous dérange pas, ça n’est pas ainsi que je souhaite vous remercier pour votre générosité. »

Eleanor en robe de chambre, les épaules simplement couvertes d’une cape aux couleurs de sa maison, si les bougies et l’heure tardive ne lui avaient déjà mis la puce à l’oreille, le froissement du lin blanc et les cheveux lâchés avaient fini de la convaincre. Elle n’avait pas pris la peine de s’habiller pour la recevoir, Talla en fut ravie, pour la simplicité et la proximité dont elle faisait preuve et parce qu’elle ne s’était pas donnée trop de peine pour si peu. Après tout, elles étaient entre femmes, elles n’avaient rien à se cacher que l’autre n’ai déjà vu se dit-elle. La Septa s’inclina une fois de plus avant de venir s'asseoir en face de son hôte. En souriant, elle répondit :

__ Sept mercis Ma Dame. Votre récit de Dorne pour m’instruire et un bon bain pour me détendre et me laver, se sera largement suffisant. Vous n’imaginez pas à quel point vous me faites plaisir en partageant ce moment et votre expérience avec moi. »

Talla n’eut pas long à réfléchir, elle avait mangé, elle se contentait de peu et n’avait ni faim ni soif et à vrai dire, elle ne voulait pas abuser de la gentillesse et de l’hospitalité d’Eleanor et de la patience de ses gens en lui demandant quoi que ce soit de plus. A l’évocation des, presque légendaires, Jardins Aquatiques, la brune resta bouche bée pendant quelques instants avant de se reprendre quelque peu, bien qu’elle ne put se défaire de son sourire niais.

__ Est-ce aussi beau que le décrivent les livres ? Lancehélion, les Jardins Aquatiques que Maron Martell fit construire pour son épouse, Daenerys Targaryen. La vie semble y être plus piquante que dans nos contrées… »

Tout compte fait, Talla voulait boire et manger, boire les paroles d’Eleanor et manger les épices exotiques de la principauté que son histoire lui ferait goûter.

Talla fut soulagée de la réponse d’Eleanor et ravie de ne pas la déranger et de pouvoir ainsi discuter un moment avant d’aller dormir. Evidemment elle était fatiguée, mais cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas eu l’occasion d’une bonne conversation qu’elle n’allait pas se priver. Elle avait toute la vie pour dormir, et seulement cette soirée pour s’instruire et profiter un peu de l’instant présent et de l’hospitalité de la demoiselle, chose rare en ces temps sombres. Il fallait bien qu’elle retrouve un peu de joie simple pour pouvoir continuer à aider les gens de l’ouest, et cette petite entrevue lui mettait du baume au cœur pour tous les jours difficiles à venir.
Elle-même dormait peu, et hélas, rares étaient les journées qui lui permettaient de faire des siestes, mais cela lui arrivait néanmoins. Quand elle sentait que son esprit n’était plus en mesure de suivre ses jambes ou inversement, elle se reposait une petite heure. Il lui était, en effet, apparu inutile d’essayer de faire son travail quand elle était trop épuisée, elle n’était alors plus du tout efficace et manquait de donner le mauvais remède ou de trancher le mauvais membre. Il valait alors mieux passer le relais à quelqu’un d’autre plutôt que de mettre les victimes des Fer-Nés une fois de plus en danger.

Talla écouta attentivement le récit d’Eleanor. Elle fut un peu déstabilisée d’apprendre que le climat fut si rude, elle aurait dû s’y attendre pourtant avec un tel désert, mais elle pensait qu’il devait être agréable de lézarder au soleil, mais d’après la jeune femme, il semblait bien trop agressif pour cela. Elle ne dit rien, mais un de ses rêves venait de s’éteindre, cependant, bientôt, d’autres naîtrait de cette nouvelle information. Elle sourit à l’évocation des plats épicés de Dorne, connus pour être quasi insupportable pour les étrangers, et elle rit même lorsque Dame Clegane lui avoua avoir bu des litres d’eau pour faire passer le feu du piment.

__ J’ai lu quelque part que la mie de pain était plus efficace… »[/b][/color] Fit remarquer Talla qui n’avait jamais rien goûté de Dornien par elle-même, et d’ailleurs jamais expérimenté grand-chose, mais qui avait lu des tas de livres et écouté des tas de conversations sur toute sorte de sujet.

Talla fut encore une fois désappointée par l’avis de la Maîtresse du Manoir Clegane sur Lancehélion. Le rêve d’un palais doré mis en valeur par une ville blanche magnifique s’effondra avant de laisser place à ce même palais doré grandiose au pied duquel s’entassaient des maisons informes et décolorées venant lui faire un piédestal de brique et de broc. Finalement, cette nouvelle image n’en était pas moins plaisante. Mais évidemment, elle n’avait qu’une hâte, voir par les yeux d’Eleanor la magie des Jardins Aquatiques. Elle retint son souffle et, ses mains réunies sur ses cuisses froissèrent sa robe de bure, pleine d’enthousiasme retenu, d’excitation même.

La Septa se perdit dans le soupir de la demoiselle qui lui évoqua tant de beauté et de ravissement typiquement Dornien. Son esprit partit dans des spéculations, prêt à ingérer et à sublimer les mots de la géante. Elle soupira à son tour. Elle imagina de fines colonnades de marbre donnant sur un jardin foisonnant de verdure avec le bruit de fontaines qui n’apparurent enfin qu’après quelques pas de plus. Elle ferma les yeux pour mieux se laisser envahir par le récit d’Eleanor et pour mieux voir ce qu’elle lui décrivait, se lassant porter par le son de sa voix. Les arches finement ciselées s’ajoutèrent au décor, puis vinrent les rires des enfants et les bruits d’éclaboussement. Une larme d’émotion coula sur la joue de Talla, la beauté des lieux qu’elle s’imaginait était parfaite et les enfants en plus, comme tous les orphelins qu’elle rêvait de sauver et qu’elle voulait voir évoluer dans des jardins aquatiques aussi beaux que ceux de Dorne. C’était un rêve, bien sûr, mais un doux rêve.

Talla ouvrit les yeux et essuya en rougissant la larme qui avant coulé jusqu’à son menton.

__ Vous savez, quand j’étais plus petite, je rêvais d’aller à Dorne. Vous me faites un cadeau en me la faisant voir par vos yeux, vous ne pouvez imaginer combien je vous suis reconnaissante d’avoir partagé cela avec moi. »

La jeune femme soupira et leva les yeux vers le plafond avant de baisser la tête.

__ J’avais un autre rêve aussi. Je voulais ouvrir un orphelinat pour que tous les enfants puissent avoir une chance de s’en sortir, à manger et de quoi se vêtir, peut-être même apprendre à lire. J’aurais tant aimé leur apprendre à lire… »

La Septa essuya en hâte une autre larme sur sa joue et tenta de refréner le trop plein d’émotions qui l’envahissait.

Si loin dans sa rêverie, Talla entendit presque ses propres pas sur le marbre des sols des Jardins Aquatiques. Son père n’aurait jamais accepté qu’elle aille à Dorne, surtout pas après les nombreux refus d’épousailles qu’il avait essuyé et sa décision de mettre Talla dans la plus petite et la plus sombre chambre de Corcolline, tout en haut de la tour nord, à l’abri des regards. Mais même avant, il haïssait cette région et surtout ses habitants depuis qu’il était né, il avait été élevé pour les combattre et pour rien d’autre, pour protéger les Marches du Bief. En aucun cas il n’aurait passé la frontière lui-même, en aucun cas il aurait envoyé l’une de ses filles dans ses contrées sauvages et jamais au grand jamais il n’aurait accepté que sa fille aînée n’épouse un Dornien. Il avait déjà fallu faire preuve d’une grande patience et d’une sacrée force de persuasion pour qu’elle puisse aller à Villevieille pour autre chose que pour se montrer lors d’un Tournoi. C’était peut-être pour cela, parce que son père lui refusait les voyages qu’elle aurait aimé faire, qu’elle s’était si tôt et si ardemment plongée dans les livres. En lisant, elle pouvait voyager, découvrir, même recluse et mal-aimée dans sa petite chambre obscure elle avait toujours de quoi s’évader, bien qu’elle avait fini par connaitre par cœur tous les livres de la succincte bibliothèque de la forteresse des Tarly.

Mais voyager avec Eleanor était encore mieux, encore plus palpitant et magique. Elle ne remercierait jamais assez les Sept pour cette magnifique rencontre et jamais assez la demoiselle pour son hospitalité et cette conversation. En quelque sorte, elle réalisait son rêve par procuration et cela lui suffisait pour le moment, en revanche, son autre rêve, celui-là, impossible à l’époque où elle était Tarly, elle avait peut-être encore une chance de le réaliser, un jour, personne en tout cas ne le ferait à sa place et il était bien plus important que sa propre existence et ses désirs d’évasion. C’est d’ailleurs ce que lui dit la Clegane, venue à genoux devant elle pour la réconforter. Elle sourit. D’autres larmes coulèrent lentement sur son visage, mais peu importait. Elle caressa la joue d’Eleanor.

__ Je ne l’ai pas abandonné, je ne l’abandonnerais jamais. »

L’espoir. La jeune femme voulait en discuter. Talla sécha ses larmes une bonne fois pour toute et lui sourit. Elle n’avait pas besoin de jeter un nouveau coup d’œil à la pièce pour voir que le Manoir Clegane n’était pas une riche demeure possédant les fonds pour entretenir un tel établissement. La Septa s’était déjà heurtée maintes et maintes fois à ce problème et n’y trouvait aucune solution. La première et dernière fois qu’elle avait parlé de ce projet, c’était à son père, grand mal lui avait pris alors. Il l’avait frappée et avait hurlé des injures et autres atrocités envers elle et les orphelins et toute autre personne qu’elle voudrait aider. Il avait maudit cette petite effrontée capable de dilapider la fortune familiale pour des vagabonds et même pas foutue de faire honneur à sa famille en étant simplement jolie et agréable. Jamais plus elle ne lui en avait parlé et à vrai dire, elle en avait, depuis ce jour, très peu parlé de peur que cela n’entache encore son nom. Elle n’avait pas osé demander conseil pour proposer l’idée à Dame Olenna Tyrell, ni même à Willos, elle aurait pu, mais sa timidité et son manque de confiance en elle l’avait alors emporté sur tout le reste. Elle en rêvait, mais son père lui ayant bien fait comprendre que les nobles ont autre choses à foutre et que l’argent ne sert pas à aider les nécessiteux.

Seulement maintenant, elle était Septa, elle n’était plus une Tarly. Pour une Septa, il semblait plus normal de vouloir aider les autres, particulièrement les enfants, cela ne choquait personne et personne ne le lui reprochait. De plus, elle était en charge de Port Lannis, ça n’était pas un grand pouvoir, bien plus de responsabilité et de travail que de pouvoir en réalité, et il était fort probable qu’elle perdrait ce post dès la rencontre avec Sa Sainteté Melicent, mais elle n’était plus une simple novice. Elle avait osé écrire une lettre au Grand Septuaire de Baelor pour qu’on vienne en aide aux habitants de la ville sinistrée. Pour la première fois elle avait osé, osé forcer le destin, faire quelque chose, demander de l’aide. Pas pour elle-même évidemment, mais pour les autres, parce qu’elle se sentait trop dépassée pour faire autrement, parce qu’à elle seule et malgré tous ses efforts, les gens restaient sans toit et sans ressource. Des enfants en bas âge, des femmes enceintes et des vieillards qui, si la situation s’éternisait ne passeraient pas l’hiver et peut-être même pas l’automne avec les épidémies qui guettaient. Elle y avait été obligée en quelque sorte, pour que la tragédie ne se transforme pas en catastrophe, et elle ne le regrettait pas, la Sainteté avait envoyé de l’aide et en plus, elle l’avait promue. Pour une fois, pour la première fois de sa vie, elle ne regrettait pas d’avoir osé et les Sept répondaient au-delà de ses espérances. Cela lui avait redonné la foi après toutes les épreuves traversées, elle s’était même dit que peut-être, c’était cela qu’ils attendaient, les Dieux, qu’elle s’engage avec eux, qu’elle devienne Septa, qu’elle cesse de vouloir contenter son père et qu’elle vienne à leurs côtés, mais c’était un peu présomptueux d’imaginer que les Sept avaient des projets pour elle.

Quoi qu’il en soit, elle en était là, à un tournant de sa vie où personne ne pourrait lui reprocher de vouloir agir vu la situation et les centaines d’orphelins qui seraient livrés à eux même si rien n’était fait. Bientôt, elle rencontrerait Melicent et elle n’avait aucune raison de ne pas lui parler de ce dessein, il ne s’agissait plus d’elle et de son rêve, pas non plus de se préserver des quolibets ni de ne pas faire l’aumône sans en avoir besoin. Elle ne faisait pas cela pour elle, mais pour les enfants et les sinistrés, elle n’avait elle-même pas la fortune pour le faire, elle avait besoin de l’aide de ceux qui voudraient bien s’engager dans un tel gouffre financier, ils seraient peu nombreux, mais elle n’avait rien à perdre.

__ J’en dis que c’est une idée merveilleuse, Dame Eleanor. Attendons un peu que les choses se tassent et reparlons-en d’ici quelques semaines. »

Talla ne voulait pas parler de son entrevue prochaine avec Melicent, elle n’était même pas encore totalement certaine de la rencontrer un jour et elle ne voulait pas qu’Eleanor désespère si cette dernière refusait de l’aider. Néanmoins, quelque chose en forme de plan commençait à germer dans son esprit. Melicent, Willos, Le Suzerain de l’Ouest, la jeune femme qui devait connaitre bien d’autres nobles de tous poils et ce jusqu’à Dorne… oui, il y avait quelque chose à jouer, il fallait tenter le tout pour le tout !

__ Je suis épuisée, j’imagine que vous aussi, je vais voir si mon bain est prêt. »

Talla se leva avec un grand sourire et lissa sa robe.

__ Je repars demain à l’aube pour être certaine d’arriver à Port-Lannis avant la nuit, nous ne nous verrons probablement pas d’ici là, mais je vous promets de revenir très bientôt. J’ai été enchantée de vous rencontrer, malgré les circonstances qui m’ont amenée ici. Passez une bonne nuit Ma Dame et soyez Sept fois bénie. »