Citation :

Père et Glenhild sont morts
Gormond Bonfrere

Avec force bruit, Greydon posa brusquement le vélin sur la massive table de bois du bureau de son défunt père et l'écrasa sous son poing. Son autre main, était elle aussi posée sur la table et serrée à s’en blanchir les jointures. La tête baissée, ses puissantes épaules levées, il releva lentement un visage au regard carnassier avec un sourire en coin et, se dressa peu a peu de toute sa stature. Malgré son jeune âge, Greydon était, comme ses frères, grand et athlétique. Le Mestre qui venait de lui apporter la noire nouvelle et lui faisait face fit un pas en arrière ne sachant pas trop ce que signifiait cette expression étrange et craignant de se prendre un coup de hache malencontreux dû à la fureur du Fer-Né. Celui là n’avait pas la réputation d'être le plus impulsif des triplés mâles que Lady Moïra, née Harloi, avait fini par donner à Lord Gorold après avoir mis au monde 12 filles dans la douleur et le mépris de plus en plus prononcé de son époux. Mais avec les Fer-Nés il valait mieux se méfier car cela pouvait aller très vite, un mot de travers et vous vous retrouviez avec un œil en moins. Il n’y avait qu'à compter le nombre de cicatrices que je jeune homme comptait déjà sur tout son corps pour s’en rendre compte, les Fer-Né ne faisaient pas dans la dentelle et celui-ci n’échappait pas à la règle.

__ Informez ma mère et mes sœurs. Dites à l’intendant d’organiser des festivités gigantesques pour le retour de nos bateaux, un banquet digne du Dieu Noyé, tout en veillant à limiter les dépenses autant qu’il le pourra.

Les Bonfrère de Cormartel possédaient 40 boutres avant la folle épopée de Glenhild et cette guerre que son emprisonnement avait déclenché. Combien reviendraient ? Cela, son frère ne lui avait pas dit, un oubli fâcheux, mais si les pertes avaient été catastrophiques, il l’aurait mentionné, tout du moins le jeune seigneur l'espérait-il. C'était bien lui le plus téméraire de tous, pensa le grand blond avec un sourire amusé. Mais il corrigea bien vite sa pensée en ajoutant : après Glen. Seulement cette dernière était morte désormais et le rictus qu’il eut en y repensant en disait long sur l'ambivalence des sentiments qu’il nourrissait à son égard.

Il l’admirait, bien sur, mais elle avait prit beaucoup de place à Cormartel ces dernières années et on ne manquait pas de lui rappeler qu’il n'était qu’un gamin inexpérimenté supplanté par une femme. Il l’aimait, mais elle était devenue trop encombrante à force d’exploits ponctuels et par trop indomptable pour accomplir quelque chose de plus grand. Les fer-nés adoraient ça, ils se battaient pour la gloire et menait des guerres sans queue ni tête. C‘était bien tout le problème, c'était là ce qui les avaient conduits à cette situation, devoir changer d'identité ou mourir. La fameuse Sirène Sanglante n'échappait pas à la règle, elle était courageuse, combattante et navigatrice émérite. Mais sa vision de la grandeur Fer-Née s'arrêtait là ou elle s'était toujours arrêtée, lorsque la guerre devenait politique. Lorsque la victoire et la prospérité, avec ce qu'elle supposait de paix relative, venait s’éventrer comme un boutre mal dirigé sur l’Antique Voie. Lui oui. Et maintenant que la route devant lui était totalement dégagée, maintenant qu’il était le Sire de Cormartel, il allait pouvoir mettre ses plans à exécution. Car sa sœur avait eut néanmoins une certaine vision de l’avenir en privant presque tout Westeros de ses flottes, c’était ce qui lui permettrait désormais de négocier avec le continent pour sortir les Fer-Nés de leur archaïsme économique et diplomatique.

__ Demandez lui aussi d’inventorier le trésor de guerre.

Lança-t-il alors que le Mestre allait sortir.

Il s’assit et écrivit une missive à son frère lui demandant d’envoyer une vingtaine de boutres razzier les côtes du Conflans pour remplir les cales de richesses supplémentaires et de réserves de nourriture tandis que les autres rentreraient au bercail. Cela ferait moins de bouches à nourrir lors du banquet tout en maintenant le faste nécessaire et plus de profit à leur retour pour sa plus grande gloire. Il demanda aussi des nouvelles du Harloi et d’Asha, leur mort serait une aubaine, mais il se garda de préciser cela. Daven Lannister était retourné à Castral Roc en contrepartie d’une alliance avec la Suzeraine de l’Ouest, Silithia Lannister. Cerenna était devenue sa première femme sel et lui tenait lieu d’otage. Les pièces du Cyvosse se mettaient doucement en place. Mais il avait besoin de tous ses bateaux et ses hommes pour ce qui allait suivre. Et si Asha n’était pas morte, il fallait la rallier, d’une manière ou d’une autre. Balon comptait certainement lui léguer sa couronne, mais à n’en pas douter, elle serait rapidement contestée. Elle était valeureuse, mais hélas, elle restait une femme et il y avait fort à parier qu’une guerre de succession risquait d’éclater entre elle et Theon, sauf bien sûr, si un mariage l’unissait à une autre maison dont la légitimité ne pouvait être remise en cause. Il suffirait alors d’attendre tranquillement que Balon meure, mais cela, Greydon ne pouvait se le permettre pour deux raisons. Cet imbécile heureux était capable de mettre tous ses projets à l’eau en multipliant les pillages sans anticiper la réponse de la couronne qui, si elle tarderait à venir du fait de l’épopée de Glenhild, viendrait tôt ou tard. Et le Greyjoy ainsi que le Harloi détenaient une partie des otages Lannister qu’il avait promis à Lady Silithia. Évidemment, l’avènement de Theon arrangerait les Sept Couronne, mais les Fer-Nés ne le connaissaient pas, il n’avait pas prouvé sa valeur, il existait à peine. Cependant, il représentait un risque non négligeable.

Ça n’allait pas être aussi facile qu’il l’imaginait. Il balança sa choppe à travers la pièce et sortit, furieux, pour aller prendre l’air sur les remparts. De là, on ne voyait pas la mer, on sentait plus l'odeur des troupeaux de chèvre que celle du large et les moellons de la forteresse étaient aussi gris que le fer qu’exploitaient les mineurs. Grand Wyk était la plus grande île de toute l’archipel, elle comptait nombre de ressources sur lesquelles la fortune de la famille Bonfrère avait continué à grandir alors que les Fer-Nés dépérissaient suite à la nomination des Greyjoy comme Seigneurs Suzerains par Aegon le Conquérant et de plus en plus, après chaque rébellion. Et voilà que, malgré les conseils avisés de leur père, Glenhild avait conduit une énième rébellion, peut-être pas la plus sanglante de toutes, peut-être pas la plus longue, mais certainement celle qui permettrait à son frère de tirer son épingle du jeu. La guerrière blonde avait gagné le respect de tous les Iliens en s’attirant les foudres, probablement, de la couronne et de toutes les régions de Westeros dont elle avait réduit les flottes presque à néant.

Mais elle avait ainsi, consciemment ou non, évité des représailles sanglantes et ouvert la voie de la négociation pour une suite profitable à tous, malgré le ressentiment qui ne s’estomperait probablement pas de sitôt. Sans bateau, personne ne pouvait les atteindre et ils étaient ainsi les maîtres des mers, les innombrables Rois du Sel et les tout aussi nombreux rois du Roc ne se rallieraient qu’à un seul homme, ils n’obéiraient qu’à un seul homme, celui qu’ils auraient élu Roi du Sel et du Roc et qui ainsi, les rassembleraient tous pour mener à bien ce projet fou de faire changer la société Fer-Née avant qu’elle ne disparaisse. Balon Greyjoy ce vieux croulant sur le retour qui avait envoyé ses hommes, ses frères et ses fils à la mort sans bouger son cul du trône de grès et qui avait ensuite, comme un couard, ployé le genoux et donné son dernier héritier aux Loups les conduiraient à une seule chose. Car oui, le grand blond, au visage encore juvénile, trop peut-être pour atteindre l’objectif qu’il s’était fixé, connaissait le Fer-Prix, l’Antique Voie, le Dieu Noyé et bien que fervent croyant, il savait aussi que face à un continent unifié, le seul destin qui leur était promis était le sang et l’oubli.

La grande blonde n’était pas surnommée la Sirène Sanglante pour rien, même si, peut-être la Sirène du Noyée lui aurait mieux convenu étant donné le nombre de bateaux et de soldats qu’elle avait envoyé par le fond et la façon dont elle était morte. Sacrée Glenhild, elle lui avait coûté un frère et une sœur, et maintenant un père, mais elle lui avait peut-être ouvert la voie pour réaliser leur rêve commun.

Il hocha la tête en se remémorant les nombreuses discussions qu’ils avaient eut dans leur enfance et plus récemment. Il était le plus réfléchi et le plus pausé des triplé et ce depuis toujours, celui qui ne parle pas, qui observe, qui avance avec prudence mais qui sait où il va. La jeune femme appréciait Gran pour sa motivation sans faille dans l’apprentissage de la navigation elle l’avait d’ailleurs pris, ainsi que Gwin une de leur sœur sur la Sirène Sanglante, et c’était en la suivant entre Beaumarché et la Baie du Fer Né qu’ils avaient trouvé la mort et que Glen s’était fait capturée. Elle aimait Gormond pour sa grande gueule et sa témérité, qui lui avait d’ailleurs coûté un doigt face à son aînée, c’était d’ailleurs, non le doigt en moins mais ce courage qui lui avait valu la place aux côtés de leur père dans cette opération entre guerre contre le Conflans et Sauvetage de la belle. Mais c’était avec lui qu’elle discutait vraiment, à lui qu’elle se confiait et qu’elle racontait combien son cœur était lourd de devoir vivre à moitié face à ce Royaume des Sept Couronne qui étouffait les Îles de Fer un peu plus chaque jour. Quand elle rentrait d'expédition, c’était lui qu’elle retrouvait au coin du feu, une fois tout le monde couché, pour lui raconter ses états d’âme. A tous elle disait ses exploits. Mais à lui seul elle confiait ses aspirations et ses doutes.

Ses hommes pouvaient se targuer d’être sous les ordres d’une telle femme, surtout vu ce qu’elle rapportait de ses piratages et de ses razzias, mais aussi de certains voyages lucratifs où elle assurait la sécurité de marchandises précieuses contre monnaie sonnante et trébuchante. Pas très Fer-prix cela, mais elle aussi avait compris qu’il fallait vivre avec son temps. Son père se gargarisent de la réputation taillée dans le sang et le fer de sa fille bénie du Noyé et avait même cru un moment à un grand mariage avec Victarion Greyjoy ou Harras Harloi, mais la Sirène était trop libre, trop indomptable, et elle n’aimait réellement, à la folie, passionnément, qu’une seule chose : l’Océan. D’ailleurs, quand elle avait commencé à lui expliquer ce qu’elle comptait faire, Port Lannis et la suite de sa croisade, il avait beaucoup appris d’elle et l’avait écouté attentivement sans jamais chercher à la dissuader d’une telle folie. Avait-il saisit l’opportunité qu’elle lui offrait en agissant ainsi où ne voulait-il simplement pas la contredire ?

Il s'immobilisa un instant, intrigué par ces souvenirs. Aurait-elle pu faire tout ça, exactement pour cette raison, pour lui ouvrir la voie ? Aurait-elle pu se sacrifier pour l’avenir des Îles de Fer ? Sans hésiter. Mais était-ce pour autant son plan dès le départ ? La mort mise à part ? Avait-elle tout prévu ou presque ? Il eut un sourire en coin et posa les coudes sur le créneau face à lui. Il ne saurait jamais, il n’en serais jamais certain, mais il la savait capable de tout, même de ça. Il fallait qu’il fasse construire un boutre, son propre Navire Amiral. Il le nommerait la Sirène du Noyé et il ferait sculpter Glenhild comme figure de proue. La mer lui manquait, mais son père, conscient de ses qualités de meneur d’homme avisé lui avait confié le fief en son absence. Il allait donc faire ce qu’il faisait le mieux, gérer les opportunités que lui offraient son nouveau statut de Sire de Cormartel détenteur du trésor de guerre amassé par les Bonfrère ses derniers temps et frère d’une Grande guerrière sacrifiée au Dieu Noyé.

__ Faites préparer mon cheval !

Il devait aller au port discuter avec les prêtres des anciennes traditions. Il devait aussi envoyer tout un tas de missives. Enfin ses trop nombreuses sœurs allaient servir à quelque chose, se marier pour effectuer des alliances avec les plus puissantes Maisons nobles des Îles de Fer afin d’obtenir leur soutien. Harloi, Noirmarée, Salfalaise, Timbal. Mais tout ceci n’était que le début, il faudrait des mois pour que tout se mette en place et qu’il abatte sa dernière carte : les États Généraux de la Royauté. Seulement pour cela, il fallait que l’actuel roi meurt...

Violent - Ambitieux - Calculateur - Bon vivant - Opportuniste - Déterminé - Orgueilleux

Greydon est comme tous les Fer-Nés, il aime boire, baiser, bouffer, naviguer et se battre. Mais il est nettement plus calculateur que la plupart de ses semblables. Il a une ambition : rendre aux Îles de Fer leur gloire d'antan. C’est la même que sa sœur et il est largement aussi déterminé qu’elle, mais aussi plus patient, plus prudent et plus mesuré. Son orgueil indéniable et sa violence intrinsèque ne seront pas des obstacles, pas plus que l’Antique Voie ou le Fer-Prix qu’il est temps de faire évoluer selon lui. Il est conscient qu’il faudra à la fois convaincre les siens que les Sept Couronne qu’une issue est possible autrement quand dans le sang et que cela ne sera pas chose aisée. Mais le monde change et les Fer-Nés doivent s'adapter pour survivre, son père le savait, sa sœur ne voulait peut-être pas le voir, ou peut-être que si, qui sait ce qu'elle avait derrière la tête. Or, il pense qu'ils ont des atouts pour parvenir à sortir leur épingle du jeu et compte bien s'en servir. Mais avant, il doit gouverner, assoir son pouvoir, et pour cela, tous les moyens sont bons, même les pires.

Très grand, impressionnant malgré son jeune âge, il en impose physiquement sans spécialement avoir besoin de jouer des mécaniques. Il ne se prive pas de profiter de son physique avantageux autant pour assoir sa puissance face aux hommes que pour charmer la gente féminine. Il ressemble à son père, et il est blond avec ce regard gris-bleu semblable à l’océan lui même, comme tous les membres de la famille Bonfrère de Cormartel. Il porte en permanence sa hache à la ceinture, pour le reste de ses armes et son armure, cela dépend du contexte, mais il n’est pas habillé pour la bataille quand ça n’est pas indispensable. D’ailleurs, il a un certain goût pour les couleurs et les belles étoffes que la fortune amassée grâce aux mine de fer lui permettent de s’offrir. Cependant, il prend garde à ne pas en faire trop pour ne pas perdre le respect de ses hommes et comme tous les  Bonfrère, il porte la ceinture en peau de chèvre avec fierté à laquelle est attaché un cor noir.