Le conseil était enfin terminé. Cette corvée à laquelle elle avait dû participer. Enfin… Participer… C’était un bien grand mot car en réalité elle avait beaucoup plus écouté que réellement parlé mais elle se devait d’être présente afin de mieux comprendre de quoi il en retournait. Elle était un peu plus fixée mais ce n’était pas encore cela. Il lui manquait des bouts et puis tant qu’elle ne serait pas dans le vif du sujet, elle aurait du mal à bien comprendre tous les tenants et les aboutissants. Elle avait bien compris que le moindre faux pas les mènerait à la mort mais à quel niveau pouvait-on affirmer qu’il y avait eu faux pas ? La nuance était peut-être bien fine. C’était ce qui la dérangeait. Elle serait en compagnie de gens ayant l’habitude de jouer et une seule erreur de sa part pourrait leur coûter la vie. Tout le monde n’était pas mauvais à Port-Réal mais il y avait bon nombre de personnes prêtes à tout pour monter en grade et qui n’hésitaient pas à piétiner le voisin pour y parvenir. Elle ne devrait jamais relâcher sa garde… Super, elle adorait cela ! C’était maintenant qu’il fallait devenir adulte et surtout apprendre à nager dans le grand bain, sans bouée. Ou si, une, Edric.

Ils retournaient d’ailleurs dans ses appartements. Elle n’avait rien dit sur le chemin. Elle restait pensive. Repassant en boucle tout ce que sa nièce avait pu dire. La laisser. Cette histoire de mariage. Le poison… La mort, encore et encore et encore. Elle allait finir par en faire des cauchemars. Cela ajouté à l’inceste. Elle allait à nouveau être malade.
Elle retira sa cape et s’installa rapidement près de la fenêtre, son endroit préféré quand elle réfléchissait. Elle ne savait même pas si elle voulait qu’Edric reste ou si elle préférait être seule. Non, c’était certain, elle ne voulait pas être seule, par contre, elle n’était pas forcément d’humeur à parler, Edric, lui, avait des choses à lui dire. Elle lui tournait de dos, encore, mais elle l’écoutait. Il avait voulu se placer face à elle mais quand elle avait décidé quelque chose, elle le faisait, point à la ligne et la fenêtre lui paraissait un merveilleux endroit en cet instant.

__ « Me croyez-vous aussi stupide ? J’en suis tout à fait consciente ! Ce qui m’inquiète sont les nuances… Qu’ai-je le droit de dire ? De ne pas dire ? » Elle s’arrêta et se retourna avant qu’il ne la coupe.
__ « Je sais, je sais, TOUT ce qui concerne le « secret » ne devra être mentionné. Mais ma question, ma réelle question est : Pourront-ils lire entre les lignes ? Quelle ligne ? Et puis, sauront-ils interpréter nos mouvements ? Et si parce que j’étais nerveuse ils comprenaient que quelque chose ne va pas ? Comment faire pour ne pas être nerveuse alors qu’il m’a été très clairement expliqué, par vous et tous les autres, que nous risquons tous notre vie et pire, celle de nos proches ainsi que celle de tous les Vallois ! » Clairement, elle paniquait oui. Elle avait besoin de réponse mais elle savait que sans être devant le fait accompli, il ne serait pas forcément aisé de répondre à ses interrogations. Elle en avait tellement. De plus sa peur prenait le dessus et il lui était compliqué de passer outre.

__ « Veillerez-vous à ce que je ne boive pas une seule goutte d’alcool afin que je ne gaffe pas ? Serez-vous toujours à mes côtés ? Imaginez que je parle en dormant ? Que l’espion soit une simple servante… Il nous faudra garder nos gens…. » Elle soupira et engouffra son visage dans son étole encore sur ses épaules. S’en était presque trop.

__ « Je n’aurais jamais du insisté pour aller retrouver Père et mes frères à Port-Real. Je n’aurais pas non plus du vous mêler à tout cela. Maintenant, je sais que s’il vous arrive quoi que ce soit, ce sera de ma faute car même si je parviens à me comporter comme il faut, quoi qu’il arrive votre présence sera la cause de mon entêtement à retrouver les miens… »  Elle avait envie de pleurer, évidemment mais elle ne craquerait pas devant lui. Elle se sentait coupable. Il était son garde du corps mais jusqu’à présent il n’avait pas vraiment eu l’occasion de risquer sa vie pour elle et même si c’était surement barbant pour lui, Ysilla, elle n’avait ainsi aucun cas de conscience et il fallait avouer que cela lui convenait plutôt bien. Cependant, les choses avaient changées, maintenant, elle était responsable et très franchement, c’était assez nouveau pour elle.

Elle n’allait certainement pas se laisser insulter ! Insulter oui car au départ, et vexée comme elle l’était encore après le conseil, elle avait pris ses insinuations comme des insultes. Elle savait pertinemment qu’elle pourrait tous les mettre en danger si elle ne faisait pas attention et d’ailleurs c’était sa plus grande peur. Mais là, il la remettait devant le fait accompli sans même prendre de gant et elle n’avait absolument pas besoin de cela ce soir. Ysilla permettait énormément de choses à son épée lige, cependant, elle pouvait, sans crier gare ne plus supporter aucune remarque et user de son rang pour lui rappeler qui il était et qui il servait. A savoir son père et par extension, elle-même. Il ne fallait pas l’oublier. Elle était souple mais sous l’agacement, elle pouvait très vite perdre patience.
Heureusement, ce soir, elle était plus en colère contre sa nièce que contre quiconque. Edric pourrait payer s’il continuait à insinuer qu’elle n’était pas très fine. A l’instant, elle ne faisait que stresser mais pas encore assez pour la faire sortir de ses gonds.
De toute façon, ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire. Evidemment et en son for intérieur elle le savait bien. Comment pouvait-il l’apprécier autant et la croire complètement idiote ? Non, et puis, quand ils ne se chamaillaient pas ils pouvaient avoir des conversations tout à fait intelligentes et censées. Conversations qu’elle adorait d’ailleurs mais il lui semblait que cela faisait des lustres qu’elle n’avait pas été la simple jeune fille qu’elle avait l’habitude d’être. Insouciante et joyeuse. Elle n’avait pourtant pas appris « la nouvelle » il y avait bien longtemps mais cela avait fait un tel chamboulement dans toutes ses croyances et cela lui avait mis une telle claque qu’elle s’en sentait changée.

__ « Je l’espère, du fond du cœur.
Je n’arrive plus à être la lady que j’étais. Comment voulez-vous que je reste la même alors que j’ai appris de telles horreurs ?! Comment pourrais-je continuer à être joyeuse alors que nous risquons tous notre vie ? Je vais devoir apprendre à jouer la comédie. Ce n’est pas vraiment l’un de mes meilleurs talents. Mentir… Cela ne pose aucune problème à certaine, mais moi. Je n’ai jamais eu à jouer ainsi. » En réalité il faudrait qu’elle prenne cela comme une challenge à relever. Elle n’était pas spécialement bonne sous la pression mais finalement, vu que personne ne savait qu’ils savaient, elle pourrait peut-être tenter le truc sans trop de casse. Sans casse tout court d’ailleurs puisque si elle commettait la moindre erreur ce serait la fin pour eux.
Il ne fallait pas non plus qu’elle oublie qu’elle n’était finalement qu’une petite Lady mignonne aux yeux de tout le monde à Port-Real. Pas quelqu’un de foncièrement important alors, si réellement ils essayaient d’en savoir plus, ils ne viendraient peut-être pas la solliciter.
A chaque fois qu’elle avait été en Terre de la Couronne elle avait effectivement été la petite jeune fille qu’elle était encore il y avait quelques jours et qu’Edric venait de décrire. Joyeuse et amicale. Naïve aussi. Pourquoi mettre une telle personne dans le secret ? Elle pouvait compter là-dessus pour ne pas être trop embêtée.
Là encore, tout cela n’était que supposition mais elle croisait les doigts pour que les choses se passent ainsi. Encore faudrait-il qu’elle parvienne effectivement à être elle-même.
Elle prit une profonde inspiration et retira son visage de son étole. Prenant ainsi une grande bouffée d’air frais. Toujours installée près de la fenêtre, elle regardait maintenant son chevalier, l’air las et fatigué.

__ « Je ne sais pas. J’imagine le pire. Mais j’aimerais effectivement que vous ne vous éloigniez pas trop. Il ne faudrait tout de même pas que cela attire les soupçons. Pourquoi une simple lady ne quitte jamais son épée lige ? Nous devrons sembler être en parfaite confiance là-bas alors malheureusement, nous ne pourrons être toujours « collés ». De plus, je ne voudrais pas que cela fasse jaser et que quelqu’un se mette à penser qu’il se passe quelque chose entre nous. Imaginez la colère de Père si tel était le cas. Nous n’avons pas le droit de le mettre au courant et nous ne pourrions lui expliquer la raison d’un tel rapprochement alors n’attisons pas le feu. Vous resterez dans les parages mais nous devrons faire en sorte que votre surveillance ne soit pas trop voyante. » Enfin des paroles censées.
Elle ne supporterait pas que quiconque aille se mettre en tête qu’elle fricotait avec son garde personnel. Ce n’était absolument pas dans son caractère d’agir ainsi. Le pire serait que quelqu’un de mal intentionné aille en parler à Lord Yohn ou encore Andar ou Robar. Elle ne saurait plus où se mettre et serait mortifiée. Cela allait de soi. Puis si Edric ne la quittait pas d’une semelle ce serait aussi louche car à priori, elle ne craignait pas grand-chose pour une visite qui se voulait tout à fait honnête.
Ashara avait le droit de toujours se balader escortée mais pas Ysilla. Ce serait tout à fait ridicule du point de vue des Lions. Pas du leur mais le plus important était ce que les félins voyaient et non l’inverse.

__ « Vous êtes un chevalier si courageux. Je ne me le pardonnerais pourtant jamais si il vous arrivait quoi que ce soit. Je ferais au mieux pour qu’il n’arrive rien. Tenir ma langue et être moi.
Néanmoins, si le pire arrivait et que je me retrouvais coincée à Port- Real, j’aimerais que, comme ma chère nièce, vous partiez. Il semblerait qu’il ne soit pas judicieux d’exécuter une personne comme moi, après tout, je vaux cher. Vous par contre… Ne le prenez pas mal mais vous n’êtes pas si « prestigieux » alors j’accepte que vous reveniez pour me sauver, mais par pitié, filez quand vous le pourrez pour mieux revenir, plus préparé. » Allait-il accepter ? Hum… Elle n’était pas un homme et n’avait pas cet honneur chevaleresque que certain avait alors elle ne pouvait pas comprendre que ce serait peut-être la disgrâce pour lui de laisser ainsi en danger mais c’était la meilleure solution non ?

Il avait raison, la lady qu’elle avait toujours été était toujours là, elle n’avait pas pu changer autant en aussi peu de temps. C’était impossible mais cette peur qui faisait maintenant partie intégrante d’elle-même le rendait nerveuse ce qui bloquait son petit côté « mignon ». Elle avait pris conscience de beaucoup de choses, choses qui avaient quasiment tué son innocence. Elle avait encore énormément de choses à apprendre et à voir avant d’être une adulte avertie mais tout cela lui avait mis un sacré coup.
Ce qu’Edric lui disait était donc censé mais difficile à réaliser, principalement quand on est du genre borné. Difficile aussi quand on est pas vraiment habitué à jouer la comédie. Elle devrait pourtant se faire violence pour le bien de tout le monde. Relâcher la pression uniquement quand elle serait seule ou en compagnie de ceux dans la confidence.
__ « Moui… Comment feriez-vous pour trouver cette « boite » en vous ? L’ouvrir et la fermer à votre guise ? » Ce n’était pas une question en l’air. Elle avait réellement besoin de conseil pour être à la hauteur de ce que l’on attendait d’elle. Si lui savait le faire alors elle prenait tous les conseils qu’il pouvait lui donner. Il était bien plus sage et avisé qu’elle, elle en était parfaitement consciente. La personne à laquelle elle aurait réellement voulu demander conseil était sa suzeraine mais le temps où elle pouvait aller la voir à sa guise était passé et bien loin. Maintenant elle était mariée et c’était avec son époux qu’elle passait ses nuits. Elle était à un stade qu’Ysilla ne connaissait pas et qu’elle lui enviait quelque peu sans pourtant se l’avouer.
Il lui était donc impossible de se rendre dans les appartements de sa nièce pour lui demander comment agir pour cette raison qui s’appelait Lord Corbray. Cependant, ce n’était pas la seule raison. Ysilla, toujours vexée, aurait été incapable d’aller demander de l’aide à Ashara maintenant. Vexée et fière, elle n’avait de plus pas envie de se montrer, encore, incapable. Edric était son seul soutien. Elle n’avait ni ses frères, ni sa mère, pas non plus ses amies, non, le seul réellement là pour elle était Edric, son fidèle chevalier.
Il lui offrit un verre qu’elle accepta sans même le remercier réellement. Elle le prit et but une grosse gorgée. Elle s’était approché d’un fauteuil dans lequel elle finit par se « laisser tomber ». Elle soupira encore fortement et l’invita à s’asseoir en face d’elle. Ce serait bien plus agréable pour parler sérieusement.

__ « Des jeunes femmes à courtiser… Quel âge avez-vous maintenant ? Il serait temps pour vous de prendre femme. Vous feriez un excellent époux, j’en suis sure. » Elle lui fit un sourire. Le premier vrai sourire depuis quelques temps. C’est vrai, il lui faudrait se marier. Cela arriverait forcément un jour et elle avait hâte pour lui. Il serait un très bon époux. Il n’était pas fortuné mais c’était un homme bon et courageux. Un homme certes sans titre mais un homme qu’elle respectait pour tout ce qu’il représentait.

__ « Je sais que c’est votre devoir de me défendre à la vie à la mort, mais si jamais j’étais faite prisonnière pour on ne sait quelle raison, si ce n’est pas « simple comme bonjour » de me délivrer, alors partez. Je ne veux pas que vous vous lanciez dans un combat qui pourrait vous couter la vie.
Lady Ashara l’a dit, nous leur serons plus utiles vivantes que mortes alors ne vous inquiétez pas. Quant à cette histoire de mariage, je préfère ne pas y penser ! Père devrait être celui qui choisira mon époux. Pas la suzeraine et encore moins dans de telles circonstances ! Etre unie à Tywin Lannister… Cet homme me donne froid dans le dos.
Promettez moi de ne pas vous jeter dans un sauvetage impossible. » Elle y tenait, vraiment. Tout comme elle espérait fortement ne pas avoir à épouser le doyen des Lions. La vendre ainsi ?! Mais qu’était-elle, une vulgaire marchandise ?! Son père n’aurait jamais autorisé cela ! Jamais ! Malheureusement, Ashara avait pris du galon et maintenant, elle pouvait décider. Décider de la vie des autres. Bien sûr oui, cela elle le savait depuis longtemps. Le suzerain avait ce droit sur ses « sujets ». En cas de besoin il pouvait exiger telle ou telle chose mais elle était comme sa sœur. Ysilla devait être bien trop sentimentale pour tout cela. Apprendre, encore et toujours. Elle avait tellement de travail à faire pour parvenir un jour à comprendre tout cela.

Une femme, elle ? Non, elle ne se sentait pas vraiment femme, pas non plus « en devenir ». Elle était… Eh bien, elle était Ysilla Royce , jeune fille supposée en fleur mais qui ne prêtait absolument aucune attention au sexe opposé. Elle s’en fichait. Le seul dont elle s’occuperait serait celui que son père aurait choisi pour elle. Enfin, ça, c’était ce qu’elle pensait avant car maintenant, il faudrait peut-éventuellement qu’elle apprenne à s’occuper d’un Lion. Enfin… Hypothétiquement. L’idée avait été lancée alors cela allait de soi, elle y pensait.
Elle s’était toujours imaginée avec un homme comme son père. Grand et fort, plein de charisme, impressionnant. Pour le moment, Tywin Lannister remplissait plutôt bien tous ces critères même si il lui faisait plus peur qu’autre chose. Là où il était différent c’était au niveau de la gentillesse, de l’ouverture… Elle ne le connaissait pas, certes, mais il n’était pas très avenant.
En tant qu’épouse, elle s’était toujours imaginée comme sa mère. Comment être comme sa mère si en face le mari n’était pas comme son père ? Ce serait compliqué. Pour elle, l’amour venait une fois mariée ou si ce n’était pas de l’amour, il devait y avoir une grande affection. Bien que pas en attente de l’Amour, elle espérait tout de même trouver le bonheur. Trouver le bonheur avec un Lannister ? Stupide idée !
Elle n’était donc pas en encore femme. Pas prête à laisser de côté ses rêves de bonheur. Pas prête car cela ne lui avait finalement pas été demandé. Si tel était le cas, elle devrait s’y résoudre. Là où Edric ne se trompait pas c’était sur le fait qu’elle ferait effectivement ce qu’il faudrait pour les siens. On ne pouvait pas être élevée aux côtés d’Ashara Arryn sans pour autant se sentir Valloise jusqu’au bout des ongles et prête à tout pour que sa région prospère, encore et toujours.

Elle le regarda. Il avait fermé les yeux et semblait réfléchir.

__ « A quoi pensez-vous ? » Elle était curieuse et puis cela lui changerait peut-être les idées.
Il lui expliqua ensuite ce qu’elle avait à faire pour trouver la boîte en elle et y cacher tout ce qui pouvait encombrer son esprit.

__ « C’était ce que vous faisiez alors ? Vous chassiez les mauvaises pensées ? » Elle lui sourit. Elle ferma aussi les yeux et tenta de faire ce qu’il lui disait. Hum… Difficile à l’instant. C’était la première fois, elle devrait encore s’entrainer. Encore et encore. Elle ouvrit ses yeux puis les referma à nouveau, tentant encore de suivre ses conseils.



Porte fermée ! Secret enfoui ! Oui, enfin, en théorie parce qu’en pratique ce ne serait surement pas si simple. Elle lui sourit puis grimaça un peu.

__ « Je crois que c’est bon… Enfin… C’est difficile quand on a jamais pratiqué ! » Bah oui ! Il lui en demandait beaucoup ! Pas demandait car ce n’était qu’un conseil pour qu’elle vive mieux les circonstances ! Il avait toujours été d’une aide précieuse. Elle l’appréciait pour cela.

__ « C’est vrai. L’honneur et le courage ne sont pas vraiment les qualités recherchées par les familles ayant des jeunes filles à marier. Du moins, pas chez nous. Le titre compte plus mais je pensais que les choses étaient plus simple pour les gens comme vous. » Ce n’était nullement condescendant. Elle était ainsi. Il y avait elle, sa famille, les autres nobles, et les autres, les pauvres. Elle appréciait énormément Edric mais il faisait partie des pauvres. Ce n’était pas vraiment le même monde. Lui travaillait au service de nobles. Son père à elle ne travaillait qu’avec la Suzeraine. Il n’était pas au pouvoir, non, cependant, il était important ! Pour elle, son époux le serait aussi. Edric devrait donc se trouver une petite jeune fille de son acabit. Il aurait surement même l’occasion de se marier par amour ! Incroyable ! Les pauvres pouvaient se le permettre, pas Ysilla Royce. Tout cela n’était qu’inepties, évidemment, mais pas pour elle.

__ « Désirez-vous un mariage d’amour ? » Eh bien… Jamais elle n’avait parlé de cela avec lui ! Cependant, là, enfin, elle pensait à autres chose ! C’était magique. Parler légèrement lui donnait l’impression de se retrouver ! C’était grâce à lui. Si Waymar avait été là, elle se serait jetée dans ses bras et aurait pleuré, attendant qu’il la réconforte. Elle aurait passé la nuit avec lui et elle serait de redevenue celle de toujours. Son frère lui manquait tant ! Elle était perdue sans lui et la situation dans laquelle elle se trouvait actuellement lui rappelait un peu plus à quel point la vie était difficile sans lui.

Heureusement qu’il n’avait pas dit à haute voix qu’il ne pensait pouvoir trouver une femme qui veuille de lui. Elle lui aurait ri au nez ! Non, il n’avait pas de titre ou encore d’argent mais une femme sans titre ni argent non plus ne pouvait faire la fine bouche ! Il pourrait très bien trouver une épouse de plus basse naissance que la sienne et la séduire, qu’elle tombe amoureuse et voilà ! Après, si il voulait s’élever socialement, c’était autre chose et cela elle ne le comprenait pas pour quelqu’un comme lui. Elle partait du principe qu’un homme ne devait chercher ou ne pouvait chercher la « gradeur » en passant par celle avec laquelle il se marierait. Ce n’était pas assez masculin ! Et puis, il était chevalier fieffé, c’était déjà bien beau alors pourquoi en demander encore plus ?
Non, Ysilla Royce n’était pas très ouverte d’esprit et surtout pas très tolérante concernant les désirs de grandeurs des « petites gens ». Elle ne les considérait pas réellement en tant que personnes ayant des vœux, des envies ou des désirs. Ils devaient se contenter de ce que les nobles leur donnaient et remercier chaque jour les Sept pour ces cadeaux. Elle était ainsi et ne s’en cachait pas. Elle ne voulait blesser personne mais elle ne changerait pas. Du moins, pas sans beaucoup de travail.
Pourtant elle n’était pas non plus membre de la famille la plus prestigieuse des Sept Couronnes mais elle avait son ego. Sa fierté et bien qu’elle ne se sente pas Arryn pour un sous, n’en partageant pas le sang, elle avait leur fierté parfois mal placée !

Il chassait les mauvaises pensées, elle avait essayé de faire de même. Difficile mais elle recommencerait et essaierait jusqu’à y arriver. Elle avait trouvé la boîte dans laquelle ranger ses mauvaises pensées, elle ne devait pas la perdre !

Oh, elle avait dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Non ! Il devait pourtant être habitué ! Elle disait toujours ce qui lui passait par la tête sans réfléchir aux conséquences. Blesser les autres ? Mais non puisque ce qu’elle disait était pure et simple vérité ! Pas besoin de se vexer pour si peu !

__ « Vous recherchez donc l’amour ? Justement, ce sera peut-être plus simple vu qu’il n’y a aucun enjeu et rien à gagner.
Je ne parle pas de cela avec les autres suivantes. Comme vous le savez, cela ne m’intéresse pas le moins du monde. Mais… » Oh, elle avait eu une idée ! Cela lui occuperait l’esprit et elle rendrait ainsi service à Edric qu’elle estimait. Oui, elle en disait des choses, mais elle l’estimait bel et bien !

__ « Je vais me renseigner. Pour vous ! Mener mon enquête et continuer cela jusqu’à Port-Real ! Je serais ainsi occupée et je me rendrais utile ! J’aimerais vous voir heureux. Vous le méritez et puis je suis certaine qu’Ays elle aussi trouvera bientôt un époux digne d’elle. Vous n’aurez donc plus à la surveillez comme vous le faites et à ce moment-là, il vous faudra une épouse ! » Oh, ce qu’elle était heureuse de son idée ! Oui ! Elle allait elle-même tenter de lui trouver une épouse. Ce serait sa mission à elle ! Ben moins dangereuse que celle à laquelle tout le monde autour d’elle se préparait mais cela lui permettrait de garder son esprit bien occupé ! Malheureusement elle ne savait pas encore vraiment avec qui elle pourrait le caser mais elle essaierait d’en discuter avec Alys. Oui !
Voilà, elle était de meilleure humeur. Son idée la ravissait.

__ « Je vous rendrais heureux mon cher Edric ! » Et oui ! Elle ferait ce qu’elle pourrait en tout cas ! Ce ne serait surement pas évident mais elle acceptait le challenge ! Il ne lui avait rien demandé, non, cependant, elle décidait ! Elle n’en avait toujours fait qu’à sa tête et cela n’allait certainement pas changer. De plus, l’idée éventuelle de le rendre heureux la rendait elle-même très heureuse. Elle avait l’air de le sous-estimer peut-être de par son rang dans la société, pourtant, il lui était très cher et puis lui importait son rang finalement. Elle faisait tout un plat de la hiérarchie sociale, néanmoins, elle était tout à fait capable d’aimer, pas amoureusement, cela allait de soi, quelqu’un d’inférieur à elle.

Elle savait qu’il était important de faire un bon mariage, cependant, elle ne pouvait comprendre tous les tenants et les aboutissants. Pour elle, c’était assez simple puisqu’elle ne se posait aucune question. N’étant jamais tombée amoureuse de personne elle ne s’était jamais posé LA question : « Serait-ce ou non judicieux de l’épouser d’un point de vue politique, économique ou culturel ?! » Tout était si simple pour elle. Père déciderait pour elle et on en parlerait plus. Ce serait lui qui se poserait les bonnes questions, lui ou Ashara… Ce n’était pas juste, elle ne voulait pas de cela mais devrait se plier.

Elle se mit à bailler. Elle était exténuée. Toutes ces histoires l’avaient vraiment épuisée, mentalement, certes mais aussi physiquement, aussi étrange que cela puisse paraître. Elle avait besoin de se reposer. Cela n’arriverait surement pas de sitôt. Plus jamais ? Elle en doutait depuis qu’elle savait. Elle était trop sensible pour cette vie. Elle se donnait parfois des airs mauvais mais en réalité, elle représentait à sa manière, la gentillesse. Elle manquait souvent du tact dont une lady devait se parer mais jamais elle ne pensait à mal. Chaque chose avait une place et ne pas être franc était pour elle synonyme de mensonge, elle détestait cela. Non, elle ne devait pas être assez solide, ou du moins, elle ne l’était pas encore.
Là n’était pas le propos. Heureusement car elle n’aurait pas compris. Elle se sentait tout à fait à la hauteur. Elle n’était juste pas assez préparée voilà tout !

__ « Ser Shett votre père est un homme malin et avisé ! » Un compliment ! A prendre, elle n’en faisait pas souvent. Mais de toute évidence son père avait tout compris. Le mariage c’était l’élévation sociale ! Bien joué ! Elle aurait été un horrible père !

__ « De tout, de rien. Les conversations des jeunes filles ne devraient pas vous préoccuper ainsi. Nous ne parlons pas de vous, c’est le principal je suppose. » En tout cas les filles ne parlaient pas de lui devant elle ou devant Alys, enfin, c’était ce qui lui apparaissait. De toute façon, dès qu’elles se mettaient à glousser pour aborder le sujet des hommes séduisants Ysilla prenait la poudre d’escampette. Cela l’ennuyait tellement ! A chaque fois elle leur disait : « Mais cessez de vous occuper ainsi du sexe opposé ! Voyons, mesdemoiselles ! Vous savez très bien que quoi qu’il arrive vous n’aurez pas votre mot à dire ! Quel intérêt alors de baver ainsi ? » - « Pour le plaisir des yeux ma chères Ysilla ! N’êtes-vous pas sensible à la beauté ?! »
Parfois elle se demandait si elle était bien normale. Effectivement, le plaisir des yeux ne lui parlait pas beaucoup. Elle s’en fichait royalement.

__ « Le tout n’est pas vraiment qu’elle s’y intéresse en réalité mais bien qu’elle s’y plie.
Votre père est un homme intelligent, il ne laissera pas filer un bon parti s’il en trouve un pour la simple et unique raison qu’Alys fait la forte tête. Là n’est pas le rôle d’une jeune fille bien élevée.
Alys saura être raisonnable, j’en suis sure. » Elle bailla aux corneilles et s’en excusa immédiatement. Elle allait finir par tomber. Et puis, cela la fatiguait encore plus toutes ces personnes à la recherche d’un bonheur tout à fait illusoire.
Elle ne pensait pas comme eux et par conséquent, ils pensaient tous mal. C’était logique pour elle ! Elle, elle était soumise, la vraie future épouse parfaite ! Pour ce qui était de trouver un mari qui ne serait pas violent, cela l’inquiétait évidemment mais elle n’en parlait pas.

__ « Je vais être contrainte de vous chasser. » Elle se leva pour se diriger vers la porte afin de le raccompagner.
__ « Je suis vraiment fatiguée et de dures journées s’annoncent.
Je vous remercie pour vos conseils et cette oreille que vous m’avez prêtée.
Bonne nuit Ser. » Expéditive ? Non, absolument pas. Elle avait juste besoin de dormir maintenant et d’être un peu seule pour se remettre les idées un peu en place. Il l’avait beaucoup aidée, elle en était extrêmement reconnaissante. Elle penserait à ses conseils quand elle se sentirait sur le point de craquer et elle ferait de son mieux pour lui trouver « L’Amour », elle l’avait promis !