La petite fête était terminée depuis deux jours déjà et pourtant, le troubadour avait trouvé un moyen de rester dans les parages de la capitale. Et puis, il n'avait pas non plus de mal à se faufiler dans le palais, après tout, c'était l'un des avantages à être musicien de cour : on allait là où on le voulait tant que ça restait dans la mesure du raisonnable des hôtes.
D'ailleurs, en parlant d'hôtes, Ryan repensa à la fête qui avait eut lieu tantôt et il ne put s'empêcher de sourire joyeusement en se remémorant la reine. Il n'était pas peu fier d'avoir réussit à attirer son attention, même si ce ne fut qu'un instant et qu'elle ne se souviendrait sans doute plus de lui dans quelques jours. C'était ce qu'il devait cependant éviter. Il devait faire en sorte que cette grande dame se rappelle de lui, de quelques manières que ce fut. Le souvenir était le début de tout relation après tout. Et puis, il ne comptait pas laisser filer le gros poisson qu'elle représentait à ses yeux. Sans compter que rester ainsi à Port-Réal représentait pour lui un autre avantage majeur, en plus de s'amuser à tenter d'obtenir les faveurs de la dame : ça le faisait connaitre! Musicalement parlant, bien entendu. Et ça, c'était bon pour les affaires! Bon nombre de petits lord péteux se mettraient à réclamer de ses services lorsqu'il aura joué quelques fois, avec succès, à la cour royale et ainsi, ça fera monter ses affaires de manière non négligeable. Et oui, si l'ancien chevalier était au service de Renly Baratheon, il laissait tout de même une place importante à sa chère et tendre musique ainsi qu'à son métier-couverture de troubadour.
C'est presque à se demander à quoi le jeune homme est-il le plus loyal : la musique ou le Baratheon ?  

Comme pour appuyer ses dires précédents, le musicien se baladait tranquillement dans les immenses jardins du palais, se plaisant à se perdre dans ces océans de verdure. Le petit rossignol quand à lui, s'amusait joyeusement à voler d'arbre en arbre, chantant de concert avec ses confrères à plumes.
La cape de voyage brunâtre du bâtard pendait dans son dos, dissimulant ses deux instruments qu'il portait, ne laissant voir d'eux que le bout du manche de sa mandoline ainsi qu'un petit morceau de sa lyre. Son chapeau à larges bords empêchait ses cheveux de voler dans tous les sens et son apparence de globe-trotteur dégingandé-mais-pratique-et-élégant contrastait fortement avec les belles parures des nobles environnants. Si certains le regardait avec mépris, le jeune homme n'en avait que faire ; après tout, il aimait par dessus tout rester lui-même tout en pouvant s'amuser à déranger la faune présente.
Un petit chant de son fidèle ami ailé sortit Ryan de ses pensées diverses et variées. Regardant autour de lui, le jeune homme se rendit compte qu'il s'était éloigné du chemin principal et qu'il avait tout bonnement réussit à se perdre dans les petits dédales étroits et tortueux de verdure des jardins.

Avançant de manière discrète, il se mit à se mouvoir sans bruit, plus par réflexe qu'autre chose, la seule chose pouvant le trahir étant les bruissements légers de ses vêtements. Après de longues minutes de marche sans croiser personne, le brun finit par voir, au bout d'une allée étroite, une silhouette féminine. Tout en avançant vers cette inconnue, il décrypta du regard les vêtements de celle-ci. De toutes évidences, ce n'était clairement pas une noble au vu de sa manière de se vétir... Ryan aurait plus penché vers une servante ou quelque chose comme ça. Mais c'était étrange de voir une de ces filles ici, sans maître ni maîtresse... Qui plus est, elle semblait se cacher de quelque chose, ou plutôt, elle semblait observer en cachette quelqu'un. Peut être était l'une de ses filles sous le charme d'un beau chevalier qu'elle se plaisait à épier en douce. Ou bien était-ce l'un de ses petits oiseaux au service d'une certaine araignée ; au quel cas, elle était quelque peu maladroite pour le coup... Quoiqu'il en était, cela lui était bien égal, les intrigues de la cour ne concernant pas. Tout du moins, pas pour l'instant...
Tout en s'approchant, alors qu'il allait ouvrir la bouche pour parler, la demoiselle se retourna en sursautant, ce qui ne manqua pas de faire sursauter le jeune homme a son tour. Voyant le visage surpris de la jolie inconnue, Ryan ne put s'empêcher de sourire de son air charmeur tout autant que désolé avant de prendre la parole de sa voix douce et mélodieuse, faisant une petite révérence humble au passage.

Au début, le regard de la jeune femme s'était arrêté sur tout autre chose que sur celui du troubadour. N'ayant pas à tourner la tête, écoutant juste le chant caractéristique de son compagnon chanteur, l'ancien chevalier su aussitôt qu'elle avait les yeux posés sur le rossignol. Souriant intérieurement, il se surprit à penser que c'était la première fois qu'il se faisait prendre de court par son oiseau. Cette simple pensée l'amusa sans qu'il n'en montre cependant quoique ce fut, conservant son sourire doux et joyeux.
Prenant le temps de la détailler du regard d'une manière discrète, le bâtard ne put s'empêcher de se dire que son interlocutrice était franchement plus jolie à regarder que toutes ces vielles nobles poudrées qui avait tendance à lui faire de l’œil, à son plus grand dégoût d'ailleurs. A un âge, il fallait savoir s’arrêter après tout! Mais là n'est pas la question et revenons à nos moutons. En la voyant de plus près mais surtout, de face, sa manière de se tenir et l'état de ses mains ne firent qu'accentuer ce que le jeune homme avait pensé un peu plus tôt. Et maintenant, il en était sur : cette fille ne pouvait qu'être une femme de chambre. Possédant un petit quelque chose de charmant, la demoiselle aurait également put être l'un de des filles de ce drôlement nommé Littelfinger cependant, ses vêtements ne correspondaient en aucun cas.

Revenant sur le joli visage fin de l'inconnue, le troubadour ne put s’empêcher de s'étonner des superbes cheveux de cette demoiselle. Rare était les gentes dames à avoir de tels cheveux alors que cette simple petite domestique les possédait : longs, brillants et naturellement beaux. Le poète aurait put continuer à s'extasier des heures durant devant cette beauté capillaire, cependant, il revint rapidement sur terre. Écoutant la phrase de la jeune femme, il sourit légèrement d'un petit air mi-doux, mi-goguenard, plongeant avec douceur ses yeux bleu dans ces prunelles si semblables aux siennes. Puis, en un souffle doux que l'eut aisément prit pour un murmure, il lui répondit juste :

- Je souhaite bien des choses que vous ne seriez en mesure de me donner, ma dame...

Le plaisir de sous-entendre sans rien dévoiler : son jeu et sport personnel. De cette phrase il faisait ainsi signifier qu'il ne ferait absolument rien à l’inconnue et que, de manière plus large, elle ne l’intéressait pas.
En un sens, c'était vrai, il ne lui voulait aucun mal et ne lui ferait absolument rien de néfaste. Mais, d'un autre côté, le fait de dire qu'elle ne l'intéressait pas était quelque peu faux : bien évidement qu'elle l'intéressait! Après tout, aucune femme ne l'intéressait pas. Chacune avait ce petit quelque chose qui faisait qu'elle était unique et donc, diablement intéressante et désirable. Dis ainsi, le troubadour pouvait aisément passer pour un pervers notoire, mais il n'en était rien. Il aimait les femmes, certes, et ne s'en cachait nullement, cependant, il les aime comme un poète aime sa muse, comme un collectionneur aime sa pièce la plus importante, comme un enfant aime son petit chaton. Pour lui, elles ont quelque chose de magique et d'unique qui fait qu'elles seront toujours à la foi les plus doux êtres, comme les plus grandes persécutrices des hommes. Et, en cela, elles fascinaient le musicien.
Et cette jeune enfant ne faisait pas exception à la règle.

Le sourire qui naquit sur les lèvres de celle-ci ne fit qu'accentuer cette petite admiration qu'il portait à la gente féminine.
Se re-concentrant cependant vite sur les indications que l'inconnue lui fournissait, il allait la remercier vivement lorsqu'elle attira son attention sur sa lyre. Visiblement, elle n'avait jamais vu cet instrument, chose que le musicien ne pouvait que comprendre, surtout lorsque l'on savait d'où il était originaire.

- Un grand merci pour vos indications, ma Dame ; grâce à vous, je suis sauvé!
Quand à ceci...

Tout en parlant, le bâtard sortit de son dos la lyre, la présentant à la jeune femme sans cependant la lâcher ; il y tenait bien trop pour cela. Tout en laissant la jeune fille la regarder, il continua sa phrase.

- C'est une lyre. Un objet que l'on dit tantôt originaire d'une ancienne ville d'Essos, tantôt de Dorne mais, en somme, on ne sait pas vraiment d'où elle vient... Voudriez-vous en entendre quelques notes?

Faisant glisser ses doigts sur les cordes de l'instrument, il l'invita, sans attendre la réponse de son interlocutrice, à le suivre d'un geste élégant et mesuré. Passant devant elle en sortant ainsi de l'allée étroite et étouffante. Se dirigeant vers un banc placé à quelques mètres de là, il invita la jeune fille à s’asseoir à côté de lui avant d'en faire de même. A ce moment là, le petit rossignol s'envola de sa branche et vint se poser sur le chapeau du musicien, chantant joyeusement. Effleurant de nouveau les cordes en une douce mélodie courte, le troubadour plongea de nouveau les yeux dans ceux de la domestique, souriant de son air éternellement doux avant de lui poser une simple question.

- Y a-t-il une musique qui vous ferait plaisir?