An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

La blonde riait toujours, tandis que la Myrienne l'attirait à elle. Tous ses efforts pour se rendre plus masculine, de ses gestes à sa voix qu'elle rendait plus grave, étaient inutiles, mais faisaient au moins rire la femme de l'Ouest, qui se sentait comme retombée en enfance grâce à ce jeu. Calmée au bout de quelques secondes, elle répondit à sa compagne d'un hochement de tête, un sourire amusé resté accroché à ses lèvres.

Elle sentait son souffle courir contre sa joue, la faisant parfois frémir et légèrement rougir. Elle constata assez tardivement que les yeux noirs de Serenei s'étaient posés sur ses lèvres, avant que ses lèvres ne viennent s'y écraser, non sans douceur. Surprise, Silithia ne manqua pas de tressaillir. Ses lèvres étaient douces et chaudes, l'embrassant avec une délicatesse sans nom. Jamais une femme ne l'avait embrassée. Et pourtant, lorsque la Myrienne se recula, la blonde émit encore un léger rire, se prêtant elle aussi au jeu.

-Je n'aurais pu trouver meilleur remplaçant !, souffla-t-elle.

Les joues légèrement rouges, ses yeux pétillaient de malice, de la même façon que ceux d'un enfant, ses lèvres toujours ourlées en un sourire amusé. Serenei était une femme avenante et visiblement entreprenante, mais la blonde ne pouvait qu'apprécier cette légèreté, qui était bien loin de la rigidité des nobles qu'elle côtoyait chaque jour. Au moins aurait-elle eu son lot d'aventures en compagnie de la Myrienne, entre escapades nocturnes et baiser volé.

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Violer les interdits, n'était-ce pas exaltant ? Le cœur de Silithia battait à tout rompre, ses yeux pâles observant le regard sombre de la Myrienne tandis que celle-ci la resserrait un peu plus contre elle. Elle l'embrassa une seconde fois, souriant contre ses lèvres, avec une sorte de fougue que la blonde avait déjà pu connaître dans les bras d'hommes. Ce que dit Serenei ne fut pas entièrement compris par la jeune Ouestienne. Curieuse comme elle l'était et passionnée par la lecture et la découverte, elle avait bien sûr appris les bases du Valyrien. Elle comprit donc délice, et sourit un peu plus.

Lady Wythers lui parlait de se revoir, de nuit, dans ces mêmes jardins, desserrant légèrement son emprise, permettant à la colombe de s'échapper pour revenir caresser l'eau de la fontaine du bout des doigts, un sourire mystérieux au coin des lèvres. Serenei était une femme plutôt unique en son genre, secrète et réservée sur sa personne, mais semblant se lier bien vite aux autres. Une femme très intéressante, mais aussi très intriguante aux yeux de Silithia. Elle tourna à peine son visage vers sa douce compagne, plein de tendresse et de malice dans le regard.

-Ce serait avec plaisir ! Sortir ainsi, de nuit, sentir le vent frais, la douce odeur des fleurs... votre bien agréable compagnie. Elle rit légèrement, comme une enfant, ses yeux caressant un instant la surface de l'eau claire, et elle dit, rêveuse : Vous êtes bien mystérieuse, lady Wythers. Quels sont donc vos secrets les plus enfouis ? Quels sont les secrets que recèle une Dame telle que vous ?

Disant cela, la blonde s'était rapprochée à grandes enjambées, saisissant les mains de l'intéressée entre ses doigts fins, son visage n'annonçant rien que la douceur d'un oiseau blanc et pur, penché doucement sur le sien. Ses lèvres proches de celles de Serenei, elle murmura doucement, son sourire transparaissant dans sa voix :

-Un secret contre un secret, voulez-vous ?

An 298 • Sixième lune • Semaine 2 • Jour 2.

Le sourire teinté d'amusement de Silithia fit bien vite place à une mine presque inquiète tandis que Serenei lui avouait ne pas aimer son époux. A vrai dire, ce n'était pas quelque chose de rare, mais la demoiselle de l'Ouest se demandait tout de même comment son père avait-il pu se servir d'une si douce femme comme d'une simple marchandise. Elle ne dit cependant rien au sujet de cette pensée, se contentant d'esquisser un sourire qui se voulait réconfortant -bien que Lady Wythers ne semblait pas en avoir réellement besoin- et de caresser doucement sa main, la regardant dans les yeux.

-Votre époux, lui, doit vous aimer de tout son être. On raconte qu'il est tombé fou amoureux de vous, et qu'il vous a ramenée plutôt que de ramener le Roi Mendiant. Elle rit légèrement. Est-ce donc la vérité ?

Lady Farman écoutait beaucoup ce qui se disait autour d'elle. Dans les jardins, dans les châteaux, dans les villes, dans les campagnes. Où qu'elle soit, elle écoutait les rumeurs, cherchant à démêler le vrai du faux, à être la plus avertie au sujet des autres. Et elle n'avait entendu que du bien de la Myrienne, des rumeurs sur sa beauté ainsi que d'autres sur son histoire. Tout lui paraissait vrai. Mais à ses yeux, sans savoir pourquoi, elle ne pouvait s'empêcher de la trouver mystérieuse. Peut-être trop avenante, trop douce, trop gentille.
Mais c'était à son tour de lui dire un secret, aussi se pencha-t-elle à nouveau vers Serenei pour lui souffler à l'oreille :

-Je n'ai jamais aimé ni mon frère, ni ma mère. Elle se recula légèrement. Ce n'est pas très croustillant non plus.

Malgré la dureté de la révélation, révélation qu'elle n'avait d'ailleurs jamais faite à personne, elle avait toujours un sourire léger accroché aux lèvres. Non, elle n'avait jamais pu aimer sa mère ou son frère, puisque tous deux étaient odieux avec elle. Mais elle avait une bonne raison, et ne pouvait donc pas s'en vouloir. De toute manière, elle était incapable de se remettre en question.

Silithia se fendit d'un nouveau sourire lorsque Serenei se montra une fois de plus comme une personne attentionnée et bienveillante. Pour le bonheur de sa famille, elle avait suivi un homme sans l'aimer. C'est d'ailleurs cela qui étonnait la fille Farman. A travers les livres et les récits que lui avaient conté ses deux servantes venues d'Essos, c'était là une terre libre et belle où les femmes pouvaient être sur un pied d'égalité avec les hommes. Bien qu'elle n'en montra rien, elle eut un léger pincement au cœur ; ainsi donc, tout n'était peut-être qu'un rêve d'enfant, une histoire pour petite fille qu'on lui avait raconté ainsi pour lui permettre de se raccrocher à quelque chose tout en subissant les attaques répétées de son frère et de sa mère.
Son sourire resta bien présent sur ses lèvres tandis qu'elle écoutait le court récit de la Myrienne, le compliment lui allant droit au cœur. S'il était une chose qu'elle aimait par-dessus tout, c'était bien qu'on la complimente.

Lorsque la demoiselle de l'Ouest avoua n'avoir jamais aimé son frère et sa mère, Serenei l'enlaça comme pour lui apporter du soutien. La blonde rit donc doucement, pour la rassurer.

-Je n'en souffre pas réellement, mon père a toujours été là pour moi.

L'instant d'après, tandis que la brune s'éloignait déjà. Puisque cette fois-ci, elle ne l'entraînait pas à sa suite, Silithia en conclut que toutes deux se sépareraient sans doute là. Elle eut tout de même un sourire, la suivant dans les allées des jardins jusqu'à retrouver le château.

-Passez une bonne nuit, chère amie.

Disant cela, elle lui offrit son plus beau sourire, et remonta discrètement à sa chambre. Elle ignorait quelle heure il était mais, peu importe, elle ferait sans doute des rêves pleins de couleurs et de joie, à l'image de sa rencontre avec Serenei.