Little-Little-Littlefinger. ♪ Chantonnait une voix à l'oreille du jeune Petyr Baelish qui tombait trop lentement à son goût, comme au ralenti. Il cligna des yeux. Flash. Le ciel était un bleu éclatant, en ce jour. Il cilla de nouveau. Flash. Était-ce des oiseaux qui volaient, là-haut ? Little-Little-Littlefinger. ♫ Le sol, enfin ! Petyr le heurta de plein fouet, sur le dos, et sa tête rebondit lourdement sur l'herbe encore humide de la rosé matinale. La douleur éclata alors dans tout son être ; il se mordit les lèvres pour ne pas hurler et garder ainsi le peu de dignité qu'il lui restait. Un liquide chaud et visqueux commença lentement à s'écouler le long son abdomen. « Catelyn... » Un simple murmure, prononcé du bout des lèvres. Il leva ses yeux pâles sur le visage de Brandon Stark, épée en main. Ainsi devait se terminer la vie de Petyr Baelish. Little-Little-Littlefinger. Quel surnom ridicule ... Et pourtant si véridique !

« Non, ce n'est qu'un enfant, ne faites pas ça, je vous en conjure ! »

Petyr cligna des yeux. Catelyn, sa douce Catelyn, son aimée, apparut dans son champ de vision. Elle attrapa le bras de Brandon et lui demanda grâce. Qu'un enfant... Petyr ferma les yeux et sombra dans l'inconscience.


Petyr Baelish, jeune, fougueux et chétif adolescent, était la pupille de Lord Hoster Tully depuis son plus jeune âge et grandit à Vivesaigues, en compagnie des enfants de ce grand seigneur des sept couronnes. Petit et faible pour son âge, ce fut Edmure Tully qui lui donna un surnom bien mérité : Littlefinger. Mérité et, surtout, bien trouvé lorsqu'on savait quel territoire Petyr serait amené à gouverner plus tard : la plus petite péninsule des Quatre Doigts, située au Nord du Val d'Arryn. Au fil des années, il tomba éperdument amoureux de Catelyn Tully. La belle, la gracieuse, la gentille, l'amusante, la juste, la généreuse, la parfaite Catelyn... Toutes les qualités du monde lui seyait à merveille. Ils passèrent un temps considérable ensemble. La jeune femme lui confiait tous ses soucis, de ses plus grands bonheurs aux plus terribles de ses tourments. Petyr aurait été assez fou pour oser demander sa main. Malheureusement, on le devança, car voilà qu'elle se retrouva promise à Brandon Stark. Vaillant, fort, certes... On ne pouvait pas le nier. Mais cela n'empêcha pas le jeune Petyr de le défier pour la main de sa bien-aimée, de son Adorée. Il était prêt à tout, même à mourir.


« Comment vous sentez-vous, mon ami ? »

Petyr détourna les yeux, honteux. Il avait mal, évidemment. Mais, pire que tout, il avait perdu... Et toujours vivant. Quel déshonneur ! De plus, les paroles de Catelyn résonnaient en boucle dans sa tête. Qu'un enfant. C'était donc ainsi que sa chère et tendre le considérait, comme un simple enfant faible et chétif ? Pire que la douleur physique qu'il éprouvait, celle-ci était cuisante et lui laissait une marque au fer rouge en plein cœur. On ne connaît pas pire déception, dans sa vie, que la déception amoureuse. Et la honte, surtout. Une terrible honte ravageuse.

« Je vous remercie de vous inquiéter de mon état. Je me sens parfaitement bien.»

Petyr baissa les yeux. Il n'osait pas la regarder en face. Il avait peur du jugement de Lysa, la sœur de sa bien-aimée. Au moins était-elle venue à son chevet. Au moins l'avait-elle veillée, contrairement à Catelyn qui devait être partie au bras de son promis. Comme elle devait bien peu l'estimer, maintenant... Un enfant. Le jeune homme refusa catégoriquement les visites de ce traître d'Edmure qui avait servi d'écuyer à ce maudit Stark durant la courte et éprouvante bataille. Il préférait se remettre tout seul de ses graves blessures, qu'on ne le dérange pas, et qu'il lèche ses plaies sans l'aide de personne. Une fois assez remis pour voyager, Petyr fut envoyé à son fief par Lord Tully pour guérir entièrement, en paix, et parmi les siens.

Petyr se remit entièrement de sa lourde blessure et passa plusieurs années de sa vie aux Quatre Doigts, jusqu'à la rébellion de Robert Baratheon contre le Roi Fou, continuant de prendre des nouvelles de Catelyn dès qu'il le pouvait. Un jour, il apprit la mort de Brandon Stark. Sans mentir, sa joie fut immense et il s'empressa d'écrire à sa chère et tendre – qu'il aimait toujours d'un amour enflammé – pour lui déclarer son amour, une fois de plus. Jamais il n'eut la moindre réponse et il apprit, quelque temps après, qu'elle allait se marier à Eddard Stark, incessamment sous peu. C fut un nouveau coup de poignard en plein cœur et rien n'attisa plus sa haine envers la noble maison des Stark. Petyr n'avait-il pas grandi comme le frère de Catelyn ? N'aurait-ce pas été juste qu'elle lui soit promise à lui plutôt qu'à un autre ?

En l'an 288, des postes importants furent prêtés à Petyr qui se vit confier un poste subalterne aux douanes de Goëville à la demande de lady Lysa dont Jon Arryn, son mari, main du roi Robert Baratheon, s'empressa de suivre l'avis. Petyr se fit rapidement remarquer : énormément d'argent rentrait dans les caisses grâce à lui. C'est ainsi qu'il se rendit à Port-Réal sous demande royale (ou demande "maintale", si vous voyez...) et se présenta à la cours. Robert Baratheon était connu pour ses dépenses excessives, l'argent des caisses furent rapidement mis à sec, mais, grâce à Petyr, jamais la couronne ne manqua d'argent et tous ses talents furent enfin reconnus au grand jour. S'il demeurait encore chétif avec l'âge, il n'était plus ce jeune adolescent ayant reçu une honteuse blessure lors d'une bataille à main armée. Non, madame ! Il était le Grand Argentier, admis au conseil restreint et plutôt fier de son poste et de sa présence. Son allégeance ? Mais à notre bon roi Robert Baratheon, évidemment... Vous répondrait-il humblement sans en penser un traître mot. Son but ? Le même. Jamais il n'a changé : Catelyn. Mais, avant tout, lui-même. Autant ne pas directement se mouiller les plumes, n'est-ce pas ? C'était un risque à se faire couper les ailes...

Comment dépeindre le portrait de Petyr Baelish ? Commencez par mettre un peu d'amour, au fond de votre marmite. Une bonne dose pour que la saveur se répande dans toute votre mixture, assez pour qu'elle soit tenace, mais pas suffisamment pour que cela se ressente vraiment. Ajoutez une pincée de bonne réputation, de prestance et de charisme naturel, qui donnera un goût prononcé de grand orateur. Vous aurez un bon début, et serez sur la bonne voie. Mélangez votre pâte, vous obtiendrez alors une agglutination d'ironie, voire du cynisme, qui octroiera un peu de piquant à votre préparation. Beurrez le moule avec une nouvelle dose d'amour mêlée à de l'ambition puis ajouter une dernière touche de fourberie avant de vider la pâte dans le plat et de mettre au four. Bon appétit, à déguster sans modération...

Vous l'aurez peut-être compris, Petyr Baelish est un personnage complexe, aux facettes nombreuses, mais, si on prend la peine de se pencher sur son cas, ses masques peuvent facilement être ôtés. Son amour pour Catelyn Tully n'est pas connu d'autant de personnes que l'on pourrait croire. C'est le pilier même de sa personnalité, car ses actes ont souvent été motivés par la force de cet amour. Humilié dans sa jeunesse pour obtenir la main de son aimée, blesser les autres ne le gêne pas le moins du monde. La culpabilité est un mot dont il ignore presque entièrement la signification... Au yeux du monde, Petyr ne représente aucune menace. Ce n'est pas une personne à craindre... Sauf pour ceux qui savent où regarder, comme Lord Varys, pour ne citer qu'une seule personne. Connu à la cours pour ses bons mots, Petyr et d'une ironie et d'un cynisme piquant, parfois provoquant et ambigu quant à sa réelle allégeance, autrement dit, lui-même. Également brillant, sournois, rusé et doté d'une froide intelligence, sa perversité n'a d'égale que sa fourberie. N'oublions pas son goût prononcé par les paris de toutes sorte, ce qui l’incite à miser gros lors de tournois ou d'autres belles occasions. Aussi menteur que manipulateur, un conseil : ne lui faites pas confiance, ce serait la plus sage décision de toute votre vie.

Littlefinger est un surnom qui va comme un gant à Petyr Baelish. Depuis toujours, le jeune homme est quelqu'un de chétif, petit, et plutôt malingre, pour son âge. Cela resta ainsi, au fil des années, rien de changea vraiment, malgré quelques centimètres supplémentaires. Il s'agit pourtant d'un homme extrêmement charismatique, aux traits aigus, aux cheveux d'un noir de geai – malheureusement déjà parsemés de quelques mèches argentées – à la barbichette taillée en pointe et aux yeux d'un gris-vert peu communs, toujours rieurs, comme s'il passait son temps à se moquer des autres et du monde tout entier. Cette couleur capillaire contraste de façon étonnante avec la pâleur de sa peau. Sortant rarement au grand air pour de longues promenades, et malgré le soleil et la chaleur du Sud, Petyr a une peau d'une certaine pâleur. Il va s'en dire qu'à cette personne, s'associe un style vestimentaire tout à fait raffiné : ne laissant rien au hasard, Petyr a toujours été quelqu'un à prendre soin de son apparence physique. S'il ne peut jouer sur des atouts musculaires, autant mettre en valeur ce qu'il y a à mettre en valeur, n'est-ce pas ? Toujours vêtit des plus beaux habits, il réussit à rivaliser avec l'élégant Lord Renly Baratheon, et ce n'est pas peu dire !