Et voilà qu’il s’excusait à son tour. Quelle horreur ! Catastrophe ! Fin du Monde ! Est que cela voulait dire qu’il regrettait son geste ? Le regrettait-elle elle-même ? Non ! Pas un instant, enfin… c’était compliqué, pas très clair à vrai dire. Mais elle ne regrattait pas un seul instant cette balade et ce qui s’y était passé, au contraire, elle avait eu tout ce qu’elle voulait et bien plus encore. Elle avait fait connaissance avec Robb bien au-delà de ce qu’elle aurait cru possible et il était évident maintenant qu’elle voulait absolument l’épouser. Désormais il le savait et les sentiments de la brune semblaient partagés. Plus que ce qu’elle aurait pu rêver, mille fois plus que ce qu’elle attendait de cette simple balade. C’était fou ! Comment ne pas être heureuse, comment ne pas exploser de bonheur ! Elle craignait juste le jugement des autres et elle se sentait coupable d’une grande faute qui en réalité n’était pas grand-chose.
Évitant toujours son regard, elle répondit à voix basse pour ne pas qu’on les entende. Personne d’autre que lui ne devait savoir ce qu’elle ressentait à l’instant.

__ C’est moi qui en premier lieu vous ai tendu la main. Vous n’avez faire que répondre à mon invitation. J’aurais dû être plus sage, mais vous êtes si charmant, si gentil, si parfait. Je n’ai pas pu m’en empêcher. J’avais envie d’avoir un aperçu de ce que serait notre vie à deux. »

SAAAAAAAAAAAALE ! Elle était sale, une vilaine vilaine jouvencelle ! Mais c’était si doux ce baiser, s’agréable. Elle rougit violemment de ces pensées indécentes. Mais il fallait qu’elle lui dise, il fallait qu’il sache qu’elle ne regrattait qu’une seule chose : qu’on les ai vus. Tout le reste avait été absolument parfait, Le Bois, les anciens Dieux, lui, oui, surtout lui. Parfait du début à la fin. Pas une seule erreur, pas même celle si tentante de la froideur, ni encore celle de la malséance.

__ Ne vous excusez pas, c’était… exquis. Et… si je… Si je m’écoutais, je vous ferais la même chose. »

MAIS CA VA PAS LA TÊTE ! PAS AVANT LE MARIAGE ! Elle avait dit la dernière phrase très très vite, comme un enfant qui raconte une boutade qu’il n’assume absolument pas, mais qu’il a trop envie de révéler pour la garder pour lui.

Bon ce n’était qu’un petit bisou sur la main. Mais c’était déjà bien trop, Ashara le savait. On commence avec un bisou sur la main et on finit allongée dans le foin les jupes relevées et prête à se donner à n’importe qui ! En l’occurrence, Robb était loin d’être n’importe qui, ah ça, s’il en était un qui la méritait, c’était bien lui. Mais tout de même, il fallait attendre le mariage et la nuit de noces, sans quoi elle ne valait pas mieux qu’une prostituée.

__ Vous pensez que Ser Rodrik va le dire à mon grand oncle ? Ou à Messire votre père ? Ou à Dame votre mère ? Par les Sept, si votre mère apprend ce que nous avons fait, que pensera-t-elle de moi ? J’ai tant d’admiration pour cette femme ! »

Elle le regarda enfin les yeux pleins de larmes.

__ Je vous en supplie, dites-lui de ne rien dire. J’en serais mortifiée, déshonorée de m’être comportée ainsi. Je ne mérite pas la clémence, mais je serais si triste si vos parents décidaient de refuser ce mariage à cause de ça que je crois que je pourrais mourir de honte. »

Sans y prendre garde, Ashara avait haussé le ton au fur et à mesure et les trois hommes avaient pu entendre distinctement ces dernières paroles alors qu’il traversait la plaine au petit trot, Ser Rodrick ayant décidé d’accélérer le mouvement…


Une fois dans la cour et descendue de cheval, Ashara fit face à Robb et le remercia pour cette promenade avec un immense sourire jusqu’aux oreilles qu’elle ne pouvait maitriser.

__ Ce fut un honneur que de visiter le Bois aux Loups avec vous Messire Robb, je vous remercie d’avoir accédé à ma requête. C’était heu… c’était une promenade des plus agréable. »

Elle oscillait entre l’envie irrépressible d’hurler, de rentrer en vitesse dans Winterfell avec autant de dignité que possible, direction, ses appartements ou de prolonger cette douce entrevue jusqu’à la fin des temps. Son cerveau était en ébullition et à vrai dire, elle n’était absolument pas concentrée sur la brève révérence qu’elle adressa au jeune loup.

__ Voila… Heu… Je vais aller me rafraichir un peu avant le diner. Heu… à toute à l’heure… »

Ashara sourit en rougissant lorsque Robb lui avoue ne pas regretter son geste et y avoir trouvé un aperçu de l’amour parfait de ses parents. Elle sourit de nouveau quand il dit que Lady Catelyn l’aimait déjà, et le regarda s’éloigner au trot.

Peut-être que la Dame de Winterfell l’aimait déjà effectivement, cela semblait être le cas, en tout cas, elle, elle l’appréciait sincèrement, et s’il fallait prendre exemple sur quelqu’un, se serait certainement cette femme. Mais si elle venait à savoir ce qu’ils avaient fait elle la mépriserait, et ça, c’était bien pire que tout pour la brune. Heureusement, le jeune loup en bon gentleman qu’il était alla parler au chevalier et ce alors même qu’il avait déjà entendu sa dernière remarque. Les autres hommes se retenaient d’ailleurs de rire tant il leur semblait ridicule d’avoir une telle réaction pour un geste si anodin. Mais anodin pour eux, ça n’était pas anodin pour la Arryn, loin de là. Mais de leur point de vue, c’était plutôt amusant de la voir flipper ainsi. A son âge, ils avaient tous déjà perdu leur virginité avec une jeune fille de leur page ou avec une catin, peu importait. Ils avaient fait bien pire que ça sans s’inquiéter outre mesure de ce qu’on pourrait penser d’eux, d’ailleurs, leurs amis n’en pensaient généralement que du bien. Définitivement les femmes ne fonctionnaient pas comme les hommes. Quoi qu’il en soit, ils trouvaient la réaction de la brune presque mignonne, bien que totalement disproportionnée. Cela prouvait en quelque sorte qu’elle était une véritable Lady, de celles qui ne se laissent pas allonger dans le foin…
Après, eux n’avaient rien contre les filles qui se laissaient allonger dans le foin, bien au contraire, mais il était certain que pour la peut-être future épouse de leur Suzerain, il valait mieux qu’il en soit autrement.

La jeune femme fut rassurée par les paroles de Robb quand celui-ci revint après avoir parlé à Ser Rodrik. Même si le terme ragot la fit un peu cogité pendant tout le reste du retour. Elle se disait qu’ils pourraient en rire dans la salle des gardes, et ce serait une catastrophe si tous les hommes de Winterfell apprenaient ça. Que diraient-ils une fois qu’elle serait mariée à leur maître ? Elle parvint tout de même à se calmer. Le jeune loup semblait faire confiance au chevalier et elle avait confiance dans son jugement, donc s’il avait dit qu’il n’en parlerait à personne, il tiendrait certainement parole et ses acolytes aussi. Il fallait en tout cas l’espérer.


Ashara ne savait pas s’il valait mieux couper court à cette escapade amoureuse ou pas, elle n’en avait aucune envie, mais sa raison lui disait qu’il était préférable d’arrêter là quitte à reprendre une conversation plus posée avec lui plus tard. Mais son cœur, son cœur battait la chamade à chaque fois que son regard croisait le sien, son cœur lui disait tout autre choses, son cœur lui disait : FONCE !

Mais quand il proposa de faire une balade dans le Bois Sacré, elle rougit une nouvelle fois et resta bouche-bée. Elle fermait et ouvrait la bouche à la manière d’un poisson en train d’agoniser. Le temps qu’elle reprenne ses esprits, leurs chevaux avaient été emmenés à l’écurie et elle ignorait toujours ce qu’elle allait répondre. Encore une fois sa raison disait non, son cœur disait oui, et elle tanguait entre les deux…

__ Oui… enfin je veux dire… non… Enfin… Heu… Comme vous voulez… »

Et voilà ! N’importe quoi ! Elle venait de perdre toute crédibilité à s’embrouiller ainsi les pinceaux et à bafouiller comme une gamine. Mais elle était strictement incapable de donner une réponse et elle n’avait même pas d’excuse étant donné qu’il n’était pas encore l’heure du souper. Et le pire dans tout ça, c’est que si à un moment donné elle avait eu la force de dire non, il venait de lui faire une proposition qu’elle n’avait aucune envie de refuser, et pas seulement pour être avec lui. En effet, le Bois sacré de Roche Aux Runes était désormais un jardin d’agrément, elle n’avait jamais eu l’occasion de voir un véritable Barral, et sa curiosité naturelle l’emportait totalement sur sa raison. Depuis le temps qu’elle essayait de comprendre l’ancienne religion, et dans l’espoir de voir ses enfants prier les anciens Dieux et dans celui de peut-être les prier elle-même. Après le Bois aux Loups, après les avoir sentis si fort là-bas, comment pouvait-elle refuser, et pire, c’était un honneur pour elle d’y être invitée.

__ Ne… N’est-ce pas trop… sacré ? Je… ce serait un honneur Messire. Vraiment, un grand honneur. »

Elle le suivit donc dans le Bois Sacré avec le sourire aux lèvres. Elle avait lu toutes les descriptions possibles de Winterfell et elle pensait se souvenir d’une chose amusante :

__ N’est-ce pas aussi ici que les courses chaudes qui réchauffent Winterfell affleurent et forment des bassins d’eau chaude ? »

Si elle avait cru un jour pouvoir voir tout cela de ses propres yeux. Finalement, cette énorme erreur avec Waymar avait eu pour cause ce voyage, et ce voyage se soldait par tant de magnifiques découvertes. Cela n’en restait pas moins terrible, et ça n’est pas ce qu’elle avait voulu, jamais, surtout pour son oncle. Mais voilà, elle était désormais à Winterfell avec l’espoir de devenir un jour la Dame du Nord et il était difficile de ne pas se réjouir de tout cela.

Ashara était une femme organisée, elle réfléchissait toutes ses actions à l’extrême et il était rare qu’elle agisse d’instinct sous le coup de l’émotion. Néanmoins, c’était une jeune fille, alors des émotions elle en avait tout un tas et le plus souvent plusieurs en même temps. Elle avait appris à se contrôler et à paraitre toujours parfaite en société, mais cela n’empêchait pas que, parfois elle se laissait emporter. C’était le cas avec Robb depuis le début de cette balade, cela avait été le cas avec Waymar et elle s’en voudrait toute sa vie.

Si elle n’avait pas prévu de tomber sous le charme et de se laisser aller à l’idylle merveilleuse qu’elle était en train de vivre à son bras en entrant dans le Bois Sacré, le sourire aux lèvres. Elle avait en revanche prévu de l’épouser depuis plusieurs mois, et elle faisait effectivement tout pour le faire tomber sous son charme depuis son arrivée, mais aussi pour que ces parents l’apprécient. C’était un exercice compliqué et hélas, ses sentiments l’empêchaient désormais d’y voir clair dans tout ça, mais elle n’avait en tout cas aucun regret.

L’idée lui était venue en tête à mesure que tous les héritiers des Maisons Suzeraines s’avéraient trop décevants pour mériter son cœur. Ainsi plus presque un an auparavant, lorsqu’elle avait rencontré Ades Overton au Tournoi anniversaire du Prince, elle y avait vu l’occasion de se renseigner sur l’un des derniers hommes de sa liste dont elle n’avait pas encore barré le nom. Comme, en plus d’être un proche de la Maison Stark, il était un homme des plus intéressants et cultivé, cela n’avait pas été un calvaire, loin de là. Il faut dire que comme elle, il était curieux des autres cultures, alors ils avaient parlé du Nord, de Dorne, de pleine de choses, et aussi du Jeune Loup. L’intendant de For de Glace n’avait pas tarit d’éloges à son égard, et la jeune femme avait longtemps pensé qu’il exagérait un peu par loyauté envers son ami ou par appât du gain. Mais contre toute attente, elle était loin d’être déçue, et à vrai dire, il semblerait même qu’Ades n’ait pas été si zélé que ça.
Cette liste n’existait pas physiquement, mais depuis plus de six ans, quand elle avait compris que le mariage était sa seule destinée, elle l’avait constituée dans son esprit, la liste des époux potentiels. Mais, étant donné le haut niveau d’exigence de la brune, cette liste était désormais réduite à peau de chagrin, et bien que Robb s’avère loin d’être un simple lot de consolation, il fallait avouer qu’elle l’avait finalement choisi en désespoir de cause. Désespoir transformé par son charisme et sa générosité en grande joie. Comme quoi les Dieux avaient parfois d’étranges façons de rapprocher les gens, mais ils ne se trompaient jamais.

Et Ashara ne faisait pas les choses à moitié, quelque soit l’objectif.
Mais Robb non plus…

C’est ainsi qu’entrant dans le Bois silencieux, il lui tendit la main. Elle lui rendit son regard et son sourire. Oui, elle en était de plus en plus certaine, elle voulait être sa femme, devant les Dieux et devant les hommes, jusqu’à ce que la mort les sépare. Elle posa délicatement sa main dans la sienne et le suivi sans ajouter un mot.

Ashara se laissa guider jusqu’à l’arbre cœur et tomba en admiration devant le Barral au feuille rouge dont la face semblait les regarder avec une bienveillance mystérieuse. Elle regarda l’arbre un long moment avant que, Robb face à elle, ne saisisse son regard. Elle souriait avec tendresse. Elle comprenait maintenant pourquoi tant de légendes avaient vu le jour ici, dans le Nord, elle comprenait, ou en tout cas croyait comprendre la puissance de ces Dieux de la nature. Et, malgré le froid malgré la neige, malgré la rudesse des éléments, elle s’y sentait bien, elle s’y sentait chez elle. Comme si le sang des premiers hommes qui coulaient dans ses veines la faisait appartenir à cette terre autant qu’elle appartenait au Val.

__ C’est magnifique Robb. Merci » Murmura-t-elle en réponse à sa révélation.

Elle en était certaine, la sérénité es lieux devait être apaisante, elle-même se sentait déjà plus calme et plus paisible que quelques instants auparavant. Oublié sa faute, oublié l’angoisse des ragots et du refus de Catelyn Stark. Oublié son déshonneur avec Waymar, oublié ses doutes de jeune intendante. La seule chose qu’elle n’oubliait pas, c’est qu’elle aimait Robb du fond du cœur et qu’elle avait partagé avec lui un moment magique qui se prolongeait ici, près des sources fumantes, dans ce petit Paradis qui, à l’instant leur semblait réservé à eux seuls. Mais elle n’avait plus envie de le crier à tous, elle n’avait plus envie de courir partout et d’aller tout raconter à Ysilla. Tranquille, elle voulait juste que cette visite ne se finisse jamais, qu’elle puisse rester ici, pour toujours. Elle savait que cette union était bénéfique aux deux partis et que tous approuveraient, qu’il n’y aurait aucun problème et que, d’ici un an tout au plus, ils seraient mariés. Elle en était certaine et elle accueillait l’idée avec une grande joie posée.

__ Robb ? »

Pourquoi demandait-elle ? Elle savait, elle savait parfaitement ce qui était en train de se passer, et étrangement, alors qu’elle aurait dû être gagnée la peur de faire une nouvelle bêtise, l’angoisse de craquer, elle l’acceptait, tout simplement. Parce que ce n’était qu’un baiser, un baiser qui signifiait tant de choses, mais un baiser où ne subsistait plus le doute d’un avenir incertain. Un jour elle serait son épouse et ce jour-là ils pourraient se donner l’un à l’autre sans crainte et sans déshonneur. Ce jour n’était pas arrivée, mais ce baiser était une promesse qu’ils se faisaient l’un à l’autre, une magnifique promesse d’éternité pour deux adolescents qui aurait bien pu ne jamais se rencontrer.

Il était si doux, si tendre, elle se laissa faire et leva la tête pour que leurs lèvres se rencontrent enfin. Elle posa la main sur celle de Robb qui était posée sur sa joue. Elle ferma bientôt les yeux, envahie d’un bien être qu’elle n’avait jamais connu jusqu’alors.
Le baiser ne fut pas le plus long de l’histoire des baisers, mais d’une douceur absolue, il fut sans doute le plus réussit. Leurs lèvres se touchèrent délicatement puis plus fermement jusqu’à ce que, de la bouche entrouverte d’Ashara le bout sa langue ne vienne doucement caresser celle du jeune loup. Elle s'écarta alors légèrement de lui et, les yeux dans les siens, dit :

__ Ce baiser que tu m’as donné scelle ma promesse que je serais toute à toi le soir de nos noces, sans barrières et sans honte. J’emporterais ce baiser dans mon cœur et chaque fois que je penserais à toi, à Roches Aux Runes, il portera l’espoir de te revoir très vite et de nous unir pour la vie. »

Elle posa une main contre le cœur de Robb et prenant celle du jeune homme, la posa sur le sien, enfin, un peu au-dessus pour souci de décence.

__ Devant les Anciens Dieux, dans ce lieu qui est si cher à ton cœur, je fais le serment de t’aimer maintenant et à jamais. »

Elle prit Robb dans ses bras et posa sa tête contre son l’épaule en fermant les yeux, s’enivrant de son odeur et de son souffle, de son amour et de ce souvenir extraordinaire qui, sans nul doute, l'aiderait à tenir jusqu'aux noces. Jamais elle n'avait été aussi heureuse qu'en cet instant, jamais elle n'aurait cru possible qu'un mariage aussi parfait puisse avoir lieu. Elle avait cru perdre sa foi en les hommes, elle l'avait retrouvé. Elle avait retrouvé l'espoir de vivre heureuse malgré un rang qui ne lui donnait pas droit à l'erreur.
Mais, même les meilleures choses ont une fin, et bientôt, le coucher du soleil les rappela à l’ordre, il était grand temps d’aller dîner…






The End