Il avait fallut plusieurs heures pour que les choses se calment. Des heures à hurler, à tourner à cheval autour des millions de Dothraki grouillant sur les cendres de leur camp. Il avait fallut réunir les femmes, les enfants et les esclaves. Il avait fallut que l'on fasse descendre les esclaves de leur chariot pour qu'on y monte, un par un, les morts. Entassés n'importe comment, personne n'avait fait attention à leur tresse ou leurs clochettes. Les fiers guerriers de Khal Drogo se trouvaient dans les même piles que les combattants de Maeri. Les membres de la Compagnie en revanche n'eurent pas droit à ce traitement, la Khaleesi leur laissait loisir de s'occuper d'eux-même. Le cadavre de Drogo avait été piétiné mais le visage et la carrure du Khal était reconnaissable, on le monta sur un unique chariot et Maeri s'assura que la tresse qu'elle possédait était bien celle du grand Khal.

Elle avait laissé le choix aux survivants, la suivre et vivre ou partir et risquer de subir son courroux quand elle les retrouverait. Certains étaient partis et leur laissa de l'avance. Son khalasar venait d'hériter de nombreux guerriers, mais aussi des plaies et des bosses déjà reçues. Il allait falloir panser les blessures, se reposer et repartir. La Mer Dothrak les accueillerait de nouveau en son sein, le temps qu'ils récupèrent. On avait récupéré tout ce qu'il était possible du camp brûlé, l'or et les cadeaux reçus par le Khal, ou plutôt ce qui n'avait pas été calciné. Les chevaux étaient chargés, les derniers gobelets d'or jetés sur les cadavres pour qu'on puisse les ramener. Tout cela avait demandé du temps.

Des heures que Maeri avait passée à cheval, réunissant les guerriers encore en forme pour une dernière chevauchée. Elle avait laissé à Lhasso le soin de réunir la nouvelle horde et de lui faire prendre la route pour leur campement. Ce serait long et elle le savait, les hommes étaient blessés et fatigués, les femmes et les enfants sanglotaient encore. Mais elle avait un chemin plus long encore à accomplir. Davos Loraq lui avait promis plusieurs choses et elle les obtiendraient toutes. Un chariot vide fut mobilisé et elle se mit en route avec plusieurs centaines de Dothrakis pour accompagner la Compagnie jusqu'à son territoire. Eux-même devaient se reposer et rapatrier lentement leur troupe, mais elle avait pressé pour faire l'échange. Elle le savait et ils le savaient, ils avaient tout à perdre à rester aussi longtemps l'un près de l'autre.

Elle obtint son dû. L'or et une esclave aux longs cheveux d'argents et aux iris d'un violet saisissant, prétendument la fameuse Daenerys Targaryen. Elle reconnut en elle la femme venue l'importuner pendant les négociations et cela lui rappela les insultes faites. Une Khaleesi ne pouvait laisser cela impuni et elle réclama compensation, obtenue sous forme d'une autre esclave. Celle-ci aux cheveux sombres et aux yeux émeraudes. C'est sur cette ultime demande qu'ils se séparèrent et Maeri prit bien garde à ne pas trop leur tourner le dos, si ce n'est quand elle fut certaine d'être hors de portée. Elle se hâta vers le camp. Ils y arrivèrent avant le gros de la troupe, menée par Lhasso, mais tout de même plus d'une journée entière après l'avoir quitté, au cœur de la nuit.

Les femmes et les vieillards trépignaient d'impatience en dehors des tentes, prévenus par des cavaliers solitaires de l'issue de la bataille. La plupart n'y croyait pas, elle le savait car elle même avait encore un peu de mal à réaliser. Certains l'acclamèrent, hurlant son nom et « Khaleesi Dothrae », on alluma plus de feu, on lui amena des morceaux de chèvres cuisinés, de la viande de cheval séchée. C'est alors qu'elle remarqua qu'elle n'avait pas mangé depuis leur départ et que seul l'eau de sa gourde l'avait protégée de la soif. Pourtant elle ne ressentait ni faim, ni gêne, rien qu'une impression chaude et puissante dans tout le corps.

Elle donna des ordres. Pour qu'on prépare un immense bûcher pour les dothrakis morts ce jour, pour qu'on prépare un immense feu et qu'on égorge des dizaines de chèvres, pour qu'on prépare l'arrivée de Lhasso et pour qu'on amène Imeah à sa tente. Elle avait de nouveaux esclaves, elle avait les Targaryen, mais c'est la lysienne qu'elle voulait voir. La Khaleesi envoya la prétendue Daenerys vers son frère, pour qu'on s'assure de son identité, et elle répartit le reste des esclaves, envoyant ses guerriers s'en occuper, jusqu'à être presque seule quand elle atteint sa tente.

Imeah l'attendait bien sûr, elle n'en avait jamais douté. La Dothraki sauta à bas de son cheval et fondit sur elle sans attendre, l'enlaçant brutalement pour la contraindre à un baiser passionné. Elle puait la sueur et le sang séché, elle sentait la violence et la mort, mais ses lèvres avaient toujours le même goût. Ses mains passèrent dans les doux cheveux blonds, les emmêlant sans pitié avant de se refermer sur la nuque pour la contraindre à se serrer contre elle. Le corps frêle de sa jeune esclave réveilla quelque chose en elle, à nouveau.

- Khal Drogo est mort, prit-elle le temps de lui murmurer bien qu'on le lui aura sûrement déjà dit.

Puis elle lui mordit la lèvre supérieure et le baiser devint agressif, possessif. Elle referma une main sur la hanche de la lysienne et faillit la soulever. Elle avait envie d'elle, comprit-elle. Malgré la fatigue accumulé – elle ne s'était accordé que quelques minutes de sommeil à dos du Sombre – et malgré l'adrénaline qui déferlait encore dans ses veines. Maeri ne voulait qu'arracher ses vêtements à coup de dents et la prendre, jusqu'à ce que son corps lâche et ne l'oblige à dormir une bonne fois pour toute.

Elle la poussait déjà vers la tente, sa main gauche glissant sur son flanc, fébrile. La Khaleesi ne relâcha ses lèvres que pour respirer.

- Je l'ai tué. Je suis la plus grande Khaleesi que ce monde ait connu.

Jamais de sa vie l'attente ne lui avait parue aussi longue ; au-dehors de la tente dans laquelle Imeah faisait les cent pas, une agitation telle qu'elle n'en avait jamais connue régnait au sein du Khalasar, entre cris victorieux, hennissements de chevaux, crépitements de bûchers et martèlements de sabots. Pourtant, elle lui semblait bien pâle à côté de celle qui l'habitait en cet instant-même.
Pourquoi ne revenait-elle pas ? Des heures s'étaient écoulées depuis l'annonce de la chute de Drogo, de leur victoire, de leur triomphe, même ; la rumeur s'était rapidement propagée, et lorsque les premiers rescapés avaient atteint le camp, l'allégresse avait été totale.
Khal Drogo était mort. Et Maeri vivait.
Vivante, elle était vivante.

Elle avait gardé son appréhension pour elle. Se contentant d'obéir, toute la journée durant, aidant là où elle le pouvait, assistant Namiri, se rendant là où on avait besoin d'elle, que ce soit pour monter le camp ou s'occuper des nouveaux esclaves qui arrivaient au compte-goutte. Tout cela l'avait tenue occupée des heures durant, l'obligeant à ravaler son angoisse et ses questions pour elle, même si un regard coulé à la Lazharéenne qu'elle n'avait presque pas quittée de la journée lui avait fait comprendre que cette dernière partageait ses craintes.
Au moins, elle n'était pas seule. Et à présent que le restant de la horde arrivait peu à peu, relatant chacun l'issue de la bataille de milles et une façon différente, elle sentait la crainte la quitter peu à peu, remplacée par une certaine fièvre, une certaine émotion qu'elle n'avait pourtant jamais ressentie face à la frénésie barbare qui suivait la fin des combats menés par le Khalasar.
Mais celui-ci... Celui-ci était différent.
Khal Drogo était mort. Et ce que cela impliquait...

Nerveusement, la Lysienne se mordit la lèvre. Elle peinait encore à réaliser, partagée entre un flot d'émotions qu'elle contenait difficilement ; elle s'était retenue de pleurer, de joie, de soulagement, lorsqu'on lui avait finalement annoncé que la Khaleesi était vivante et triomphante, simplement partie réclamer sa récompense à ceux sans qui la victoire n'aurait été possible. L'adrénaline lui faisait trembler les mains, qu'elle garda serrées contre son corps, les ongles enfoncés dans ses phalanges.
Vivante, se répétait-elle, elle était vivante.
Subitement, elle sortit de sa léthargie, faisant volte-face pour s'emparer un peigne d'os grossier avec lequel elle s'acharna à démêler sa chevelure blonde, passant sa nervosité dans les gestes hargneux avec lesquels elle tentait de se débarrasser du sable et de la poussière accumulés au courant de la journée. Elle avait fait ce qu'elle avait à faire, Namiri l'ayant congédiée avec douceur mais fermeté, probablement alertée avant la jeune esclave du retour de sa maîtresse ; elle pouvait donc se permettre de se changer et de se rendre davantage présentable, anticipant le retour de Maeri en passant une tunique plus fluide et plus légère que les habits de cuir Dothrakis, davantage dans le style des vêtements qu'elle portait autrefois à Astapor.
Elle achevait de passer l'étoffe lorsque le camp retentit soudain d’acclamations furieuses et victorieuses qui la firent se redresser et se ruer au-dehors avec une précipitation dont elle avait rarement fait preuve, manquant de reverser un tabouret sur son passage ; la foule se bousculait, femmes, enfants, guerriers, vieillards, acclamant leur Khaleesi dont elle guettait vainement la silhouette familière de ses grands yeux bleus au sein de la cohue. Ce fut finalement un esclave qui lui attrapa le bras, lui enjoignant quelques mots à l'oreille ; la seconde d'après, la Lysienne fondit à travers la masse du Khalasar en direction de la grande tente qui avait été dressée en l'honneur de Maeri.

À nouveau, l'attente lui sembla durer des heures. Des heures durant lesquelles elle scruta la horde avec appréhension, gênée par la nuit tombante, malgré la multitude de brasiers qui avaient été allumés en l'honneur des défunts et dont la chaleur se mêlait doucement à l'ivresse et à la fièvre qui réchauffaient peu à peu le Khalasar. Pourtant, elle tremblait, nerveuse comme elle ne l'avait jamais été, guettant le moindre mouvement dans la foule. Ce fut finalement un hennissement qui lui fit tourner la tête, et à cet instant précis, la Lysienne sentit toute appréhension la quitter.

Elle était là, bel et bien vivante. Juchée sur son étalon, droite et fière comme elle l'avait toujours été, comme si elle était née ainsi ; d'un coup d'oeil rapide et inquiet, Imeah s'enquit de l'état de sa Khaleesi, du moins durant la fraction de répit que cette dernière lui laissa avant de fondre sur elle.
Apparemment, elle se portait bien.
Docilement, la Lysienne s'abandonna au baiser qu'elle lui imposa, laissant échapper un léger gémissement étouffé par les lèvres séchées par le sang et la poussière de la Dothraki. Son cœur s'affola dans sa poitrine, au travers de l'étoffe légère de la tunique revêtue un peu plus tôt, contre celle, forte, ferme, de Maeri ; sa tête, elle, vint reposer contre l'épaule de cette dernière, tandis qu'elle la serrait contre elle, les doigts fébriles de la guerrière fouillant dans ses cheveux blonds. Le visage niché dans le creux de son cou, la jeune esclave huma doucement le parfum de la peau brûlante de la Khaleesi, qu'elle serra contre elle, lui rendant son étreinte : malgré la sueur, le sang, la mort, elle avait toujours cette odeur bien à elle, mêlée de cuir et d'épices, cette odeur qu'elle aimait à respirer le soir, au cœur de la nuit, blottie dans ses bras possessifs.

Un tendre sourire mouillé de larmes naquit sur ses lèvres, qu'elle offrit à nouveau à la bouche inquisitrice de la Dothraki. Elle pleurait -réalisa-t-elle honteusement, sans pour autant chercher à s'en cacher- doucement, silencieusement, elle pleurait de joie et de soulagement, débarrassée de l'attente interminable qui lui dévorait le corps et le cœur depuis des heures et surtout, surtout, de cette horrible angoisse qui ne l'avait quittée depuis qu'elle l'avait vue s'éloigner sur le dos du Sombre.
Elle était revenue.
Elle lui était revenue. Et cette évidence était à ses yeux la plus belle des victoires, au-delà de toutes celles que Maeri avait pu remporter jusqu'à présent. Avec cette même douceur dont elle avait toujours fait preuve, Imeah lui rendit son baiser, s'opposant à la fougue de la Dothraki, mais sentant la même passion s'emparer d'elle peu à peu alors que les mains possessives de sa maîtresses se refermaient sur son corps.
À nouveau, un sourire étira ses lèvres tendres, illuminant ses yeux clairs aux cils perlés de larmes, lorsque les paroles de la Khaleesi retentirent à ses oreilles ; l'espace de quelques secondes, elle s'arracha à l'étreinte impérieuse de son baiser afin de reculer légèrement son visage, laissant son regard scruter celui, fiévreux, de Maeri :

« Tu l'as toujours été. » Murmura-t-elle tout contre ses lèvres, avant de lui offrir à nouveau les siennes.

Elle n'avait jamais douté d'elle, jamais. Elle s'était inquiétée, à n'en plus dormir, à n'en plus manger, lorsqu'elle s'éloignait trop longtemps, lorsqu'elle tardait trop à revenir. Mais elle n'avait jamais douté. Pas depuis ce jour où elle l'avait vue tuer Joqo sous ses yeux. Ni celui-là, ni le suivant, ni tous ceux qui avaient suivi.

Une fois de plus, elle se déroba de l'étreinte de la Dothraki, se retirant en douceur de ses caresses de plus en plus insistantes, emprisonnant ses mains dans les siennes pendant quelques secondes, le temps d'un regard muet avec lequel elle s'efforça de la contraindre à un calme et une immobilité qu'elle savait plus que fragiles, connaissant la fougue et l'impatience de celle dont le corps épuisé clamait sa récompense.
Reculant de deux pas en direction de la couche vers laquelle elle l'avait entraînée -c'était à peine si elle s'était rendue compte avoir franchi le seuil de la tente, toute offerte à l'étreinte de Maeri qu'elle était, la Lysienne lui coula un nouveau regard empli d'un calme apparent, qui contrastait cependant avec sa poitrine qui se soulevait à un rythme de plus en plus fébrile, tandis qu'elle glissait ses mains sous les bretelles de sa tunique.

« Khaleesi dothrae. »

D'un geste lent, elle laissa l'étoffe glisser le long de sa peau laiteuse, la laissant choir à ses pieds, vêtue de ses longs cheveux blonds et de son bracelet de cuivre pour seuls atours. Les rondeurs de sa poitrine se soulevant au rythme d'un souffle plus en plus court et ses bras nus reposant le long de sa taille et de ses hanches, elle redressa légèrement le menton en direction de Maeri, qu'elle n'avait pas quittée du regard un seul instant.

La Reine chevauche.

La Khaleesi ne réalisa l'état de son esclave que lorsque sa langue perçut le goût salé sur les lèvres de la jeune femme. Elle rouvrit alors ses yeux pour inspecter – de très près – Imeah. Elle pleurait, comprit-elle immédiatement sans avoir ce qui avait bien put provoquer cela. C'était là une démonstration de faiblesse qu'elle n'aurait toléré chez aucun de ses guerriers, les Dothrakis ne se montraient pas comme ça. Chez la Lysienne en revanche, l'effet était très différent. Lorsqu'elle se recula un peu, la Dothraki put s'assurer que son esclave souriait aussi, ce qui devait signifier qu'elle n'était pas si triste. Et ses baisers étaient toujours passionnés. Il lui fallait quelques instants avant d'éventuellement faire le rapprochement avec l'inquiétude qu'Imeah pouvait ressentir en son absence. Ce n'était pas le genre de sensation auquel on l'avait habituée. Elle n'avait jamais douté du retour de Khal Torro à l'époque, jusqu'à ce qu'il ne revienne pas. Jamais elle n'avait pleuré, comme on lui avait dit que sa mère ne pleurait jamais non plus. Ce n'était pas Dothraki.

Maeri ne la poussa que plus rapidement dans la tente, non parce qu'elle la désirait au point de la forcer, mais parce qu'elle ne voulait pas que ce spectacle soit affiché trop longtemps. Elle appréciait la douceur, la fragilité, de son amante, mais ses guerriers n'avaient pas à regarder de ce côté. C'était bien la seule pudeur qu'elle pouvait démontrer et ce n'était pas tant vis à vis d'elle que d'Imeah. Une fois à l'intérieur, la Dothraki pouvait bien laisser libre cours à son désir, mais étonnamment la blonde se défit de son emprise et se recula. Les yeux sombres la suivirent, résistant difficilement à l'envie de l'embrasser de nouveau, de la caresser. Le sourire ne s'afficha que lorsqu'elle vit la robe lentement tomber à terre, ses lèvres s'étirant jusqu'à révéler un sourire carnassier. C'est à peine si elle laissa à l'esclave le temps de finir sa phrase.

Elle fut sur elle en un instant, roulant des épaules pour tenter de se débarrasser de son haut à son tour. Il ne fallut que quelques secondes avant qu'elle ne la jette littéralement sur les fourrures pour la rejoindre en un instant. La Khaleesi avait besoin de la sentir contre elle, de ressentir cette douceur et cette sensibilité.


La bataille l'avait laissée épuisée mais remplie d'adrénaline. Dans ces moments, il n'y avait qu'Imeah pour la sortir de cet état et cela pouvait prendre du temps. Cette fois cependant, elles finirent assez vite par rouler sur le lit, de nouveau haletante et en sueur. L'odeur du sang et de la mort commençait déjà à s'effacer et Maeri souriait. Elle fit rouler la jeune femme sur elle pendant qu'elle restait couchée sur le dos. Ses mains s'affairaient lentement sur le dos de la jeune blonde, y traçant des runes sans sens du bout des doigts. Elle était presque déçue du manque de marque laissée au cours des dernières minutes, mais sans doute la bataille l'avait-elle plus fatiguée qu'elle ne l'imaginait.

Pendant un long moment, elles restèrent silencieuses. Maeri plongea son nez dans les longs cheveux blonds, tout en embrassant le front de la jeune femme, et s'enferma dans l'odeur de son esclave. Le camp était toujours aussi agité au dehors mais le bruit lui importait peu. Il ne pouvait exister moment plus satisfaisant, une bataille victorieuse, un khalasar plus grand que jamais, sa favorite dans les bras. Elle pourrait mourir heureuse si elle n'avait pas tant de nouvelles idées traversant son esprit. Sa tresse était restée intacte et les clochettes sonnaient tout doucement à chaque léger mouvement qui les faisait s'entrechoquer.

- Nous allons brûler le corps de Khal Drogo, avec ses Ko, ses sang-coureurs et ses guerriers, murmura-t-elle soudainement.

D'une main étonnamment délicate, elle dégagea une mèche de cheveux blonds et recula la tête pour regarder son esclave dans les yeux. Elle souriait, différemment. Si elle pouvait parfois paraître effrayante, agressive, enragée, ce sourire là était simplement heureux, ce qui n'était pas un spectacle offert à tous.

- Puis, tu apprendras à ajouter les clochettes de Drogo à ma coiffure.

Ses yeux se levèrent vers le plafond de toile, cherchant des étoiles qui ne pouvaient évidemment pas être vu.

- Il était le plus grand des Khal Dothraki, en tout cas depuis que nous ne sommes plus un seul peuple. Il mérite de chevaucher parmi les étoiles. Mais je l'ai battu.

Elle n'avait pas eu l'occasion d'assister à la mort de Drogo, mais à l'instant où elle l'avait vu tomber, elle avait su qu'il fallait saisir l'opportunité immédiatement.

Son sourire s'agrandit soudainement alors qu'elle revint à Imeah.

- Puis, je te prendrais encore. Nous partirons et je dormirai pendant une journée complète.

Elle semblait déjà saliver à l'idée – restait à savoir laquelle – quand une autre lui traversa soudainement l'esprit.

- Nous avons récupéré de nouveaux esclaves, qui parlent sûrement ta langue, mais pas la mienne.

Il y avait quelque chose de reposant, à se retrouver là, allongée, blottie contre elle, sur elle ; les jambes encore à moitié mêlées aux siennes, la Lysienne posa sa tête sur la poitrine de Maeri, se laissant doucement bercer par la respiration encore un peu saccadée de cette dernière. Apaisée, pour la première fois depuis le début de cette trop longue journée d'attente insoutenable. Légèrement tremblants, ses doigts fins vinrent se glisser derrière la nuque de la Khaleesi, tandis que ses lèvres s'étirèrent en un doux sourire en sentant les siens effleurer délicatement son dos. Il était de rares moments où la Dothraki savait se montrer calme, presque douce, et ceux-ci en faisaient partie. Elle appréciait particulièrement ces moments de calme après la tempête, parce qu'elle savait, égoïstement, fièrement, être la seule à y avoir droit.
Dissimulant un nouveau sourire attendri, presque béat, Imeah enfouit son visage dans le creux du cou de sa maîtresse, y respirant avec délices cette odeur qu'elle appréciait tant.
Aujourd'hui plus que jamais, elle se sentait intouchable. Ils étaient, elles étaient invulnérables.

Elle n'aurait jamais cru qu'un jour le bonheur puisse se résumer à de pareilles choses. Et pourtant, ce soir, pour la première fois depuis bien longtemps, elle était heureuse, enserrée entre ces bras puissants et aimants auxquels, en cet instant précis, rien ni personne ne sauraient l'arracher.
Relevant légèrement la tête pour offrir son visage à la caresse de la main de la Dothraki, elle sourit à nouveau, soutenant quelques instants son regard avant de fermer les yeux.

« Je sais que tu lui offriras un bûcher digne d'un Roi. » Souffla-t-elle, joignant sa main à celle de Maeri, qu'elle cala contre sa joue. « Ils l'honoreront tous, tout comme tous s'inclineront tous devant toi désormais. Khaleesi... » Murmura-t-elle respectueusement, embrassant les doigts qu'elle tenait encore serrés dans les siens avant de les lui rendre, déposant la main caleuse et hâlée sur la poitrine de Maeri.

L'espace de quelques secondes, les yeux bleus de la Lysienne vinrent se perdre dans les arabesques de la longue tresse de jais de Maeri, imaginant à quoi cette dernière pourrait bien ressembler une fois qu'elle y aurait ajouté les innombrables clochettes ornant la tresse du défunt Khal. La nouvelle de la mort de Drogo se répandrait bientôt au sein de la mer Dothrak, et gagnerait probablement tout Essos dans peu de temps ; prise d'un léger vertige en imaginant l'ampleur d'un Khalasar qu'elle avait subitement vu s'agrandir au fur et à mesure que les cavaliers de Maeri et les vaincus les rejoignaient, Imeah inspira légèrement, focalisant son attention sur le visage acéré de la Dothraki.
Et s'empourpra subitement aux paroles de cette dernière, esquissant un sourire mêlé d'amusement et de gêne. Si elle avait pris ses aises et ses habitudes en ces innombrables lunes passées avec les Seigneurs du Cheval, leur franchise et leur manque de pudeur légendaires parvenaient encore et toujours à la surprendre, voire à la mettre mal à l'aise.
Gêne qu'elle oubliait cependant très rapidement, généralement ; la Khaleesi savait ce qu'elle voulait, et se montrer persuasive quand il s'agissait de l'obtenir.

« Je prendrai soin de toi. » Acquiesça-t-elle doucement, relevant légèrement le menton, qu'elle avait à nouveau posé sur la poitrine de Maeri pour regarder cette dernière dans les yeux. « Mais repose-toi, d'abord. La Khaleesi a assez chevauché pour la journée. »

Sans préciser de quelle monte elle parlait, la jeune esclave lui adressa à nouveau un sourire, amusé cette fois-ci, avant de se redresser quelques peu, arquant un sourcil intrigué aux paroles de Maeri. Il n'y avait rien de surprenant en la venue de nouveaux esclaves au sein du Khalasar, elle se doutait que celui de Drogo devait en regorger, et sa maîtresse n'était pas du genre à refuser des prises de guerre. Néanmoins, la plupart des esclaves qui se joignaient à eux parlaient généralement Dothraki, ou alors Lhazaréen. Ceux qui ne connaissaient pas leur langue l'apprenaient, ou étaient alors bien vite revendus.
Ou pire. Elle-même ne serait probablement pas restée au service de la Khaleesi si elle n'avait pas montré un minimum d'intérêt et de talent envers les autres langues ; c'était même probablement ce qui lui avait sauvé la vie.
Peu étaient ceux au sein d'un Khalasar qui parlaient le Valyrien, ou à défaut le langage des cités libres. Piquée de curiosité, la Lysienne se redressa, s'asseyant sur la couche de fourrures avec sa chevelure défaite pour seule vêtement, coulant en cascade blonde sur ses épaules.

« Ils parlent Valyrien ? » Demanda-t-elle avec un étonnement mêlé d'intérêt.

Le fait était assez rare pour être souligné, même si elle doutait que beaucoup d'entre eux ne demeurent longtemps au sein de la horde ; certains mourraient, tout simplement, trop faibles pour suivre le rythme de la marche ; les autres étaient généralement revendus, le Khalasar ne pouvant s'encombrer de trop de bouches inutiles, notamment si Maeri décidait de replonger dans la Mer Dothrak. Ce qui signifiait qu'ils feraient probablement un détour par l'une des cités libres aux alentours, à Volantis peut-être, ou Myr, afin de revendre le surplus de « marchandise ».

« J'irai leur parler demain. » Déclara-t-elle simplement. « Que désires-tu en faire ? Veux-tu que je leur apprenne notre langue, ou comptes-tu les revendre aux cités libres ? »

Leur langue. Si elle se hasardait encore, au sein de leurs rencontres et de leurs négociations avec les cités d'Essos, à parler le Valyrien et ses déclinaisons, elle avait depuis longtemps adopté le Dothraki comme langue commune, bien qu'elle n'ait jamais réussi à se faire à son accent dur et grave.
L'essentiel étant de parvenir à se faire comprendre, ce qui ne lui posait guère de soucis. Plus maintenant, et encore moins avec elle, où le langage du corps venait parfois tout simplement remplacer la parole.
Roulant à son tour sur le dos, la Lysienne laissa ses yeux clairs se perdre dans la toile de tente qui lui tenait lieu de toit, soupirant doucement, sa poitrine se soulevant au rythme de ses inspirations légères, comme si elle n'osait respirer, discrète jusque dans le moindre de ses souffles.

« Et maintenant... ? » Murmura-t-elle, presque plus pour elle-même que pour sa maîtresse.

Ils avaient tout. La victoire, la gloire, la force, tout ce qu'un Khal Dothraki pouvait un jour espérer posséder, et même plus encore. Mais elle connaissait Maeri, sa passion, son ambition.
Elle ne s'arrêterait pas là.
Tournant légèrement la tête vers cette dernière, la jeune esclave chercha le visage de la Dothraki, scrutant silencieusement ce dernier d'un air interrogateur, mêlé d'une pointe d'appréhension.

Les moments de calme parfait comme ceux-ci n'étaient pas très courants dans la vie du khalasar et Maeri avait appris à en profiter lorsqu'ils se présentaient à elle. Celui-ci serait probablement le seul de sa vie se déroulant après la mort du plus grand Khal de leur temps. La Dothraki avait su dès le moment où ils s'étaient engagés à l'affronter qu'elle n'aurait que peu de chance de le battre en vrai duel. Elle regrettait presque de ne pas l'avoir véritablement battu à présent, ç’aurait été un combat comme tout vrai guerrier voulait connaître avant de mourir. Mais elle en serait probablement ressortie morte.
Imeah avait le don de lui faire oublier tout ça. Drogo était mort et elle avait revendiqué son meurtre, c'était tout ce qui comptait. Et puis, n'était-ce point sa flèche qui avait touché le Grand Khal en première. Elle savait l'avoir touché et elle savait que ce dont elle avait enduit la pointe de son arme était suffisant pour condamner Drogo à mort s'il avait dû affronter quelqu'un. Son peuple s'était incliné, plusieurs guerriers étaient déjà venus lui présenté qui son arme, qui sa tresse. Elle était la gagnante, quelque que soit le point de vue adopté.

La Khaleesi laissa Imeah guider sa main, caressant du bout des doigts la joue qu'elle lui offrait.
Pour sûr, elle allait lui offrir le plus grand bûcher qu'aucun Dothraki n'ait jamais vu. Son père n'avait pas eu cet honneur à l'époque, mais elle-même l'avait offerte à Joqo quand elle l'avait tué. Il était hors de question que les deux bûchers soient comparables. Drogo était infiniment plus respecté que ne l'avait été Joqo et elle ne pouvait pas insulter sa mémoire devant les restes de sa horde. Elle avait donné des ordres pour que la montée du Khal vers les étoiles soient aussi impressionantes que possible.

La dothraki se fendit d'un petit rire alors que son esclave évoquait la fatigue. Elle avait raison bien sûr, l'adrénaline ne pourrait pas lui permettre de tenir debout éternellement. Ce n'était pas du tout le bon moment pour être épuisée et perdre en réflexe, mais elle devait encore assister au bûcher. Le khalasar ne se mettrait pas en mouvement immédiatement, pas dans son état. Elle se reposerait donc durant la journée qui suivrait.

- Je compte sur toi pour être là quand je me reposerai.

Depuis la mort de Joqo, il y a déjà quatre ans, Maeri n'avait presque jamais dormi seule dans le grand lit de fourrure. Elle s'arrangeait toujours pour partager sa couche avec au moins une esclave, même si elle ne la touchait pas. Elle détestait l'impression de froid qui se dégageait d'un lit à demi vide.

La question des esclaves la fit sourire à nouveau. Valyrien, oui, ils devaient le parler, n'est-ce pas ? Elle savait que les habitants de l'autre contient parlait une autre langue, le Westerosi, mais les Targaryen étaient des descendants de Valyria, ils devaient être capable d'en parler la langue non ? Quand à l'autre, elle venait des Cités Libres et le parlait donc forcément. Imeah avait déjà essayé de lui expliquer un jour la différence entre les dialectes de toutes ces Cités, mais aux oreilles de la Dothraki, toutes ces langues sonnaient de la même façon. Même l'accent rauque des Cités de l’Ancienne Ghis ne faisait pas grande différence pour elle. La Khaleesi était capable de reconnaître quelques mots de valyrien – essentiellement ceux qu'on retrouvaient même dans sa langue – mais pas de distinguer l'une de l'autre.
Imeah promit de leur parler le lendemain et cela lui suffisait. Elle n'avait pas encore d'idées exactes de ce qu'elle allait faire de ce lot. Les esclaves pris à Drogo seraient revendus et elle avait déjà une bonne idée d'où, mais ceux qu'elle avait revendiqué pour elle aurait un sort différent. Ils n'étaient pas n'importe qui.

- Je ne les revendrai pas, tout de suite. Ils doivent tous parler Valyrien. Nous avons capturé les deux derniers Targaryen, Viserys et sa sœur – apparemment – Daenerys. Commence par elle, si elle a partagé la couche de Drogo, peut-être a-t-il pris le temps de lui apprendre quelques mots de notre langue. Une autre vient de Volantis, Mellario Vhassar. S'ils se montrent coopératifs, apprends leur, sinon...

Elle s'arrangerait pour qu'ils le deviennent.
Avant qu'elle ne roule sur le côté, Maeri piqua un baiser sur le front de la jeune femme, souriante. « Notre » langue, disait-elle, alors qu'elle n'avait rejoint les Dothrakis que des années plus tôt. Terrifiée d'abord, et à raison, mais à présent ? La Khaleesi ressentait une absurde fierté à entendre son esclave lui parler ainsi. Sa langue était aussi la sienne à présent, même si Imeah avait toujours un accent déplorable quand il s'agissait de parler Dothraki. Elle était trop douce pour arriver à prononcer correctement les nuances rauques et agressives de la langue des Seigneurs du cheval.

La Dothraki tourna doucement la tête en voyant son esclave tenter de lui échapper. Elle la regarda en silence pendant un moment, même après qu'elle ait posé sa question. Puis une main calleuse se posa sur elle en douceur, caressant une épaule, soulignant la courbe d'un sein avant de s'arrêter sur le flanc de la jeune femme.
Elle l'attirait lentement vers Maeri.

- Je t'ai déjà raconté ce que le Dosh Khaleen a prophétisé à mon père quand il a su ma mère enceinte. Un héritier. Un grand Khal qui reprendrait le flambeau de Khal Torro. J'ai été une petite surprise à l'époque.

Son sourire n'avait pas disparu, mais il avait pris une teinte amère. Sa mère n'avait pas survécu à sa naissance et Torro lui avait raconté tout ça quand elle eut atteint neuf ans. A l'époque, elle-même n'avait pas compris ce qu'impliquait la prophétie du Dosh Khaleen.
Soudain, la Khaleesi entoura de nouveau la jeune femme de ses bras et l'attira contre elle, la serrant fort. Elle enfouit son nez dans les cheveux d'or et murmura contre l'oreille d'Imeah.

- Je pense qu'il est temps d'avoir des éclaircissements du Dosh Khaleen.