Le lendemain de la fête des Moissons à Winterfell, un membre de la garde de nuit avait attiré Hermine à l’écart du campement. Il sentait mauvais, mais Hermine comme à son habitude, ne s’était pas débattue. Pour se débattre il fallait avoir du courage, une once de fierté, d’estime de soi, et elle n’était qu’une simple acrobate. Elle ne disait jamais non à personne, elle n’en avait de toute façon pas les moyens, ne sachant pas se battre. Et puis l’habitude peut-être, en tout cas, elle se laissait faire, et ainsi, elle vivait toujours. Mais elle ne se méfiait toujours pas, naïve et un peu idiote certainement, avec ces grands yeux gris, elle ne comprenait toujours pas, ni où exactement se situait le problème, ni pourquoi ils faisaient ça. Pourquoi elle n’appréciait pas cela avec les autres autant qu’avec Gendry ? Pourquoi ils la battaient, souvent, mais pas toujours. Pourquoi ils lui criaient dessus ? Le fait est qu’elle subissait cela depuis si longtemps qu’elle se demandait si c’était cela la normalité de la chose ou plutôt lorsqu’elle était avec son amoureux à Port-Real. Elle ne savait pas, alors elle ne disait rien et baissait la tête pour éviter les coups. Et comme une enfant obéissante, elle faisait ce qu’on lui demandait.

Cela n’avait pas empêché le corbeau de lui mettre quelques claques bien inutiles mais certainement agréables pour lui. A force, fragile petite jeune fille, elle avait perdu connaissance, craignant alors de l’avoir tuée, il avait voulut l'emmener plus loin pour cacher son cadavre dans le Bois et qu'elle se fasse manger par des loups. Mais en chemin, elle s'était réveillée. Il s'était alors dit que puisqu'il y était, il pourrait abuser d'elle pendant plus longtemps s'il l'emmenait à Châteaunoir et trouvait un endroit pour la cacher. C'est à dire que les excursions nocturnes à la Mole commençaient à lui coûter cher ! Il remonta donc aussitôt jusqu'au Mur et, avant que le reste des Corbeaux ne remontent de Winterfell, esquivant sans mal les présents à la nuit tombée, l'enferma dans une cellule. Bâillonnée et enchaînée, elle ne pouvait ni se débattre, ni appeler à l'aide. Et personne ne descendait ici à moins qu'il y ait des sauvageons à y enfermer, ce qui se faisait rare ces temps-ci. prisonnière et avaient décidé de l’amener avec eux au delà du Mur. Le voyage pénible, brinquebalée qu'elle était sur la monture du Frère Juré qui heureusement lui avait laissé sa robe, son gilet et son manteau de laine. Malgré cela, toutes les nuits, elle grelottait et la fatigue la gagnait peu à peu, le manque de nourriture et le froid l’affaiblissant à vue d’œil, la rendant de moins en moins avenante. Alors quand l'homme qui l'avait enlevée la couvrait de son corps, elle se fichait bien de savoir si c’était bien ou non, pendant quelques instants, elle avait chaud.

Mais quelques semaines plus tard, un corbeau avertis Chateaunoir du retour de patrouilleurs avec des prisonniers. Pris de panique, l'homme décida donc de se débarrasser de son jouet, et pour qu'elle ne parle pas, il la condamna à mort en la relâchant de l'autre coté du mur, déjà si faible qu'elle pouvait à peine marcher. L'assommant, l'enfermant dans un sac de jute et, prétextant une visite à Craster, il traversa le tunnel et galopa longtemps pour l'éloigner le plus possible. Une fois assez loin, il la prit une dernière fois avant de la laisser là, prenant son manteau et le mit pour l'instant dans le sac pour donner le change, bien décidé à s'en couvrir dès que possible. Ce voyage et le manège qui s’en suivit termina de l’achever, et épuisée, elle tomba dans la neige et s’endormit certainement pour ne jamais se réveiller. Il l’abandonna à son triste sort, et si personne ne la trouvait rapidement, elle allait certainement mourir, trop fatiguée pour allumer un feu, trop glacée pour se réveiller, et avec ça, les vêtements en lambeaux et les cheveux en bataille. Blanche comme un linge et froide comme un cadavre, elle gisait là à plusieurs kilomètres du Mur, comme une proie facile pour toutes les bêtes sauvages qui chassaient par ici…

« Argh ! »

Hermine se réveilla en sursaut, l’eau chaude sur son visage l’avait surprise, et encore plus el fait de se retrouver nez à nez avec une sauvageonne. Elle regarda autour d’elle et hésita à essayer de s’enfuir, mais où pourrait-elle bien aller, elle ne connaissait rien ici, et puis elle était encore frigorifiée, et elle mourrait certainement de froid pour de bon si elle partait. Alors elle se contenta de rester là, assise dans une sorte de tente bouche-bée et sans mot dire pendant un moment. Elle se demandait si ces gens là parlaient la langue commune, alors elle se mit à essayer de communiquer par gestes. Elle se montra du doigt et dit :

« Moi, Hermine, Toi ? »

La rouquine montra la jeune fille du doigt, attendant une éventuelle réponse. Mais elle était pressée de savoir comment elle était arrivée là, alors elle la remontra du doigt, se montra elle-même puis mit les deux mains jointes sous sa tête en faisant mine de dormir, se frotta les épaules et désigna la tente.

« Toi trouvé moi, moi froid, toi sauvez moi… Merci… »

La jeune fille chercha un moyen de dire merci avec les mains, mais ne trouvant rien, elle haussa les épaules et se contenta de répéter.

« Merci… »  

Inquiète, elle la montra de nouveau du doigt avant de se frapper, puis de désigner sa bouche ouverte, ou encore de faire mine de lui donner quelque chose de se pointer elle-même et d’agiter la main en signe de départ.

« Tu vas me faire du mal ? Tu vas me manger ? Me vendre ? »

Hermine fut surprise de la jeune fille parle la même langue qu’elle et la fixa un bon moment avec de grands yeux étonnés avant de répondre enfin.

« Azahel, Azahel du clan d’Isaar. » Répéta-t-elle comme dans un rêve avant de reprendre pleinement ses esprits et de revenir à la conversation. « Merci Azahel, sans toi je s’rais morte aussi… je crois. » Elle baissa la tête un peu mal à l’aise. « Pardonnes moi, je… je ne sais rien de ton peuple si ce n’est que partout au sud du Mur on dit que vous êtes très dangereux, des sauvages. Mais tu vois, au Sud du Mur, il est probable qu’on m’aurait laissé mourir dans la neige, en tout cas, on ne m’aurait pas aidé sans rien attendre en retour. Alors oui, c’est certainement nous qui sommes bizarres. »

La rouquine sourit. Remise en confiance par les paroles réconfortantes de la sauvageonne elle se sentait mieux que jamais, enfin elle avait encore un peu froid et très faim, mais elle n’avait plus peur et c’était déjà une bonne chose. Par contre elle avait tendance à oublier où elle se trouvait, ou peut-être ne voulait elle pas trop réfléchir à la façon de survivre par ici.

« Je meurs de faim ! Je crois que ça fait… » Elle compta sur ses doigts. « Trois jours que je n’ai mangé que du pain sec et de l’eau. Qu’est qu’on mange ? Tu veux que je t’aide ? »

Avec un air enjoué, elle se leva et commença à chercher partout une gamelle de fer pour faire le repas.

« J’étais à Winterfell, j’ai été enlevée, et ensuite, l’homme qui m’avait enlevé m’a amené de ce coté-ci du mur et m’y a laissé. Avant, j’étais acrobate et marionnettiste dans une troupe. Nous étions allés chez les Stark pour la fête des moissons. Encore avant je vivais à Port-Real et encore avant à Salins. » Hermine se tourna à nouveau vers son hôte. « Tu peux me faire confiance tu crois ? »

Elle vint se rassoir.

« Pour te remercier, je peux repriser tes vêtements, les laver aussi, je sais coudre, jouer un peu de musique et chanter. En attendant que tu puisses repartir, tu es gentille de bien vouloir retarder ton voyage pour moi. Où tu vas après ? Mais… » Elle baissa la tête l’ait affligé. « J’aimerais rentrer chez moi, retrouver ma troupe. Seulement ils sont de l’autre coté du Mur, et ils ont probablement déjà quitté Winterfell… Je ne les retrouverais jamais… »

Elle se mit à pleurer. De nouveau seule au monde, arrachée à ses amis.

Du chaudron s’échappait le fumet du lapin et des herbes, aux yeux d’Hermine qui avait plus l’habitude de manger du pain rassis et du bouillon plus clair que de la pisse, cela ressemblait à un repas de roi. Elle regardait le ragout mijoté avec envie, salivant d’avance d’autant plus qu’elle avait été privée de nourriture depuis un peu trop longtemps. Cela lui rappelait les années d’opulence dans la petite masure au bord de la Ruffurque avec les femmes qui l’avaient recueillie. A l’époque, la vie n’ »tait pas toujours facile, mais elle mangeait à sa faim contrairement à aujourd’hui. Enfin, elle avait décidé de partir, peut-être avait elle fait une terrible erreur, mais elle avait aussi vécu de sacré belles aventures, alors elle n’avait pas de regrets. Cela dit elle était contente que le sauvetage in-extremis d’Azahel lui donne un sursis avant la mort, elle avait envie de vivre encore longtemps si possible.

La jeune sauvageonne avait raison, il fallait qu’elle économise ses forces, mais c’était une chose qu’Hermine n’avait jamais vraiment su faire. Mais en jeune fille obéissante et reconnaissante, la rouquine prit une couverture là où elle lui avait indiqué et elle la lui passa autour des épaules, n’ayant pas compris que c’était pour elle, et se rassit là où elle était avant avec un grand sourire.

« Tu vois que je peux t’être utile. »

Quelques minutes après cette réplique, Hermine qui repensa à ses amis se mit à pleurer et la gentille sauvageonne la prit dans son bras et la fit poser sa tête sur ses jambes. Elle qui n’avait pas vraiment l’habitude qu’on soit douce avec elle prit cela pour un véritable geste amicale et se laissa faire. Elle était bien ici, au chaud avec cette bonne odeur de ragout et Azahel qui semblait bien plus apte à les protéger toutes les deux que la jeune orpheline. Elle sourit et cessa doucement de pleurer même si elle avait bien compris que malgré tout, la brune ne lui faisait qu’une confiance très limité et la trouvait bizarre. Et pire, elle n’était pas faite pour vivre de ce coté là du mur, ici ces chances de survies étaient nulles surtout si son amie l’abonnait, et en même temps, elle ne savait absolument pas comment repasser de l’autre coté. Alors la mort, bien qu’elle l’ait évite pour le moment, continuait de s’approcher à grand pas, et une mort bien triste dans cet endroit, une mort avant laquelle elle ne pourrait plus chanter ou danser. Elle se sentait inutile et idiote comme jamais et cela la rendait triste. Mais elle se redressa bientôt pour sécher ses larmes, consciente qu’elle était un sacré boulet pour cette jeune femme plus que débrouillarde qui l’avait sauvée.