Année 298 – Lune 12 – Semaine 3 – Jour 3

Le Bois-aux-Loups apparut sur notre gauche. Nous étions presque arrivés à Winterfell et plus rapidement qu’avec Père.

Jojen était meilleur, qu’il ne le pensait.

« Emprunter la route royale me donne toujours une impression étrange. Cela nous change tellement de nos petits chemins entrecroisés du Neck. J’ai l’impression que nous disposons d’une sorte de guide invisible. » Me dit mon frère avant de s’interrompre.

Il voyait bien que je ne l’écoutais pas.

« Continue à parler. » Lui murmurais-je innocemment.

Jojen s’exécuta en conservant son naturel. Discrétion, sang-froid, il deviendrait un bon chasseur avec le temps.

« Des gens se cachent dans les buissons devant sur notre droite. » Dis-je entre mes lèvres.

Il était inutile de préciser qu’ils étaient des brigands. De quoi pouvait-il s’agir d’autres.

« Combien sont-ils ? » Plaça furtivement Jojen dans son monologue.

« Au moins quatre. »

Mon frère n’ajouta plus rien du moins de conséquent. Il ne s’agissait pas de prédiction ou discourt. C’était donc à moi de prendre les rênes.

« Dès que je taperais du pied nous filerons dans le Bois-aux-Loups. Nous les y sèmerons. Si besoin je les ralentirais un peu avec mon arc ou des pièges. »

Tout en continuant notre marche je réalisais que Jojen n’avait jamais été confronté à
ce genre de risque.

« Ça vient bien se passer. » Ajoutais-je afin de le rassurer. « Tu as l’habitude des déplacements en forêt. »

« Je te fais pleinement confiance. » Répondit-il toujours solennel.

Même s’il avait peur, il le cachait bien mon cher petit frère.

Peu après je donnais le signal du départ. Même si les autres furent prompts à réagir, nous bénéficions d’une certaine avance.

Je prenais bien garde rester à la hauteur de Jojen. Les pas derrière nous étaient lourds et surtout nombreux. Mon évaluation était fausse.

Nous filions en effleurant à peine les branchages, eux arrachaient tout. Pourtant ils nous talonnaient toujours. Sûrement des adultes au sommet de leurs formes.

« On aura ton cul petite ! » S’exclama l’un d’entre eux plein de haine.

Jojen s’oublia un instant et me lança un regard de peur pour ma personne. Ces salauds n’accepteraient pas d’être duper par des gamins et encore moins par une femme. Ils ne nous lâcheraient pas de sitôt.

Tout en continuant de courir je brandis mon arc, et y plaça une flèche. De son côté Jojen sortit son trident en dernier recourt.

Ces gueux allaient apprendre une leçon de chasse primordiale : acculer le gibier se défend.

La cape de Theon couvrait la croupe de sa jument grise, qui marchait tranquillement au pas dans les bois. La brise effleurait les feuilles inanimées des grands chênes, mais, pour lui, il y manquait les embruns de l'océan. L'air était sec et froid, et il lui manquait de revoir les hautes tours de Pyk. Son cheval se mit soudainement à trépigner, comme si il avait sentit quelque chose.

« Allons, calme toi Brume. »

Il observa les alentours en lui flattant l'encolure, sans desceller le moindre bruit, ni le moindre mouvement dans les buissons avoisinant. Le jeune homme avait appris à faire confiance à ses montures. Il repris les rênes en main, et ses muscles se raidirent. La jument, aux aguets, avait dilaté ses naseaux et soufflait fort. Theon lui pressa alors le pas, traversant petit à petit les bois encombrés d'arbre et de souches.

Il tendit l'oreille, et le son d'un chuintement de lame quasiment inaudible vint à lui. Sa jument releva brusquement la tête, mais Theon resta sur selle. Il dégaina son épée furtivement et c'est alors qu'il apparut.

Le brigand était devant lui, couvert de peaux de bêtes et de fourrures, munit d'une lame ébréchée, et prenant l'air terrifiant. En vain, Theon ne se laissait pas impressionner par un brigand de bas étage. Il talonna les flancs de sa monture et chargea, mettant sa lame à l'horizontale. Elle trancha alors la tête du malheureux, qui s'envola à quinze pied du corps auquel elle était attaché il y a quelques secondes.

Il entendit des bruits de bataille un peu plus loin, et rejoignit alors le petit groupe qui se livrait aux armes. Il dégaina alors son arc, et tira une flèche bien placé dans le cœur d'un des amis de sa récente victime.

Ils étaient trop proches pour que nous puissions nous dissimuler. Tout allait donc se jouer sur l’endurance. Peut-être avais-je mes chances ? Mais pas Jojen.

Il fallait donc creuser l’écart à tout prix. Je stoppais ma course un court instant, me retournais, et décochais une flèche sur la première cible en vue. Je ne visais même pas un point un précis. Le but était de les pousser à se retrancher.

Hélas ce n’eut pas l’effet escompté. La peur est parfois un stimulant. Non seulement ils accélérèrent brusquement le pas, mais en plus ils se dispersèrent sur les côtés à l’instar d’une meute de chiens.

A mon avis ils ne nous avaient pas rattrapés auparavant uniquement dans le but de nous fatiguer. Puis mon attaque les avait poussés à changer de stratégie.
Dans un instant ils seraient sur nous sans même me laisser l’occasion d’un deuxième tir. Je le sentais.

« A gauche. » Criais-je à Jojen.

De ce que j’entendis il s’arrêta et fit face. Moi aussi je pris l’initiative. Cela augmentait un peu nos chances.

Deux hommes accouraient vers moi. Le plus proche brandissait une espèce de lance. Je lui jetais mon filet. Il était conçu pour retenir les grenouilles et autres petites bêtes. Toutefois il suffit à le distraire le temps que je lui enfonce mon trident dans le ventre.
L’autre porta un coup d’épée que bêtement je bloquais de mon arme. J’aurais sans doute dû esquiver à la place. Seulement j’avais l’expérience de la chasse, pas du combat.

Sous l’impact je tombais à la renverse. Pourtant mon adversaire n’en profita pas. Puis je vis Jojen entrain de reculer dans ma direction l’épaule en sang.

Comme toute bonne meute, les quatre brigands restant nous encerclaient attendant un mouvement de notre part pour nous prendre à défaut. Une fois de plus ils prenaient leur temps afin de réduire les risques.

Allions-nous finir ainsi ? Quelle fin pour les enfants d’un des deux survivants de la Tour de la Joie.

Puis retentit le claquement à peine perceptible d’un arc. Une flèche se figea dans le cœur d’un des charognards. Soudain ils nous oublièrent complètement décontenancés d’être cette fois-ci les proies.

J’eus la tâche facile, et visais même avec minutie la gorge de mon précédent agresseur. Plus que deux !

Toujours perché sur le dos de sa jument, Théon, analysa rapidement la scène qui se présentait à lui. Deux jeunes gens de débattait corps et âme pour se sauver l'un l'autre.
Surpris par l'arrivé du jeune homme sur son cheval, tous marquèrent un temps d'arrêt avant de reprendre la bataille. Quatre brigands restaient encore sur leurs pieds. Theon n'avait le temps que de tirer une seule flèche avant que les mécréants ne se ruent sur lui. Il en sortit alors une de son carquois, et la posa d'une main assurée sur le flanc de son arc, avant de la tirer avec précision. Elle ficha entre les deux yeux d'un premier hommes, qui, après avoir fait une moue indescriptible, tomba à terre, raide tel une planche de bois.

Deux brigands étaient occupés avec les deux autres combattants armés de tridents, et un dernier se ruait sur lui tel un ours en furie. Il descendit alors prestement de cheval, et claqua la croupe de sa jument, qui se cabra et chargea le dernier homme, qui fût surpris. Theon eût alors le temps de dégainer sa dague, et de fondre sur son adversaire. Il lui dit face, et, lui maîtrisant les mains, passa le revers de sa dague sur la gorge de son adversaire. Le sang lui éclaboussa alors le visage, et coula à flot sur le torse de son ennemi. Cela faisait deux de moins. Il se retourna alors, et vit alors que les jeunes gens n'avait guère besoin d'aide.


[HRP - Désolé d'avoir mis du temps à répondre Meera, vraiment...]

Dans l’élan de mon attaque j’en profitais pour me relever et faire face à… un seul homme.

Son regard apeuré me guida vers son complice manquant. Il était allé à la rencontre d’un nouvel arrivant et n’avait pas eu le dessus. Cet allié providentiel était probablement l’auteur du tir à l’arc précédent.

Après cette rapide évaluation, je me concentrais de nouveau sur le brigand. Je reprenais mon souffle et attendais sa réaction attentivement. Ce n’était plus moi le gibier devant fournir l’effort à présent. D’ailleurs lui aussi le comprit et détala.

La rage me souffla de le poursuivre, puis un râle de mon frère chassa cette idée. Il avait tenté lui aussi de se remettre debout afin de continuer le combat. Sa blessure l’avait alors relancée.

« Jojen ! » Criais-je en oubliant tout le reste. « Allonges-toi. Je vais regarder. »

Je déchirais rapidement sa tunique au niveau de l’épaule. Sans doute cause de sa mauvaise qualité, la lame avait visiblement ricoché sur l’os de l’épaule sans l’entamer. La coupe en elle-même était longue mais peu profonde. Je nettoyais avec de l’eau et y apposais des plantes curatives.

Quant à mon frère je m’attendais à ce qu’il fasse face à la douleur. Mais pas qu’il l’ignore au point de de s’adresser à notre sauveur.

« Ma sœur et moi vous remercions de votre intervention, Sir. »

Sir ? Ayant pratiquement fini je me permis de regarder dans sa direction. Il s’agissait d’un jeune homme svelte et dont la tenue suggérait effectivement un noble. Son visage était maculé de sang sans aucune trace de blessure aux alentours. Il ne s’était donc pas contenté seulement de tirer à bonne distance. Il avait su prendre des risques.

« Merci. » Me contentais-je de dire.

Je ne disposais pas du même phrasé que mon frère. Et puis j’encaissais encore le choc. Nous venions tout de même de frôler la mort.

De plus c’était loin d’être fini. Retrouver notre chemin ne serait sans doute pas très difficile. Encore fallait-il que Jojen ne soit pas trop affaibli. Dans le cas contraire nous devrions trouver un abri à proximité.

Théon planta la pointe de son épée dans le sol, après avoir rangé sa dague, s'appuyant dessus un instant pour souffler. Il sentait le sang dégouliner sur son visage. Il s'essaya les joues d'un revers de manche, maculant ainsi sa tunique beige d'un rouge bordeaux profond. Il poussa un râle de fatigue, et marcha jusqu'au cadavre le plus proche. Le jeune homme se contenta d'essuyer la lame de son épée sur la tunique d'un des bâtards qui avait essayer de le faire passer de vie à trépas.

* Fils de chienne ! *

L'homme avait une flèche planté dans le cœur, que le jeune Greyjoy s'empressa de récupérer, puisque c'était la sienne. Il mit épée au fourreau, et vit sa jument un peu plus loin, tranquillement en train de brouter le quelque peu d'herbe qui se présentait à son nez. Il la rattrapa, et lui flatta l'encolure. Il se tourna ensuite vers les deux jeunes gens encore en vie, dont un poussait des râles de douleur insupportables. Il s'approcha d'eux, tenant sa jument par la bride.

« Sire !? » Théon s'esclaffa. « Si seulement ! Tu as en face de toi l’hérité des Iles de Fer mon garçon. »

Un sourire vint se dessiner sur les lèvre de Théon, tandis qu'il se vantait. Il croisa le regard de la jeune femme, qui avait l'air peu aimable tout compte fait.

« Si ton frère est blessé, le mestre de Winterfell se fera une joie de le soigner. D'où venez vous voyageurs, et qu'êtes vous venus faire dans le bois au loups ? »

En son fort intérieur, le jeune Greyjoy espéra que la blessure du garçon n'était que bénigne.

« L’héritier des îles de fer. ».

Ce titre me fit d’abord frissonner. Je repensais à mon premier mort, aux cris de la pauvre femme. Puis il me revint en mémoire les histoires de Père sur la Rébellion des îles de fer. Ned Stark avait pris le fils de leur roi en otage.

Il ne pouvait pas s’agir de la personne nous faisant face. Il n’avait rien d’un prisonnier. Visiblement il se déplaçait librement sans parler de son accoutrement plutôt luxueux.
D’un autre côté qui irait s’attribuer d’un tel héritage ? Personne n’aimait les fer-nés, ce rassemblement de pillards et violeurs.

S’il ne s’agissait pas d’un affabulateur que restait-il comme possibilité ? Un esprit quelque peu dérangé ?
Pourtant il se comportait de manière cohérente. Ne sachant sur quel pied danser je me chargeais des présentations. Jojen risquait de trop parler.

« Nous venons du Neck. On doit se procurer des marchandises rares à la ville d’hiver. » Dis-je en examinant la blessure afin de détourner le regard.

Les mensonges n’étaient pas ma spécialité. Par contre je disposais d’un œil aiguisé. La blessure était bégnine. Toutefois elle risquait de devenir grave suite à un long déplacement.

« Laisser ce mestre à ses bouquins. » Ajoutais-je suite à la proposition. « Mon frère s’en sortira très bien. Hélas il n’est pas en état d’aller jusqu’à Winterfell dans l’immédiat. Vous connaissez un abri à proximité ? »

Je baissais anormalement ma garde malgré la situation. Il nous avait aidés après tout. Je pouvais bien lui accorder un minimum de confiance. De toute façon nous avions clairement besoin d’aide.

Jojen de son côté demeura silencieux. Il ne comprenait peut-être pas ma réaction, mais me laissait faire. Hé oui il arrivait à mon frère de se taire. Il faut dire qu’il était affaibli dans le cas présent.