Dès l'aube, la journée s'était annoncée particulièrement agréable. Le soleil brillait haut dans un ciel parfaitement mais de ses rayons émanait une douce chaleur tandis qu'une brise légère balayait l'air par intermittence et Prudence savourait tout particulièrement ces quelques instants de tranquillité.

Dès qu'elle avait pu échapper à ses leçons matinales, elle s'était rendue d'un bon pas en direction des écuries, désirant profiter de cette journée pour faire faire quelques exercices à son cheval noir favori. Elle avait ainsi passé les deux dernières heures en toute quiétude, profitant de la solitude et du silence des bois environnant Vivesaigues pour galoper et trotter par intermittence avec le cheval, toujours admirative devant la vitesse que pouvait prendre l'animal et sa longue crinière noire qui filait au vent.

Même si elle n'était pas une excellente cavalière, Prudence avait depuis sa plus tendre enfance appris à monter en amazone, comme toute dame qui se respecte, et elle appréciait tout particulièrement ces moments où elle était seule avec l'animal, d'autant plus qu'il était d'une rare douceur et d'une gentillesse telle qu'elle pouvait tranquillement profiter de ces sensations de paix et de liberté qui l'envahissaient à chacune de ses promenades sans avoir à se soucier de tenir les rênes fermement. Quand elle le menait au pas, le cheval ne semblait avoir besoin d'aucune indication ni d'ordre pour faire exactement ce qu'il fallait et c'était l'idéal dans un moment pareil.

Elle avait fini par ralentir, flattant l'encolure du cheval et lui parlait d'une voix douce, presque chantante.

"Là, là Pomme, nous avons fait une belle promenade aujourd'hui et nous allons pouvoir rentrer tranquillement. Du bon foin et une stalle propre t'attendent. Tu pourras te reposer et je retournerai à mes occupations."


Comme à chaque fois qu'elle évoquait le nom du cheval, un sourire empli de nostalgie se dessinait sur ses traits. Elle se rappelait encore du jour où Marie avait décidé de nommer le nouveau cheval qui venait d'arriver dans l'écurie et qui était un cadeau de leur père destiné aux jeunes demoiselles de la maisonnée, pour leur apprendre à monter un animal digne de ce nom avait-il clamé d'une voix joyeuse. Elle avait alors pointé du doigt la tâche qui rappelait vaguement le fruit et qui s'étalait le long de son flanc droit avant d'annoncer fièrement qu'elle avait trouvé comment l'appeler.

Personne n'avait eu le courage, ou plutôt l'envie, de changer le nom de l'animal, d'autant plus que le Fléau du Printemps s'était abattu sur eux quelques semaines plus tard. Ils avaient longuement délaissé l'animal et Prudence avait eu beaucoup de mal avant de revenir auprès de lui, son esprit ayant du mal à démêler le malheur qui les avait frappé du pauvre cheval. Et pourtant, à force de temps elle avait réussi à nouer un contact privilégié avec l'animal. Chaque instant qu'elle passait auprès de lui permettait à la jeune femme de vider son esprit et de profiter de l'instant présent, comme cela avait été le cas lors de cette promenade.

Alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour et à regagner leur demeure de pierre, un bruit qui n'appartenait pas à la forêt lui fit froncer les sourcils.Avec un simple claquement de langue et un léger coup de rênes pour faire changer Pomme de direction, elle se dirigea dans la direction supposée de la voix, au petit trot.Alors qu'elle se rapprochait,elle entendait également le bruit d'un animal.Après quelques mètres elle finit par apercevoir la silhouette de l'homme en présence d'un loup et elle arrêta doucement le cheval, avant d'en descendre et de lui tenir fermement les rênes, hésitante. Elle resta ainsi sans bouger durant de longues minutes.

Il semblait savourer ce moment de solitude et, si Pomme n'avait pas renâclé bruyamment, Prudence aurait probablement fait demi-tour sans hésiter, ne désirant pas le déranger ni troubler ce moment de quiétude et encore moins paraître effrontée face à Sir Robb Stark. Mais le cheval ne semblait pas de cet avis et, c'est la mine contrite qu'elle fit son apparition dans la petite clairière où s'était installé Robb.

Ser… vous me voyez sincèrement désolée de vous avoir interrompu. Loin de moins l'idée de vous déranger..

Un bref sourire alors qu'elle caressait doucement l'encolure du cheval qui commençait à piaffer de rester ainsi sans bouger.

L'aube avait apporté sa dose de soleil et de tranquillité. Robb avait appris à chérir ces instants de simplicité, alors que tout autour de lui s'était considérablement compliqué. Le climat rude et froid du Nord décourageait les visiteurs pour la plupart, sauf les habitués ou les valeureux, ce qui faisait que de ce côté là, Robb était tranquille. En revanche, il y avait toujours quelque alliance à contrefaire, à espérer, à réussir à maintenir. Et là, c'était son rôle, son rôle de Gouverneur du Nord en l'absence de son père, son rôle de grand frère de Bran. Beaucoup comptaient sur lui, et il ne voulait pas décevoir.

C'était ainsi que la veille, il s'était entretenu avec ses plus proches vassaux, notamment la famille de Vaughn. D'après son père, ils avaient toujours été proches des Stark, depuis aussi longtemps qu'homme s'en souvienne. Le chef de famille, un homme imposant, était venu festoyer et rapporter les activités autour de sa demeure. Il avait l'air aussi de proposer un renforcement de cette alliance, par un mariage, entre un Stark et une de Vaughn. Selon lui, sa soeur Prudence avait atteint l'âge de se marier, et il désirait lui trouver chaussure à son pied au plus vite. Robb n'était pas dupe. Il savait bien ce que cette alliance signifierait. De Vaughn aurait une main possible sur l'héritage de Stark, Winterfell, la renommée. C'était une façon des plus courtoises de vous planter un poignard dans le dos une fois que vous aviez servi votre rôle. Mestre Luwin était intervenu en dissipant l'information sous un tas d'autre, Robb étant trop abasourdi pour répondre. Lui-même n'avait pas spécialement envie de se marier. Ses parents avaient beau avoir l'air heureux, il ne savait pas s'il voulait réellement être contraint aux liens du mariage. Pouvait-il seulement le faire? Il savait qu'il devrait se marier, c'était aussi inévitable pour quelqu'un de son rang que pour la lune devoir faire place au soleil.

Ce matin là donc, il était sorti tôt, troublé par ses pensées. Il avait pris un cheval, après avoir croisé Mestre Luwin en lui assurant qu'il serait rentré pour déjeuner. Il s'était éclipsé jusque dans le bois-aux-loups. Ce bois signifiait beaucoup pour lui, beaucoup. C'était un souvenir impérissable de son enfance, définitivement entachée de l'encre de ses responsabilités actuelles à présent. Et cette époque semblait si loin, si loin qu'il doutait même de l'avoir vécue.

Il s'était arrêté dans une clairière, descendant de cheval. Vent Gris n'avait pas tardé à la rejoindre, jamais très loin de Robb. Ce loup garou était son plus propre ami, même au delà de Theon, alors que Robb le considérait comme son propre frère, au même titre que Jon et Bran. Vent Gris semblait être son porte bonheur, son gardien. Il se frotta à ses jambes en grognant doucement, puis leva brusquement les oreilles, immobile, alors que Robb allait lui adresser la parole. Robb porta la main à son fourreau, remarquant un peu tard qu'il n'avait pas son épée. Il se retourna au moment où une douce voix vint jusqu'à lui.

Ser… vous me voyez sincèrement désolée de vous avoir interrompu. Loin de moins l'idée de vous déranger..

Ce qui se trouvait devant lui, à plusieurs mètres, était une jeune femme ravissante. Les pommettes rougies par le froid, les cheveux d'un blond éclatant que le soleil renforçait, elle était habillée d’apparats de noble, mais d'une façon relativement masculine. Elle avait des yeux clairs, du moins ce que Robb pouvait en voir de loin. Perdant ses moyens, il resta muet un moment, avant de lui adresser un sourire contrit.

- Vous ne me dérangez pas du tout, ma Lady.

Il ne la connaissait pas, mais d'une certaine façon, elle lui semblait familière.

- Si vous me permettez, vous ne devriez peut-être pas traîner dans les bois à cette heure si inhabituelle. Beaucoup de choses rôdent, et pas toutes ne vous veulent du bien, si vous voulez bien me croire.

Vent Gris approuva par un aboiement plus proche de celui d'un chien que d'un loup, mais enjoué.

Je suis Lady Prudence,. Je ne crois pas avoir le plaisir de vous connaître en revanche

Prudence n'avait que très rarement peur d'être seule ou d'être confrontée à des inconnus. Son éducation, à la fois simple et efficace ne l'avait pas dotée de trop de préjugés et elle se sentait toujours en sécurité lorsqu'elle était sur ses terres et qu'elle savait sa demeure non loin. Ce n'était ni la première ni la dernière fois qu'elle profitait de quelques heures de solitude et c'était plus de la surprise et de la curiosité que de l'inquiétude qui l'avaient envahie lorsqu'elle s'était trouvée face a un membre de la famille Stark.

Elle avait pourtant réprimé un léger sursaut lorsqu'elle avait aperçu une partie de l'épée dissimulée par sa cape mais, après quelques instants de réflexion, il lui avait paru logique que n'apporte quelle personne se balladant dans ce bois ne soit pas désarmé. Et après tout, elle aurait pu le surprendre facilement si elle avait été armée, chose qui ne risquait pas d'arriver elle avait les armes en horreur malgré tout ce qu'elle avait pu entendre sur leur utilité, et il ne semblait guère animé d'attention belliqueuses. Mais, une infime part d'elle appelait à la prudence et elle décida de garder quelques mètres de distance entre eux pour rassurer sa conscience.

Visiblement,lorsqu'il la salua, elle répondit par une légère révérence, suivant elle aussi l'étiquette malgré la situation quelque peu incongrue et marquant par là elle aussi leur différence de statut.

Le hasard fait parfois bien les choses, Ser Stark. Il s'en est fallu de peu pour que je ne vous entende pas mais j'aime suffisamment les animaux pour l'entendre à chaque instant.

Elle laissa couler un sourire de convenance, glissant un regard attentif sur le loup, animal dont elle n'avait jamais eux un face à face avec cette bête et cela l'intriguait quelque peu.

"Je ne souhaitais aucunement troubler un moment de solitude Ser Stark. Mais je serais enchantée de rester quelques instants auprès de vous."

Elle portait une longue robe bleu nuit aux larges manches bouffantes d'un bleu plus clair et dont la solidité était parfaite pour monter en amazone, mais dont la simplicité n'était guère faite pour des rencontres officielles alors qu'une fois de plus elle avait laissé ses cheveux flotter librement dans l'air. Elle devait avoir l'air passablement échevelée et sentit une vague gêne la gagner brusquement. Une dame ne devait pas se présenter d'une telle façon mais il était trop tard maintenant, elle devait s'en accommoder.

Elle se racla la gorge et se redressa, comme pour reprendre une contenance avant de répondre, de l'air le plus digne qu'elle pouvait trouver.

"Nul besoin de me mettre en garde Ser.J'ai entendue tellement de choses sur ce bois et ses habitants que j'ai l'impression de trouver en un lieu famillier.Et puis qui aurait peur en ce moment,alors que Ser Robb Stark est en ce même lieu.

Nulle trace d'humour dans sa voix, elle se contentait d'énumérer un fait, une situation alors que le chevalier cherchait visiblement les mots appropriés pour expliquer sa présence surprenante dans cette clairière.


"Vous avez donc un loup alors. Cela doit être rassurant. J'espère que vous n'avez pas rencontré de grosses difficultés sur votre chemin. Que ressentons vous,je veux dire..Avoir une bête à la fois sublime que dangereuse à vos côtés..

Ses questions étaient un savant mélange entre la courtoisie, dont elle se devait de faire preuve de par son rang, et une franche curiosité. Elle voulait en savoir plus sur ce lien qui les unissaient, n'étant jamais allée dans cette région qui lui semblait particulièrement lointaine. Le loup avait dû sentir cette curiosité car il se rapprocha et tout doucement Prudence pose sa main sur sa tête en souriant.