Ils avaient réussi à le convaincre ces fourbes. « Reste encore quelques jours. Vient jouer une dernière fois avec nous ! Et puis Hautjardin vaut le détour, c'est vraiment une très chouette ville ! Avec les fleurs, les parfums, les filles, tu vas adorer ! ». Autant d'argument que ses compagnons de route, sa troupe de Troubadour, avaient avancé pour le faire rester encore un peu plus. Il n'avait pas résisté bien longtemps au final. Accédant à leur requête. Elis n'avait jamais mis les pieds encore à Hautjardin, ville qui abritait la maison suzeraine du Bief : les Tyrell. Son enfance, il l'avait passé à Corcolline. C'était seulement l'année dernière, suite au départ de Leyïa que le jeune garçon s'était mis en route pour découvrir le monde. Enfin, quelques contrées du Bief pour être honnête.

Elis n'avait pas regretté le détour il devait bien le reconnaître. Lorsque quelques jours auparavant son petit convoi s'était approché de la ville, seul un immense sourire béat d'admiration avait étiré ses lèvres. L'architecture harmonieuse, les immenses jardins fleuris, la petite rivière Mander. C'était somptueux. Et le cadre était idyllique, lui inspirant plusieurs mélodies. Elis passa plusieurs après-midi à l'écart des habitants, profitant du calme des berges de la rivière pour composer des musiques, ou flânant dans les jardins. Mille et un parfums venaient à lui, lui chatouillant et enivrant ses sens. Souvent les musiques qui lui venaient en tête étaient douces, romantiques et mélancoliques en même temps. Car malgré la fraîcheur de vivre qui se dégageait de Hautjardin, rien n'était plus enivrant pour Elis que l'odeur qui émanait des cheveux de Leyïa. Et la jeune fille ne cessait d'occuper ses pensées. Lui manquant chaque jour un peu plus.

Il était déterminé à la rejoindre. Autant qu'il avait été déterminé à faire disparaître son fiancé l'année passée. Et il ferait tout ce qu'il pouvait pour y arriver. En premier lieu, il devait rejoindre Corcolline, pour ensuite, laisser traîner ses oreilles pendant les soirées pour localiser sa belle. Certes, il la savait partie l'année passée pour Port-Réal, mais depuis, elle avait peut-être voyagé pour s'en aller dans une autre ville. Et qui, mieux que sa famille pouvait connaitre avec précision sa position ? Elis remontait l'allée du petit jardin, laissant sa main droite effleurer les arbustes. Pris dans ses pensées, les yeux mis clos, il se laissait enivrer par l'instant. Au bout de l'allée, il rouvrit les yeux, puis tourna sur la droite et stoppa net sous la surprise. Là, sur un petit banc, était installée à l'abri du soleil Talla Tarly, la sœur aînée de Leyïa. Pas aussi belle que sa sœur aux yeux d'Elis, elle n'en demeurait pas moins charmante pour autant.

Elis n'hésita qu'un bref instant à s'avancer vers elle. Après tout, elle était sa sœur. Elle saurait forcément où Leyïa se trouvait à l'heure actuelle. Il devait simplement être subtil. Tandis qu'il s'approchait un air avenant collé au visage, il réfléchit à comment l'aborder. Il se retrouva bien vite à sa hauteur alors qu'il trouvait une raison plausible pour venir lui parler. Il était né à Corcolline. Sa famille s'occupait de gérer la ville. C'était donc tout à fait normal d'aller s'incliner devant eux. C'est ce qu'Elis fit en l'interpellant : « Lady Tarly, avec tout mon respect. Pardonnez mon audace à venir vous saluer. Je suis né à Corcolline, cela me semblait encore plus inconvenable de ne point venir vous saluer alors que je vous ai reconnu. » Le garçon brûlait de poser la question, enfin, il allait savoir où sa douce était, ne doutant pas une seconde que la jeune fille le renseignerait. Après tout, ils avaient été prudent Leyïa et lui, personne n'était au courant pour leur relation encore moins sa sœur. Mais prudent, bien que fébrile, il continua poliment, essayant de glaner des informations avec subtilités, tout en priant pour que la jeune femme ne prenne pas mal son intervention : « voilà plusieurs mois que je n'ai pas mis les pieds à Corcolline, comment va votre famille ? »

Le troubadour était très content de lui. Non seulement, il avait là l'occasion d'obtenir des informations qu'il désirait de tout son corps depuis plusieurs semaines, mais en plus, la rencontre se passait à merveille. Il faut dire, qu'avec son métier, l'art de choisir ses mots n'avait pour lui aucun secret. Un des avantages à être troubadour. Et puis jouer dans des soirées de Lord l'avait amené à développer quelques bonnes manières. Sûr de lui il s'était avancé vers la jeune dame qui laissait tranquillement sur le banc, s'excusant d'emblée de l'interrompre ainsi. Talla sembla un bref instant surprise par son intervention. Il faut dire que ce n'était pas de coutume d'aller ainsi vers les gens. Surtout lorsqu'on n'appartenait aux même classes. Si cela avait été un chevalier, un Lors héritier, ou un des amis de son père, cela aurait été plus convenable. Mais un Troubadour qu'elle ne connaissait pas, voilà de quoi étonner. Car il était évident pour le garçon qu'elle n'avait jamais entendu parlé de lui.

Elis remercia mentalement tous les Dieux de Westeros, alors que la jeune femme lui répondit gentiment. Elle aurait très bien put se montrer hostile ou suspicieuse, mais rien de tout cela. Au contraire, elle souriait doucement. « Ah ? Oui... C'est très gentil à vous... Très bien, je vous remercie. Un peu éparpillée depuis quelques temps, je ne vous le cache pas. Et vous-même ? » Le contentement du garçon ne cessait de croître. Elle lui faisait même la conversation, allant jusqu'à s'enquérir sur lui. C'était trop demandé. Bon, lui il n'avait plus de famille, mais cela importait peu. Tout ce qui était important c'était Leyïa. Mais il ne pouvait s'enquérir sur la jeune fille qui faisait battre son cœur d'emblée. Il se concentra pour ne pas sourire trop largement, cela aurait pu paraître vraiment très suspect. Il fronça même les sourcils, faisant mine de réfléchir intensément alors qu’il savait très bien ce qu’il allait dire. Après quelques secondes, qu’il considérait comme un temps raisonnable, il reprit la parole : « Ha, oui, votre jeune sœur était partie pour la capitale il me semble peu avant mon départ il me semble ! ». Ne souhaitant pas s’attarder sur sa propre famille plus que nécessaire, il ajouta brièvement à la jeune femme : « pour ma part, mes compagnons de route font offices de famille. Et ils font bien également ». Il se mit alors à réfléchir comment il pourrait bien en demander plus sans être trop direct. Il ne pouvait lui faire la conversation pendant longtemps. Il ne savait pas lire, donc ce n’était pas la peine de s’enquérir sur la lecture de la jeune fille. Il ne trouvait pas approprié de faire des commentaires sur Hautjardin. C’était une ville très plaisante, mais une Tarly préférerait sans doute qu’on complimente Corcolline.

Elis tout sourire attendait impatiemment la réponse de Lady Tarly. Il avait confiance en lui, après tout, maintenant qu'elle avait répondu gentiment, elle ne changerait pas de comportement du tout au tout. Tout ce qu'il fallait c'était ne pas se presser. Choisir les bons mots et ne pas se borner à Leyîa. Autrement, la jeune fille, pas stupide, se douterait forcément de quelques choses. Talla confirma à Elis que sa jeune sœur était bien partie pour Port-réal. Elis n'en avait pas besoin de cette confirmation il y avait même assisté et offert à la demoiselle qui occupait son cœur et ses pensées, le couteau légué par Jaremy, son père adoptif.

Faisant durer le suspense, la demoiselle assise sur le banc s'arrêta un moment dans sa phrase. Elis brûlait d'envie de lui lancer un "et maintenant ?" mais cela n'aurait ni était convenable, ni même discret. Après d'interminable secondes pour Elis, la jeune femme continua enfin, pour dire un autre fait qu'Elis connaissait bien, y ayant participé également. Se maîtrisant pour ne pas montrer sa frustration, Elis feignit la surprise, comme devrait l'être une personne apprenant la mort d'une autre. Mais sa frustration s'évanoui d'un seul coup en écoutant la fin de la phrase. Elle revenait à Corcolline, très certainement. Voilà qui arrangeait énormément le garçon. Il n'aurait alors pas à courir jusqu'à la capitale. Mais son contentement ne dura pas longtemps, qu'ouvrant à nouveau la bouche, Talle brouilla les idées du garçon en lui confiant que Leyïa souhaitait rester à Port-réal. Que devait-il donc diable conclure de cela ? Où devait-il chercher Leyïa ? Attendre indéfiniment à Corcolline en espérant qu'elle rentre ou alors se mettre en route pour la capitale et risquer de la louper. Elis était perdu. Mais avant que la jeune fille ne trouve son comportement trop étrange, il se concentra pour lui répondre. « Pauvre jeune fille ! Prête à se marier et au final il décède. » S'éloigner de tout cela, c'était une bonne chose, compatir pour la mort de l'homme également, cela le distançait de l'action. Après tout un troubadour ne devrait pas être impliqué là-dedans. Puis, il ajouta gentiment : « je n'ai jamais était à Port-réal, mais à en croire certains de mes condisciples, c'est une très jolie ville. Votre sœur étant en plus à la cour, cela doit être encore plus grandiose, je comprends qu'elle souhaite y rester ! » Tout en disant cela, le garçon ne laissa paraître de la tristesse mélangée à de la colère dans son cœur. Leyïa ignorait tout de son petit tour qu'il avait fait dans les contrées du Bief. Elle devait donc le croire demeuré à Corcolline. Et voilà qu'elle a l'occasion de revenir vers lui, elle ne la veut pas. L'avait-elle complètement oublié ? Oui, cela était fort possible et le cœur d'Elis se serrait à cette pensée.

Troublé et agacé Elis ne savait plus quoi penser. Et lui qui avait été si content de croiser Talla et mieux encore de voir qu'elle lui répondait gentiment sans trop poser de questions, voilà que la jeune fille semait le trouble dans son esprit. Devait-il alors aller à Port-Réal au risque de la louper ou alors l'attendre à Corcolline et risquait qu'elle n'y revienne jamais ? D'un autre côté, s'il prenait la route royale, il n'y aurait que peu de chance de la louper. Si elle revenait vers Corcolline alors forcément il la croiserait. Pesant le pour et le contre, Elis continuait de réfléchir à la meilleure des solutions. « Oui, c'est bien triste, mais je sais qu'elle trouvera rapidement un autre prétendant. Elle ne le connaissait pas, alors, malgré toute la tristesse que la famille du jeune homme doit ressentir, j'espère que ça ne la blessera pas trop. Elle est si jeune, elle ne mérite pas cela. Elle est un peu perdue je crois, j'aimerais qu'elle soit là pour pouvoir la prendre dans mes bras et la consoler. J'espère qu'à Port-Real elle a trouvé une amie à qui se confier. » Elis sourit gentiment aux propos de la femme, se gardant bien d'acquiescer ou même d'ajouter que lui aussi aurait aimé la prendre dans ses bras. Elle n'aurait pas compris. Elle ne comprendrait jamais. C'était un secret, il n'en avait pas le droit. Si jamais une personne de l'entourage de Leyïa venait à apprendre qu'elle l'avait côtoyé un moment durant son enfance et le répétait à son père, s'en était fini de sa vie. Et si le garçon était prêt à mourir pour la douce blonde qui hantait ses pensées et même à risquer sa vie, il ne voulait quand même pas que ça arrive trop vite.

Oui, Leyïa ne connaissait pas son fiancé. Comment aurait-elle put être heureuse avec lui ? Alors qu'elle ne savait pas s'il avait des bras forts et chaleureux, des mots réconfortants. Tout ce que cet homme avait c'était le nom et l'argent. Mais il n'y avait pas que ça. Elis n'avait aucun bien à lui offrir, et pourtant sa présence l'avait fait rire. Et plusieurs fois elle lui avait dit être heureuse. Et puis, elle lui avait aussi confié ne pas vouloir se marier avec cet inconnu. Elle aurait préféré rester ici, avec lui. Autant d'argument qu'Elis se répétait pour ne pas se sentir mal, espérant de tout cœur que sa belle n'était pas trop triste par la mort de son fiancé. Car sinon, sa tristesse c'était lui le responsable. Or il s'était juré de faire attention à la demoiselle. Un instant de silence s'écoula alors que les deux jeunes gens étaient pris dans le tourbillon de leurs pensées. Finalement, rompant le calme autour d'eux, Talla continua : « Oui, ça doit être magnifique. Je n'en sais rien, je n'y suis jamais allée. Elle m'a dit qu'elle aimait être à la cour, mais parfois j'ai peur pour elle. Elle s'est amourachée du Prince et je doute fort que ce soit une bonne chose, il est déjà fiancé et elle va en souffrir. » Et Elis aurait préféré qu'elle se taise. Qu'il puisse écouter les oiseaux en paix et rêver à ses retrouvailles tant attendue avec la blonde. L'imaginer heureuse et tout sourire de le revoir. Mais non. Ça ne se passerait pas comme ça. Jamais. Elle était amoureuse. Pire, encore, du prince. Il ne pouvait même pas oser rivaliser avec. Non, le pire, c'était quand même que dans son cœur de jeune fille, Elis avait été effacé, oublié, remplacé.

Le cœur du garçon était prêt à rompre alors qu'il se serrait de chagrin. Il cligna plusieurs fois des yeux, s'empêchant d'aller aux sentiments qui l'assaillaient de toute part. La tête lui tournait. Comment avait-elle put ? Elle lui avait promis. Elle lui avait dit qu'elle resterait sienne. Même s'il avait fréquenté d'autres femmes, jamais Elis n'avait ouvert son cœur à une autre. Il le savait bien, c'était Leyïa ou personne. Il lui avait dit, lui avait ouvert son couteau, celui qu'il tenait de Jaremy, son père adoptif, son bien le plus précieux. Mais ça ne comptait pas pour elle. La cour lui avait retourné la tête, et loin de lui elle l'avait oublié. Triste. En colère. Désespéré. Elis ne savait plus quoi penser, ni quoi faire. Etait-ce une bonne idée à présent que de la rejoindre alors qu'elle n'en avait que faire ? Aurait-il la force que de la voir sourire à un autre ? De la voir amoureuse d'un autre ? Et surtout pas de n'importe qui ? Pas d'une personne dont il pouvait aisément se débarrasser ? Déglutissant et clignant une dernière voix des yeux, Elis prit la parole avant que son silence ne trahisse ses émotions. La voix un peu faible au début, il gagna en assurance et se risqua même à complimenter Leyïa : « Ho, oui, je vois ce que vous voulez dire. Mais Leyïa était déjà une enfant très belle et en grandissant elle n'a dû que s'embellir, la rendant à même d'attirer les regards des hommes les mieux ... comment dire, les meilleurs partis quoi » cela tuait Elis de dire ça, et pourtant c'était la stricte vérité. Leyïa était magnifique, et il n'y avait pas que ses yeux qu'elle captait. Le prince serait fou ou aveugle de ne point la désirer.