Obéissante, enfin, jusqu’à une certaine mesure, la brune jeune femme aux traits creusés s’appuyait sur le bras de son époux tandis qu’elle essayait doucement de faire rentrer insidieusement dans le crâne des spectateurs qu’un document sortit de nulle part par Varys ne saurait mettre en doute le fait que Jon voulait la mettre à la tête du Val, et ce jusqu’à sa mort. Qu’importe qui, qu’importe comment, ce torchon était un faux, une vaine tentative de la part d’on ne sait qui de foutre le bordel. Elle ne saurait le tolérer. Et comment ne pas penser, vu l’endroit et le moment où il arrivait, qu’il s’agissait d’une manipulation de Petyr ou, au vu de ses arguments, plus probablement de Varys, Mestre Pycelle et le Grand Septon pour faire croire que Jon était revenu sur sa parole. Elle se renseignerait sur cet Hugh du Val, mais elle le connaissait bien et il lui semblait improbable qu’il ait assassiné Jon, d’autant plus qu’il n’avait rien à y gagner à priori.

Quand Lyonel prit le relais, elle dissimula un sourire et tout l’amour que recelait son regard dans un grommellement de désapprobation chargé de dire à tous que le couple suzerain pouvait être désuni. Elle était soulagée qu’il parle à son tour, un peu trop peut-être, un relâchement et se pourrait être le drame… alors qu’il s’avançait, elle pensa : Vas y mon amour ! casse lui la gueule ! mais se garda de l’encourager à haute voix bien qu’elle sentait en cet instant une grande vague d’amour et de désir mêlé l’envahir.

Ashara n’eut cette fois-ci pas le temps de sentir ses jambes se dérober sous elle et elle s’écroula brusquement au sol comme une poupée de chiffon. La perte de conscience ne dura qu’un très court instant, si bien qu’elle était déjà réveillée lorsqu’elle toucha le sol. Elle se releva en hâte, tendant la main à son mari pour qu’il l’aide et le rassurant sur son état dans un murmure. Elle ne montra rien, mais elle était à la fois en colère et terrifiée par cet aveu de faiblesse qu’elle venait d’offrir à toute la cour. Ses yeux, qui restèrent baissés quelques secondes en disaient long sur la honte qu’elle ressentait à présent. Elle avait l’habitude de garder le contrôle sur tout et tout le monde et la voilà qui perdait celui de son propre corps. Mais il n’était pas question de laisser gagner Varys.

Alors que même Eddard demandait un Mestre, Udo s’était déjà précipité, mais c’était sans compter sur le caractère d’Ashara qui voulait coûte que coûte terminer l’entretien. Il lui murmura à l’oreille qu’elle devait prendre du repos, que ça n’était pas prudent de continuer dans cet état. Il avait raison, elle le savait, elle venait de perdre pied au pire moment possible et la situation n’était pas partie pour s’arranger tout de suite. Ils étaient sur une corde raide et elle avait manqué de tous les faire tomber. La prochaine fois, cela pourrait être pire, elle pourrait bien véritablement perdre connaissance ou pire. Elle fit signe au Mestre qui venait de prendre son pouls et de regarder ses yeux qu’il pouvait faire part à la Main de ses conclusions.

__ Messire Main, Ma Reine, je suis confus, je crains que le voyage ait fatigué Lady Ashara d’avantage que je ne le pensais. Ça n’est certainement rien, mais je serais rassuré si je pouvais l’ausculter en privé et lui laisser le temps de se reposer un peu avant qu’elle ne revienne pour répondre à vos questions. »

Cela l’énervait au plus haut point de devoir se dérober ainsi, mais elle n’avait pas le choix, elle risquait de mettre à mal toutes leurs chances d’obtenir justice si elle s’évertuait à tenir bon alors qu’elle savait pertinemment qu’elle n’en avait plus la force.

__ Peut-être que si je pouvais m’asseoir simplement. Je suis véritablement affligée de vous faire perdre un temps que je sais ô combien précieux Lord Eddard. Je vous assure en tout cas de mon entière coopération, que je doive répondre à vos questions maintenant ou plus tard. »

Elle était de nouveau appuyée sur le bras de Lyonel et le serra…

En s’entendant traiter d’humble sujet, Ashara préféra rester et on lui apporta un siège, elle ne prit une fois de plus pas le risque de boire quoi que ce soit, la nausée était bien trop présente pour la retenir si son estomac se remplissait. Elle posa les mains sur ses genoux et regarda Varys avec un sourire plein de rage. Humbles sujets ?! Je suis une Arryn, descendante des Rois et Reines de le Montagne et du Val, de Sharrah Arryn qui repoussa les Targaryen avec sa flotte. Toi, j’ignore d’où tu viens, mais je sais où tu iras dans peu de temps, et si ce n’est Eddard qui t’y conduit, alors compte sur moi pour t’y mener. Humbles sujets venus de contrées où il fait froid, ce qu’il ne fallait pas entendre…
C’est alors qu’elle l’entendit. L’insulte, l’affront fait à son époux, à Eddard et à elle-même, le deuxième, s’en était plus qu’elle ne pouvait supporter. Qu’il dise qu’ils étaient humbles, c’était évidemment pour les déstabiliser et les faire se dévoiler d’avantage, mais qu’il dise que leurs esprits impulsifs les empêchaient de penser peur eux même, ça, elle ne pouvait le tolérer

__ VARYS ! Rien ne vous permet d’insulter ainsi mon époux et la Main du Roi ! Ni votre naissance, ni votre rang, ni votre place au Conseil et moins encore les mensonges éhontés que vous osez nous servir à présent. Vous êtes en bien mauvaise posture pour vous permettre ce genre de remarques qui ne servent ni le débat, ni la Main. Nous prenez-vous donc tous pour des idiots pour penser une seconde que vos paroles enrobées de miel peuvent nous convaincre de votre innocence alors que vous ne faites pas même preuve de la même délicatesse que Lord Eddard en nous insultant tous devant la cour. Votre statut d'eunuque ne vous dispense pas de la plus élémentaire des politesses et fort heureusement pour vous, nous ne sommes pas de le Val. »

Ashara, cette fois, était véritablement hors d’elle et pourtant, bien qu’elle parlât d’une voix forte et audible de tous, elle ne laissait rien transparaître sur son visage d’autre que l’autorité suprême dont elle était investie pour le Val et la froideur d'une Dame de haut rang.

__ Vous insultez la délégation valoise et par ce fait, toute une région, vous ne montrez que mépris à Lord Eddard et donc au Roi lui-même dont il est la Main. Vous nous faites perdre notre temps en présentant un document qui aurait dû être présenté au conseil depuis des lustres, en accusant un mort qu’il nous est donc impossible d’interroger et n’apportera donc rien à l’enquête si ce n’est de nouvelles questions. Ces nouvelles questions, n’est-ce pas pourtant à vous, Maître des chuchoteurs d’y répondre ? »

Elle darda son regard glacial sur Varys.

__ J’ai d’autres questions à vous poser Maitre des Chuchoteurs. Vous qui vous targuez de tout savoir et de servir loyalement la couronne, savez-vous où est Lord Petyr ? Savez-vous comment Lord Jon est mort ? N’aviez-vous point vu venir la manipulation de Lady Lysa par le Grand Argentier que vous côtoyez pourtant depuis de nombreuses années ? N’avez-vous pas su à qui et pourquoi il avait acheté des Larmes de Lys ? Ne vous êtes-vous pas interrogé sur l’ordre que contredisait le document que vous possédiez et qui était inconnu de tous, même de moi, jusqu’à ce qu’il soit découvert par Lord Nestor ? Ne pensiez-vous pas judicieux de comparer vous-même l’écriture dudit document avec les nombreux écrits de Lord Jon sur les documents officiels disponibles au Donjon Rouge ? »

Elle fit une courte pause.

__ J’en reviens à la première question. Je connaissais bien Hugh, et très franchement, c’était un garçon qui était on ne peut plus fier d’être l’écuyer de Jon Arryn, un peu trop parfois. Mais si je suis presque certaine de sa loyauté, je suis absolument sûre qu’il n’avait aucun intérêt dans la mort de Jon. Peut-être que je me trompe, éclairez nous Lord Varys, c’est après tout ce pourquoi vous siégez au Conseil Restreint et plus encore ce pourquoi vous portez votre titre de Lord. »

Voyons si vous méritez un tel honneur… C'est probablement votre dernière chance de faire preuve d'un tant soi peu de franchise pour éviter d'être pris définitivement pour un traître. si l'on pouvait vous prendre pour un idiot, tout serait plus simple, mais personne ici n'est dupe.

A croire qu’ils étaient maudits. Rien n’aurait pu plus mal se passer. Ashara était une épave, mieux valait elle que le bateau sur lequel ils étaient venus mais tout de même. La Main du Roi ne semblait pas encline à les croire. Le gros émasculé leur sortait des documents de la manche… Comment allaient-ils tous finir ? Elle n’avait qu’une envie : se jeter dans les bras de son père, qu’il lui dise que tout allait bien se finir mais elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas non plus se retourner sans cesse pour le regarder lui et ses deux frères. Elle devait rester immobile, grave. Elle se devait d’écouter ce qu’il se passait. Ecouter, essayer de comprendre au mieux ce qui se déroulait dans cette salle.

Pour le moment elle n’avait pas trop de mal. Ça sentait mauvais mais en même temps, Varys avait donné un document qui paraissait plus que douteux. Etait-ce de son fait ? Pourquoi était-il contre eux ? Lysa était coupable, Littlefinger aussi. Ils devaient être éliminés. Robert aussi, ou du moins enfermé quelque part qu’il cesse de reluquer toutes les poitrines qu’il pouvait croiser. Cet enfant lui donnait la chair de poule décidément.

Ysilla ne put se sentir que soulager quand le « plan » de Varys sembla anéanti mais elle n’était pas sereine. Elle avait même plus peur que jamais. N’ayant que très peu de confiance en Lord Corbray elle ne voyait que par sa nièce et celle-ci étant l’ombre d’elle-même, la jeune valoise voyait tous ses espoirs de sortir vite de cette situation anéantie. Que pouvait-elle bien avoir ? Ils avaient passé mer maintenant, il était temps de s’en remettre ! Malaises, nausées… Malaises ? Nausées ? Sa mère ne lui avait-elle pas parlé de ce genre de maux ? SI ! Par les Sept !

Ysilla ne pouvait être sure de ce qu’elle avançait mais elle aussi avait été malade sur ce rafiot et pourtant maintenant, elle se sentait bien mieux, voire, elle était même affamée. Ashara aurait dû elle aussi se remettre. C’était autre chose ! Quelque chose de beau. Quelque chose de beau dans d’autres circonstances peut-être. Elle la regarda. Remercia dans sa tête Lord Tully de les épauler comme il le faisait. Fusilla Varys, Lord Stark et tous ceux se dressant devant eux du regard et se mit à prier silencieusement que tout se passe bien. Pour l’avenir du Val ! Pour leur avenir !

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart

Ashara écouta les derniers mots de la Main et ouvrit de grands yeux étonnés en plissant le front. Elle réfléchit quelques instants à ce qu’elle allait dire, s’éclaircit la voix et demanda d’un ton calme et poli :

__ Seigneur Main ? J’ai dû mal comprendre… Vous seriez donc prêt à nier le testament de Lord Jon Arryn si Lady Lysa n’est pas reconnue coupable ? Je n’ai aucun doute sur sa culpabilité, ou en tout cas sur l’acte qu’elle a commis, c’est elle-même qui me l’a avoué. Mais, bien qu’évidemment en l’absence de testament la culpabilité de son épouse remettrait en question sa régence, il ne me semble pas que le procès de Lady Lysa ait une quelconque incidence sur ses dernières volontés. Il me fait pas la présente Suzeraine légitime du Val et ce que son épouse soit responsable de son meurtre ou non, et quel que soit le devenir de Lord Robert. Il l’a écrit avant qu’elle ne l’empoisonne et si vous estimez que ce testament est valable, il en va de la stabilité du Val et de la sécurité de mon cousin et de ma tante que vous le confirmiez au plus vite. Il s’agit là de droit et de lois de succession. Si l’on se réfère aux textes, je ne viens qu’après mon cousin dans la succession, néanmoins, dites-moi si je me trompe, mais tout Seigneur possède le droit de léguer ses biens, terres et charges à qui il souhaite via un testament en bonne et due forme rédigé devant témoin. Ce testament nous l’avons et le témoin tout autant en la personne de Ser Raymar. J’imagine qu’il vous faudra un peu de temps pour officialiser tout cela, mais néanmoins, je ne comprends pas le parallèle fait avec le procès de Lady Lysa qui est du ressort non des textes légaux mais de la justice du Roi. »

Ashara eut un léger et furtif sourire quand le garde annonça à Ned que Petyr était introuvable, c’était probablement la meilleure nouvelle de la journée. Il prouvait, par son absence, sa culpabilité. De plus, Lysa se retrouvait désormais seule sans son amant pour la défendre, elle était obligée d’avouer et de tout dire, sans quoi elle mourrait. Brynden la convaincrait de parler de tout ceci à son procès, même si cette histoire de culpabilité et de responsabilité était problématique et encore fort incertaine. Quant à Littlefinger, la brune était certaine de son sort désormais et un grand soulagement l’envahit à l’idée qu’il ne fasse plus partie de l’équation déjà assez complexe.

Détendue et plus à son aise maintenant, bien que toujours nauséeuse étrangement, elle revint sur les événements précédents. Qu’était-il donc passé par la tête de Varys dont l’intelligence ne faisait pourtant aucun doute pour ainsi présenter un faux évident devant la Main ? Elle avait hâte d’entendre les arguments du Grand Mestre et du Maître des Chuchoteurs qu’elle observait désormais avec un léger sourire, les mains posées sur ses genoux mais l’œil plus que jamais attentif au moindre détail qui trahirait un mensonge.

Ashara écouta attentivement Lord Varys exposer ses arguments et bien qu’elle fasse tous les efforts possibles pour ne rien montrer tant de ses sentiments que de sa réflexion, le récit était de plus en plus intéressant. Mis à la lumière de la vérité, cette histoire devenait de plus en plus mystérieuse et si elle ne comprenait pas le but de Varys à vouloir la décrédibiliser, elle comprenait encore moins celui de Pycelle. Elle n’ouvrit pas de grands yeux à l’évocation de Mestre Udo, mais le cœur y était, elle ne voyait pas vraiment le rapport avec tout cela. Mestre Udo était son Mestre, il ne pouvait pas l’abandonner, même pour le Donjon Rouge, c’était impossible, et très étrange, rares étaient les Mestre qui changeaient ainsi de Maison. Effectivement, si cela était vrai, cela pouvait expliquer le geste du Grand Mestre, mais elle n’y croyait pas trop. En revanche, il semblait évident que le vieil homme avait voulu jeter le discrédit sur le testament de Jon présenté ce jour à Ned Stark, et probablement pas seulement, sinon il serait venu le donner lui-même, mais il avait préféré le confier à Varys. Ashara avait cessé de regarder Varys et scrutait désormais la moindre réaction de Pycelle de son œil vif et acéré de Faucon Blanc, mais au fond, tout cela l’énervait au plus haut point et elle aurait bien fait volé tout ce petit monde. Seulement elle n’était pas chez elle, alors elle prenait son mal en patience.

C’est alors qu’elle apprit que Mestre Pycelle n’avait pas informé le Conseil restreint qu’il s’agissait d’un empoisonnement, elle qui pensait naïvement que c’était le Mestre de Jon qui avait fait le diagnostic. En tout cas, il s’était trompé, et lourdement, mais comment savoir si cela était volontaire ou non, et encore une fois pourquoi faire cela ? Affaiblir le Val. Pourquoi faire ? Tuer la Main ? Pourquoi…

Elle crispa ces doigts sur sa robe pour que personne ne la voit trembler. Mestre Pycelle savait, évidemment ! En tant que gardien de la Connaissance, il avait accès à la bibliothèque, les recherches de Jon Arryn sur les anciens livres de généalogie ne pouvaient pas être passées inaperçues à ses yeux. Il cherchait don à protéger la Reine ? Pourtant, elle restait absolument certaine que c’était un coup de Petyr et Lysa, elle ne pouvait pas mentir aussi bien et surtout s’accuser si ça n’était pas elle. Se serait idiot ! Par contre, rien ne prouvait que Littlefinger agissait seul, et l’affaire prenait une toute autre dimension, terrible et encore plus dangereuse que prévue. Ainsi le Mestre était son complice. Et la Reine ? Et Jaime ? D’ailleurs il n’était pas là et Cersei n’avait pas dit un mot.

Ashara s’efforça de sourire et de sembler calme, mais cette fois-ci elle avait vraiment peur. Il fallait qu’elle rencontre le Roi, la Main, et ce au plus vite, à qui dire la vérité, à qui la cacher et que faire avec cette vérité qu’à cet instant, elle aurait préféré oublier. Elle regarda Yohn, il la connaissait trop bien pour ne pas apercevoir la lueur de panique dans ses grand yeux azurs, même si elle faisait de son mieux pour la cacher et paraître parfaitement sûr d’elle. Elle sourit aux Royce avec tout l’amour qu’elle leur portait et jeta aussi un rapide coup d’œil à Alistair, le remerciant de son geste par un signe de tête accompagné d’un sourire. Ysilla, Alys et ses hommes étant derrière elle, elle ne pouvait les regarder sans éveiller les soupçons, elle se retint donc, imaginant très bien l’angoisse de sa tante et espérant pouvoir la rassurer. Renly n’était pas là quel dommage, et Barristan Selmy non plus, ni Stannis, trop loin, autour du Roi et de sa Main que des gens fourbes et peu digne de confiance. Et tout un tas de Manteaux Rouge, par les Sept ce qu’ils lui avaient parut nombreux dans les rues de Port Real et aux abords du port et du Donjon Rouge !