N’allez pas penser qu’Ashara voulait sauver Lysa pour ses liens avec cette pute de bas étage à moitié taré et pas foutu de donner un héritier digne de ce nom au Val ! Non. Elle avait fait des promesses dont elle voyait la possibilité de succès s’amenuiser à chaque instant, elle avait négocié le témoignage de Lysa contre la clémence d’une cour sur laquelle elle n’avait aucun poids, elle avait négocié le soutien de Brynden dans sa cause pour le Val et pour le Roi contre la vie de sa nièce. Pour la famille, avaient-ils dit tous deux ce soir-là aux Portes de la Lune, pour la famille, pour l’amour de Robin, pour l’amour du Val, pour la couronne, pour la véritable justice, celle qui condamnait les félons et non les fous. C’était sans compter sur l’esprit manichéen et sans nuances d’un Stark dont elle aurait finalement détesté être la belle fille, malgré le fait qu’elle comprenne sa logique elle ne pouvait pas accepter sa vision. Maintenant, elle pouvait se hâter de leur dire la vérité, c’était le seul moyen, oui mais laquelle ? La vérité lui vaudrait probablement la même sentence qu’à Lady Lysa laissant la tête du Val à un enfant influençable et la couronne à des bâtards. Elle ne dirait donc rien puisque c’était le prix à payer pour son erreur de jugement. Cela lui apprendrait à penser que les hommes étaient intelligents…
Elle se mit à rire nerveusement. Elle ruminait la mort de Brynden, les multiples coups de poignards de Ned au Val d’Arryn et enfin la justice pour une autre traitresse on ne peut plus dangereuse que Lysa depuis son retour. A croire qu’il n’apprenait rien, qu’il ne comprenait rien ! Il avait pourtant eut l’occasion de voir ce que donnait la justice et il voulait recommencer ?!

Dès lors qu’Eddard Stark s’était mis en tête que le témoignage de Mestre Gesler avait été facile à obtenir et faisait, trop évidemment à ses yeux, converger les soupçons vers Littlefinger, Ashara avait perdu la partie. En fait, ce qui était évident pour elle, sachant tout ce qu’elle savait, mais qu’elle ne pouvait pas révéler ne l’était pas pour le glaçon monomaniaque qui servait de Main au Roi. En éliminant la menace avant d’avoir réuni toutes les preuves, elle avait empêché que la justice ne soit rendue, mais si elle regrettait ce qui en résultait pour Lady Lysa, elle ne regrettait en rien son geste. Il avait probablement permis la survie du Roi, la sienne, celle de cet imbécile de Ned et les révélations qui en avaient découlées. L’absence du Grand Argentier était la condition sinequanone à la réussite d’un projet qu’elle considérait depuis son départ comme bien plus important que ce procès. Dans la mesure où les coupables avaient payés, quel que soit la manière, la seule chose qui importait était que l’action de Lord Jon Arryn perdure au-delà de sa mort. S’assurer de cela, s’assurer que la couronne aille à qui de droit, c’était lui rendre justice et punir les comploteurs quels qu’ils soient, bien plus que cet ersatz de procès où le juge principale ne voyait pas plus loin que le bout de son nez.
La jeune femme oscillait entre dépit, désespoir, colère et peur depuis la fin du procès. Car avec un tel homme aux commandes du royaume, elle avait toutes les raisons de craindre l’avenir. Il apportait avec lui les affres de l’hiver, il l’incarnait, l’injustice aveugle de la neige qui n’épargne que ceux qui ont un feu pour les réchauffer…

Le Silure avait été témoin qu’elle avait tout fait pour la sauver, elle avait fait ce qu’elle pouvait, elle l’avait prévenu qu’elle ignorait quelle serait la réaction de Robert et des juges, mais qu’importe le Silure ne pourrait pas plaider la cause de la couronne auprès des Tully. Cette empoisonneuse sans honneur pouvait bien crever, elle s’en fichait pas mal. Restait à penser à ce que feraient les Tully, la compassion d’Ashara suffirait-elle à leur faire oublier la mort de Lysa et du Silure ? A qui devait-elle en vouloir ? A ce foutu Ned qui avait défendu son foutu verdict à la mords-moi-le nœud ou à Lysa qui avait défendu sa vie comme elle pouvait. A aucun des deux. A elle seule. Ce qui arrivait était sa faute et cela arrivait parce qu’elle n’avait pas eu le courage de tuer Lysa quand elle en avait eu l’occasion, de l’exécuter comme le testament de Jon lui en donnait le droit. Désormais, elle ne pouvait plus agir, car si Lysa était morte dans la nuit, elle aurait immédiatement été pointée du doigt, idem pour Cersei, idem pour Joffrey. Elle aurait dû faire ce qu’elle avait prévu au départ, se taire et tuer tous les ennemis de la couronne en silence. Soit, elle avait fait une grossière erreur, mais elle ne la ferait pas deux fois, et si elle n’avait pas pu sauver Brynden, elle pouvait agir pour la suite… C’était là son devoir.
Et Robin, il faut lui épargner cela, il le faut, où est-il ? Elle le chercha des yeux avant de se souvenir qu’il était en sécurité dans sa chambre avec ses suivantes et quelques gardes. Il avait passé la nuit avec sa mère qui très certainement avait dit beaucoup de mal de sa cousine, mais elle s’était refusé à lui enlever ses derniers instants précieux. Plus tôt il serait à l’abri loin de la cour, mieux se serait, néanmoins, elle n’était plus très sûre que Peyrdragon soit un lieu sûr. Pauvre enfant…

Le Val venait d’essuyer sa plus grande perte depuis la rébellion. Brynden Tully, noble et vaillant défenseur de l’imprenable Porte Sanglante, et Ser Mandon Moore qui, s’il survivait par miracle à ses blessures, ne serait plus jamais l’homme que Lord Jon avait chargé de la protection du Roi. Enfin probablement une part de la raison de la brune qui tantôt pleurait, tantôt riait, tantôt se perdait dans ses pensées et ne parlait plus à personne depuis la mort de Brynden, sauf quand la situation l’exigeait. Ned voulait-il donc tuer le Val et sa suzeraine qu’il ne s’y serait pas pris autrement.
Le Faucon Blanc saurait-il faire fi de cet outrage pour un Roi qu’elle commençait tout juste à apprécier ? Pis encore, serait-il assez fou pour poursuivre une entreprise aussi périlleuse si Ned faisait courir le moindre risque à la descendance de la Maison Arryn ? La loyauté à la couronne et à ceux qui avaient vengé son père était une chose, mais la survie en était une autre, bien plus importante. La Maison Arryn devait continuer pour toujours à veiller sur la Montagne et le Val comme c’était le cas depuis des siècles. Qu’importe les souverains, qu’importe les Sept Couronnes, il n’en est qu’une qui vaille que l’on se batte, qu’une capable de nous donner des ailes. Ses cimes sont recouvertes de diamants et d’argent sont ses versants, un saphir en orne le centre, elle protège mon peuple et j’en suis la garante. Que jamais ne cesse le règne des Rois de la Montagne et du Val, que toujours le Faucon vole plus haut que l’honneur. Aucune autre couronne ne valait que le Val paye un tel tribu…

__ Laissez-moi passer ! »

Ashara avait fini par quitter sa chambre et son mutisme pour monter à la tour de la Main, choix judicieux, lui semblait-il, pour déverser toute sa colère, en vertu du ressentiment qu’elle nourrissait à l’égard d’Eddard Stark. Lysa étant morte, il était le dernier responsable encore en vie et en plus il avait passé son après-midi à défendre une justice imbécile qui avait déjà fait trop de morts innocents, sans compter que Mandon était très mal en point.

__ Je ne demande rien ! J’exige ! Poussez-vous vous dis-je ! »

Elle bouscula le garde qui n’y était pour rien mais se trouvait sur son chemin de furie et se retourna, outrée qu’il ne la laisse pas passer.

__ Vous devriez avoir honte de bousculer une femme enceinte ! Si l’héritier du Val vient au monde avec la moindre faiblesse, je vous en tiendrais pour entièrement responsable et vous ferait châtrer ! »

La brune aux yeux perçants se remit en marche sans remarquer qu’il avait porté la main à son épée, bien heureusement…

__ VOUS !! »

L’Arryn darda un doigt accusateur sur le Stark.

__ VOUS, VOUS, VOUS !! »

Elle ne s’assit pas et ne prit un verre que pour le balancer sur la Main du Roi.

__ Votre procès est une plaisanterie ! Il a couté la vie à deux des plus valeureux chevaliers du Val ! J’ai honte pour vous et pour le Robert que ce soit là ce qu’obtiennent les honnêtes gens quand ils viennent demander la justice du Roi. Vous ne valez pas mieux que le Roi fou… »

Ser Moore n’était pas mort, mais qu’importe, et qu’importe aussi le raccourcis qui l’avaient mené à comparer Ned au Roi fou, c’était injuste et méchant, elle le savait parfaitement, mais sa colère était telle que son jugement était en partie altéré. On avait blessé son peuple, ses hommes, des Valois, elle se sentait atteinte dans sa chair et il avait fait en sorte que cela arrive, IL avait nommé Mandon et fait en sorte que Lysa soit en position de demander un Duel Judiciaire. ELLE l’avait prévenu, Lysa devait vivre, pour des raisons politiques et diplomatiques, pour la paix du Roi et pour éviter cela, l’éviter à tout prix ! Si seulement elle y avait pensé à temps… qu’elle idiote de n’avoir pas pensé que cette connasse referait le coup comme dans le Val ! MA FAUTE ! C’EST MA FAUTE !
Si c’était sa faute, elle ne méritait pas de gouverner le Val, elle ne méritait pas la confiance de Jon… Elle refusait de l’entendre…

__ Mais à priori la leçon ne vous a pas suffi, vous voulez continuer à dispenser vos jugements quel qu’en soit le prix. Ce prix est déjà trop élevé pour le Val d’Arryn alors que la guerre n’a même pas commencé ! Vous rendez vous compte de ce que vous me demandez ?! JE NE SACRIFIERAIS PAS MON PEUPLE SUR L’AUTEL DE VOTRE HONNEUR ! »

Elle s’apprêta à tourner les talons pour sortir.

A entendre son ami remit en cause par le responsable de sa mort, son sang ne fit qu’un tour et au lieu de baisser le ton comme demandé, elle n’en hurla que plus fort.

__ Comment OSEZ-vous mettre vos erreurs sur le dos de Ser Brynden Tully !! Votre justice aussi inflexible qu’injuste est la seule responsable de ce malheur. Demander un duel judiciaire plutôt que la mort n’est que la réaction NORMALE d’une mère face à la mort, vous ne lui aviez donné AUCUN autre choix contrairement à ce que je vous suppliais de faire à chaque plaidoyer. Vous pensez vraiment que j’ai agi ainsi parce que je voulais qu’elle vive ? J’ai failli la tuer de mes mains en apprenant ses manigances, DE MES MAINS ! Elle m’a tout pris, tout ce qu’il me restait, mon dernier parent, mon mentor, le dernier Arryn si j’oublie Robin qui est bien trop jeune et bien trop faible pour ce monde. Mais vous avez fait fi de nos relations avec les Tully malgré les enjeux contre les Fer-Nés. »

Elle regarda autour d’elle comme si les espions potentiels se tenaient bien visible et s’approcha d’Eddard pour dire entre ces dents, le moins fort qu’elle pouvait malgré sa colère.

__ Vous avez acculé une truite, voici ce qui en résulte. Acculez un lion et nous sommes tous morts. Est-ce là ce que vous voulez ? Si vous donnez la moindre chance à Tywin de répliquer, ça n’en sera que plus sanglant pour nous, mais aussi pour le peuple des Sept Couronne, si vous donnez à la Reine et à Jaime la moindre opportunité de survivre, imaginez les conséquences. Qui mettrez-vous pour défendre votre sentence face au régicide ? Et face à la Montagne que Cersei ne manquera pas de choisir pour être son champion si l’occasion se présente ? Si vous êtes capable d’aussi peu de clémence face à votre belle-sœur qui n’était pourtant qu’une idiote manipulable à loisir dès lors qu’on touchait à l’avenir de son fils. J’espère que vous ne vous montrerez pas moins sévère envers une lionne capable de tout pour protéger ses petits et deux lions qui ne manqueront pas de décimer le royaume entier pour gagner ou pour se venger d’une défaite. Lysa était une proie facile, ils sont tous biens plus intelligents, fiers, riches, retors et rompus aux complots de la cour que vous. »

Elle avait terminé dans un murmure, ses paroles étant bien trop claires pour des oreilles indiscrètes. Elle se redressa doucement et fondit sur le nordien un regard glacé de reproches avant de reprendre à haute voix, mais sur un ton nettement plus calme :

__ Vous partez toujours du principe que les gens agissent toujours par devoir et avec honneur, vous devriez pourtant savoir que c’est faux dans la majorité des cas. Dans cette histoire, le seul à avoir réellement agit par devoir et par honneur c’est le Silure, quoi que vous puissiez en dire, il savait Lysa coupable, mais il ne pouvait pas la laisser faire face seule à sa sentence, c’était son cœur d’oncle et de Tully qui parlait. Mais pourquoi je vous parle de cœur, vous ignorez ce que c’est que d’avoir un cœur. Le vôtre est fait de glace, aussi cassant que du verre, mais incapable de battre. Gouverner avec honneur ce n’est pas gouverner avec froideur Messire Stark, vous qui avez passé si longtemps auprès de mon défunt grand-oncle devriez le savoir mieux que quiconque. Lui, il savait faire preuve de compassion et de cœur, et pourtant il a toujours agit en son âme et conscience et a toujours fait son devoir avec honneur. Vous ne lui arrivez pas à la cheville... »

Une larme coula sur sa joue sans qu’elle ne bronche, elle sera juste les dents pour retenir le reste.

Le mépris pour cet homme qu’elle croyait être un homme de bien et qui s’avérait être un idiot fini doublé d’un arrogant d’une condescendance à peine croyable était la seule chose qui la faisait taire à l‘instant. Elle le dévisageait le regard plein de déception et se disait qu’avec un type pareil à la tête du Royaume, Robert courait à sa perte, et pire encore, avec lui, la paix, la justice, l’unité. Elle était en colère, contre lui, mais aussi contre elle. Jamais elle ne s’était tant trompée sur quelqu’un et elle devait remercier les Dieux de n’avoir point épousé son fils.

Eddard semblait capable de tuer n’importe qui pour une raison qui lui semblait juste, un ersatz de justice du point de vue d’Ashara, car on n’exécutait jamais personne sans penser aux conséquences et c’est exactement ce qu’il avait fait en condamnant Lysa. En revanche il semblait prêt à donner une chance de s’en sortir à Cersei alors que sa culpabilité était d’ores et déjà avérée et ce alors même que cette guerre avait lieu à cause d’elle.

__ L’histoire du monde montre que la moindre erreur stratégique a des conséquences dramatiques, or vous en avez fait une en condamnant Lysa, une autre en nommant Mandon, vous êtes en train d’en commettre une autre en m’insultant et en insultant mes hommes. Mais vous commettrez la pire de toute si vous laissez à une coupable avérée de trahison, d’inceste, d’adultère, de tentative d’infanticide mais aussi d'avoir fait en sorte via Mestre Pycelle que Jon décède et qui sait, d'avoir donné l'ordre à Petyr de faire jouer ses relations avec son épouse pour l’éliminer de s’en sortir. Mais continuez puisque je ne puis point remettre en question votre façon de gouverner, continuer à vous rouler dans votre médiocrité que vous nommez honneur, continuez et perdez tous les alliés que vous avez avant de mourir et de tuer le Royaume par la même occasion. Vous avez de la chance que Robert mérite notre soutien et que Lord Jon Arryn m’ait légué une mission, vous ne méritez pas d’être si bien entouré et tôt ou tard, vous le payerez car le monde est ainsi fait. »

La peur était ce qui maintenait en vie, tout comme la conviction que ses ennemis étaient largement aussi dangereux qu’elle et que même ses plus proches alliés pouvaient constituer un risque.

__ Drapez-vous dans votre si précieux honneur, je me drape dans mes actions uniquement, sans éprouver le besoin de les habiller des beaux atours de la loyauté, vos paroles ne sont rien d’autre que du vent. J’ai gagné la confiance de mes hommes et de mon peuple non parce que j’étais l’héritier mâle de la Maison Arryn, mais parce que je me suis battue pour l’obtenir, ce n’est pas vous qui allez m’apprendre ce qu’est la confiance. Ils savent pourquoi et pour qui ils se battent, mais aussi que jamais je ne les mènerais à la mort par rigidité ou devoir, que s’ils meurent, s’ils se sacrifient, c’est pour une bonne cause et pas pour prouver que j’en ai une grosse. »

Elle se tut un instant et repris en partant.

__ J’ai fais mon devoir envers la couronne et ce, bien au-delà de mes prérogatives. Je rentre à présent chez moi pour que la Maison Arryn perdure. Aux Dieux Lord Eddard Stark. »