Année 298 – Lune 5 – Semaine 2 – Jour 3

Les traces de ces esclavagistes nous avait conduits au sud de la Baie de phoques. Cette partie de la côte peu fréquentée constituait l’endroit idéal pour embarquer discrètement.

Si nous n’agissions pas rapidement ils allaient nous échapper. Les starks comptaient sur nos talents de pisteurs face à ces trafiquants de chair humaine. Nous ne pouvions pas trahir leurs confiances et repartir les mains vides surtout après un si long chemin jusqu’au Neck.

Je décidais donc de disséminer notre groupe afin de couvrir le plus de superficie possible. Mon plan ne plut pas à Burrich un vieux chasseur et le chef de notre groupe, du moins après moi.

Selon lui se disperser était trop risqué. Pourtant il n’était pas question d’affrontement, ni même de s’approcher. On localisait nos proies, se rassemblait au lieu prévu, puis si nécessaire ramenaient des renforts par le biais d’un corbeau.

A mon avis Burrich n’aimait surtout pas recevoir ses ordres d’une femme. Il allait pourtant devoir s’y faire.

Donc je me suis retrouvée seule à arpenter une partie de la côte. Ça me faisait drôle de ne même pas avoir Jojen à mes côtés. N’ayant pas les capacités nécessaires à cette mission délicate, il ne faisait pas partie de l’expédition.

Paradoxalement cette solitude me détendait. Le rôle de meneuse me pesait quelque peu. Surtout qu’au manque d’habitude, s’ajoutait la gravité de la tâche. Il s’y jouait le prestige de ma maison et le destin de pauvres hères promis à une vie de servitude en cas d’échec.

J’évoluais à partir d’un chemin en hauteur couvert partiellement par de la végétation. Au bout d’un certain temps je perçus au loin des gens en file indienne en train de s’enfoncer dans une crique.

Malgré la distance on pouvait remarquer que les gens fermant le cortège portaient des armes ainsi que la démarche particulière des personnes devant eux. Elle consistait en de petits pas synchronisés. Je finis par comprendre. Ils étaient entravés !

Normalement j’aurais dû rebrousser chemin jusqu’à notre lieu de rassemblement.

Seulement il me restait encore de la marge. Et puis je n’avais fait que les entrevoir.

J’ignorais leur composition exacte. Cette information nous serait sûrement utile.

Donc je me rapprochais en me glissant parmi les rochers. Déjà je n’entrevoyais pas de trace de feu, ni aucune installation. L’embarcation qu’ils attendaient, devait sûrement passer dans peu de temps.

Qu’est-ce qu’il fallait faire ? J’étais seule. Je ne pouvais pas tous les affronter ! Non je devais me reprendre. Déjà il fallait que j’avance encore. Plus j’en saurais mieux j’aviserais en conséquence.

Parvenue à une distance plus réduite, je fus enfin en mesure de les identifier. Les ravisseurs se réduisaient à une douzaine et étaient étrangement vêtus. Sans doute provenaient-ils de ces fameuses contrées de l’est ?

L’un d’entre avait même la peau noire ! Ce n’était pas une peinture de guerre ou un tatouage. Sa peau était naturellement noire. Je ne savais même pas que cela existait.
La surprise me fit oublier un instant les prisonniers. Eux aussi étaient peu nombreux. Seulement cinq personnes. Pourquoi venir de si loin pour si peu ?

Les futurs esclaves portaient des peaux de bêtes et quasiment pas de tissus. Ils étaient sales et hirsutes. Il s’agissait vraisemblablement de sauvageons.

Décidément c’était la journée des découvertes.

Les gens d’au-delà du mur étaient comme des bêtes parait-il. Pourtant ça me choqua de voir leurs ravisseurs les traiter comme tels.

Et puis il y eut cette fille rousse qui malgré les coups, se releva et riposta. Elle parvint même à rallier ses compatriotes.

L’un des tortionnaires stoppa ses complices d’une main et dégaina de l’autre une étrange épée courbe. Ensuite il se dirigea vers la rousse. Il voulait éliminer l’élément perturbateur avant que les choses ne s’aggravent.

Et moi pendant ce temps-là ? Je tentais de ne pas agir.

Les prisonniers n’étaient pas des nordiens que mon devoir imposait de protéger. Ils étaient même des ennemis.

De toute façon je ne ferais jamais le poids toute seule. Il fallait attendre les autres paludiers selon le plan initial.

Mon frère aurait su se plier à ces arguments malgré la situation. Seulement je n’étais pas Jojen. Lui il rêvait, et déclamais. Moi je traquais, et agissais. Et puis le courage de la sauvageonne me touchait.

Sans m’en rendre compte je décochais une flèche. La distance et l’urgence eurent raison de ma précision. Au lieu du cœur, j’atteignis l’épaule gauche de l’homme à la lame arrondie.

Dépassée par ma propre action, je n’avais aucune idée de la suite à venir. J’allais devoir m’adapter à mon impulsion tant bien que mal.