NDA:

An 293 | 7ème Lune | Semaine 2 | Jour 1

Le sable mouvant
Ft. Yvan & Oberyn

Le voyage en bateau lui avait semblé tellement intéressant, c'était la première fois qu'elle mettait les pieds sur un bateau, la première fois qu'un de ses clients l'emmenait aussi loin. Cela avait couté une certaine somme d'argent, elle était d'ailleurs accompagnée de deux mercenaires, payés par la mère de sa maison, s'assurant que rien ne lui arriverait et surtout, qu'elle reviendrait à la maison. Lerios, le riche marchand qui avait demandé sa présence lui avait expliquer qu'il allait à la rencontre des Martell pour renouveler un contrat, elle comprenait l'importance, et elle était là pour offrir ce que Lys avait de plus beau à offrir, en guise de cadeau, une représentation, peut-être plus, elle était ici pour simplement remercier les Martell de leur accueil. Durant le voyage qui les menait sur l'autre continent, Kashina avait posé de nombreuses questions sur l'endroit où ils se dirigeaient, leurs mœurs, leurs coutumes, curieuses d'en apprendre plus.
Elle fut d'autant plus excitée lorsqu'enfin, ils furent arrêtés au port aux lueurs du petit matin. Suivant l'homme qu'elle accompagnait, la jeune femme disparue rapidement parmi les servants et servantes, si elle devait être une surprise, elle devait l'être jusqu'au dernier moment. Lerios était revenu la voir durant la journée pour s'assurer qu'elle n'avait besoin de rien et lui fit part de certaines choses, si cela était possible, lui promettant de ne pas le décevoir. Un détail seulement dont elle avait besoin au-delà des habituels musiciens : du sable, fin...

La seule chose qu'elle sut, c'est qu'une partie de leur entrevue se situait à un endroit idéal pour elle, Lerios, soucieux d'offrir ce qu'il y avait de mieux avait organisé cela. Elle entendait la musique au loin et elle pouvait sentir les délicats parfums d'épices, Lerios n'était pas seul, ignorant le nombre exact, elle profita surtout que personne ne fasse complètement attention à elle pour se placer en contrebas dans le sable chaud. Elle en apprécia le contact, la morsure de la chaleur représentait à ses yeux que de doux baiser de R'hllor, il la regarderait en ce début de soirée, le soleil encore présent pour éclairer la danseuse.

« Pour vous remercier de votre hospitalité et du renouvellement de notre accord, j'aimerais vous offrir ce que mes contrées ont de plus beau, une courtisane, celle-ci se nomme Kashina... Considérée comme une danseuse sacrée sur nos terres, j'espère qu'elle ravira vos yeux... Et plus si vous le souhaiter. »

Le premier son de percussions lui vint à l'oreille, allongée sur le sol, elle caressait de ses doigts le sable fin et chaud, avant de lentement se rouler à moitié dessus, le dos contre le sol, elle sentait les petits grains s'infiltrer dans sa légère tenue, se mêler à ses cheveux. Ses doigts se resserrant sur le sable, elle en emprisonna une poignée dans chaque. S'imprégnant de la musique, de la voix de la chanteuse présente, elle leva une jambe, longue et droite, roulant encore un peu pour se retrouver presque à quatre pattes, sa jambe tendue sur le côté. Relevant la tête brusquement, un nuage de sable fin s'envolant au-dessus de sa tête, accompagnée par le mouvement de ses cheveux. Elle oublia rapidement les regards, son regard se posant une seconde sur le ciel orangé. Son corps ondulant au rythme du chant, ses hanches s'accordant aux percussions, utilisant le sable dans ses mains pour le laisser filer entre ses doigts à des moments propices.
Un sourire s'afficha une seconde sur ses lèvres alors qu'elle se donnait entièrement à la musique, ses mains se glissant sur son ventre où ses jambes, retrouvant parfois le sol lorsqu'elle se laissait glisser à nouveau contre le sable, récupérant d'autres poignées chaudes qu'elle utilisait à nouveau pour sublimer sa chorégraphie. La chaleur était quelque chose qu'elle aimait, dont elle était habituée, sa peau sous l'effort physique se perla d'un peu de sueurs, accrochant un peu plus de sable contre sa peau tout comme dans ses cheveux, elle utilisait chaque partie de son corps, de ses mains à ses jambes, de ses hanches et ses formes jusqu'à sa tête et ses cheveux. Le sable semblait devenir un partenaire de danse à part entière, contrôlé, guidée par la danseuse qui s'offrait à eux.

C'est à genou sur le sable qu'elle termina son ballet ensablé, le souffle court, mais se sentant véritablement bien, qu'elle aimait cette sensation d'abandon et de bonheur intense, la chaleur du sable sous ses mains. C'est dans un bref silence qu'elle resta ainsi avant de se relever. Elle posa enfin ses yeux sur les personnes présentes, reconnaissant rapidement l'homme qu'elle avait accompagné, devinant qui était l'hôte des lieux, il y avait d'autre personne, parmi eux, un homme semblait se détacher du lot, ses vêtements semblaient ternes à côté des couleurs chatoyantes que portaient les autres personnes présentes. Et sur son visage, elle ignorait si sa présence semblait lui plaire ou au contraire, le gêné. Elle s'apprêtait à retrouver Lerios quand une vive douleur à la cheville lui arracha un cri, elle ignorait complètement ce qui s'était passé, elle était déjà à terre surprise par la foudroyante douleur. Son réflexe fut de porter ses mains à son pied, découvrant alors le sang qui s'échappait d'une blessure, visiblement une morsure. L'animal qui l'avait attaqué semblait déjà s'en être allé, laissant derrière lui une jeune femme, prise par la peur soudaine.

La chaleur était torride aujourd’hui, tellement chaude qu’Oberyn n’avait pas hésité dès son réveil à prendre un bain d’eau froide, enfin l’eau était plus fraiche que froide à vrai dire, mais l’essentiel était de refroidir son corps, qui avait transpiré durant la nuit torride, torride tant par la température de l’air de Lancehélion que par les ébats effrénés qui avaient ponctué sa nuit avec sa belle amante de cœur, Ellaria. Les deux amants étaient insatiables dès qu’il s’agissait de plaisirs coquins sous les draps, et Oberyn avait l’avantage d’être très endurant, même lorsque sa peau devenait moite à cause de la chaleur du pays. C’est donc sans demander son reste qu’il avait laissé son amante recouverte artistiquement par les draps fins derrière lui pour se diriger, nu, vers le bain qu’il s’était fait préparer par des domestiques. Il avait expressément demander à ce que l’eau soit fraiche pour réveiller ses muscles, et pour profiter de ces premiers instants il avait fait monter de la cuisine un plateau de fruits et de vin clair sorti des caves de Lancehélion, un vin très très peu alcoolisé, du jus de raisin plutôt mais légèrement liquoreux, tout juste de quoi donner la pêche au Prince pour la journée.

Comme d’ordinaire, il se devait d’assurer la gestion des lieux, son frère aîné se trouvant une fois de plus aux Jardins Aquatiques à cause de sa goutte qui le faisait horriblement souffrir. Officiellement c’est Arianne qui gouvernait Lancehélion, mais en vérité, ceux qui assumaient le vrai rôle de gestionnaire étaient Oberyn et son cousin Manfrey Martell. Mais aujourd’hui était un jour un peu plus particulier car il passait le début de l’après-midi en compagnie d’un marchand essossien pour renouveler des contrats. Ce marchand se nommait Lerios, et Oberyn le connaissait depuis plusieurs années, depuis son séjour à Essos pour tout dire, et il n’avait jamais été déçu par la marchandise que lui avait fourni l’homme, surtout au niveau des soies et des lins de qualité très fine qu’il trouvait sur certains marchés lysiens. Et justement, il avait reçu il y a de cela quelques semaines un corbeau où le marchand lui vantait un tissu de très bonne qualité aux reflets dorés, un peu plus cher que d’habitude et il voulait arranger ce marché rapidement avant que d’autres ne flairent la bonne affaire. Le rendez-vous était pris pour le début de l’après-midi, sur la terrasse d’une taverne près d’une plage de sable chaud, un paysage somme toute assez commun pour un Dornien, qui plus est pour Oberyn qui avait même passé quelques années à Essos où le sable était également un élément du quotidien. Oberyn n’avait vu que très peu de fois le marchand, en général ils conversaient par lettre et les choses s’arrêtaient là, alors autant dire que cette entrevue était exceptionnelle. C’est aussi autour d’une coupe de vin rafraichissant que le Prince discuta du contrat avec le marchand quand soudain celui-ci fit signe vers l’étendue de sable où l’attendait une « surprise ». Il ne s’y attendait pas et fut assez surpris de voir une délicieuse créature, une femme, à peine vêtue pour une Westerosie, mais parfaitement à sa place à Dorne. Pour avoir passé quelques années à Essos, Oberyn put deviné à son teint, ses soies et sa manière d’onduler qu’elle venait de Lys.

Sa prestation était magique, le Prince Oberyn en avait rarement vu d’aussi belle. On aurait dit une déesse exotique d’Essos ne faisant qu’une avec la plage de sable. Comme si chaque grain de sable lui obéissait, au doigt et à l’œil, où plutôt comme si elle était elle-même une création du sable, voilà l’impression que cela donnait. Elle était un esprit du sable prenant vie au rythme de la musique, sous le soleil chaud de Dorne, sous les yeux des curieux mais surtout sous les yeux du Prince de Dorne, Oberyn Martell, cadeau d’art et de volupté pour son plaisir. Cette grâce, cette élégance, rendait le spectacle hypnotique, et l’homme ne parvenait pas à détacher ses yeux de la silhouette fine et délicate de cette femme à la peau dorée, aux cheveux transformés en or par le soleil éclatant. Une perfection. Oberyn aimait l’art, et il appréciait ce spectacle à sa juste valeur, ses yeux suivaient le ballet des gestes de la jeune femme et un sentiment d’extrême quiétude et de passion naissaient dans son ventre, une émotion qui le poussa à se lever, lentement, naturellement, pour mieux observer ce spectacle. La fin de la danse rompit le charme hypnotique de la jeune femme, et le Prince revint brusquement à la réalité quand il la vit se tordre de douleur dans le sable, de fins filets carmins s’échappant de sa cheville. Par chance, le mestre tenait son repère non loin et il fut rapidement appelé pour prendre soin de la jeune danseuse, qui fut emmené à l’écart pour être soigné. Troublé, Oberyn trouva néanmoins le temps d’éclaircir ses pensées en finissant sa coupe d’un trait pour conclure ce contrat, but originel de l’entrevue, la danse n’étant qu’une distraction. Mais son esprit était resté marqué par cette danse langoureuse et sensuelle.

Quelques heures après, alors que le soleil commençait lentement à décliner après avoir donné le maximum de sa chaleur sur la Principauté de Dorne et en particulièrement sur Lancehélion, le Prince Oberyn se rendit au repère de Mestre Yvan pour prendre des nouvelles de la jeune femme. A peine entré, sans annoncer son arrivée, il jugeait cela non nécessaire, il congédia le Mestre, en pleine discussion avec la jeune femme, encore plongé dans le bain, dans cette eau laiteuse encore chaude grâce à l’intervention régulière d’une domestique. Une fois seul dans la pièce avec la danseuse, le Prince Oberyn s’assit à côté de la cuve de bronze, une pomme dans la main. Il regardait la jeune femme sans dire un mot, il la fixait, sans gêne, mais avec une infinie douceur. Ce n’est qu’après avoir mordu dans la pomme et s’être rafraichi la gorge par le jus du fruit frais qu’il l’aborda.

- Mestre Yvan s’est-il bien occupé de votre blessure ? Une morsure de serpent je présume ? Les serpents sont monnaie courante à Dorne, des créatures fascinantes dont le corps sait se mouvoir avec une grâce surnaturelle dans le sable chaud du pays… Un peu comme vous à vrai dire. J’ose espérer que la blessure ne vous fait pas trop souffrir ?
Savez-vous qui je suis ?

La jeune femme semblait fragile dans ce bain d’eau laiteuse où l’avait laissé le mestre Yvan, un mestre avec lequel Oberyn n’avait jamais eu énormément d’atomes crochus, mais il le respectait pour son savoir et les services qu’il rendait à leur maison. Lui-même avait plusieurs maillons, et pouvait aisément juger des capacités plus que suffisantes du mestre. Le plus étonnant chez cette jeune femme était la curiosité que l’on pouvait lire dans ses yeux. Le regard du Prince ne la gênait pas et son visage semblait serein, éclairé par un sourire délicat et innocent. Le Prince Oberyn ignorait totalement si la jeune femme connaissait la langue commune, mais il avait supposé que c’était le cas au vu de sa présence en ses lieux. A aucun moment il n’aurait pensé l’inverse… Mais il s’en rendit vite compte quand la danseuse prit la parole, tant ses mots sonnaient étrangement, comme une langue qui n’a pas l’habitude des accents brutes et hachés de la langue commune, ayant tendance à rouler les syllabes comme tout bon essossien. Oberyn se rendait très bien compte de ces sonorités pour avoir voyagé à Essos plusieurs années… La femme avait parlé lentement, de manière à détacher chacun des mots, et même si ceux-ci avaient tendance à se chevaucher, le Prince comprit aisément ce qu’elle avait voulu dire.

Il ignorait presque tout d’elle mais elle semblait savoir qui il était, un grand pas pour communiquer avec elle sans l’effrayer. Son regard était tout de même assez perdu, comme empreint de doutes sur que dire ou comment se comporter. C’en était presque charmant, même si c’était plutôt la curiosité qui animait le Prince Martell à cet instant. Sa seconde phrase sonna encore plus étrangement, sans véritable sens à vrai dire, mais les mots étaient clairs comme de l’eau de roche. « Bien », c’était sûrement le seul mot à retenir, le Je la désignant dans son état. Apparemment les remèdes de Mestre Yvan avaient diminué la douleur ressentie par la morsure du serpent, ce sur quoi Oberyn fut rapidement rassuré. La jeune femme semblait vraiment curieuse, vu sa manière de se déplacer dans la cuve pour se rapprocher et observer plus attentivement le Dornien, attitude qui amusa ce dernier. Comprenant par sa dernière phrase qu’elle ne maitrisait que trop peu la langue commune, il la rejoint sur l’usage du haut valyrien, une langue qu’il n’avait certes plus l’habitude d’utiliser mais dont il avait encore de solides bases.

- Je suis content de faire votre connaissance. Ma langue n’est plus usée pour ces gestes, mais j’espère que vous me compreniez tout de même. Pouvez-vous me montrer l’écorchure du serpent ? Je souhaite la regarder, pour m’assurer des soins.*

Son Haut Valyrien était un peu hésitant, mais il était sûr qu’au fil de la conversation les mots retrouveraient leur place et qu’il reprendrait ses habitudes de jeunesse. Sa langue devait rouler à nouveau pour s’habituer mais il n’avait pas oublier les tournures ni la syntaxe à l’oral. Il accompagne sa dernière phrase d’un geste, approchant doucement sa main hâlé sur le bord de la cuve pour que la jeune femme lui tende sa cheville meurtrie, et ainsi examiner la morsure du serpent, et vérifier l’état des chairs environnantes.

- Faites moi confiance, je suis doux. Et je respecte à toi.*

La confiance n’était pas chose aisée à donner, mais Oberyn n’avait aucune mauvaise intention. Il se montrait avenant pour justement la rassurer, alors que son rang aurait pu lui simplifier la tâche et lui éviter tant de convenances, avec plus de brutalité dans ses mots. Mais ce n’était pas une attitude dornienne.



*Haut Valyrien