Réminiscence & Flammes “Brûlez le”,ce fut comme un coup porté sur sa poitrine, le jeune écuyer eut le souffle coupé de ce couperet cruel, il regarda autour de lui, personne ne bougea, était-ce à cause du traumatisme de la mort de Rickard et Brandon Stark ? Lui-même ainsi qu'Elbert n'avait pas vue cette mort, juste les cris et les rires du Fol, des rires glaçants. Mais non, personne ne bougea, lui-même ligoté, il vit son maître se faire escorter, digne homme qu'il était, il ne tremblait pas, il n'essayait pas de fuir, mais Creighton lui ne pouvait se résoudre à le laisser partir ainsi, pas comme ça ! Il voyait déjà les sagesses pyromanes préparer ce qui ressemblait à un tonneau de fer forgé contenant un liquide verdâtre et nauséabond. Alors il essaya, se redressant, il surprit les deux hommes du Guet qui le maintenait, il donna un coup d'épaule, l'un des deux chuta au sol et des yeux se braquèrent sur le jeune écuyer. "Messire Elbert !" Il courut, dérapant légèrement, mais garda l'équilibre tout de même, il devait essayer ! Par les Sept il ne pouvait laisser Elbert mourir ainsi ! Il entendit derrière lui des pas précipités alors que les deux manteaux blancs escortant Elbert se retournèrent, la main sur la garde de leurs épées et alors, il se retourna, le visage serein, un léger sourire sur le coin de ses lèvres et Creighton s'arrêtèrent net devant ce calme qu'il ne comprenait pas. "Ne t'inquiète pas Creighton. Prend soin d'Ashara." Pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-il pas être aussi calme que son maître ? À peine avait-il eu cette question en tête qu'il fut lourdement plaqué sur le sol, sa mâchoire alla s'écraser sur les dalles et un goût de fer nimba sa bouche, mais cela lui importait guère tant sa peine était lourde et amer alors qu'Elbert Arryn continua sa procession vers sa mort cruelle, mort que le Fol n'allait même pas prendre la peine de regarder, cruel Targaryen, enflure, bâtard. L'un des manteaux blancs qui l'avait plaqué au sol lui dit de ne pas bouger et des larmes perlèrent sur les joues de l'écuyer du Val, impuissant alors que son idéal de chevalerie plongeait dans le liquide... La suite... Un feu vert s'élevant jusqu'aux voûtes de la salle du trône, à peine un cri à vrai dire, mais ce rire qui martelait son crâne, celui de l'honni...

Le réveil fut douloureux, Creighton se redressa subitement, en sueur, le regard perdu et il lui fallut plusieurs minutes pour s'habituer à la noirceur de la nuit, seule une fenêtre laissait filtrer les rayons de la lune. Les mains dans la tête, ce passé revenait chaque nuit, comme si les Sept voulaient lui montrer quelque chose, quelque chose qu'il ne voyait pas. Il se leva, quittant les draps, vêtu d'une simple chemise de lin, il alla prendre un gobelet et il se servit dans un pichet d'eau. La pièce était fraîche, l'eau elle-même semblait frissonner lorsqu'elle glissa dans le gosier de Creighton, c'était vivifiant, comme plonger dans une source du Val. Le valois se rapprocha de la fenêtre et l'ouvrit afin de laisser l'air venant des montagnes fouetter son visage, les Éryé offrait une vue que nul autre cité ne pouvait espérer égaler, c'était son quotidien depuis qu'il était revenu de Port-Réal il y a de cela tant d'années, second fils de la maison Rougefort, il n'avait pas la charge de devenir le futur Sire de sa famille et il avait alors pu devenir ce qu'il était aujourd'hui, chevalier du Val, membre de la Garde Ailée, proche d'Ashara. À sa simple pensée, il soupira, à la fois mélancolique et heureux d'être à ses côtés, réalisant ainsi la dernière volonté de son père. Il marcha pieds nus jusqu'à la porte qui donnait au balcon, sortant dans la nuit claire, habitué au froid, il frissonna à peine et s'accouda à la rambarde et son regard se porta machinalement bien plus haut, flanquée dans la tour des Arryn, il pouvait voir le balcon de la chambre d'Ashara. Au final, cela ressemblait bien à la relation qu'il avait avec elle, si proche et pourtant si inaccessible.

À jamais dans l'ombre de vos pas Il semblait que tout allait pour le mieux, toute la noblesse du Val était présente, de la danse, un banquet somptueux avec de la glace provenant des pics enneigés des plus hautes montagnes, il fallait avouer que tout parfait et Creighton se détendit légèrement, la main sur la garde de son épée se desserra et il se prit à regarder la Cour des Arryn, les moineaux comme aimait à penser le chevalier bien que cela pouvait être médisant, on lui avait d'ailleurs parfois fait la remarque, mais il aimait ce terme et après tout, en voyant les petits groupes qui volaient autour des Arryn, il ne pouvait s'imaginer autre chose. Dans son armure magnifique, il se perdit dans la foule, patrouillant et laissant ses camarades prendre la relève concernant la garde d'Ashara. Il offrait son plus beau sourire aux dames, il avait toujours un petit mot agréable, c'était son code à lui, l'image du parfait chevalier alors qu'au fond de lui, une seule femme pouvait enflammer son cœur, d'ailleurs, il coula un regard vers elle, magnifique, digne... Et dire qu'elle était avec ce Corbay. Oh, il n'avait pas de haine ou de rancune envers lui, non, quand bien même il trouvait que le mariage entre une Arryn et un Corbay était plus une mésalliance qu'autre chose, après tout, cette famille n'était plus que l'ombre d'elle-même, les Rougefort eux étaient encore puissants... Il secoua la tête, il ne pouvait vraiment pas s'en empêcher et il se maudit.
La vue d'invités des autres régions relança la mémoire du garde ailée sur autre chose, se raccrochant comment un naufragé à la moindre planche flottante qui pouvait le détourner de l'écueil qu'était sa dame. Il se souvenait encore de la guerre, cette rébellion à laquelle il avait participé, il avait eu l'honneur d'être fait chevalier par Lord Jon Arryn avant d'y aller sans se retourner, avide de pouvoir étancher sa soif de vengeance. Cela fut long, mais Creighton avait suivi Jon Arryn sans broncher, d'abord avec la prise de Goëville, un siège dur qui laissait voir que cette rébellion allait être acharnée. Il avait eu l'honneur de commander une partie de l'armée du Val lorsque Jon Arryn avait été obligé de rejoindre Eddard Stark à Vivesaigues afin de s'unir à Lysa Tully, il brilla d'ailleurs en battant une ost adversaire cette fois-là, c'était aux abords de Harrenhal, la fureur et le sang. Au final, il était devenu un chevalier accompli lorsque la guerre prit fin et il était retourné chez lui, dans les nuages pour devenir l'Épée-Lige d'Ashara, tenant sa promesse. Il l'avait vu grandir, devenir une femme sublime, elle était une vraie Arryn, il n'y avait pas de doutes sur ce point et cette déférence qu'il avait eue à son égard, son admiration pour la fille de son mentor, c'était transformé en amour, un amour déçu, un amour qu'il avait essayé de rendre possible, mais le Gouverneur du Val avait toujours refusé.
Creighton savait fort bien que le jeu de la politique et des alliances était primordial, mais comment renoncer à l'amour d'une femme comme elle ? Il se demandait encore comment il y arrivait, enfin si, une seule chose comptait, la protéger et devenir insistant, être trop dans la demande l'aurait éloigné d'elle et il n'aurait pas réussi à vivre sans au moins la voir une journée.

Enfin le voilà donc là, Ser Rougefort, célibataire, garde ailée que son père aimerait voir marié, même s'il était le second, il pouvait prétendre à beaucoup, mais lui restait toujours dans l'ombre de sa reine, le ridicule de la situation aurait très certainement fait exploser son paternel, mais heureusement, Creighton était devenu bon pour cacher ses sentiments à l'égard de Ashara et Lord Rougefort voyait en son second fils un chevalier dans la pure tradition du Val et il s'en contentait de mauvaise grâce. Une jeune lady l'aborda et une conversation s'engagea, il riait à ses plaisanteries, écoutant attentivement son voyage dans le Nord et lorsqu'il la quitta, il sentit le regard de la jeune femme sur lui, oui, il n'était pas si détestable de le trouver beau et charmeur et sa réputation chevaleresque et aussi de ne pas avoir d'épouse faisait de lui une sorte de joyaux que les jeunes ladies du Val aimeraient avoir pour elles seules.
Même s'il était dévoué à sa dame, il en avait connu d'autres, non pas qu'il en avait été amoureux, mais parfois, le besoin de sentir contre lui le corps d'une femme se faisait sentir, était-il un charmeur ? Peut-être, mais dans un certains sens, il essayait juste de rester lui-même. Parfois, n'y croyait pas. Il revint finalement près d'Ashara, reprenant son poste derrière elle, à seulement quelques pas, cette torture de tous les instants, s'il tendait le bras, il aurait pu toucher sa peau, mais non, son honneur le commandait de rester à sa place et de faire bonne figure, un jour peut-être, il ne verrait en elle qu'une amie chère à son cœur tout comme elle-même le voyait, ce jour-là alors, il serait enfin débarrassé de ce linceul qui enveloppait son cœur.