Tour de la Main
An 298
13ème lune
Semaine 3
Jour 6
Tard dans la soirée

Lord Stark trempa sa plume dans l'encre. Ses mains étaient plus faites pour tenir l'épée que le parchemin, mais ceci était une tâche qu'il ne pouvait laisser à personne d'autre. Il déglutit. Les simples mots qu'il allait coucher sur le papier allaient déclencher une nouvelle guerre.

Il but un verre d'eau d'une traite. Il n'en disait rien la plupart du temps, mais, certains jours, la chaleur de Port-Réal lui était insupportable. Ainsi que l'absence d'intimité. Et c'était un de ces jours. Il épongea la sueur de son front d'un revers de l'avant-bras.

Il se mit à écrire. Il commença par le plus délicat. Balon était un homme fier, et sa reddition devant Robert Baratheon restait très probablement une plaie à vif dans son orgueil. Inutile de mentionner que Theon était son otage et que sa tête dépendait de la coopération de son père.

A Lord Balon Greyjoy
Sire de Pyk et seigneur suzerain des Îles de Fer


Lord Balon,

Ce sont de graves circonstances qui me poussent à vous rédiger cette missive aujourd'hui. Comme vous le savez très certainement, Port-Lannis a été assaillie, et, plus généralement, l'ensemble des Terres de l'Ouest font l'objet d'assauts venus de la mer.

Je ne porte aucune accusation contre vous, en revanche, il est clair que des Fers-Nés sont impliqués. Ceux qui ont enfreint la paix du roi doivent être châtiés pour leurs crimes. Aussi, je vous demande de mener l'enquête, afin de trouver les responsables pour qu'ils soient amenés devant la justice.

Ces incidents doivent être circonscrits au plus vite : tout le monde, sur les Îles de Fer ou en quelque lieu du royaume que ce soit, a intérêt à ce que ce problème soit réglé rapidement afin de rétablir la situation.

Lord Eddard Stark
Seigneur de Winterfell et Gouverneur du Nord
Main du Roi

Il plaça le message à droite du bureau, et le rédigea quatre fois. Il devait être absolument certain que cette missive ne se perde pas en route, car c'était celle qui laissait une chance à la paix. Bien sûr, il allait convoquer les bans. Une guerre n'était autre qu'un débat dans laquelle chaque bataille était un mot, et chaque avantage stratégique un argument. Toutes ces armées que lord Stark comptait appeler n'étaient que des "arguments" destinés à convaincre Balon Greyjoy que la paix était préférable.

Il aurait pu penser que demander à Balon Greyjoy de livrer au bourreau des compatriotes qui voulaient faire revivre l'Antique Voie allait sans doute possible le pousser à se sentir insulté et à réagir par la violence. Il aurait été possible de négocier autrement et ainsi d'éviter que le conflit ne s'embrase. S'il y avait pensé, la suite des évènements aurait peut-être été différente. Mais lord Stark n'était pas homme à réfléchir à ce genre de compromis. Pour lui, la situation était limpide : des hommes avaient rompu la paix du roi, il revenait à leur seigneur suzerain de rétablir cette paix. C'était aussi simple que cela.

La missive suivante était destinée à un homme qu'il appréciait plus, mais son contenu n'était guère plus plaisant. Il l'écrivit sur avec l'en-tête formel qui indiquait que ce n'était pas un père qui s'adressait à son fils, mais une Main du Roi qui s'adressait à un seigneur suzerain du Nord.

Ades était assis à côté de lui, et lui fit remarquer qu'il fallait mentionner Theon. Eddard n'y avait pas pensé. Il réécrivit.

A Robb Stark
Sire de Winterfell et Gouverneur du Nord


Robb,

La guerre est sur nous. Les Fers-Nés ont attaqué les Terres de l'Ouest. J'ai écrit à Balon Greyjoy pour lui laisser une chance de nier toute implication et livrer les coupables. S'il est raisonnable, il choisira la paix.

Il convient de lever le ban pour répondre à cette menace. Je suis conscient du péril qui vient du Nord du Mur, mais apparemment seul le Nord en réalise l'ampleur. Le roi se moque bien des Autres, il semblerait. Néanmoins, je suis parvenu à récupérer quelques racailles qui traînaient au fond des cachots et je les envoie au Mur. En compagnie de Jaime Lannister, que le roi nous prête pour repousser la menace des Autres.

Assure-toi que tous, sans exception, aient la place qui convient à leurs mérites. Tu as la bénédiction du roi pour ce faire.

Par ailleurs, il n'existe pour le moment aucune preuve de l'implication des Greyjoy. Tout dépendra de la réponse que me fait lord Balon, en missives mais surtout en actes. S'il s'avère que ce dernier s'est révolté une fois de plus contre la Couronne, fais ce qu'il convient de faire concernant Theon.

Pour ce qui est de l'Ouest... Fais ce que tu peux. Je comprendrai si tu ne peux pas intervenir en masse à Port-Lannis, d'autant que le Nord est menacé lui aussi (n'en demande pas trop aux Mormont et aux Tallhart, par exemple). Mais plus vite nous aurons réglé le problème des ennemis dans l'Ouest, et plus vite nous pourrons contrer la véritable menace. Je n'ai pas oublié le Mur.


Lord Eddard Stark
Seigneur de Winterfell et Gouverneur du Nord
Main du Roi

Normalement, Robb n'aurait pas à s'occuper du Régicide. Mais Eddard avait longuement parlé avec Catelyn, de la place qui aurait récompensé Jaime Lannister à hauteur de ses mérites. Il avait clairement parlé d'un manteau noir ou d'une tête séparée du corps. Elle serait capable de comprendre à demi-mot les intentions de son mari. S'exprimer librement était trop dangereux, avec un corbeau. Ce message-ci, Eddard l'écrivit en double. Il enverrait quatre corbeaux, dont deux avec un simple parchemin vide pour limiter les risques d'interception.

Au tour de Stannis, maintenant. Il possédait la force de frappe maritime des Sept Couronnes, le préalable indispensable à tout assaut sur les Îles de Fer. Normalement, Eddard le verrait très bientôt, au Conseil Restreint, mais attendu que Stannis ne participait pas à tous, il convenait de prendre des précautions.

A Lord Stannis Baratheon
Sire de Peyredragon
Maître des navires


Lord Stannis,

Comme vous le savez peut-être, des Fers-Nés ont assailli les Terres de l'Ouest. Nous ne connaissons pas encore les effectifs exacts des envahisseurs ou les Maisons impliquées. Mais vous les avez déjà combattu auparavant : vous savez que la plus grande force des Fers-Nés provient de leurs boutres.

Si, comme je le crains, ces incidents dégénèrent en guerre, il convient de les anéantir sur mer avant toute autre opération, ce qui aura également pour effet de couper les Fers-Nés présents dans l'ouest de tout ravitaillement par voie maritime, les piégeant dans un pays qui leur est hostile.

Levez la flotte, lord Stannis. Dirigez-vous vers l'Ouest. Pour le reste, vous êtes maître des navires et vous avez déjà prouvé votre valeur en tant que tel. Faites ce qui vous semble adéquat. Néanmoins, s'il y a la guerre, il est primordial que la flotte Fer-Née soit mise hors d'état de nuire. Soyez prudents : les Fers-Nés pensent avant toute chose en termes de puissance navale. Ils voudront anéantir votre flotte autant que vous voulez anéantir la leur, comme ils l'ont fait à Port-Lannis, comme ils l'avaient fait lors du soulèvement de Balon Greyjoy il y a neuf ans de cela. Ils voudront vous tendre une embuscade ou détruire votre flotte à quai avant qu'elle n'ait pu se rassembler et appareiller, j'en suis convaincu.


Lord Eddard Stark
Seigneur de Winterfell et Gouverneur du Nord
Main du Roi

Trois corbeaux pour ce message : Peyredragon n'était pas loin. Mais la missive était d'une importance cruciale.


Maintenant, le gros morceau : Mace Tyrell, seigneur suzerain du Bief. Celui dont l'ost faisait trois fois l'ost fer-né, et qui pouvait les briser à lui tout seul. Sauf que les Fers-Nés n'étaient pas le seul problème, et c'était là que les choses se corsaient. Cela allait être plus délicat qu'avec Robb Stark ou Stannis.

Mais lord Tyrell se considérait comme un stratège de grande envergure, et la perspective d'une guerre ne manquerait pas de l'enthousiasmer. Peut-être même un peu trop.

A Lord Mace Tyrell
Sire de Hautjardin
Défenseur des Marches
Grand Maréchal du Bief
Seigneur suzerain du Bief

Lord Mace Tyrell

Comme vous le savez, les ennemis du royaume ont assailli les Terres de l'Ouest. Lord Tywin Lannister rentre de Port-Réal avec ses troupes, l'Ouest lève son ban.

Vous devez en faire de même. Levez votre ban, rassemblez vos armées, et ordonnez à vos vassaux de préparer leurs flottes.

Nous allons avoir l'occasion d'abattre tous les ennemis du royaume en même temps. Une guerre est probablement en train de commencer. J'ai envoyé une missive à lord Balon : nous ne savons pas exactement s'il ne s'agit que d'incidents isolés ou bien d'un nouveau soulèvement Greyjoy. Mais dans tous les cas, nous avons besoin que cet épisode soit aussi bref que possible : les guerres coûtent cher, le royaume a des dettes à rembourser, et l'hiver vient.

Vous allez jouer un rôle capital dans ce combat, lord Tyrell. Convoquez votre ban et dirigez-vous vers Port-Lannis. Plus vite nos ennemis seront vaincus, plus vite nous pourrons profiter des fruits de la victoire.


Lord Eddard Stark
Sire de Winterfell et Gouverneur du Nord
Main du Roi

Trois corbeaux pour celui-ci : l'ost du Bief était vital. Le Conflans, maintenant. Il était probable que dorénavant, Hoster Tully ne gère plus grand-chose, mais il était toujours le seigneur suzerain du Conflans. Difficile de savoir qui prenait les décisions, cela dit. Eddard ne connaissait pas exactement l'état de santé de son beau-père. Il soupira. Hoster ne lui aurait pas tenu rigueur de la mort de Lysa, il aurait compris que, quel qu'ait été le juge, le résultat aurait été le même. Mais il était difficile de savoir si son fils était fait du même bois. Et, en l'occurrence, l'absence de Brynden se faisait cruellement sentir.

A Lord Tully
Sire de Vivesaigues
Seigneur suzerain du Conflans

Lord Tully,

La guerre est sur nous. Les Fers-Nés ont assailli Port-Lannis et mis à sac la ville, ils ont maintenant pris pied en Terres de l'Ouest. Impossible à l'heure actuelle de dire combien de Maisons sont impliquées, mais il s'agit de plus que les incursions malheureusement habituelles. Jamais encore les Fers-Nés ne s'étaient attaqués à une ville de la taille de Port-Lannis, pas depuis le soulèvement Greyjoy.

Si les Fers-Nés prennent pied en Terres de l'Ouest, très vite, leur regard se tournera vers les riches terres du Conflans, dont les rivières sont faciles à remonter avec leurs boutres, et où ils peuvent exploiter toute leur puissance maritime. La lignée des Chenu régna longtemps sur les Îles de Fer et le Conflans. Il est très probable qu'ils s'en rappellent aussi. Laissons-les là où ils sont, et tôt ou tard, ils "prendront ce qui est leur", comme ils le disent.

Pour cette raison parmi d'autres, les Sept Couronnes convoquent leur ban. Faites-en de même, mon seigneur. Pour votre sauvegarde, pour que la guerre soit aussi courte et peu coûteuse que possible, enfin, au nom des liens entre nos deux familles. Convoquez votre ban, et dirigez-vous vers les Terres de l'Ouest et particulièrement Port-Lannis. Nous allons frapper les ennemis du royaume pour mettre fin à ce conflit immédiatement.

Par ailleurs, vous avez dû apprendre le décès de Brynden Tully. Mais peut-être pas ses circonstances. Lysa Arryn avait confessé ses crimes de haute trahison et d'assassinat de son mari, Jon Arryn, puis elle a demandé un duel judiciaire. Brynden s'est offert comme champion. Vous savez à quel point il a toujours été obstiné. Il a voulu combattre, et s'est battu vaillamment, blessant gravement son adversaire. Mais finalement, il a succombé.

Lady Arryn s'est proposée pour ramener sa dépouille dans le Conflans, afin qu'il soit inhumé dans la rivière ainsi que le veut la coutume, et j'ai pris des mesures pour que ce soit fait au plus vite. Je regrette réellement de ne pouvoir faire ce voyage moi aussi. J'estimais énormément lord Brynden, et sa mort est une perte amère pour nous tous. J'espère pouvoir, une fois la guerre terminée, venir à Vivesaigues en compagnie de Catelyn, pour pouvoir lui rendre hommage sur la terre où il est né.

Lord Eddard Stark
Seigneur de Winterfell et Gouverneur du Nord
Main du Roi

Quatre corbeaux pour celui-ci.

Maintenant, au tour de Dorne. Peu d'hommes, et éloignés les uns des autres : leur ost mettrait du temps à arriver, et il serait peu fourni. Mais, concernant les Lannister, on ne pouvait pas mettre en doute leur bonne volonté.

Lord Stark et lord Overton discutèrent un moment de la manière dont il convenait de formuler : "Aide-nous à massacrer les Fers-Nés et nous t'aiderons à massacrer Tywin", de manière à ce que ce soit compris par le destinataire mais pas par un éventuel espion Lannister s'il venait à intercepter le message.

Rendre justice à tous les assassins d'Elia, qu'en pensez-vous ?

Ades fronça les sourcils.

Un peu trop clair, à mon avis, lord Stark. Si on dit "les" assassins, on parle lors de ser Gregor Clegane et au moins une autre personne. Difficile de ne pas penser à Tywin Lannister. D'autant que Doran Martell est connu pour énormément peser la moindre de ses paroles. Ce qui signifie qu'il fait très probablement de même avec celles des autres.

Lord Stark hocha la tête. Rédiger les missives à deux était une bonne idée. Un homme seul ne pouvait tout simplement pas penser à tout.

Bien vu.

A Lord Doran Martell
Sire de Lancehélion
Seigneur suzerain de Dorne

Lord Martell, je vous salue.

Comme vous le savez certainement maintenant, Port-Lannis a été mise à sac par des Fers-Nés. Ceci est un acte qui va au-delà des incursions dont ils sont coutumiers, et justifie une riposte globale.

Le Royaume entier convoque son ban pour faire face à la menace, et je vous demande d'en faire de même : les guerres coûtent cher, et, vu la situation, il est particulièrement important de frapper fort afin que ce conflit s'achève avant d'avoir commencé.

L'inimitié que vous vouez aux Lannister est plutôt connue, et je ne sais pas si votre frère Oberyn vous a fait part de notre conversation.

Mais je peux vous promettre trois choses. La première, c'est que dans le contexte actuel, une guerre courte est notre seul espoir d'arriver à honorer les engagements financiers du royaume sans hausses d'impôts. La deuxième, c'est que ceux qui combattront à nos côtés seront dûment rétribués : les fruits de la victoire se partagent en fonction du rôle qu'a joué chaque seigneur vainqueur dans l'effort de guerre. Et, surtout, la troisième chose : je vous promets la justice.

Le devoir de tout seigneur envers la Couronne est de convoquer son ban lorsque la nécessité s'en fait sentir. C'est ce que je vous demande aujourd'hui : convoquez votre ban, et dirigez-vous vers Port-Lannis. Le devoir de la Couronne envers les seigneurs qui lui ont fait allégeance est de lui donner la justice. Que Dorne combatte à nos côtés, et, si nous gagnons, je vous donne ma parole que justice sera servie à Dorne.

Enfin et pour finir, un siège au Conseil Restreint est disponible pour Dorne, si Dorne appuie le roi une fois de plus.

Lord Eddard Stark
Seigneur de Winterfell et Gouverneur du Nord
Main du Roi

Deux corbeaux avec le message, trois autres avec une missive vide, pour réduire les risques d'interception. Le message avait beau être ambigu, mieux valait être prudent.

Ned se laissa aller en arrière, frottant son poignet douloureux. Il récapitula à voix haute.

Donc... Nous avons écrit au Nord, au Conflans, au Bief, à Dorne, à Peyredragon.... Le seigneur suzerain du Val, je lui en ai parlé directement aujourd'hui même. Et quand aux Terres de la Couronne, je peux parler à Renly en Conseil Restreint, et au roi... A peu près tout le temps.

Avant le milieu de matinée, quand il est encore sobre, du moins.

Les corbeaux s'envolèrent dans la nuit noire. Le dicton "Noires ailes, noires nouvelles" se vérifiait une fois de plus. Eddard s'abîma dans la contemplation de la flamme de la bougie. La roukerie royale avait été à moitié vidée de ses corbeaux, et une guerre venait de commencer.

Le battement des ailes s'estompa dans la nuit. Eddard était plutôt en forme. La colère lui avait donné un coup de fouet. Mais Eddard Stark étant Eddard Stark, cette colère ne se manifestait que sous la forme d'un léger froncement de sourcils. Seuls ses proches pouvaient savoir vraiment ce qu'il en était. Et un observateur attentif aurait pu noter que "la Main était contrariée". Cette colère n'avait rien à voir avec les hurlements de Robert Baratheon. C'était la colère froide de Tywin Lannister en voyant quelles libertés Aerys II se permettait avec sa chère Joanna lors de la cérémonie du coucher. C'était la rage glacée qu'Eddard savait que Doran ressentait en repensant à la mort de sa sœur, toujours impunie. Une colère de lord, de celles qui déclenchaient des guerres des années après, lorsque l'heure était venue.

Si un glaçon avait pu se mettre en rogne, il aurait ressemblé très précisément à Eddard à cet instant.

Que l'on récompense les loyaux vassaux à la fin d'une guerre ("loyal" se définissant alors par "ayant choisi sans hésitation le camp du vainqueur") était une chose normale. Mais négocier sa participation à une guerre, qui ne relevait de rien d'autre que du devoir d'un vassal, cela n'avait rien à voir.

Il aurait été très tenté de répondre aux Dorniens que, à moins que le serment d'allégeance de Doran Martell à la Couronne ait compris des termes du style "Les ennemis de mon suzerain seront mes ennemis et je l'appuierai dans la paix comme dans la guerre, sauf si j'ai pas envie", ils allaient simplement faire leur devoir. Mais manifestement, c'était plus compliqué.

Il soupira, d'un soupir ressemblant à un grondement. Si un Dustin, un Bolton ou un Omble, avait prétendu négocier ainsi sa participation à un conflit, il aurait simplement rencontré Glace. Les choses étaient plus simples dans le Nord. C'était environ la centième fois qu'il se disait cela, depuis cinq lunes qu'il était Main.

De plus, c'était une situation impossible. Jon Arryn avait fait une promesse aux Tyrell, mais les Dorniens avaient décidé de jouer leur propre jeu et de mettre le roi devant le fait accompli. Maintenant, quelle que soit la situation, elle offenserait, ou Dorne, ou le Bief. Et cela pouvait perturber ses propres projets d'alliance avec le Bief. Cela étant, il était plus facile de soigner la fierté de Mace Tyrell, que de Doran Martell, et, surtout, de son frère. Donc, Eddard avait penché pour Dorne. Pour l'instant. Le Nord se souvenait. De plus, cela ferait de facto de la princesse Arianne Martell une otage. En plus, cela forcerait Dorne, qui avait toujours eu des velléités indépendantistes, à conclure l'alliance la plus sûre dans cette situation précise : celle où chacun se tenait en équilibre, accroché à l'autre qui lui faisait contrepoids, aucun ne pouvant lâcher.

Mais il avait soumis la décision à Robert, gardant une prudente réserve.

Et le Roi avait tranché. Il avait accepté la demande des Martell concernant le mariage, mais refusé le siège du Conseil Restreint.

Cela avait été une bonne surprise pour Ned : Robert avait montré une certaine intelligence stratégique en l'affaire. Il n'avait pas voulu d'un dornien pour faire ses manœuvres au Conseil. Plus précisément, il avait déclaré qu'ils "n'allaient pas lui chier dans les bottes".

Maintenant, il revenait à la Main d'envoyer un corbeau disant publiquement que le roi avait désavoué son choix. Cela dit, ce n'était peut-être pas plus mal. Cela encouragerait les fausses suppositions.

Il se rappelait distinctement du message.

A Lord Doran Martell
Sire de Lancehélion
Seigneur Suzerain de Dorne

Lord Martell, suite à notre discussion avec le prince Oberyn, le Roi et moi avons discuté de votre proposition de mariage entre la princesse Arianne Martell, et le prince Durran Baratheon. Le Roi accepte ce mariage, estimant que la loyauté qu'a récemment montré Dorne envers lui mérite que Dorne ait une place sur le trône.

Néanmoins, dans ces conditions, il n'accepte pas qu'un conseiller supplémentaire ait une place au Conseil Restreint, d'autant que sept sièges sont déjà occupés.

Cependant, mes autres propositions restent d'actualité.

J'espère que cet arrangement saura vous satisfaire.

Lord Eddard Stark
Seigneur de Winterfell et Gouverneur du Nord
Main du Roi

Du jargon diplomatique comme il en détestait. Mais ce pouvait être un bon arrangement. Avec une princesse dornienne sur le trône de Fer, on séparait définitivement les Martell des Targaryen. Que Viserys tente de revenir, et le chemin des Degrés de Pierre et du Bras Cassé lui serait barré.

Oui. Ce n'était peut-être pas une solution idéale, mais c'était la moins insatisfaisante, et cela suffirait. D'autant que la vraie guerre se déroulerait au Nord. Et dans peu de temps.

L'Hiver vient, annonça solennellement Eddard Stark à la pièce vide et obscure. L'air sembla se refroidir.

Arianne avait prit personnellement le temps de répondre à la main du Roi sur conseil de son père. La jeune femme avait rédiger un mot rapide, simple sans grande phrase. Elle allait à l'essentiel ne voulant s'encombrer de futilité.

À Lord Eddard Stark
Sire de Winterfell
Gouverneur du Nord
Main du Roi

Lord Stark, Dorne répondra à l'appel aux armes que la couronne demande en gage de notre loyauté. Mais Dorne est vaste et le climat rude. Cela prendra du temps de convoquer notre ban aux grands complets. Une première partie de nos troupes se rassembleront dans les Marches de Dorne avant de marcher vers les terres de l'Ouest pour défendre Port-Lannis. Le reste des troupes arriveront dès que possible mais nous le craignons assez tard.

Je vous renvoie de par cette lettre, l'acte de fiançailles du Prince Durran Baratheon et de ma personne, signé sans contrainte. Et nous attendrons avec impatience la justice que vous nous promettez.

Lady Arianne Martell
Princesse héritière de Dorne.

Une fois le mot rédigé, elle se dirigea vers la rouquerie et donna des instructions claires. Plusieurs corbeaux pour une même destination mais un seul porterait le vrai message, le reste ne serait que des leurs. Trop prudent peut-être mais les Martell ne souhaitait pas voir leur message aux mains de mauvaise personne.