Une perle de sueur luisait le long de son front. Alors que les hurlements de la foule masquaient les plaintes des jeunes hommes présents. Cheveux aux vents, il tailladait le plastron de son adversaire. Soudain l'étreinte d'un frisson d'horreur l'envahissait. La vision brouillée, les oreilles sifflantes, le souffle court. Où était-il ? Puis alors, ça lui revenait, la morsure glaciale de l'acier, la clameur des combats, l'horreur de la mêlée.. puis un hurlement, un nom.. son nom ? Son coeur battait vite.. trop vite, martelant sa cage thoracique de coup de marteau. Un homme s'approchait, il semblait différent, les yeux injectés de sang, il levait son épée. Sans trop comprendre, Balon attrapait la pomme de son épée. Un geste vif et l'homme tombait, comme figer par le doux baiser de la mort. Un silence de plomb frappa la foule alors que le liquide chaud qui faisait la vie se répandait lentement sur sa cuirasse. Une faille dans l'armure, un mauvais coup et c'était fini. Se relevant péniblement, il contemplait le spectacle, c'était son premier. Pourtant, alors que la victoire du Tournoi lui était acquise, il ne ressentait aucune joie ni fierté. Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer avec angoisse, la vie qu'aurait eu le jeune chevalier à ses pieds. Peut-être ne s'attendait t'il pas à mourir aujourd'hui lorsqu'il se leva ce matin ? La mêlée était une épreuve dangereuse d'où les combattants sortaient souvent avec de nombreuses blessures et fractures. Ce jour-là, il comprit, qu'un jour, la mort viendrait le prendre à son tour. Il pensa à la courte vie qu'il avait eut. Comment était-il devenu ce qu'il était ?

Nombreux étaient ceux qui pensaient que l’enfance d’un noble est une étape dorée, confortable et pleine de luxure. S'il ne manquait de rien, on attendait énormément de lui. Très jeune, trop jeune, on le confia aux maîtres d’armes. Pour plaire à son père, le mioche se donnait à fond. L’épée était lourde, la lame dépassait le gosse de deux têtes et pourtant les coups continuaient à pleuvoir. « Un chevalier n’a peur de rien ! Frappe ! » Dans un déferlement de frustration et de colère, le gamin se défendait aussi habilement que le pouvait un garçon de son âge. Les cours s’enchaînaient, quand les autres enfants jouaient encore dans les jardins du château, le jeune Balon lui, étudiait. Maitrise de l’épée, équitation, stratégie militaire, rien n’était laissé au hasard. Son père se plaisait souvent à dire « Un jour, tu seras Seigneur de ces contrées et alors, tu comprendras que tout ceci, tout ce que je t’apprends est vital pour toi. » Certes, il n’avait pas tort, mais dans l’esprit d’un enfant, cela n’avait aucun sens. Bercé par les récits de grands chevaliers et d’épopées héroïques, le jeune garçon vivait dans ses rêves. C’est ainsi qu’il évolua, donnant le meilleur de lui-même afin d’atteindre la perfection de ses héros littéraires, mais aussi, très certainement, pour atteindre la sensibilité de son géniteur et obtenir sa satisfaction. Mis à l’écart par son rôle d’héritier, le petit, développa alors une certaine susceptibilité et un profond intérêt sur le regard que les autres avaient sur lui. 

L’adolescence fut sûrement la période la plus mémorable du jeune garçon. Il y développa alors un certain esprit de rébellion et de défi. Sans cesse en contradiction avec les codes de bonne tenue, le garçon se plaisait à se jouer de ces éducateurs. Ivre d’aventure et de passion, ce même petit, posait un esprit critique sur les affaires d’états de son père. Mais le tournant de sa jeunesse fut sûrement son premier amour. Il était là, seul, les jambes tremblantes et le regard timide. Elle le regardait avec réserve, comme si pour elle, la barrière qu’était son monde et celui du garçon, semblait infranchissable. Il serait un jour, un puissant seigneur, elle n’était qu’une jeune servante. Soudain les regards s’entrecroisèrent et alors une profonde connexion s’installa. Il sourit, elle rougit, la tension était à son apogée. D’un pas hésitant, le petit s’approchait, se mordant les lèvres pour ne pas s’enfuir de timidité, il tentait de s’exprimer. Sans succès, les mots ne sortaient pas. Soudain elle osait. « Coucou. » Le garçon, rougissait et non sans trop savoir comment, il passait délicatement sa main sur la joue de la jeune fille, elle frémissait. Son cœur battait à une vitesse folle, comme s’il venait de découvrir l’aboutissement d’une longue quête périlleuse. La conversation s’installait, fébrile et simple mais pourtant si profonde de sens. Tout à coup, le nom de la jeune fille résonnait dans les couloirs, affolée, elle lâchait un baiser sur la joue du petit Balon, avant de s’enfuir en direction de sa maîtresse. Grâce à cette expérience, pourtant interdite entre un noble et une simple servante, le garçon développa une assurance sans limite, fort de son charme et de ses qualités d’enfant dit "prodige".

Devenu adulte, il servit d’écuyer pour de nombreux chevaliers. Certains exemplaires, d’autres légèrement moins, tous moururent au cours de la formation du futur seigneur de Sorbier. Cette malchance devenue une malédiction dans les croyances populaires lui fit cependant apprendre énormément. Les erreurs que commettaient ces tuteurs étaient une source d’inspiration et d’expérience et c’est sans aucune compassion que l’homme observait la mort des chevaliers. Cependant même à l’âge d’homme, il n’avait pas oublié ses rêves d’enfants, son plus grand rêve, qu'était de devenir le plus grand chevalier qu’est connu les sept royaumes, était toujours bien présent dans son esprit. C’est ainsi qu’après de nombreuses aventures et une longue formation, le jeune homme fut chevalier. Hors pair à l’épée, malin dans la bataille, fabuleux cavalier, il avait tout du chevalier parfait. L’assurance, le charme et le charisme, faisaient de lui le stéréotype de l’héritier sans défauts. Cette opinion qu’avaient les gens de lui, lui plaisait énormément, d’ailleurs il en usait sans vergogne pour obtenir tout ce qu’il voulait, même si secrètement la crainte de perdre sa notoriété le rongeait chaque nuit.

Les années passèrent et alors qu'il se faisait connaître des nombreux nobles du Bief et des tournois du royaume. Il acquit une certaine frustration, se faisant voler la vedette par les frères Tyrell et ne pouvant vaincre le légendaire Jaime Lannister. Il s'éloignait de son rêve de grandeur chevaleresque. Cependant il ne comptait pas abandonner, le jour viendrait où ils le craindraient tous. Balon resterait toutefois fidèle à la maison Tyrell, peu importe son choix d'allégeance même s'il n'aimait que très peu les Targaryen.

Balon était un personnage aux multiples facettes. Mêlant une intelligence malicieuse à une personnalité détestable, il n'hésitait pas à profiter de son avantage intellectuel sur les basses castes de la société. C'était un jeune homme d'humeur joueuse, usant d'un sarcasme malsain ainsi que de son amour pour les mauvaises blagues afin d'agacer les nombreux serviteurs qui peuplaient son domaine. Seul fils d'un richissime seigneur, il avait rapidement obtenu un ego qui semblait démesuré ainsi qu'un orgueil connu de tous. Mais il ne cumulait pas que des défauts, garçon téméraire et curieux. Cultivant un charisme certain, il aimait autant l'admiration qu'on lui portait qu'on aimait l'admirer. Homme impétueux, il aimait avec passion autant qu'il haïssait avec fougue. Il n'était que démesure ne trouvant jamais de juste milieu. Fort d'une assurance certaine, il ne laissait jamais le doute l'envahir. Sa philosophie de vie était que chaque jour pouvait être le dernier, aussi il était alors un bon vivant. Cependant, il n'était pas dénué d'honneur, suivant impitoyablement le code de la chevalerie.

C'était un jeune homme vif. De ceux que les divinités avantagent à la naissance. Aux yeux mystérieusement sombre et au regard perçant. Son sourire aussi acéré qu'une lame, ne laissait personne indifférent, il semblait plein de promesses et d'opportunités. Pourtant, l'impression qu'il donnait n'était pas celle d'une jeunesse insouciante, il avait la carrure d'un Roi emprunt de grandeur. C'était un homme bien battit, aux épaules larges dont la stature rappelait celle des nombreux chevaliers qui firent l'histoire. D'une taille vraisemblablement honorable, il atteignait tout juste le mètre quatre-vingt. Ses muscles saillants étaient ceux d'un combattant dans la force de la jeunesse, ils prouvaient une certaine hygiène de vie, un culte du corps et du charme. On distinguait difficilement un petit tatouage, celui d'un soleil sombre qui ne signifiait rien pour un étranger mais beaucoup pour un Cendregué. Une longue touffe ténébreuse pendait le long de sa nuque ainsi qu'une légère barbe brune, vieillissant son visage.