An 298 - Lune Sept - Semaine Un - Jour Trois à Ambroisie

Ce serait une visite de courtoisie, avait décidé Paxter, et visite de courtoisie cela avait été. Il aimait beaucoup sa belle-famille et adorait Hautjardin, mais il avait une visite urgente à accomplir, et cela à Ambroisie, et non pas au château de son suzerain. Bien qu'il porta une grade affection à Mace, finalement, il avait laissé là-bas Mina, qui le rejoindrait quelques jours plus tard à La Treille, car elle souhaitait profiter un peu de la compagnie de sa famille de sang. N'ayant rien en particulier à examiner comme projet urgent avec son suzerain, Paxter n'en avait pas moins succombé à l'envie de parler de son projet avec Mace et bien sur, avec sa tante, lui parlant des derniers ragots qu'il avait entendu...Olenna en était friande, et Paxter, doté d'une forme d'humour et d'une lucidité cruelle sur le monde qui l'entourait, aimait converser avec la vieille dame. La reine des épines n'était pas une femme facile, ni même parfois une femme sympathique, mais Paxter savait à peu près la prendre. La différence de caractère entre elle et ses frères et sœurs ne laissaient pas de frapper lord Redwyne : comment trouver quelque chose de commun entre le Corsaire, le Marchand de vin et la reine des Epines, ainsi qu'avec lady Elynor, la seule à ne pas posséder de surnom ? Radcliff (le Corsaire) avait été un homme courageux et bon vivant, un fonceur, un chevalier, un vrai. Un type qu'aurait volontiers qualifier de balourd lady Olenna, mais elle employait le même terme pour Howland (le marchand de vin), comptable endurci, lecteur, cultivé, sans aucune ambition...Elynor ressemblait plus à Olenna. Alors, oui, Paxter avait longtemps cherché ce qui réunissait cette fratrie, et il avait trouvé : le sens de la famille.

On pouvait dire qu'il était un salaud, un escroc, un pirate, trois titres que Paxter regroupait sous une expression «noble bieffois possédant une flotte », ce qui faisait tout de même plus prestigieux et était pour le moins moins inconfortable à assumer. Mais le principal, c'est que lui aussi possédait le sens de la famille. Il se serait sacrifié volontiers pour sauver les Redwyne, qu'il les aime ou pas. Y compris ses deux crétins de fils, pour qui il ne possédait aucune affection, contrairement à sa fille. Lui aussi ne possédait pas grand chose de commun avec cette douce jeune fille qui se serait volontiers entendue avec la jeune Sansa Stark si elle l'avait connue...Desmera rêvait de héros, de chevaliers et de chansons. Paxter, réaliste, avait bien sur essayé de lui expliquer que non, la vie n'était pas parfaite, mais qu'il était dur d'en convaincre cette enfant, qui lui rejetait ser Ryam Redwyne au visage pour lui rappeler que si, justement, ça existait. Certes, ser Ryam avait été un grand chevalier, mais Paxter lui n'oubliait guère qu'il avait été sans doute la pire Main du Roi qui fut...mais ça, aller le faire comprendre à Desmera, qui était aussi têtue que son père, ça restait impossible.

Il ne comprenait pas cette enfant, pourtant il l'adorait. Elle détestait la politique, il ne savait faire que des magouilles, elle aspirait à épouser un grand et valeureux chevalier alors que Paxter jugeait que les joutes c'était de la mascarade et que le courage idiot ne servait à rien sinon à se faire trucider sur un champ de bataille. Desmera ne rêvait de rien d'autre que d'être une bonne épouse : un manque d'ambition que ne pouvait comprendre son père. Mais il pouvait exaucer son vœu et c'est qu'il allait faire aujourd'hui. Il ne marierait pas sa fille à n'importe qui. Dans le fond il l'adorait, car elle restait têtue, volontaire, et elle aussi dotée d'un sens aigu du devoir et de la famille. A qui la marier, donc ?

Daven Lannister aurait été un bon choix, mais l'Ouest restait loin : rien ne s'était fait. Paxter ne désespérait pas de la possibilité d'une alliance là-bas, mais sans doute pas avec Desmera. Il fallait dire que rien n'avait marché avec sa fille : les Tarly auraient aussi été un bon parti, mais diable ! Ce balourd de Samwell ne pouvait que susciter les moqueries et le rejet. De toute façon avec lord Randyll rien ne marchait...enfin avec ses enfants. Paxter fronça les sourcils et retint un mouvement d'humeur en songeant à la Leyia Tarly. Cette sale peste...oser refuser un mariage avec son héritier, même crétin, ça ne pouvait être qu'un affront et elle allait voir ce qu'elle allait voir, cette petite mijaurée.

En attendant, son écuyer, Merrell Florent, pointa du doigt un château qui apparaissait depuis la route : Ambroisie. Paxter songea qu'il cheveauchait désormais dans les terres de son cousin, et envoya ser Lorrimer, qui en plus d'être maitre d'armes remplissait la fonction de capitaine de la Garde, avertir le maitre des lieux de son arrivée imminente. Lorsque lui même mit pied à terre, les gens de lord Ambrose prirent en charge chevaux et hommes et on le conduisit jusqu'à la loggia d'Arthur. Celui ci l'attendait. Bien sur, il était au courant, plus ou moins de son projet : cela devait venir un jour, vu les alliances commerciales et familiales qui étaient les leurs. Paxter le salua chaleureusement, étant d'excellente humeur :

« Alors, cela fait un moment que je ne t'ai pas vu à Hautjardin. Tu ne terres pas ici, je l'espère ? Il faudra que vous veniez à La Treille un jour. Quand nous aurons fait les vendanges, je dirais. » Lorsqu'ils auraient parlé. « Quelles nouvelles ici ? Je voulais te parler depuis un moment, sais-tu. Tu envisages comment, hm, l'avenir de tes enfants ? »