An 299 • Cinquième lune • Semaine 2 • Jour 3.

Beaucoup de choses s'étaient passées ces derniers temps. L'annonce de la mort de Tywin était arrivée bien après celle de l'attaque de Belle-Île, mais c'est cette dernière nouvelle qui avait grandement touchée Silithia. Les jours semblaient plus longs, les nuits plus froides, puisque sa captivité réduisait grandement sa liberté de mouvements, la réduisant à sa chambre, à certains couloirs du Donjon Rouge et parfois même aux jardins, toujours sous surveillance bien évidemment. Mais le suzerain de l'Ouest était mort, redonnant un peu d'espoir à la colombe. Allait-elle avoir la chance d'enfin pouvoir quitter sa prison d'or ? Allait-elle enfin pouvoir souffler ? Elle savait qu'elle ne rentrerait pas de suite à Belcastel, que Sebaston ne le permettrait pas tant que les dommages causés par les Fer-Nés ne seraient pas réparés. Alors elle devrait attendre, peut-être à Port-Réal, peut-être à Hautjardin. Son père prévoirait certainement tout le moment venu.

Assise à une petite table faisant face à la fenêtre, observant la mer, elle songeait à sa famille, à la façon avec laquelle ils pouvaient bien vivre tous les récents événements, lorsqu'on toqua à la porte. Elle tourna doucement la tête vers le nouvel arrivant, et fut surprise de voir Tyrion. Elle se leva immédiatement, s'inclinant légèrement. Il lui sourit, baisa sa main, et elle afficha un petit sourire.

-C'est un plaisir pour moi aussi. J'ai été bien traitée, ne vous en faites pas pour cela.

Elle n'en dit pas plus que cela, ayant hâte de connaître la raison de la venue du nain. Elle se rassit, invitant Tyrion à s'asseoir également. Ce qu'il dit d'abord la fit rester complètement statique. Elle aurait voulu sourire, remercier celui qui avait tué Tywin, parce qu'elle haïssait cet homme pour ses menaces à l'égard de sa famille. Mais par respect pour son nouveau suzerain, elle n'en fit rien. Mais la suite de ses paroles lui arracha un grand sourire, son cœur se mettant à battre plus vite, plus fort. Enfin elle allait pouvoir retrouver sa très chère liberté, celle qu'on lui avait arraché à cause d'une simple histoire d'allégeance. Joignant ses mains, elle ferma les yeux, poussant un léger soupir de soulagement.

-Merci, murmura-t-elle simplement d'une voix sourde, puisqu'elle ne trouvait aucun autre mot pour exprimer toute sa gratitude. Elle hésita un instant. Je ne doute pas un instant que vous ferez un bon seigneur. Je suis navrée pour votre père.

Si cette dernière phrase pouvait sembler sincère, elle ne l'était pas le moins du monde. Silithia l'avait prononcée par pur respect pour le nouveau suzerain de l'Ouest, et parce que Tywin était son suzerain avant de mourir, et qu'elle lui devait se montrer aussi respectueuse envers lui, aussi faux ledit respect soit-il.
Mais Tyrion continua, n'étant visiblement pas venu uniquement pour lui annoncer qu'elle allait être libérée. Ses paroles étaient des plus inattendues pour la jeune blonde, qui l'écouta sans prononcer le moindre mot. Lorsqu'il eut terminé, elle hésita pendant de longues secondes avant de répondre, d'une voix mal assurée.

-Vous m'honorez, lord Tyrion, dit-elle en inclinant tout doucement la tête. Je le convaincrai sans problème, et il acceptera. Je suis certaine qu'il vous aidera et vous suivra dans vos démarches tant que vous le souhaiterez ; il vous sera bien plus loyal qu'il ne l'a jamais été à votre père. Il aura tôt fait d'oublier sa haine pour les lions. Il doit certainement penser que justice a été faite, puisque votre père n'est plus..., acheva-t-elle à mi-voix.

An 299 • Cinquième lune • Semaine 2 • Jour 3.

Tyrion avait bien raison. Les Farman ne pleureraient pas la mort de Tywin. Elle était même presque sûre que, si elle n'était pas enfermée dans cette chambre, si elle était complètement hors de danger, son père aurait été plus joyeux que jamais depuis la mort de Myriah. Mais Silithia ne savait que trop bien que son père tenait à elle comme à la prunelle de ses yeux, et que tant qu'il n'aurait pas reçu la nouvelle de sa libération et de sa mise en sécurité, il ne serait pas serein. Et ce, même si Tywin -qu'il considérait comme un possible danger pour elle- était mort. Bien qu'elle ne le dit pas ouvertement, la blonde pensait que le vieux lion n'avait eu que ce qu'il méritait. Mais même en voyant la haine apparente que vouait le nain à son père, elle n'en dit rien, puisque la situation devait déjà être suffisamment complexe pour lui.

Silithia laissa Tyrion venir à elle, prendre ses mains entre les siennes et lui parler. Puis il lui demanda sa main. A elle, fille aînée d'un homme qui aurait pu, qui avait voulu, se rebeller. La blonde, malgré son pouls accélérant, garda son calme. Elle avait attendu une demande de ce genre, d'un homme aussi riche, mais ne s'était jamais demandé quelle réaction adopter. Ses prunelles bleues s'agitèrent, fouillant le regard du nain à la recherche d'une lueur de malice, quelque chose lui indiquant que c'était là une blague. Bien qu'elle en doutait, elle se demandait si c'en était une. Non, apparemment non. Les mots se bloquèrent dans sa gorge, refusant de franchir ses lèvres qui étaient comme des portes closes et barrées, refusant de s'ouvrir.

Un instant, ses pensées se tournèrent vers Alessander. « Un homme qui saura te rendre heureuse », lui avait-il souhaité. Tyrion était un homme intelligent, d'une grande gentillesse aux yeux de la colombe. Silithia serait sans doute satisfaite de cette union, peut-être même heureuse. Seul le temps le lui dirait. Et même si elle devait vivre le restant de ses jours tristes, pondant simplement des enfants à un homme qu'elle n'aimerait pas, qui était-elle pour refuser une telle proposition ?
Elle avait de la chance que Tyrion soit un homme qu'elle apprécie.

Alors son choix était fait. Elle qui rêvait de richesse, de pouvoir... elle serait servie. Elle sourit doucement, pour rassurer le nouveau suzerain de l'Ouest qui semblait inquiet quant à sa réaction. Évidemment, il était un suzerain, mais aussi un nain. Mais peu importait à Silithia ; elle avait suffisamment réfléchi. Elle était prête à entrer dans ce que son père appelait la cour des grands ; le monde adulte. Il l'avait toujours considérée comme une enfant, craignant qu'il ne lui arrive quoi que ce soit, où qu'elle soit. Elle sourit tendrement à Tyrion, soutenant son regard vairon et effectuant une légère pression des mains sur les siennes.

-Je dois avouer que votre demande me surprend beaucoup, je ne m'y attendais pas le moins du monde. Mais pourquoi refuserais-je ? Je suis flattée que vous ayez pensé à moi pour cela. Sachez que je vous apprécie beaucoup, moi aussi, et que ce serait un honneur et un plaisir pour moi de devenir votre épouse. Au moins, je n'épouserai pas un ignoble salopard. Son sourire s'agrandit, tandis qu'elle se remémorait les paroles du nain lors de leur première rencontre. Quant à mon père, je ne doute pas qu'il acceptera de vous épauler. Et si il refuse, je saurai le convaincre.

An 299 • Cinquième lune • Semaine 2 • Jour 3.

Le sourire de Tyrion, et tout ce bonheur dont il parlait lui firent chaud au cœur. Elle craignait parfois, face au pessimisme du nain, qu'il ne finisse aussi malheureux que ce qu'il semblait présager. Au vu de la situation, elle pourrait s'assurer elle-même qu'il soit heureux. Elle espérait seulement y parvenir, puisqu'elle avait de l'affection pour lui. Souriant toujours, le mi-homme lui tenant les mains et les baisant doucement, elle planta ses prunelles dans son regard vairon :

-Je suis réellement heureuse de vous voir si enthousiaste, lord Tyrion. Je ne doute pas un seul instant que vous saurez me combler !

Elle était sincère et pourtant, le visage d'Alessander s'imposait toujours à son esprit. Elle se souvenait encore de la rougeur et de la chaleur de sa joue, de ses larmes. Elle ne savait même pas si elle lui en voulait. Elle ne savait plus vraiment ce qu'elle pensait de toute cette histoire, c'était terriblement flou dans son esprit. Chassant le cygne de son esprit, elle songea un instant à son père. Oh, son père... Que dirait-il, lorsque Tyrion lui demanderait la main de sa fille aînée ? Elle savait à quel point Sebaston tenait à elle, à quel point il était difficile lorsqu'il s'agissait de parler de son mariage. Son père... Il serait donc bientôt appelé à la capitale, pour la ramener chez elle mais aussi pour parler de cette union avec son nouveau suzerain. Silithia avait peu de doutes quant à la réponse de son père. Tyrion était un nain, certes, mais un excellent parti malgré cela. De plus, si sa fille venait à exprimer sa joie quant à cette possible union, il prêterait forcément attention à ses désirs.
La colombe avait hâte de revoir son géniteur. Il lui manquait depuis qu'elle avait franchi le seuil de la porte du bureau de la Main du Roi, depuis qu'elle s'était sentie en danger.

Rassurée et touchée par les attentions et la douceur de Tyrion, elle ne se départit à aucun moment de son sourire joyeux. Il lui laisserait donc deux manteaux rouges pour assurer sa protection lors de ses déplacements, ce qui ne pouvait que l'arranger puisqu'elle ne parvenait plus à se sentir en sécurité dans l'enceinte du Donjon Rouge ; en effet, à cause de l'infidélité dont avait fait preuve Sebaston envers leurs suzerains, elle avait beaucoup craint d'éventuelles représailles. Elle avait même craint la haine de Tyrion lui-même. Finalement, sans doute finiraient-ils mariés et heureux. Du moins, elle l'espérait de tout cœur.

-Je tâcherai de vous écouter et de vous conseiller autant que je le pourrai. J'essaierai d'être la meilleure épouse qui soit, de vous rendre heureux comme vous saurez me rendre heureuse. La main de la blonde vint doucement caresser celles du nain, du bout des doigts, son sourire et son regard lui transmettant mille promesses et espoirs de bonheur. J'espère en être capable.

Elle craignait de le rendre malheureux. Elle avait tout de même été à l'origine des larmes du cygne noir, à l'origine des plus grandes peurs de son père, à l'origine de l'infinie haine de son frère... Tyrion lui avait beaucoup appris lors de leurs discussions dans la bibliothèque, et elle l'avait apprécié dès leur première rencontre. L'idée de l'enfermer dans un mariage non désiré et de le voir triste l'effrayait un peu. Si elle n'avait eu aucune affinité avec lui, elle se serait bien moquée de son malheur. Mais c'était décidé ; elle allait oublier Alessander par tous les moyens, et faire de Tyrion un homme aussi comblé et heureux qu'elle. Elle ferait des efforts.

An 299 • Cinquième lune • Semaine 2 • Jour 3.

Tout ce que disait Tyrion faisait sourire Silithia, gonflant au passage son ego. Mais malgré les promesses de son nouveau suzerain, elle n'était pas totalement convaincue. Tyrion Lannister, le grand habitué des bordels et des tavernes, parviendrait-il réellement à abandonner l'alcool et les filles de joie au profit d'une seule femme ? La blonde avait plus d'un tour dans son sac, et si toute sa vie on l'avait préparée à devenir une épouse parfaite, elle avait préféré se préparer à être bien plus. Derrière le tendre sourire plein de tendresse qui ourlait ses lèvres et son regard empli de mille promesses se cachaient des doutes, quant à la fidélité de son futur époux entre autres.

-Vous êtes trop bon, lord Tyrion, et tout ce que vous dites ne me rend que plus heureuse.

Inclinant légèrement la tête tout en disant cela, elle replongea aussitôt dans ses pensées. Cette fois-ci, ses pensées se tournèrent vers les risques que présenterait ce mariage. Le nouveau lion de Castral-Roc n'était pas à l'abri d'un éventuel assassin, et Silithia, en tant que sa future épouse, ne l'était pas non plus.
Il serait temps qu'elle fasse venir Harren au Donjon Rouge, en tant que son garde personnel. Il saurait la défendre, en plus des deux manteaux rouges laissés par Tyrion. Elle ne serait pas intouchable, mais au moins serait-elle assez bien gardée pour qu'un assassin quelconque ne puisse l'atteindre. Le lion baisa une nouvelle fois sa main, lui annonçant qu'il allait de ce pas envoyer un corbeau à Sebaston. Elle lui promit de rester constamment aux côtés des deux manteaux rouges, et le regarda s'éloigner.

Lorsqu'il eut disparu de son champ de vision et qu'elle n'entendit plus le bruit de ses pas dans les corridors, elle se glissa hors de sa chambre, ordonnant aux deux hommes de la suivre. Elle marchait en avant par rapport à eux, le cœur léger. Ses rêves et ses ambitions se concrétisaient, et tout ce qu'elle avait espéré, d'un grand nom à la richesse, ainsi qu'un mariage heureux, semblait prêt à se réaliser. Tout se déroulait pour le mieux pour elle. Maintenant, elle devait retrouver Harren, lui expliquer ce qu'il s'était passé et ce qu'il se passerait prochainement. Il n'était jamais loin.