An 299 – Lune 9 – Semaine 2 – Jour 1,
Châteaunoir.
Son cheval avançait lentement, ses sabots faisant s’envoler une gerbe de neige à chaque fois qu’il faisait un pas. Sur son dos, Isendre avait relâché tous ses muscles et se laissait simplement porter par sa monture. Malgré sa fatigue, son regard restait vif et alerte, fixant les alentours. Soudain, il entendit le cor sonner longuement, une seule fois. Son regard se leva vivement vers les grandes tours de Châteaunoir, qu’il distinguait à peine à travers l’épais brouillard qui s’étendait à travers le nord du nord.
Il soupira, content d’enfin pouvoir rentrer, et perçut le sourire du Frère Juré qui l’avait accompagné – un homme plutôt jovial, chose peu commune au Mur. Quant aux deux sauvageons qui constituaient le reste de leur troupe, ils étaient plus graves, sans doute bien plus au fait des dangers du nord.
En passant la lourde grille et pénétrant le tunnel, Isendre pouvait encore entendre l’écho du cor qui se répandait au-delà du Mur. Dix jours de trajet aller-retour entre Châteaunoir et Tour Ombreuse, et ça lui semblait avoir duré le double. Tout ça pour un contrôle de routine afin de vérifier l’état du Mur. Lorsqu’il fut dans la cour, Isendre tapota l’encolure de Ravageur avec un sourire nostalgique avant de descendre. Posant pied à terre, il se saisit des rênes de l’alezan et le tira vers les écuries où il s’affaira à le desseller.
Ceci fait, le bâtard regarda longuement son cheval. Celui-ci lui rappelait ses origines, Beaumarché, son père… C’était Criston qui, si fier de lui, lui avait offert ce poulain, lui demandant de le dresser lui-même. Et Ravageur était devenu le meilleur cheval de l’écurie de Beaumarché ; il obéissait au doigt et à l’œil, d’une docilité à toute épreuve, courageux et proche de l’homme. Une fois de plus, Isendre avait fait la fierté de son père.
— Je vais faire le rapport au Lord Commandant, lui annonça le corbeau qui l’avait accompagné.
Isendre le remercia d’un sourire avant de reposer son regard sur son cheval, repensant encore à son père. Son père… Criston était mort, et rien ne l’avait jamais autant blessé. Pas même le meurtre de Leyïa, pas même celle d’Amory Lorch. Rien. Son père était à ses yeux le meilleur homme sur terre, personne n’aurait su l’égaler, et le bâtard regrettait qu’il ait trouvé la mort, surtout dans une attaque de barbares. Criston avait été le seul à ne pas simplement le voir comme un bâtard.
Il était son fils. Son sang. Pas juste une erreur.
Flattant la tête de son cheval, nostalgique, Isendre entendit des crissements de pas dans la neige derrière lui. Cela faisaient maintenant deux mois qu’il était arrivé au Mur, deux mois qu’il avait prononcé ses vœux… Et il s’était habitué au froid, au nord, aux bruits de pas dans la neige et aux intenses sifflements du vent. Il se retourna lentement pour faire face à celui qui approchait.
« halloween »