Hamon le Faucon Noir. Ça sonnait bien...

Après le départ d’Aiyana et de Raymar pour Port-Réal, voyage auquel il avait préféré ne pas participer pour laisser le temps à tout le monde de l’oublier à la capitale, la Suzeraine du Val lui avait expliqué quelles étaient les fonctions de la Fille du Brouillard en plus d’assassiner les traîtres à la Maison Arryn. Ce meurtre orchestré de main de maître par l’indomptable brune n’avait effectivement été que le point de départ d’une collaboration bien plus vaste. La confiance ainsi gagnée, Ashara et Haelgara, le premier Faucon Noir avaient pu l’impliquer dans leur vaste projet de réseau d’information nommé le Secret du Faucon. Évidemment tout ses noms étaient un secret, une sorte de code entre eux. Ainsi, la veuve de Lyonel demanda à l’associé criminel de la désormais Lady Templeton s’il voulait faire parti du réseau et il avait accepté, moyennant salaire, ne sachant de toute façon pas vraiment quoi faire d’autre. Il était aux Eyrié, soigné par le Mestre de la citadelle perchée et il avait perdu son ancien patron, alors en avoir un nouveau, de la trempe du Faucon Blanc et pouvoir travailler avec une femme de la trempe d’Ayiana, ça lui allait parfaitement.

Depuis, Haelgara avait disparu et Ayiana avait prit la tête du réseau. Mais désormais, elle n’était plus dans le Val mais exilée de l’autre côté du détroit. Ashara avait littéralement perdu la raison lorsqu’elle avait appris cette perte. Contre toute attente, la Fille du Brouillard était devenue sa meilleure amie, et Raymar son plus fidèle conseiller et un ami lui aussi. Les perdre tous les deux l’avait rendu folle. Et plus folle encore lorsqu’Eddard Stark lui avait demandé de s’expliquer sur l’assassinat du Roi par les deux Templeton. En effet, ils avaient fis la capitale le soir même du meurtre et on avait retrouvé le Roi la bite à l’air égorgé dans une cuisine du Donjon Rouge. Mais sa folie avait atteint son paroxysme quand elle avait reçu la missive du Chevalier de Fort Étoile. Là, elle avait réuni les pièces du puzzle et compris ce qui s’était passé.

Alors, après avoir perdu sa tante Lysa, le Silure, son époux Lyonel et bien trop de soldats dans une guerre abjecte qui aurait pu être évitée, après avoir risqué sa vie et celle de ses proches pour le gros Robert et pour confirmer le Prince Durran, après avoir sacrifié sa flotte pour arrêter les  Fer-Nés et été l’une des rares à répondre à l’appelle de la Garde de Nuit. Voilà que ce queutard dégueulasse de Roi bouffi lui coûtait par un acte infâme ses deux meilleurs amis, alliés et agents ? Il était étonnant que la tempête furieuse qui s’était alors déchainée dans la forteresse millénaire des Arryn n’ait pas dévasté Port-Real.

Mais la Capitale était toujours debout.

Hamon avait été chargé par Ashara d’aller vendre le caparaçon fabriqué à Goëville pour Lyonel, ciselé et gravé aux emblèmes de leurs maisons alliées et incrusté de pierreries, il devait valoir une fortune. Il fallait que l'orfèvre vienne constater sur place la magnificence de l’objet désormais obsolète car il ne pouvait pas être transporté à travers la ville, un tel trésor attirerait trop les convoitises. L’homme transportait donc le dessin fait par Ashara pour le Maître Forgeron de la cité portuaire du Val et le nombre de pierres précieuses qui le constituait et passait de boutique en boutique pour faire monter les estimations. C’est alors qu’il bouscula une magnifique jeune femme. Lui qui n’était pas insensible aux charmes féminins resta un instant bouche bée devant une telle beauté avant de s’excuser.

Mais un souvenir lui revint, celui d’un jour, ou plutôt d’une nuit ou Petyr Baelish avait voulu faire main basse sur un des bordels les plus renommé de la Capitale. Alors que son ancien maître négociait âprement avec la propriétaire, l’homme avait attendu dans la grande salle, voyant défiler clients et prostituées à vous en faire tourner la tête. C’est là-bas qu’il l’avait vue… Déjà à l’époque, il n’arrivait pas à la quitter du regard, elle illuminait la pièce dès qu’elle y faisait son entrée et il se souvenait que ses collègues et certains clients l’appelaient la Tigresse.

__ La tigresse.

Murmura-t-il avant de reprendre ses esprits. Car si elle le fascinait toujours autant, il n’avait toujours pas les moyens de se payer une telle friandise. Pas tant que ce foutu caparaçon ne serait pas vendu en tout cas. En revanche, il se souvenait d’une des conversations qu’il avait eu avec le Faucon Noir en chef. Ashara avait essayé de négocier avec Lord Ades Overton afin d’avoir accès à toutes les informations des bordels de feu Littlefinger sur lesquels le Grand Argentier recommandé par la brune aux yeux azur avait fait main basse à la mort de Baelish. Or, celui-ci s’était montré tout aussi âpre négociateur de Chataya malgré ce qu’il devait à la Suzeraine du Val et ils n’avaient pas trouvé d’accord. Dès lors elle s’était promis de faire main basse sur toutes les autres sources d’information de Port-Real et de lui faire payer cet affront. La plus belle prostituée du plus fameux bordel de Westeros serait une alliée de choix dans cette entreprise. Hamon abandonna donc sa première mission pour une seconde bien plus secrète.

Ne sachant pas trop comment s’y prendre et voulant faire preuve de discrétion, il laissa filer la belle et se mit à la suivre.

Hamon suivit la fille de joie dans les rues de la capitale attendant le moment propice pour lui révéler son secret. Comme un fauve magistral, elle se glissait avec grâce entre les gens tandis que lui devait jouer des coudes pour ne pas la perdre, heureusement sa taille aidant, il ne la quitta pas des yeux observant sa chevelure soyeuse onduler au rythme de ses pas. Il la vit entrer dans une boutique et passa devant pour voir ce qu'elle y faisait. Elle semblait proche de la propriétaire et de sa petite fille. Elle ressorti et il reprit sa traque, se souvenant des conseils d'une brune sauvage pour ne pas se faire repérer. Lorsqu'ils furent enfin seuls dans une ruelle étroite, il s'approcha à grand pas derrière elle. Il voulait la surprendre et l'attraper pour être certain qu'elle ne s'enfuit pas avant d'avoir écouté ce qu'il avait à dire. Il allait la saisir quand elle se retourna vivement. Surpris, il hésita un instant.

__ Je ne voulais pas t'effrayer Tigresse. Je n'ai pas l'intention de te faire de mal.

Hamon avait servi Petyr Baelish pendant des années. Il avait eut l'occasion de côtoyer nombre de prostituées et d'en sauter quelques unes, dont certaines qu'il n'aurait jamais pu se payer avec son salaire. Il les aimait bien et ne se résoudrait jamais à les maltraiter. Celle-ci était d'une beauté à couper le souffle et il devait rester concentrer sur sa mission afin de ne pas simplement la déshabiller du regard en silence.

__ Je me souviens de toi. J'étais venu au bordel de Chataya avec Littlefinger. Il voulait l'acheter, ta patronne a refusé son offre.

Il s'approcha en montrant les paumes de ses mains enfonçant signe de paix. Mais il avait les mains moites et se sentait à l'étroit dans ses braies. Il se souvint qu'elle lui avait fait le même effet la dernière fois. Elle avait dans le regard cette sauvagerie qui l'excitait plus que de raison. Il espérait cependant qu'elle serait mieux dressée qu'Aiyana, parce qu'il n'aurait peut être pas d'autres occasions de la croiser afin de lui parler du Secret du Faucon.

__ J'ai quelque chose à te proposer.

Arrivé suffisamment près de la jeune femme, il remarqua qu'elle tenait fermement un poignard. De peur qu'elle s'enfuie, il saisit son poignet pour éloigner la lame et la tenant de l'autre main par le bras il la plaqua brusquement contre un mur. Mais il ne savait pas trop comment aborder le sujet tout en restant discret et il ignorait que le Faucon Blanc, connaissant certains passages secrets du Donjon Rouge grâce à Varys, allait entreprendre de les découvrir tous...

__ Katla.

Répéta doucement Hamon, un peu décontenancé. Etait-ce de connaître son prénom si vite qui le mettait sans cet état ou le ton sec et la méfiance qui émanait de la jeune femme ? Difficile à dire, toujours était qu’il comprenait qu’elle puisse avoir peur. Il n’était pas un beau jeune homme capable de la séduire, ni même riche ou puissant. Il n’était qu’un pauvre hère perdu dans les rue de Port-Real qui avait vu quelque chose de trop beau pour qu’il reste indifférent, un trésor excitant sa convoitise. Mais ça n’était pas pour cela qu’il l’avait suivi. Il l’avait suivi parce que, si elle excitait sa convoitise, les informations qu’elle pouvait détenir excitait la convoitise de quelqu’un d’autre. Ashara Arryn, sa nouvelle patronne, fraîchement débarquée à la capitale et installée au Donjon Rouge à l’occasion du couronnement du Prince Durran. Alors, il n’allait pas la violer car il avait besoin d’elle et qu’elle pouvait le faire monter en grade au sein du Secret du Faucon. Sans cela il ne savait pas, il avait envie d’elle et ils étaient tous les deux seuls dans cette ruelle, qu’aurait-elle bien pu faire pour l'empêcher de goûter ce fruit si appétissant. Peut-être que s’il insistait elle en aurait envie elle aussi ? Comment savoir tant qu’on a pas essayé. Il lui apparaissait qu’il n’avait jamais violer une femme, et que même sans la proposition qu’il comptait lui faire, il ne l’aurait pas fait. Mais était-ce vraiment le cas ?

__ Je veux des informations…

Le Faucon Noir parvint à la plaquer contre un mur et à maintenir son arme au dessus d’elle, tenant fermement son frêle et délicat poignet dans sa main calleuse et puissante. Tout contre elle, le désir monta d’un cran et il dut s’écarter un peu afin de se ressaisir tandis qu’elle se débattait de toutes ses forces. Il évita ainsi sans pein le coup de genoux qu’elle destinait à ses bijoux de famille. Il était perdu, que faire maintenant ? Elle avait encore plus peur de lui, il pouvait le constater, à n’en pas douter s’il la lâchait, elle détallerait sans demander son reste et son trésor de beauté et d’espionnage disparaîtrait à jamais.

__ Arrête.

Grogna-t-il avant de se coller à elle pour qu’elle cesse de se débattre et être certain qu’elle ne puisse pas partir.

__ Je t’ai dis que je travaillais pour Littlefinger avant, mais ça n’est plus le cas. Ma nouvelle patronne veut des informations sur tout ce qu’il se passe à la capitale et je me dis qu’un bordel de la réputation de celui de Chataya doit voir passer du beau monde. C’est bien connu, le sexe délie les langues et les confidences sur l’oreiller doivent être très intéressantes. Alors je te propose de travailler pour moi. Tu me dis tout ce que tu entends, tout ce que tu sais et je te paye. Plus tu me donnes d’informations, plus tu gagnes d’argent. Tu dois gagner beaucoup plus sur le dos, mais c’est toujours ça. Et moi je te protège, si tu as le moindre problème, tu me dis et je le règle. Si Chataya a des problèmes, tu me dis, je les règles.

Hamon fit une grimace lorsqu'elle évoqua la mort du Roi Robert. Il ne savait pas qui l'avait tué, mais il savait que Raymar et Ayiana avaient fui Port-Real la nuit du meurtre. Les soupçons s'étaient immédiatement portés sur eux et avec la délégation Valoise, sur Ashara que beaucoup trop de monde savait capable d'un tel assassinat. Eddard Stark et Ades Overton en premier lieu. Or il était bien placé pour savoir que c'était vrai, qu'elle avait pu commanditer le meurtre du Roi, et mieux encore pour savoir qu'effectivement, la fille du brouillard qui accompagnait Ser Raymar était largement capable d'exécuter cet ordre. Il n'avait cependant même pas osé demander si la Suzeraine était responsable de quoi que ce soit. Non seulement parce qu'elle était suffisamment impressionnante et impulsive pour qu'il se refuse à l'importuner. Mais aussi à cause de la manière dont elle avait réagit à tout ça. Pas que la brune soit incapable de mentir pour dissimuler la vérité, mais aux Eyrié, elle était chez elle et il y avait peu de chance pour qu'elle s'emporte comme elle l'avait fait si elle n'avait pas été hors de cause. Non seulement elle avait mal vécu le départ précipité de ses amis de la capitale, mais elle était furieuse que Ned ose lui demander des comptes après ce qu'elle avait fait pour le Roi. Elle ne comprenait pas ce qui avait pu se passer pour qu'un chevalier de la trempe de Raymar ait pu fuir ainsi avec son épouse tandis que le Roi mourrait le pantalon sur les chevilles jusqu'à il y a peu avec la réception d'un corbeau venu de l'est. Il avait été au premières loges pour constater combien tout cela l'avait affectée.

__ Non, je ne t'accuse pas de ce meurtre ni d'aucun autre. Je veux juste que tu me dises tout ce que tu apprendras. Qui couche avec qui, qui aime qui et qui hait qui. Qui veut tuer qui, quand et comment. Qui veut se venger de qui. Qui voudrait le pouvoir, qui s'en fiche comme d'une guigne. Contentes toi d’écouter ou fais parler les gens si tu veux peu m'importe. Tu me diras tout ce que tu sais.

Katla joua de ses hanches et de sa langue devant le reître et il sentit son membre de gonfler du désir qu'il réprimait depuis qu'il avait croisé son regard de tigresse. Il fut pris d'une furieuse envie de prendre sa bouche d'abord et le reste dans la foulée, mais il se retint, néanmoins déconcentré et affaibli par ses pensées lubriques. C'est alors que la belle en profita pour se dégager de son étreinte.

__ Ne fuis pas !

Arriva-t-il à balbutier paniqué à l'idée que son trésor lui file entre les doigts. Il leva légèrement les mains, montrant à nouveau ses paumes en signe de non agression. Mais cette fois il n'osa pas bouger et ne fit pas le moindre mouvement vers elle.

__ Discutons.

La bosse dans son pantalon trahissait son émoi, mais son regard était plus celui d’un pauvre type apeuré que d’un prédateur sexuel. Même s’il essayait de reprendre contenance pour ne rien montrer de l’ambivalence de ses sentiments à l’égard de la prostituée. Utile à sa maîtresse et belle à se damner, trop précieuse à ses yeux pour ces deux raisons, il avait tenté de la retenir contre son gré et se trouvait bien bête à présent de l’avoir abordée avec tant de violence alors que peut-être, il aurait suffit de discuter. Il était un peu perdu.