Alors que les campagnes environnantes frissonnaient encore dans l’aube froide et blême, la forteresse de Cordial se dressait au-dessus de l’estuaire, fière et haute, insensible aux vents glacés venus du large. Bâtie en surplomb d’un bras du bras de mer d’où elle avait tiré sa puissance et sur lequel elle veillait jalousement, l’orgueilleux fief aux trois corbeaux observait le Détroit d’un œil lointain et ambitieux. Dans le petit bureau de Lord Lyonel, crépitait l’un de ces âtres scintillants desquels émanent les réconfortantes exhalaisons de bois sec dévoré par des flammes gloutonnes. L’odeur de la braise et des cendres se mariaient avec subtilité aux parfums d’humus et de lichen dont le bois était porteur.
Afin de ne pas retarder les préparatifs de son départ prochain pour Port Real, le Noire-Epée se hâtait dans la rédaction délicate d’une missive d’importance destinée Roi et annonçant sa venue prochaine. Son écriture souple et déliée noircissait le parchemin avec régularité et ne se voyait suspendue que par brefs instants lorsque le Sire de Cordial réfléchissait à la tournure qu’il devait donner à son texte.
Il devait impérativement avoir fini cela avant le lever du soleil sous peine de devoir repousser la chose à un « plus tard » inenvisageable tant la journée s’annonçait pleine et le jour de son départ imminent.
Quand il eut terminé, il apposa  son sceau dans la cire chaude pour cacheter le tout.    

Du Prince Doran Martell de Dorne.
À Sa Majesté Robert Barathéon Premier du Nom, Seigneur des Sept Couronnes.

À Lancehélion, J1-S2-L12-A298.


Votre Majesté,

Nos gardes ont arrêté il y a deux jours un groupe étrange qui avait pénétré à Lancehélion. Après un interrogatoire, nous avons révélé l'identité de leur leader : il s'agit de Danaerys Targaryen revenue à Westeros pour revendiquer le Trône de Fer

Bien qu'ayant le corps d'une femme, elle ne s'est pas montré plus intelligente qu'une enfant, débarquant chez nous avec seulement trois gardes originaires d'Essos pour toute armée. Ignorante de l'état de la politique de Westeros et des Sept Couronne, elle espérait nous rallier à elle au nom de vieilles rancœurs que nous serions censés avoir gardé à Votre encontre. Il est bien évident qu'en tant que Principauté liée au Trône de Fer et cherchant l'unité de Westeros, nous n'avons pu qu'être déconcertés par autant de stupidité. La tare Targaryen semble bien s'être transmise aux derniers membres de cette famille.

Une caravane est partie ce matin-même de Lancehélion avec les quatre prisonniers et soixante hommes d'arme pour les escorter. Leur voyage devrait durer une quinzaine. Nous vous livrons cette prisonnière pour qu'elle subisse Votre jugement, Votre Majesté, car nous ne pensons pas être en droit de l'exécuter en Votre nom.

Nous avons néanmoins été inquiet de nous rendre compte de l'image qui pouvait être donnée de nous à Essos. Après les événements qui ont provoqué la mort de la Princesse Elia, l'opinion publique pense que les relations sont tendues entre nos deux maisons mais Lord Arryn a contribué à colmater ce fossé et nous souhaiterions que la bonne entente entre Dorne et la Couronne soit rendue d'avantage publique. Nous pensons qu'une alliance entre nos deux maisons contribuerait à resserrer les liens qui unissent Dorne aux autres Royaumes ainsi qu'à démontrer à d'autre éventuels prétendants au Trône que l'allégeance de Dorne envers Votre Personne et Votre Règne est inébranlable.

Nous avons cru comprendre que Votre fille, la Princesse Myrcella, n'était pas encore fiancée et qu'elle s'était retrouvée au centre d'une querelle politique ne la concernant pas directement. La Princesse Arianne, présente à Port Réal à ce moment là, nous a assuré que la blessure endurée par la jeune Princesse n'avait en rien altéré sa beauté et nous sommes persuadés que cette preuve de courage face à la mort n'est qu'une raison de plus, s'il en faut, pour l'admirer.

C'est pourquoi, au nom du Prince Tristan Martell de Dorne, nous Vous demandons la main de Votre fille, la Princesse Myrcella Barathéon. Nous serions très honorés que Vous accédiez à notre demande et serions tout à fait ravis de l'accueillir à Lancehélion où elle pourrait se reposer dès qu'elle sera en mesure de voyager ou que Vous le jugerez opportun.

Dans l'attente de Votre réponse, Votre Majesté, nous restons à Votre disposition pour toute précision technique ou administrative en rapport avec notre demande.

Doran Martell
Prince de Dorne.