Année 298 – Dixième lune – Semaine 4 – 3ème jour

Jon,

Nous sommes enfin arrivés à Winterfell. Le voyage qui aurait du durer une semaine nous a pris moitié plus de temps. Je crois bien que c'est moi qui ait ralenti la marche. Yoren m'a plusieurs fois fait remarqué que ma selle spéciale m'empêchait de me déplacer vite... Il n'est pas d'une compagnie très agréable, sur la route, si tu veux mon avis. Je suis bien content d'être arrivé.

Je suppose que tu es pressé d'apprendre les nouvelles d'ici alors je commence par ça.
Bran est bel et bien réveillé. Mais il est encore faible. D'après ce que j'ai compris, il survivra mais ne marchera plus. Il est plutôt morose. Je n'ai pas pu le voir, encore.
Il faut dire que je n'ai pas reçu un accueil très chaleureux. Ton père est parti pour Port Real avec le roi et Lady Catelyn n'est pas à Winterfell. Je n'ai pas réussi à en connaître la raison. C'est donc ton frère Robb qui gouverne Winterfell et j'ai préféré ne pas loger au château.
Je sais que c'est de ta famille que je parle mais je crois bien que la couleur rouge et or de mon manteau ne plaise pas particulièrement aux Stark. Je ne suis pas vraiment le bienvenu et ce n'est pas uniquement à cause de mon physique.

L'ambiance est bien triste, ici. Une grande partie de la garnison de ton père est sur la route avec lui et tes sœurs. Il ne reste que quelques hommes, le mestre et tes frères. Qui plus est, tout le monde est méfiant et sur ses gardes, il semblerait qu'un incendie volontaire ait eu lieu il y a quelques semaines au bourg. Entre ça et l'état de santé de Bran, l'heure n'est pas vraiment à la fête.
Je suis désolé de te donner des nouvelles de cette teneur.

Je ne vais pas m'éterniser à Winterfell, je pense. Mais je me suis engagé auprès de Robb pour dessiner une selle à Bran donc je devrais tout de même rester quelques jours. Tu as vu la mienne, elle est adaptée à ma taille. Je pense pouvoir faire les schéma pour un modèle qui permettrait à ton frère de monter même s'il perd définitivement l'usage de ses jambes. Pour l'instant, j'y réfléchis.
Ton frère m'a clairement invité à quitter les lieux quand ça serait fini. Ce que je ne manquerai pas de faire. J'espère que tu pourras me répondre d'ici là. Sinon je t'enverrai un autre corbeau pour te dire où adresser ta réponse.
Je vais essayer de voir Bran pour lui redonner de l'entrain. Je pense que je vais prétexter un besoin de prise de mesures. Je te donnerai donc plus de nouvelles à son sujet dans ma prochaine lettre.

Et de ton côté, comment ça se passe ? Arrives-tu un peu mieux à t'entendre avec tes nouveaux frères ? Et qu'en est-il avec tes supérieurs ? As-tu des nouvelles de Benjen ? Tiens moi au courant de ce qu'il se passe sur le mur, plus j'aurai de données précises plus je serais efficace pour te recruter des nouveaux copains.

J'attends de tes nouvelles avec impatience et si tu veux que je passe un message à ton frère, n'hésite pas.
Amicalement,

Tyrion Lannister.

Année 298 – Onzième lune – Semaine 2 – 4ème jour


Jon, je quitte Winterfell demain. Je serai à Port Réal dans une semaine et demi. Je t'écrirai une fois arrivé.
Tyrion.



Année 298 – Onzième lune – Semaine 4 – 4ème jour


Jon,

Excuse moi d'avoir tardé à te répondre.
Ta lettre ne m'a été remise par Mestre Luwin que le jour de mon départ de Winterfell. Elle était décachetée. J'ai eu le temps de la lire avant de quitter les lieux et, donc, de questionner le mestre selon ton conseil. D'après lui, Lady Catelyn me croit responsable d'une attaque contre ton jeune frère Bran.
Dans ma dernière missive, je te parlais d'un incendie volontaire au bourg, il semblerait que ça ait été une diversion pour attaquer Bran. Elle aurait une preuve contre les Lannister, d'après ce que j'ai compris mais je n'ai pas plus d'informations. Néanmoins, je vais me renseigner.
Quoi qu'il en soit, je pense que ton frère a lu ta dernière lettre. J'espère qu'il ne t'en tiendra pas rigueur la prochaine fois que vous vous verrez.

Comme je quittais Winterfell quand ta lettre m'a été transmise, je n'ai pas pu intercepter la lettre que je t'avais fait parvenir la veille ni t'écrire sur le trajet. Les corbeaux dressés ne courent pas la route royale.
La route a été longue. De ce que j'ai pu voir, le pays est fatigué et l'autonme semble toucher à sa fin. Comme le disent si bien les Stark : l'hiver arrive... Et je me sentirais bien mieux au chaud à la capitale qu'à ta place sur le Mur, soit dit en passant.

Je suis arrivé à Port Réal hier.
Autant te dire que je n'ai pas encore trop eu le temps de prendre la température de la ville.

Le roi a organisé un tournoi en l'honneur de sa nouvelle main, le seigneur ton père. Celui-ci n'en semble pas particulièrement ravi. Les joutes sont presque terminées à l'heure où je t'écris. Ser Barristan a été défait après avoir magnifiquement battu le Chevalier des Fleurs. La montagne a encore fait couler le sang et la vie sur la lice avant d'être éliminé à son tour. Le limier n'est plus en compétition non-plus. Quant à mon frère, j'ai manqué son dernier combat, ce matin, il parait qu'il a mordu la poussière. Il ne reste plus que des chevaliers qui n'ont pas encore de grands noms. C'est assez étrange, comme tournoi... J'irai, je pense, assister à la mêlée cet après midi.

Et ce soir, ils prévoient un banquet payant. Je ne sais pas trop où Littlefinger et allé pêcher une telle idée mais franchement je trouve ça ridicule, pas toi ? Le peuple semble du même avis. Quitte à payer, je préfère que ça soit la compagnie des femmes, je passerai donc mon tour mais je ne doute pas que j'aurai quand même plein de choses à te raconter dans ma prochaine lettre. Les rumeurs ne manqueront pas sur ce banquet à un dragon d'or.

Voilà pour les nouvelles de mon côté.
Ah oui, j'ai rencontré un Snow aujourd'hui, dans des situations étranges... Rolf Snow, tu connais ou pas ? Il se dit garde du corps et je crois que je vais suivre ton conseil à ce sujet donc ton avis sur le personnage m'intéresse.

Après le banquet à un dragon d'or, je vais essayer de croiser Jaime et ton noble père pour leur parler du Mur. Je me montrerai le plus persuasif possible. Je te tiendrai au courant, évidemment.

L'histoire du jeune Tarly aurait pu être la mienne si j'avais été l'aîné... J'avais entendu dire, effectivement, que Lord Tarly avait quelques difficultés avec l'ordre de naissance de ses fils. Sa solution n'est pas la pire possible mais je suppose que le jeune Samwell ne doit pas être du même avis. Aide le à trouver ses qualités et à les exploiter au mieux, c'est une question de survie pour lui.

Quant à Ser Allister, je ne doute pas qu'il te hérisse. Essaie de voir les choses d'un autre point de vue. Si tu étais à la place du Lord Commandant et que tu devais choisir un frère juré pour former en quelques semaines des meurtriers, des voleurs, des braconniers, des violeurs, des paysans et j'en passe à devenir des VRAIS combattants capable de survivre face aux sauvageons ou à pire... Qui choisirais-tu ? Et si c'était toi qui devait former ces bougres dont tu as un besoin vital et qui se demandent encore s'il n'y a pas un moyen de s'échapper, comment t'y prendrais-tu ? Et si au milieu de toute cette racaille (excuse moi du mot), tu voyais arriver un fils de noble, mille fois meilleur que les autres, présent de son plein gré... Que ferais-tu ?
Je ne dis pas que les méthodes de Ser Allister sont justes. Je dis qu'elles ont un but et qu'il me semble qu'elles l'atteignent. Et je crois qu'avec toi, son but est de te montrer que les autres recrues sont tes nouveaux frères, tu es leur égal, tu n'es pas mieux qu'eux. Cette équité entre les frères n'est-elle pas nécessaire à l'équilibre de la garde de nuit ?

Tu me dis encore dans ta lettre que les Stark sont ta famille mais même si une partie de ton cœur le pense toujours, il faut que l'autre considère aussi les jeunes recrues, les frères jurés et Ser Allister comme ta famille. Ne prononce pas tes vœux tant que tu n'es pas certain que ces gens sont ta famille. Tu vas prendre la responsabilité de protéger le royaume, Jon, et quoi qu'il arrive à ta famille d'avant, c'est ta nouvelle famille qui doit primer. Penses-y.

Mmm... Je me rends compte que je fais le vieux moralisateur. Mais vois-tu, le sens du mot « famille » est très particulier chez les Lannister. Renseigne toi auprès de mestre Aemon, tu verras qu'il y a eu bien peu de Lannister qui ont pris le noir, nous ne pouvons abandonner notre famille pour une autre. Même si elle nous renie. J'en sais quelque chose.

J'espère que mes mots ne te font pas douter mais au contraire renforcent ta foi en ta décision car l'inverse te causerait de nombreux tourments.
Tiens moi au courant quand tu sauras à quel moment tu vas prononcer tes vœux.

De mon côté, je retourne à mes mondanités.
Amicalement,

Tyrion Lannister.

A298 – L12 – S2 – J1

Jon,

J'attendais ta lettre avec impatience, j'ai de nombreuses choses à te raconter. Port Réal est vraiment une ville où l'on ne s'ennuie pas... Mais visiblement la vie est aussi animée chez toi... je reviendrai sur cette histoire de mort vivant à la fin de ma réponse, je suis encore très troublé par ce que j'ai lu... Laisse moi le temps de mettre mes idées en place.

Revenons tout d'abord sur l'événement de Winterfell. J'essaie de prendre les choses dans l'ordre. Je n'ai pas encore reçu de nouvelles à ce sujet. Ton père ne semble pas encore avoir été informé de la choses donc il n'en a rien montré quand je l'ai vu. Et vu l'invité de marque qui va bientôt arriver à Port Réal (je t'en parle un peu plus bas), je ne suis pas certain qu'il tente un affrontement de face sur la base de simples spéculations. Ca ne me semble pas dans son caractère en tous cas. Donc pour l'instant, le sujet est mis entre parenthèse pour moi. Néanmoins, je ne pense pas qu'il soit nécessaire que quelqu'un cherche à nuire aux Lannister pour qu'on les soupçonne d'une tentative de meurtre. J'ignore totalement pourquoi un membre de ma famille s'en prendrait à ton frère mais je suis persuadé que certains Lannister membres du cortège n'hésiteraient pas à passer à l'action avec plus ou moins de discrétion. Ils ne portent pas le nom Lannister, d'ailleurs... Et ces personnes là sont aussi celles qui aimeraient le plus me porter préjudice. Mais aller plus loin dans mes spéculations relèverait de la diffamation et pourrait me causer de nombreux problèmes si cette missive venait à être interceptée.

Pour en revenir au tournois de la Main (car c'est comme ça qu'on l'appelle), il a été des plus étranges, effectivement. Celui qui l'a gagné est un colosse barbare portant les couleurs d'un petit noble. Le fils de la maison Overton, un banneret de ton père, il me semble, non ? J'ai d'ailleurs eu l'occasion de discuter avec lui et c'est un jeune homme très intelligent, je trouve. Sais-tu qu'il a les yeux vairons, comme moi ? Je me demandais où était passé mon deuxième œil bleu et d'où me venait cet œil brun, j'ai trouvé.
Le banquet payant, quant à lui, a été un vrai carnage. Au sens premier du terme, malheureusement.
Même ici, c'était une aberration dès le départ : personne à Port Réal non plus n'avais jamais entendu parler d'un tel concept. Et il a été très mal accepté.
Un groupe de chevaliers de basse extraction s'est introduit au Donjon Rouge en tuant les gardes et a fait irruption au milieu des convives désarmés. Il y a eu plusieurs affrontements et heureusement que la garde blanche était là. Mon frère a su protéger le Roi et sa femme pendant que Ser Barristan Semli s'interposait entre les rebelles et la Princesse (et Arya). Mais il n'a pas été assez rapide et Myrcella s'est retrouvée profondément blessée à la joue. Je ne te dis pas la difficulté pour faire comprendre à cette gamine magnifique que sa vie n'allait pas s'arrêter même si elle passait du côté des estropiés et des bâtards... Et le tout dans le dos de sa mère qui lui interdisait sorties et miroirs...
Finalement, les rebelles ont quasiment tous été éliminés et leur chef s'est rendu. Il a été décapité en place publique après un procès en huit clos il y a quelques jours. Port Réal est friande de ces petites mises en scène. C'est ton père qui a lu les faits, les accusations et le verdict. Il était comme une marionnette, il n'y avait aucune ferveur dans ses actions. Je tends à penser qu'il n'était pas d'accord avec tout ce qu'il lisait mais il accomplissait son devoir avec honneur, évidement.

Concernant le jeune mercenaire, je ne pense pas l'utiliser comme garde du corps, finalement, il pourrait m'être utile pour d'autres genres de mission, mais il ne dégage pas assez de noblesse pour m'accompagner par tout. J'ai finalement, accepté qu'un Manteau Rouge m'accompagne dans mes déplacements en ville. Ce n'est pas très discret mais de toutes façons un nain en brocard rouge et or ça ne l'est pas non plus...
Ton idée d’écuyer m'a fait rire, mon ami. Non seulement je ne suis pas chevalier et ne le serais jamais mais en plus, imagines-tu la sanction que ça serait pour une jeune homme de devoir m'accompagner et me servir, moi, un nain ? J'ai beau être un Lannister, l'héritier de la maison, je n'en reste pas d'un lutin qu'on raille et qui est réputé pour préféré le vin et les femmes à toute autre chose. Si au moins j'avais un poste politique important, mais là, franchement, je n'imposerai cela à aucun gosse. Tous les enfants ont des rêves et servir Tyrion Lannister n'en fait jamais parti.

Oh ! Au sujet de ton ami Sam, j'ai appris quelque chose d'assez troublant. Ou du moins qui montre qu'il est certainement mieux avec sa nouvelle famille qu'avec l'ancienne. J'ai rencontré sa jeune sœur au château. Outre le fait qu'elle semble assez perfide pour s'entendre à merveille avec ma sœur, elle m'a dit quelque chose d'étrange : elle portait le deuil de son frère Samwell. Qu'en penses-tu ?

Je m'amuse de lire tes mots mesurés quant à la décision de ta répartition. Tu as été surpris ? Tu n'as pas compris ? Tu as ressenti de l'injustice ? Le mot juste n'est-il pas que tu étais profondément déçu, dégoutté et fou de rage ? Ton ami est vraiment précieux s'il t'a aidé à prendre du recul par rapport à ça et je pense qu'il a tout à fait raison. A mon avis, le Lord Commandant t'a pris en affection et tu dois le savourer sans en abuser. Reste humble mais soit parfait. On te demande plus que les autres, reconnais le et montre toi à la hauteur. Ton plus gros défaut est ton caractère impulsif, il empêche de raisonner et de voir la sortie dans les ténèbres. Contrôle le et tu seras un admirable écuyer pour ton Commandant. Et un jour ça paiera. Je ne dis pas que tu deviendras Lord Commandant de la Garde même s'il n'est pas mauvais d'avoir de l'ambition, mais je pense que tu pourras être reconnu pour tes capacités et participer au développement de la garde de nuit. Sois donc les yeux et les oreilles de ton Commandant et rapporte lui tout ce qu'il peut ignorer ou ce qu'il serait bon qu'il sache. C'est aussi à ça que sert un écuyer : apporter un autre regard, plus frais.

Tu me parles de la famille Lannister... Je pense qu'elle a une histoire aussi longue et complexe que la famille Stark. Roi de notre région nous avons nos légendes et nos traditions mais nous avons été conquis par les Targaryens et avons admis leur victoire et leur supériorité. Que faire d'autre face à des dragons, d'un autre côté... Mais ma famille... Ma famille n'est pas une famille facile. Non, je ne m'entends pas avec mon père qui ne me pardonnera certainement jamais d'être né nain. Ma sœur, tout comme lui, me reproche le décès de ma mère. Que puis-je répondre à cela ? Elle est morte en me mettant au monde. C'est donc bien par ma faute même si, bien sûr, je n'en ai eu ni conscience ni l'intention. Je m'entends nettement mieux avec Jaime. Mais il est dans une situation délicate entre Cersei et moi. Quant à mes neveux, Joffrey ressemble beaucoup à sa mère avec une touche de cruauté non négligeable ajoutée à ça. Je crains que ton père n'ait été un peu trop rapide pour accepter la proposition du Roi mais pouvait-il seulement refuser. Quoi qu'il en soit, j'essaie de veiller sur la petite qui est prise en étaux entre un Prince qu'elle semble apprécier et une Reine qu'elle admire... Sans vraiment se rendre compte de la réalité. Ou sans vouloir la voir. Mais comment le lui reprocher ? Myrcella et Tommen sont des enfants beaucoup plus doux et joviaux. Je suis un peu leur oncle préféré parce que je fais des cabrioles et que je les amuse. Mais ce sont des enfants.

Quant à toi, pourquoi te décris-tu comme renfermé et maussade ? Je t'ai certes trouvé assez résigné et j'espère que tu as un peu plus foi en l'avenir aujourd'hui mais tu ne peux pas te réduire à ces deux termes négatifs. Je trouve que tu es courageux et volontaire. Tu es très intelligent et bien que tu sois impulsif tu apprends vite et tu es capable de recul sur toi même. Je te félicite d'avoir prononcé tes vœux et je te souhaite de les respecter sans qu'ils deviennent un poids.

Je te remercie pour tous les compliments que tu me fais. Cela me touche vraiment beaucoup et je suis bien content que tu ne puisses me voir rougir en ce moment, cela rend à mon visage une aspect peu séduisant. Je suis heureux d'avoir pu t'aider à apprécier d'avantage ton entourage et ta situation. Je suis fier que tu ais pu grandir grâce à moi (quand on sait à quel point être grand est significatif pour moi...). J'espère pouvoir continuer à t'être utile mais promets moi une chose, ne dit à personne que je suis un homme bon. Je dois préserver ma réputation de perfide, pervers et fainéant si je veux être tranquille ici. Car, comme tu le dis, j'entretiens le fait que l'on me sous estime (et rassure-toi, je sais me servir d'une dague, mon père y a veillé dès mon enfance).

Au sujet de mon père, d'ailleurs... La nouvelle que je voulais t'annoncer et qui emplira sûrement ma prochaine lettre : il vient à Port Réal. Cersei m'a appris ça cet après midi. Quand elle lui a annoncé la blessure de Myrcella il s'est précipité pour venir. Je ne suis pas convaincu qu'il fasse le déplacement uniquement pour se rendre au chevet de sa petite fille, mais c'est de la politique, ça, je préfère m'en tenir éloigné tant que je le peux encore. Par contre, ce qui me ravit moins c'est qu'il est possible qu'il loge à La Merveille, la demeure dans laquelle je vis actuellement. Notre pied à terre à Port Réal. J'aurai préféré qu'il s'installe au château mais je ne vais pas avoir le choix. Je me dis que je devais aller le voir concernant les renforts de la garde de nuit (j'en ai d'ailleurs parlé à Lord Stark et à Ser Jaime mais j'ignore si ça aura des suites) donc que ça m'évite un déplacement... Mais je n'ai jamais autant eu envie d'aller à Castral Roc maintenant que je sais qu'il arrive à Port Réal.
Mais bon, je te parlerai d'avantage de tout ça dans ma prochaine lettre.



Jon,

Tu n'imagines pas le temps qu'il s'est passé entre les lignes précédentes et celles-ci. J'ai lu et relu la partie de ta missive au sujet de ce qu'il t'est arrivé. Et je ne peux toujours pas me l'imaginer, me rendre compte que ça puisse être réel. Qui plus est sachant que j'étais avec vous sur le Mur il y a quelques semaines à peine et que j'aurai pu vivre cet événement. Pourtant je ne mets pas tes mots en doute. J'ai essayé de me convaincre que tes sens t'avaients trompés mais je suppose que ce n'est pas le cas. C'est illusoire de vouloir refuser cette réalité mais

Trouver mes mots est difficile. Alors que le reste de ma lettre a été écrit facilement, voilà que je butte sur les formulations, sur les expressions. Je ne sais pas comment réagir à cette nouvelle.

Je ne suis malheureusement pas certain que les Seigneurs des Sept Couronne, ton frère compris, ne soient en mesure d'accepter quelque chose qu'ils préféreraient ignorer. Ne va-t-on pas plutôt vous ordonner de fermer le Mur, de ne plus le franchir, d'en interdire l'accès des deux côtés. Une quarantaine. Comme pour empêcher qu'un virus ne se propage. Peut être va-t-on vous isoler d'avantage encore comme si vous étiez vous même de ces choses.
Par les sept, je me rends compte que l'hypothèse que les Autres existent réellement me terrifie. Oui. Je suis paralysé par cette idée, Jon. Je frissonne de froid depuis ma chambre à Port Réal et je n'arrive pas à imaginer comment tu peux ne pas fuir. Pourtant je t’exhorte moi-même à rester là bas, sur cette terre de mort. Que l'Étranger nous pardonne notre lâcheté de vous mettre face à cette horreur dans ces conditions et de nous cacher dans nos châteaux.

Jon, je dois terminer cette lettre ici sinon je sens que je vais devenir fou. Pardonne moi cette faiblesse, je te promets d'être plus fort pour ma prochaine lettre. Je te promets de continuer à t'écrire. Mais j'ai besoin d'un peu de temps pour l'instant. Je m'en veux terriblement de te renvoyer à ton cauchemars et d'essayer de m'en protéger. L'image de moi même que cela me donne est infecte et pourtant je persiste à vouloir fuir.

Pardonne moi.

J'aimerai pouvoir écrire « pardonne moi, mon ami » mais je me sens illégitime pour ces mots. Là, je vais m'occuper à résister à mon envie de prendre le premier bateau vers Lys ou les îles d'été et essayer de retrouver le Tyrion que j'aimerai être car celui que je suis en cet instant m'horripile et m'éccoeur.

Je te demande pardon, Jon.
Sincèrement.


[La lettre n'est pas signée.]