La lumière du jour, les rayons du soleil perçait entre les montagnes ce jour-là. Je vérifiais mon arc, alors que les hommes à ma gauche et à ma droite vérifiaient leur arme, grognait ou s’engueulait. Aussi loin que je me souvienne, j’ignore toujours pourquoi nous nous bâtions. Nous avions un chef et nous le suivions, c’était comme ça. Nous étions un clan, plus important encore, une famille. J’aurais été incapable de vous dire qui était mon père, qui était ma mère, j’étais née parmi eux et ils étaient tous mon père, ma mère, mon frère ou ma sœur. Du moins, c’était ce que je croyais.
Notre chef se plaça en hauteur, les pieds plantés dans une grosse roche, une lance à la main, il nous observait tous avant de hurler. Je m’en souviens encore, ce hurlement, similaire à celui d’un animal enragé, aussitôt suivit par chacun d’entre nous, nos voix s’unissaient dans les airs et lorsque enfin le silence de la montagne reprit ses droits, Il prit la parole. Je me souviens de quelque mot, je me souviens surtout de la chaleur qui m’envahissait en l’écoutant, de la force que je ressentais au fond de mes tripes, de cette rage qui me gagnait petit à petit. J’étais prête à mourir pour lui, prête à mourir pour ses idées, la peur se mêlait au courage, il parlait de la mort inévitable, du sang, des tripes, il parlait de liberté, de nos terres, de nos origines, de ces hommes qui se battent contre nous alors qu’ils sont nées sur la même terre que nous. Il était honnête mais par-dessus tout, il croyait en lui.

Nous nous rassemblions, observant alors le Val, en cette matinée, il était d’une beauté à couper le souffle. Je l’avais vu pourtant tellement de fois mais ce matin, il semblait beaucoup plus beau que les autres jours. Peut-être était-ce parce qu’il s’agissait de la dernière fois que je le voyais. Nous firent route, à travers notre élément, la nature n’étant qu’un terrain de jeu pour chacun d’entre nous, nous savions où se trouvait chacun de nos pièges, nous connaissions la moindre parcelle de terre et nous avancions rapidement. Les premiers hommes furent tuer, l’attaque semblaient être une belle surprise, et le sang coulait déjà. L’ennemi pourtant semblait affluer, agrandissant ses rangs. J’étais à l’écart, arc à la main, les flèches volaient haut dans le ciel en une pluie salvatrice, ce n’est que lorsque mon carquois fut entièrement vide que je quittais ma cachette pour rejoindre les autres. Je croisais déjà sur mon chemin des frères tomber, attrapant l’arme d’un de mes pères, je cognais, hurlait, dansait parmi les corps et plantaient mon arme dans le crâne d’un de ces "chevaliers".

On me rendait coup pour coup et très vite la fatigue me gagnait, je sentais la lame de l’épée trancher la chaire de mon bras avant que je ne glisse  et ne tombe au sol. L’acier s’apprêtait tout simplement me transpercer, arrêter de justesse par un ami, Ulfrid, il était bien plus qu’un frère, nous avions le même âge, nous avions grandi ensemble et il venait de me sauver la vie. Nous n’avions pas le temps pour les remerciements, il se battait et je devais continuer à combattre. Me relevant, je me trouvais une autre cible, les coups suivirent, les éclats de l’acier rythmant cette danse mortel. Je venais de tuer un autre de ces hommes lorsque je me tournais vers mon ami, je pouvais voir une hache lui trancher net la tête, roulant alors sur le sol. Hurlant de désespoir, je me lançais vers l’ennemi, vengeant la mort de mon frère avant de me rendre compte à quel point le nombre de ces hommes avaient augmenté. Je prenais un instant, un court moment pour observer le combat…

Nous…Perdions…

Mon corps tout entier tremblait de fatigue, enragé, désespérée, la mort me retrouva rapidement, s’attaquant à moi à travers le corps d’un des chevaliers. Je combattais encore et encore, incapable d’accepter la défaite, si je devais perdre, ce serait le cœur arraché, le sang hors de mon corps, la mort sur mon visage. D'autres coups firent hurler ma chair, craquer mes os et mon sang s’échappait sur ma peau, je voyais doucement le visage de la mort s’approcher, je pouvais sentir son odeur, putride, le froid gagnant mes membres, la fatigue me fit flancher, je tombais une nouvelle au sol, incapable de me relever, incapable de soulever l’arme que j’avais en main pour me défendre, le visage contre le mélange de terre et de sang, je regardais le champ de bataille une dernière fois. Tournant mes yeux vers ma sentence, je regarderai la mort en face !
Mais une nouvelle fois, l’épée qui devait m’offrir cette délivrance fut interrompue sur sa route, et si je pouvais l’accepter d’Ulfrid, il s’agissait là de l’arrêt net d’un homme que je ne connaissais point. Il ordonna quelque chose, je ne comprenais rien à ce qu’il disait, incapable de parler, je ne faisais qu’observer cette scène en maudissant cet imbécile de m’avoir épargné. Ma vue se brouillait, il s’approcha de moi, me souleva légèrement et je sentis le gout rafraichissant de l’eau, je n’en avalais pas plus d’une gorgée pourtant, rapidement écœuré par le gout de mon sang. Je me suis réveillée, dans une de ces cages de bois, balloter par la route.

« Vous êtes en sécurité »

J’observais la voix, l’homme sur son cheval, en sécurité . Était-il seulement sérieux ? Je détournais mes yeux, trop fatigué encore pour répondre, j’observais simplement le ciel au-dessus de ma tête. Étouffant ma frustration, jetant un coup d’œil à travers les barreaux pour observer celui qui m’avait couvert de honte. Lorsque le voyage s’arrêta pour la nuit, il pénétra dans ce qui me tenait lieux de prison. S’approchant lentement, je puisais dans mes dernières forces pour m’écarter de lui lorsqu’il tenta un contact. Trop affaibli pour réellement me débattre, il observait les doigts de ma main, ils avaient pris des coups dans la bataille, je souffrais déjà bien assez et je mis un certain temps à comprendre que ces véritables attentions étaient de vouloir me soigner.
Je ne comprenais rien, pourquoi ne me tuait-il pas là, maintenant ? S'il voulait me baiser, il l’aurait fait s’en prendre le temps de soigner mes doigts, il n’avait guère besoin de mes mains pour me chevaucher.
Un craquement se fit sentir, et dans un réflexe pour étouffer mes cris, j’eus le réflexe de planter mes dents dans son épaule. Si l’armure n’était plus là pour le protéger, l’épaisse étoffe de tissus qui le couvrait faisait l’affaire, il ne souffrait pas autant que moi en cet instant, un deuxième craquant, la morsure se fît plus forte, et lorsqu’il eut enfin terminé, j’usais de mes forces pour le frapper, le repousser, je n’avais pas besoin de sa compassion, ni de sa pitié ! Cela me semblait bien pire humiliation encore que l’idée d’être violée.

Il ne demanda rien de plus, quittant la cage. Je m’endormis rapidement en observant les étoiles ce soir-là, les images de la bataille me revenait, j’étais encore capable de sentir l’odeur du sang. Et de la nourriture qu’on me laissa, je ne pris rien, je préférais clairement me laisser mourir plutôt que de vivre captive. Ce fut la première fois que je vis le Val de l’intérieur, me retrouvant alors enfermé dans une pièce, ma seule et unique visite fut cette femme. Je me souviens de son allure de reine, son regard sévère, ses cheveux noirs, sa peau si blanche et sa voix…Ils tentèrent de me faire parler, mais je me taisais, ma langue ne se délierait pas, je ne trahirais pas ceux qui m’ont élevé. Lorsque ces yeux se plantèrent dans les miens, à la lueur des torches, je crois qu’elle comprit à quel point je souhaitais bien plus ma propre mort que l’idée de liberté qu’elle laissait éventuellement miroiter, et derrière ce souhait, elle pouvait voir à quel point je souhaitais sa propre mort. J’ignore ce qui la fit changer d’avis, ce qui l’amena a abandonné de me questionner. Mais ce fut cet homme qui revint me voir, il me détacha, se présenta enfin…Raymar…
Je gardais le plus grand silence, alors qu’il posait sous mes yeux une assiette, et d’étrange outil avec. Si je voulais mourir, mon estomac pourtant semblait bien plus fort que ma volonté en cet instant, me jetant enfin sur la nourriture qui m’était offert, il osa m’interrompre en plein repas…Tentant  vainement de m’expliquer à quoi servaient les deux trucs qu’il avait amené. Je l’ignorais, continuant de manger, me pourléchant les doigts.

Les jours passaient et il me laissa un semblant de liberté, j’ignore pourquoi il m’emmenait dans ces forêts, avait-il seulement idée de l’endroit où nous nous trouvions ? Je masquais mon sourire, je n’étais peut-être pas armé mais je connaissais cet endroit comme ma poche alors que lui…Je le laissais pourtant prendre les devants cette promenade, me rendant rapidement compte qu’il se dirigeait droit vers l’un de nos pièges. J’espérais qu’il y était encore, c’était mon unique espoir pour lui fausser compagnie. Et comme je l’avais escompté, le piège s’actionnait, manquant de peu sa cible mais je profitais de l’effet de surprise pour fuir tout simplement. Je courrais, de toute mes forces je courrais, je savais quand tourner, je savais ce que je devais éviter et rapidement, je retrouvais ce que j’étais venu chercher : les miens…

Tombant à genou devant eux, je reprenais ma respiration, la joie m’envahissait, le soulagement aussi. Un moment de paix qui fut de courte durée lorsque je vis la pointe de la lance de notre chef se posé sous mes yeux.

« Tu n’es plus une des nôtres… »

Relevant mes yeux vers eux, les cinq autre personne présentent se levèrent, arme à la main.

« Tu aurais dû mourir au combat…A la place, tu es devenu un de leur chien »

Je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais, était-ce donc là toute la confiance qu’ils m’accordaient ? J’avais grandi parmi eux, cru et suivit chacun de leur enseignement ! Je sentais mes membres se raidir de colère.

« Ou fuir comme les lâches que vous êtes ! »

Hurlais-je en me levant, évitant de justesse la pointe de la lance. Entouré par chacun d’entre eux, je voyais encore ma véritable liberté s’offrir à moi. Mourir au combat, oui, c’était ce pourquoi j’étais née au final. J’espérais juste que l’épée qui s’enfoncerait dans mon ventre n’appartiendrait pas à mon père, mon frère, ma mère ou ma sœur.
Les craquements d’os et une giclé de sang vint aspergé mon visage, je ne m’attardais pas sur le mort qui tombait à ma droite, profitant de l’instant pour quitter le cercle, attrapant une épée au passage et me retrouvant alors au côté de Raymar…A ma grande surprise, il m’avait encore une fois sauver la vie, j’ignorais si je lui en était reconnaissante cette fois ou si cela ne faisait qu’augmenter ma haine pour lui.

Nous n’avions pas le temps d’y penser. Dos à dos, nous combattions alors, en chœur, en rythme, chacun de nos pas semblaient en parfaite symbiose tant et si bien que lorsque quatre cadavre s’ajouta au premier, les hommes restant prirent la fuite…Ne laissant que le chevalier et moi-même, je m’agenouillais, me rendant compte de ce qui venait de se passer.

Je n’étais plus rien, plus personne.

Une sensation de dépression profonde m’envahissait. Approchant alors la lame de l’épée contre mon nombril.

« Tu aurais dû me tuer ! »

Tout était de sa faute, si j’étais morte durant cette bataille, tout ça…Tout cela n’aurait jamais eu lieu ! Je serais morte en tant que membre du clan Des Fils du Brouillard ! Je ne serais pas une pauvre conne perdue, sans nom, sans rien, sans idée, sans raison de se battre !

« Ils n’ont jamais été ton clan, en refusant ton retour, ils ont mérité leur sort… »

« Je n’avais qu’eux ! »

Il s’approchait, lentement, et lorsque je lui montrais en appuyant légèrement la pointe de l’épée contre moi que j’étais sérieuse, il arrêta son approche. Il cherchait à me regarder, à m’observer, tant et si bien qu’au bout d’un temps, mes yeux se plantèrent dans les siens, de longue seconde de silence qu’il finit par interrompre.

« Ce n’est pas la mort que je vois dans tes yeux, ce n’est pas ton heure, et surtout, ce n’est pas qu’une combattante des montagnes que je vois. »

Que pouvait-il voir d’autre ? Je continuais de le fixer, essayer de déceler le mensonge dans ses mots mais sa voix possédait la même sincérité que ses yeux.

« Le jour où tu voudras mourir, soit, j’exaucerais ton souhait… »

Je détournais le regard, il s’approcha un peu plus.

« Laisse-moi une chance de prouver ce que je te dis, de te montrer que la vie à autre chose à t’offrir à présent… »

Autre chose a m’offrir . Pourquoi a moi ? Je sentais soudainement ses doigts se poser sur mes mains, se glissant entre la garde de l’épée et mes doigts, et lorsque enfin je lâchais prise, il lança l’arme plus loin. M’effondrant simplement dans ses bras, j’ignorais s'il disait vrai mais pendant un instant, j’avais envie d’y croire…
Sur la route du retour, je lui glissais mon prénom :

« Aiyana »

Coupant directement court à la conversation, je ne souhaitais pas parler. Le lendemain, j’offrais ce qu’on attendait de moi, les informations qu’on voulait, les emplacements des différents camps que nous avions l’habitude de faire, les pièges, les endroits à éviter et les chemins qu’ils pouvaient emprunter. Ils méritaient tous de mourir et je n’avais aucun remord à précipiter leur mort. Aucun d’eux n’avait été un jour mon père, mon frère, ma mère ou ma sœur, depuis ma naissance je n’avais jamais cessé de me battre, contre les autres mais aussi contre eux, dicté par tous les mauvais souvenirs. On apprend rapidement à devoir se défendre lorsqu’on est une femme parmi eux, mais hélas, on finit toujours par se retrouver face à plus fort que soi. Ils m’avaient certainement tout donné, mais ils m’avaient aussi tout reprit…C’était à mon tour aujourd’hui de tout leur prendre.

Je n’ai plus jamais quitté Raymar, celui-ci s’entêtait à vouloir m’apprendre bien d’autre chose, je m’efforçais de suivre certains de ses enseignements, ignorant d’autre, surtout lorsqu’il s’agissait de devoir se tenir face à d’autres hommes. Certains avaient l'art et la manière de me regarder de haut alors que j’étais capable de les désarmer en un rien de temps. Je prenais à malin plaisir à le faire lorsque l’occasion se présentait et que je savais qu’elle serait sans véritable conséquence, autre que la colère du sir en question. J’apprenais des mots, j’apprenais d'autres formes de combat, j’apprenais aussi que le combat n’était pas qu’une histoire de force ou d’arme mais que cela demandait aussi à savoir de se servir de sa tête. Si j’excellais dans ce genre d’apprentissage, je montrais un certain désintérêt pour tout ce qui tentait à effacer ce que j’étais réellement, pourtant, j’appréciais de voir parfois la tête surprise de Raymar lorsque je mettais en pratique l’un de ses enseignements aux moments où il s’y attendait le moins.

Aujourd’hui, j’ignore encore ce pourquoi je me bats mais je sais en tout cas pour qui…

Susceptible, la jeune femme a bien du mal à garder son calme lorsque la situation le demande, souvent tempéré par la présence de Raymar non loin que cela soit physiquement ou dans ses pensées, il n’en reste pas moins qu’elle est et restera une fille des clans des montagnes. Presque incapable de garder sa langue en place, elle aime mettre en colère les hommes qui se pensent supérieur à elle parce qu’ils ont une queue entre les jambes. Franche et directe, elle ne manie la langue de bois que lorsque la situation l’exige et encore, elle préféra se taire. Elle a beaucoup de mal à trouver sa place et aura tendance à s’isoler. Rejeter par les hommes parce qu’elle est une femme et rejeter par les femmes parce qu’elle n’est pas une lady. Les insultes sont le lot de son quotidien, restant impassible devant les regards trop avide mais souffrant malgré tout de cette situation. Aiyana se cherche des racines. Sa fidélité n’est tournée que vers Raymar, si elle est capable d’à peu près tout pour lui, elle se méfiera automatiquement des autres et appréciera que très peu l’arrivée de nouvelle personne dans la vie de celui-ci.
Au combat, elle est déterminée, plus douée à l’arc qu’à l’épée, elle n’en reste pas moins une bonne lame, son unique défaut c’est de ne pas être capable de voir lorsqu’elle a perdu, allant se battre jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de force, prenant des risques parfois inconsidéré. Étrangement, il n’y a qu’au combat qu’elle se montre plus ou moins disciplinée, l’arc à la main, elle est capable d’attendre l’instant précis avant de tirer. C’est le seul moment où vous la verrez patiente.

En toute franchise, elle est loin de représenter l'idéal féminin des hommes, son corps n'ayant jamais réellement formé les hanches ou encore la poitrine d'une femme. Élancée, elle est fine voir même maigre, la seule chose qui vient légèrement cacher ses os, c'est sa fine musculature. De taille moyenne, ses longs cheveux sombres et bouclés n'est pas sans rappeler ses origines sauvages. Ses yeux perçant semblent constamment se méfier des gens qu'elle observe. Son visage fermé, elle ne semble pas franchement ouverte à la conversation. Sa peau blanche semble gardée à certaine partie la marque bleue des maquillages de guerre que son clan portait constamment, ayant à présent teinté la peau en profondeur. Aiyana n'a toujours pas cédé à l'idée de ses abandonnés, si bien que niveau de ses bras, son épiderme garde une légère couleur bleue de ses marques.
Son corps est parsemé de cicatrice, vestige de sa vie passé dans les montagnes à se battre, de la tentative de prise du Val, et des combats qui ont parsemé son existence par la suite. Elle ne s'en cache pas, n'en a aucunement honte.