En connaisseur de la gastronomie raffinée, Renly dégustait les plats qui avaient été offert aux membres du Conseil, sans que ses oreilles attentives ne se détachent des discussions orageuses qui se poursuivaient. Son intérêt s'accrut avec l'intervention d'Arthur Ambrose, le représentant désigné de Lord Mace Tyrell du Bief. En effet, bien qu'ayant croisé plusieurs fois Ser Arthur lors d'une de ses nombreuses visites de courtoisies à Hautjardin, il ne lui avait jusqu'à présent jamais adressé la parole, si ce n'était pour des mondanités de circonstances. Or son jugement sur le sujet était pertinent et soulevait une question qui n'avait pas été abordée jusqu'à présent: la réaction éventuelle du sauvage, ce fameux Khal Drogo. La réaction de Lord Stark se voulut rassurante, mais le doute avait tout de même germé dans l'esprit d'Accalmie. C'est ainsi qu'à la suite du seigneur de Winterfell, il ne put s'empêcher d'intervenir.

-Il est vrai que, comme le souligne Eddard Stark, il est peu probable que la fureur du Dothraki le pousse à rassembler une armée et à traverser la mer uniquement pour se venger. D'autant plus que si son honneur à lui est bel et bien bafoué, ses généraux ne se sentiront pas forcément concernés par ce projet ambitieux, et dans les arènes instables de la politique Dothraki, Drogo ne pourrait pas courir le risque d'offrir un prétexte à ceux qui voudraient prendre sa place. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de penser que Viserys Targaryen est loin d'être le seul ennemi, qu'il soit déclaré ou simplement potentiel, que le Trône de Fer possède au-delà du Détroit. Si il est difficilement concevable pour Khal Drogo de rassembler à lui tout seul l'or nécessaire pour construire une flotte et passer le Détroit, il n'est en revanche pas impossible que quelqu'un d'intéressé se saisisse de l'occasion pour menacer le Royaume. Je pense notamment à la Banque de Fer de Braavos. A la suite d'une série d'emprunt fort ingénieux que la Couronne n'a pas pu rembourser (Le seigneur d'Accalmie ne put s'empêcher de lancer un regard appuyé d'une certaine ironie à l'égard de Littlefinger, le Grand Argentier). Cela fait longtemps qu'ils attendent d'être remboursés, et les dirigeants de la Banque de Fer ne sont pas réputés pour s'embarrasser de scrupules lorsqu'il s'agit de faire pression sur leurs créanciers. Qu'Est-ce qui les empêcherait de faire miroiter à Drogo la promesse d'un financement de son expédition ? La menace est faible, mais elle n'en est pas moins réelle. Sans remettre un seul instant en cause le principe de l'exécution de Daenerys Targaryen, je pense que lord Varys devrait faire s'agiter ses oisillons du côté de Braavos si jamais nous mettons nos plans à exécution.

L’assemblée venait d’aborder un autre sujet brûlant avec la lettre du Val. Renly n’avait pas oublié le message que lui avait déjà fait parvenir Ashara Arryn, qui, tout en se gardant prudemment d’entrer dans les détails, avait clairement laissé entendre que le couple Arryn-Corbray ammenait avec lui à Port-Réal un lourd secret dont les conséquences seraient considérables. Le Maître des Lois connaissait bien Ashara, ayant plusieurs fois échangé avec elle au cours de ses séjours à la Cour. La petite-nièce de Jon Arryn était une femme intelligente, courageuse et déterminée, mais imprégnée d’un profond sens de l’honneur, qui seyait bien à la devise de sa famille. C’est pourquoi Renly avait beaucoup de mal à l’imaginer comme une arriviste qui profitait du décès de son mentor pour dépouiller la veuve et le fils de ce dernier. Non, elle et son mari ne se seraient pas lancé dans une entreprise aussi douteuse et risquée sans de vraies motivation.

Malgré tout, une atmosphère sombre et énigmatique entourait encore les évènements du Val. Renly écouta attentivement les interventions successives d’Arthur Ambrose et Ned Stark, et ne put qu’approuver l’esprit de prudence qui se dégageait de ces discours. Lorsque lui-même prit la parole à leur suite, se fut sur un ton ferme mais circonspect.

-Je suis entièrement d’accord avec Lord Ambrose, les évènements du Val d’Arryn sont encore trop vagues pour qu’on puisse se passer des explications de Lady Ashara et de son mari. J’ai bien connu Lady Ashara à une époque, et je ne doute pas de la sincérité de ce qu’elle nous dit dans cette lettre. Mais à l’instar de Lord Stark, j’estime qu’il est important que nous nous souvenions que Lord Robert Arryn est le fils légitime de notre regrettée Main du Roi, et le véritable suzerain du Val. Je trouve d’ailleurs curieux qu’après des évènements aussi dramatique, nulle mention ne soit faite de lui dans cette lettre. Lorsque les Arryn-Corbray arriveront à la Capitale, il nous faudra en premier lieu nous assurer de la sécurité de Lord Robert.

Varys les observait tous. Robert, Eddard, Renly, Tywin, ils étaient là les plus puissants du royaume à le cotoyer, lui, l'ancien voleur des bas quartiers devenu membre du Conseil Restreint. Ce que c'était pitoyable, parfois, de les voir se dépatouiller avec leur honneur alors qu'ils avaient besoin d'hommes tels que lui. Il ne les aimait pas. Pas plus Stark que Lannister, encore moins les deux Baratheon. Il ne les aimait pas pas plus qu'eux l'aimaient, lui. L'Araignée, l'Eunuque, rien que ces deux mots là suffisaient à les faire frissoner de dégoût. Et pourtant, il était. Autour de cette table du Conseil Restreint, certains même à honorer son travail. Ils auraient pu s'en passer, s'ils s'étaient un peu mieux débrouiller. Quelle triste histoire.
Les écoutant avec attention, Varys n'affichait rien d'autre qu'un regard vitreux. C'était là ce qu'il y avait souvent de plus étrange chez lui. Tout respirait la convenance, presque l'hypocrisie - bien que Varys ne fût jamais hypocrite, sauf ses yeux. Tel un mur de pierre, le regard du Maître des Chuchoteurs ne laissait rien passer. Impossible d'y lire la pitié, la honte, l'honneur, la réjouissance, pas plus qu'il était possible de comprendre quoi que ce soit de son intériorité. Telle l'araignée qui regarde de ses nombreux yeux sa future proie, personne ne savait qui il regardait précisément. Mais une chose restait certaine, il écoutait. Et il y en avait des choses à écouter, autour de cette table régie par un ivrogne qui braille plus qu'il ne réfléchit. Tous tentaient de s'en sortir, avec un Roi pareil. Et pourtant, on n'avançait pas. Une forme de jeu du chat et de la souris autour de la vérité auquel Varys adorait participer. Il s'y glissait en araignée, regardant les uns courir après les autres tandis qu'il se régalait des petits secrets de chacun.

Quand vint la mention de Lysa Arryn, Varys se servait une coupe de vin, faisant mine de n'écouter qu'à moitié. Dissimulation, jamais simulation. Jeux d'illusions.
Il en savait long sur cette affaire, ayant deux mouchards à lui dans l'escorte seigneuriale et bien plus qui les regarder de loin. Immense réseau qui se relayait l'information jusqu'à la figure centrale de cette dernière, située à Port-Réal. Et rien n'était plus croustillant de voir qu'il en savait le double de leurs supputations, et qu'il choisirait scrupuleusement ce qu'il allait leur révéler ou non. Cette histoire allait en créer bien d'autres, et la protection de Robert Arryn en faisait partie. Le meurtre de l'ancienne Main du Roi, meurtre qui semblait ici être prouvé, trouvait une résonance étrange lorsque tous se trouvaient autour de la table. En l'espace de quelques semaines, Stark avait renié la soeur de sa femme, Baratheon la femme de son ami, et tous les autres, une figure grande de la Seigneurie de Westeros. Ils ne manquaient guère de culot, ceux-ci, à s’entre-tuer en invoquant la vertu et la Justice alors pas un ne valait mieux que l'autre.
Il avait découvert très vite que le coupable direct de ce meurtre était l'écuyer, mort durant le tournois. Mais il avait également découvert une chose intéressante, qui allait évidemment bien au-delà de l'inceste Lannister dont il savait le contenu depuis bien longtemps. Et il semblait, à l'évidence, que ce qu'avait découvert Varys avait été découvert par la nièce de Lysa Arryn.

« Mes Seigneurs, commença Varys d'un ton suave et d'une voix doucereuse, il est des éléments qui me sont murmurés et que personne ici ne semble connaître. Ce que Lady Ashara nous apporte est bien plus qu'un procès qui viserait à condamner la veuve Arryn. D'après mes informations, elle serait également certaine que la mort de l'Ancienne Main serait due à un assassinat. Et je dispose de suffisamment de murmures pour partager cet avis. Autrement dit, je ne crains pas que cela soit trop s'avancer, mais je subodore que cette dernière ne vient pas que pour déstabiliser Lysa Arryn. Elle s'avance vers Port-Réal dans ce qui ressemble être une tentative de déstabilisation de toute la Couronne. Ce ne sont ici que mes humbles observations, bien entendu. »

Varys était l'un des plus redoutables homme politique autour de cette table, mais il s'arrangeait toujours pour laisser entendre le contraire. Au simple et loyal service de la Couronne, voilà ce qu'il prétendait être. Il laissait entendre qu'il remplissait ses fonctions, faisait ce qu'on lui demandait sans ne rien tirer pour lui-même. Cette humilité et cette modestie ne faisaient qu'accroître la méfiance générale que tous avaient de lui.
Ce qu'il venait d'apporter de plus à ce Conseil Restreint avait de quoi en retourner plus d'un. C'était là les pratique favorites de Varys. Ne rien dire, écouter tout le monde débattre jusqu'à ce qu'un accord tombe. Puis il ajoutait un léger grain de sable qui venait arrêter toute la machinerie complexe à mettre en place. Il était certain que tous étaient tombés d'accord pour dire que celle qui avait pris le pouvoir au Val était dans sa légitimité pour apporter un procès et un nom de coupable. Mais l'information donnée par l'eunuque ajoutait à la balance, déséquilibrant un subtile équilibre qu'ils venaient d'établir en quelques minutes.

« Ce ne sont évidemment que des murmures, des bribes d'informations que nous tentons de recueillir ici. Nous devons nous attendre à bien des choses, Mes Seigneurs, car tous sommes certains que si Ashara Arryn fait le déplacement en personne, ne s'imposant pas dans son propre domaine, c'est que le jeu en vaut la chandelle. Que peut-elle bien avoir d'autre à nous dire? Sommes-nous certains de ses louables intentions? Varys fit une moue mielleuse tandis qu'il laissait planer dans la salle un silence de mort. Quoiqu'il en soit, il est certain que nous devons demander en échange de sa légitimité un protection pour le jeune Arryn, sans quoi nous risquons encore plus. Le Val est trop important pour qu'il soit mis de côté, tout autant d'ailleurs que beaucoup de Terres que tous vous représentez ici. Mais ne nous laissons pas tromper. La vérité est dangereuse, car nous avons trop souvent tendance à prendre pour vrai ce que nous voulons être vrai, ou ce que nous avons peur de voir vrai. »

Comment terminer autrement que par l'incertitude?
Varys apportait toujours une certitude en échange d'un flou qu'il imposait lui-même. Des questions, il s'en posait des centaines. Mais il ne préférait pas les transmettre à ces hommes, notamment pour garder une longueur d'avance sur eux. Tel avait toujours été la méthode de Varys. Garder un pieds en avant tout en laissant voir un autre, bien potelé, bien portant, bien maquillé et bien habillé pour que les autres croient l'entier corps présent et là. Mais il avait toujours préparé une longueur d'avance, n'hésitant pas à imaginer mille et un complots tous aussi fantasques les uns que les autres, de manière à être toujours prêt à gérer une situation.
Cependant, il y avait toujours une part d'improvisation chez Varys. L'information ne se contrôlait pas. Elle pouvait être abondante et croustillante durant deux jours et devenir quasi inexistante pendant des mois. Il fallait faire avec les imprévus, trouver des parades, des boucliers, aiguiser sa langue le mieux possible de manière à ce que tout soit troublé et que tous se reposent sur les compétences de l'eunuque.

Il attendait les réactions de chacun, observant calmement ceux qui se trouvaient autour de la table.
Stark et son honneur, Lannister et ses lionceaux tous aussi fous les uns que les autres, Baratheon et ses deux frères dont l'un était aussi austère que le mur d'une bibliothèque et l'autre aussi frivole qu'un eunuque. Il y avait là une belle poignée d'homme que bien des gens, dehors, voulait étriper à la moindre occasion. Tout en décidant des destinées des Sept-Couronnes, ils s'imposaient, tentant de soutenir l'autre pour mieux le détruire ensuite, poussant l'un de sa chaise, cassant la chaise de l'autre, puis la réparant. Tout n'était qu'un jeu subtile de chaises musicales. Mais lui, il restait. Il regardait, prenait la parole quand bon lui semblait. Son regard vide se porta sur Tywin, tout aussi silencieux. Le seul Lannister qui en valait la peine, sans-doutes celui qui avait la carrure pour devenir Roi et qui aurait du s'asseoir sur le Trône de Fer à la place de Robert. N'y voyons pas là une quelconque espèce de sympathie de Varys vis-à-vis de ce froid homme.
Non, Varys n'aimait personne. Il n'aimait personne, et il n'hésiterait pas à faire en sorte que tous autour de cette table se détruisent les uns les autres pour sauver sa propre peau.
A bon entendeur.

Ainsi, Lord Jon Arryn avait été assassiné par sa débile de femme. On ignorait pourquoi et surtout avec l'aide de qui elle avait fait ça.
Peut importait Jaime, le principal était que Jon Arryn ait été mis au silence. Lui, ce vieillard trop curieux qui avait des doutes sur la relation de Jaime et sa sœur bien aimée. Mais si ce vieux avait dit ses doutes à une personne ? Nul doute qu'il l'aurait secrètement dit à quelqu'un de confiance.
Le Roi n'était pas au courant, Eddard Stark non plus sinon sa tête aurait été sur une pique et non dans la salle du Conseil.

Cersei craignait que l'ancienne Main avait averti quelqu'un. Pourquoi pas les Seigneurs du Val ? Après tout sa tarée de femme tueuse avait bien quitté Port-Real peut après le décès du vieux. Était elle au courant ? Si ça avait été le cas elle aurait signalé Ashara Arryn et son Corbray, dans l'espoir de semer encore un peu la pagaille dans ce qu'on appel la politique.
L'occasion de faire fermer sa bouche aux prétendus régents du Val se présentait à bras ouvert.
Jaime racla sa gorge puis fixa le Roi.

" Même si ce qu'ils prétendent sur la veuve de Lord Arryn est vrai, Ashara Arryn et ce Lyonel Corbray ne peuvent être régents du Val. Peut être que le jeun Arryn est trop jeun pour régner, il n'en demeure pas moi que ce soit à lui d'effectuer la tâche de Seigneur. Qu'on nomme quelqu'un d'autre pour régner aux côtés du petit Arryn à la place de ces deux là."

Jaime regarda rapidement du coin des yeux de regard de son père puis il se servit un fond de vin dans son verre avant d'en boire une gorgée.

" Pourquoi les deux prétendus régents ne peuvent avoir ce rôle ? Tout simplement parce qu’ils n'ont pas demandé mais ils veulent l'imposer. Si le royaume sait ça... et il le saura bien sur car ici tout ce sait rapidement " Il fixa l'eunuque qui disait toujours tout à qui il le souhaite " Les Seigneurs des 7 Couronnes vont les prendre pour exemple et vouloir à leur tour imposer des titres à leurs personnes."

Jaime ne désirait pas que ce jeune couple puisse prendre le Val sous prétexte que Lysa Arryn était la raison du décès de son époux. Et le meilleur moyen pour que Robert refuse le souhait de ce couple était de les faire passer pour rebelles et qu'ils insultaient l'autorité du Roi en se prétendants régents.

" Vous savez, si ce jeune couple règne sur le Val d'Arryn, alors pourquoi pas faire d'un Karstark ou d'un Selmy les suzerains de leurs régions ? Je dis ceci pour votre autorité et votre respect Majesté. En tant que Gouverneur de l'Est dont certains ici semblent l'avoir oublié, j'ai mon mot à dire au sujet de l'Est. C'est une idée mais si vous nommiez vous même une autre personne pour servir de régent ? Vous êtes après tout le Roi et c'est vous qui nommez qui vous voulez et non eux qui se nomment eux même. En tant que Gouverneur de l'Est, je me propose moi d'affirmer votre autorité et de remettre ce couple à sa place en allant transmettre, si vous désirer, vos salutations au Val. "

Jaime espérait que le Roi accepte la proposition qu'il venait de lui faire. Ça prouverait que, contrairement à ce que ces idiots du Conseil et surtout la Main peuvent penser, Jaime n'est pas si traitre que ça. Il ne fera pas taire le couple en l'attaquant dans le dos, mais bien en face et que tous regardent en se retenant par la suite de murmurer Régicide dans son dos. Aucun d'eux n'était là lorsque le Roi Fou pétait les plombs et surtout aucun d'eux ne savait ce qu'il voulait faire, alors qu'ils la ferment et qu'ils ne disent plus jamais Régicide, Chevalier sans honneur ou quoi que ça soit qui l'insulte.
Il était Lannister de Castral Roc, fils de Tywin Lannister, issu de la famille la plus riche et crainte des 7 Couronnes et fier Lion au sommet de la chaine en dessus des dragons.
Il était temps qu'on cesse de le rabaisser et qu'on se mette enfin à respecter ce qu'il était.
Faire taire le couple Arryn-Corbray et par la même occasion faire taire ces idiots qui le disent lâche seraient avantageux pour lui.

Le feu était parti très vite, comme lorsque le Roi Fou avait ouvert ses portes aux armées Lannister. En quelques secondes, tous s'étaient mis à affirmer leur avis, se perdant dans des détails sans ne prendre aucune distance. Il avait suffit d'un premier désaccord sur la question, les autres tombaient comme les oeufs d'une poule, laissant à voir un agréable spectacle pour celui qui avait organisé tout cela.
Varys les observait débattre sur telle ou telle chose, sans n'en sortir. Il les écouta tous, uns par uns, déblatérer des choses toutes aussi intéressantes les uns que les autres, mais qui ne faisaient que contredire l'avis de chacun. Une balle qui ne faisait que partir et revenir, sans ne laisser la possibilité d’entrapercevoir un autre mur sur lequel taper avec fougue. De son regard vitreux, les mains nouées sur la table, il se demandait lequel de tous remporterait cette manche. Chacun essayer de tirer sa miette de la miche de pain, ne laissant que peu de chance à d'autres méthodes. Alors, il fallait regarder. Du moins, telle était l'attitude d'un Varys qui gardait le silence face à tous . Il avait apporté cette miche de pain, ils se battaient pour en avoir un bout. Car, au final, c'était lui, l'eunuque étranger, qui avait semé le doute sur Arryn. C'était également lui qui avait avertis d'une possible tentative de déstabilisation d'Ashara. En somme, il avait dit ce que tous pensaient et les regarder sortir tout ce qu'ils avaient gardé en eux durant tout ce temps.
Quel ridicule.

Il n'y en n'avait pas un pour rattraper l'autre. Entre Pycelle qui tentait de sauver la mise d'Arryn - était-il le coupable du meurtre de Jon, que beaucoup ignoraient mais que Varys savait? - Littlefinger et ses petites manigances, la fausse noblesse d'âme et de corps de Selmy, l'honneur Stark, tout cela se bagarrait tels des gamins autour d'une orange qu'ils veulent être les premiers à goûter. A peine Lysa Arryn tombée, à peine Ashara non légitime aux yeux du Conseil, tous se précipitaient pour en avoir un petit bout. Varys ne les aimait pas, encore moins lorsqu'ils pénétraient dans le Conseil Restreint alors qu'ils n'avaient rien à faire là. Mais il ne laissait rien apparaître, continuant d'arborer une mielleux et doux sourire, ne prononçant ni mots ni gentilles tandis que tous étaient prêts à s'entre-tuer pour avoir.
Le Maître des Chuchoteurs n'aurait pas aimé devenir Roi. Voir Robert, son ventre plus gros que sa tête, assis le cul posé sur un trône qu'il n’aimait pas, c'était un spectacle horrible. Une tragédie sans nom, où l'obèse ivrogne occupait le rôle d'un roi destiné à mourir et qui voit son destin se jouer malgré lui. C'était à lui de prendre une décision, à lui de s'imposer et de faire suivre sa décision jusqu'au bout. A personne d'autre autour de cette table.

Les deux yeux de l'Araignée se posèrent sur Robert, après avoir successivement suivi les têtes de ceux qui prenaient la parole. Il n'appréciait pas les Baratheon. Les seuls intelligents restaient les Tyrell. Il ne lui tardait que trop de croiser cette bonne Olenna, qui à défaut d'être enjouée et sympathique, réfléchissait plus vite plus intelligemment qu'une bonne partie réunie de ceux qui se bagarraient autour de la table.
Quand le vieux tout sauf frigide pris la parole, Varys le regarda. Des preuves. Jamais de preuves, du moins, en apparence. L'eunuque en savait long sur le vieillard, et ce dernier semblait s'en apercevoir à chaque seconde.

« Chers Seigneurs, pardonnez-moi de vous interrompre, mais je crains qu'il y ait une chose que Mestre Pycelle ne nous explique pas. Varys parlait d'une voix mielleuse à souhait, douce au possible. Son calme s'enroulait autour de tout ce qui l'entourait. Tel un suave liquide étrange. Ashara Arryn affirme détenir la preuve que Lysa Arryn a assassiné Lord Arryn, son défunt et regretté époux. Comment se fait-il Mestre, que nous n'ayons pas eu connaissance de cette possibilité? Vous aviez affirmé que sa Seigneurie la Main était décédée de manière naturelle? Ne voyez pas ici une accusation quelconque, mais j'ai pour ma part laissé murmurer quelques oiseaux qui ne m'ont pas infirmer cette possible et terrible circonstance de mort. »

Autrement dit: méfiez-vous de l'eau qui dort. Tel un secret de famille, gratter pour laisser apparaître une couche n'enlevait rien de l'immensité de la saleté. Peut-être la Couronne aurait-elle beaucoup à apprendre, lors de ce procès.

A la suite de Renly, les réactions les plus diverses éclatèrent sur la conduite à tenir. Pycelle, Ambrose Selmy... Aux yeux du Seigneur Suzerain des Terres de l'Orage, deux interventions ses distinguaient de la masse: Baelish et Varys. Le premier semblait impassible, mais Renly avait appris à se méfier de l'eau qui dort, surtout avec Littlefinger: de tous les membres du Conseil, c'était peut-être celui qu'il redoutait par-dessus tout. Une méfiance profonde et ancienne soigneusement dissimulée derrière des jeux de piques si communs à la cour et une compétition apparemment innocente sur leur allure vestimentaire. Renly reprochait surtout à Baelish sa gestion inconsistante du Trésor royal, et ses origines fort basses lui inspiraient une certaine hauteur. Car si il était persuadé que le devoir d'un Roi et de la haute noblesse était de faire le bonheur des sujets du Royaume, il ne considérait qu'en aucun cas la frontière entre les deux castes ne devait être franchie: c'est ainsi que contrairement à son frère Stannis, qui avait fait chevalier un ancien contrebandier, Renly ne s'entourait que de membres de la Haute noblesse.

Mais un point en particulier dans le discours de Baelish agaçait Renly: la mention qui était faite à la nomination de Jaime Lannister comme nouveau Gouverneur de l'Est. Le Maître des Lois s'était opposé vigoureusement, avec d'autres membres du Conseil à cette décision: non seulement cette nomination était contraire au droit, mais surtout les Lannister continuaient d'avancer leurs pions. Lord Tywin était déjà Gouverneur de l'Ouest, il était insensé de leur confier la défense de la moitié des côtes du royaume. Ce fut en partie cette mention qui poussa Renly à intervenir à la suite de Varys:

-Je me permet de revenir sur un point abordé par Lord Baelish, celui de la légitimité de Lady Ashara. Sans remettre en cause un seul instant les droits de Robert Arryn sur le Val, il me semble intéressant de se souvenir que la gestion de Lady Ashara du Val, pendant les quatre années que Jon Arryn lui a confié, c'est révélé exempte de reproches. N'a-t-elle pas assurer la Paix du Roi et la sécurité sur les Terres de Rougefort, et encouragé le développement prospère du Port de Goeville ? Voilà des éléments supplémentaires qui plaide en sa faveur pour l'autoriser à présenter sa requête auprès du Roi et du Conseil.