Année 296 – Lune 8 – Semaine 2 – Jour 3

Bien que le visage de Jojen n’en montre rien, certains signes de fatigue transparaissaient ailleurs. Parfois sa rigueur m’inquiétait.

Dans le cas présent ce n’était pas si grave, nous étions arrivés à destination. J’avais déjà vue quelques habitations fortifiés, mais jamais une véritable forteresse. Mon frère fut encore plus intéressé que moi.

« C’est comme dans mon rêve : un monstre de pierre dévorant le ciel. »

Habituée aux descriptions de ses songes je parvins à comprendre après une courte réflexion. Les merlons étaient en forme de dents. Cela donnait effectivement l’impression d’une mâchoire ouverte en direction des cieux.

Je tirais Jojen de son observation. Le connaissant il en avait pour longtemps, si on n’intervenait pas. Or le soleil allait bientôt se coucher. Et les occupants seraient sans doute moins conciliants si nous débarquions en pleine nuit.

La porte principale n’était pas encore fermée. Et deux soldats la gardaient. Dès qu’ils nous virent approcher, l’un d’entre eux apparemment inspiré par nos tenues de voyage plutôt simples fit une tentative d’humour.

« On a déjà donné. »

Je répondis par un rire cynique destiné à lui faire comprendre la stupidité de sa remarque. Quant à Jojen il demeura fidèle à lui-même.

« Nous sommes Meera et Jojen Reed, fille et fils de Howland Reed seigneur de Griseaux. Nous sommes porteurs d’une nouvelle importante pour le seigneur de ces lieux. Je vous prierais donc l’informer de notre présence. »

J’adorais l’expression des gens, lorsqu’il s’exprimait ainsi. Les gardes ne dérogèrent pas à la règle.

Impressionné le blagueur alla quérir le fameux Lord Bolton. Tandis que son collègue nous observait un peu. Son regard se fixa sur nos armes. Il comprit que nous n’étions pas de simples paysans ou mendiants.

De mon côté je me remémorais la description que Père nous avait fourni du seigneur Sangsue. Il le décrivait comme un homme dur voir cruel. Toutefois il n’y avait pas à s’inquiéter. Après tout nous n’étions en rien ses ennemis.

Lord Bolton s’affairait sur de la paperasse lorsque son épée lige Thorval vint le mander.

Thorval : « Des visiteurs demandent à êtres entendus sire. Il s’agit des enfants de Reed des Griseaux. Ils auraient une nouvelle importante à ce qu’ils disent. »

Roose leva les yeux vers lui lentement et se levant : « Intéressant et surprenant, il en faut beaucoup pour faire sortir les Paludiers de leurs marais. » *Intriguant…n’ai-je pas assez souffert de mauvaises nouvelles en cette année.*

Le Lord prit la tête dans les longs escaliers et couloirs sombres de Fort-Terreur, ils finirent par arriver dans la cour où les attendaient les voyageurs. Ceux-ci avaient un aspect comme dépenaillés et leurs armes n’en étaient pas moins rudimentaires, un simple arc un trident et un simple couteau tenu par la ceinture. Roose ne s’était pas changé, il portait comme à l’accoutumée son pourpoint en peau de loup gris relevé de fourrures poivre et sel et de simples chausses et braies. Adoptant son air le plus cordial et un très léger sourire en coin accueillit les deux Reed.

« Vous êtes les bienvenus en ces lieux, je crois me souvenirs du nom des fils de Howland Reed , Jojen et Meera Reed. Votre voyage a dû être long depuis Fort-Griseaux, je vous invite à me suivre dans la grande salle. »

Entrant dans la grande salle du château, les torches avaient été allumées au préalable, les serviteurs savaient à quoi s’en tenir. Celles-ci étaient empoignées par des mains squelettiques encastrées dans les murs. Une idée d’architecture amusante qui devait bien daté de l’origine de la construction du château lui-même. Toutefois, à qui appartenaient ces membres osseux, impossible de le savoir. Probablement à des Stark d’il y a des siècles lorsque les ancêtres de Bolton se battaient pour la gouvernance du Nord. Le lord s’assit alors dans son siège de prédilection en bout de table tout en faisant un signe à ses invités de faire de même, Thorval à sa droite. Son siège seigneurial travaillé dans un bois d’acajou importé d’Essos est rouge sombre. Le dossier représente un homme crucifié et s’élevant d’un bon pied au dessus de la tête du Lord. Les extrémités du dossier figurent des visages étiques figés dans un cri.
Les serviteurs vinrent posés des assiettes de fromage et de pain ainsi qu’une jarre d’hypocras et une d’eau sucrée au miel. Roose se servit de la seconde, préférant toujours garder un esprit clair.
Buvant une gorgée de sa coupe, il observa les deux Paludiers dans le blanc des yeux et reposa sa boisson.

« Je me suis laissé entendre qu’il y avait des nouvelles importantes que vous deviez me confier. Quelle sont-elles ? »

Le soldat revint et nous fit entrer sans exiger plus. Merci frangin !

Après une courte attente dans la cour nous vîmes le fameux Lord Bolton. Il était habillé simplement pour un seigneur. Moi je les pensais vêtus en permanence soit d’une armure rutilante, soit d’une tunique soyeuse avec des rubans et des bijoux. Tout comme on imagine les paludiers couverts de merdes avec des mouches autours d’eux.

Les présentations tout comme son comportement furent formelles.

Roose Bolton ne collait pas à son personnage. Pour un homme ayant participé à la rébellion de Robert Barathéon, il ne me parut pas très vieux. Et puis il ne ressemblait en rien aux quelques chevaliers imposants et gueulards que j’avais croisé. Lui il me faisait penser à une sorte de reptile, comme ce serpent d’eau, qui avait failli me mordre une fois.

L’intérieur sinistre de la forteresse me mit mal à l’aise. Ce sont les décorations, qui retinrent principalement mon attention.

Je n’ai jamais vraiment compris l’intérêt de ce genre de futilité. Là en plus ces ornements étaient repoussants. Jojen lui les dévora quasiment des yeux. Car cette fois il n’y avait pas besoin d’allégorie ou d’interprétation. Ces sculptures correspondaient exactement à celles de ses visions. Et aucun de nous deux ne s’y attendaient. Cela nous semblait trop glauque et délirant pour être réel à cet instant-là.

Lorsque nous nous installâmes à la table du seigneur, Jojen ne put retenir un léger soupir de soulagement. La marche avait été longue.

Notre hôte nous lança un regard perçant. Toutefois il ne s’agissait pas de celui d’un prédateur. Il ne dégagea pas de malveillance envers nous, seulement de l’attention.
Fidèle à nos habitudes, Jojen se chargea de lui répondre.

« Tout d’abord merci de votre accueil, Seigneur Bolton. Les raisons de notre venue sont liées à mon don. Voyez-vous je suis sujet aux rêves verts depuis ma tendre enfance. Je sais donc parfaitement les distinguer des songes ordinaires. Mon dernier rêve vert concernait votre demeure. J’en suis plus que jamais persuadé à présent que j’ai vu l’intérieur de mes propres yeux.
Dans mon rêve beaucoup de vos gens mourraient à cause d’une bête. Une bête déjà morte, qui dévorait votre fort de l’intérieur. J’ignore encore pleinement la signification de cet avertissement. Mais je pense qu’avec votre aide, je devrais y parvenir.»

Déjà enfant il s’exprimait ainsi et subjuguait son auditoire. Sauf que la situation présente était particulière. Certaines personnes étaient sceptiques face aux rêves verts.

De mon côté je m’imprégnais de l’ambiance en observant notamment les comportements des personnes présentes que ce soit lord Bolton ou ses serviteurs. D’où me provenait cette prudence excessive ?

Le jeune Jojen n’avait pas perdu de temps. *Un don de vervoyance ? Chose étonnante mais les paludiers étaient en effet reconnus pour avoir eu des liens avec les Enfants de la Forêt. Se pourrait-il qu’il soit réellement sujet à des « Rêves verts » ? Ils ne seraient pas venus d’aussi loin si cela n’avait eu au moins un fond de vrai mais soyons prudents.*

Roose : « Une bête morte dévorant mes gens, et de l’intérieur de mes murs…Si votre bête est bien réelle elle m’a déjà coûtée mon fils…Je ne sais comment interpréter votre rêve malheureusement. Nous sommes en paix, mes gens sont en sécurité entre mes murs et une quelconque malédiction me semble peu probable. »

En réalité Bolton avait bien une petite idée de ce que pouvait représenter cette bête dévorant le château de l’intérieur. Son bâtard Ramsay était venu remplacer son unique descendant et il était sûr que ce dernier avait empoisonné son fils. Ce monstre pourrait bien être la folie et la prétention de Ramsay. Mais il ne pouvait pas le châtier sur la base de rêves prémonitoires. Il était son unique fils, même issu de bâtardise il ne pouvait pas s’en séparer pour l’instant. A l’instar de Winterfell, un Bolton devrait toujours siéger à Fort-Terreur.

« Se pourrait-il s’agir d’une vague de maladie ? La peste par exemple ? Un tel fléau serait catastrophique pour mes gens. »

Alors qu’il parlait, il entendit une porte s’ouvrir dans son dos et des pas s’approcher, les gardes se précipitèrent. Roose se retourna et découvrit son bâtard aux prises avec les gardes. Ceux-ci l’avaient fermement empoignés et l’empêchaient d’aller plus avant.
Avec une voix calme sans être dénué d’un léger agacement il s’adressa à Ramsay :

« Que fais-tu ici Ramsay ? Je t’ai donné la liberté de déplacement dans le château mais l’interdiction d’accès à la Grande salle lorsque nous recevions des invités… »

« Pardonnez-moi père. »

Le ton n’avait rien de cordial, sa langue sifflante ulcérait Lord Bolton au plus haut point. D’un signe de main signifiant le renvoi, Bolton congédia son bâtard que ses gardes escortèrent jusqu’à la porte d’où il était venu.

« Veuillez vous poster devant cette porte, je ne veux plus être dérangé en présence de nos hôtes. »

Un des gardes s’exécuta et se plaça devant la dite porte. L’ambiance s’était encore refroidi et sirotant une nouvelle fois dans sa coupe s’adressa aux Reed.

« Pardonnez les mauvaises habitudes de mon…fils. Reprenons, comment puis-je vous aider à comprendre votre vision à propos de mon château ? »

La réaction de lord Bolton me surprit. Il analysa la description de Jojen avec sérieux, et tenta même d’en tirer des conclusions. Pourquoi une telle tolérance ? Avait-il déjà été confronté à ce genre de phénomène dans le passé ?

Ce seigneur me donnait l’impression d’être en permanence à l’affut. Même lorsqu’il mangeait, il était tendu comme en l’attente d’un quelconque ennemi.

Est-ce qu’il m’influençait ou tout cela provenait de cette sinistre forteresse ? Quoiqu’il en soit, il suffit d’une intrusion pour que je porte ma main sur mon couteau. Heureusement le geste demeura suffisamment discret.

La situation fut vite maitriser, tandis que je remettais ma main en place.

Le traitement que notre hôte réserva à son fils était troublant. Cela allait au-delà de la discipline. A vrai dire ça relevait presque du dressage.

Le rejeton en question me perturba beaucoup plus. Il émanait de lui une atmosphère malsaine surtout de son regard errant. Et puis je ne comprenais pas son attitude. Son intrusion ne relevait ni d’une erreur, ni d’un caprice. Une provocation peut-être ?

Je n’étais pas mécontent, lorsque Bolton le congédiât. Pourtant je ne comprenais pas cette exclusion. Le sujet de notre conversation ne concernait-il pas également l’héritier des lieux ?

Normalement j’aurais laissé Jojen poursuivre l’entretien. Sauf que mon état d’esprit était particulier. Je voulais partir d’ici le plutôt possible, d’où mon initiative.

« Un animal mort ? » M’interrogeais-je à haute voix. « Je n’ai pas vu de traces d’élevages dans les environs. Vous vous procurez uniquement de la viande entièrement traitée ? »

Jojen réagit immédiatement à mon intervention en tournant la tête dans ma direction. Toutefois je ne ressentis aucune jalousie dans ses yeux seulement de l’étonnement.

J’empiétais sur son domaine d’une certaine manière. Heureusement pour lui le domaine en question était si particulier que mon invasion ne pouvait pas aller très loin. J’avais plus de chance d’embrasser Bard Lake un jour, que d’avoir des rêves verts.

Le regard vide de Lord Bolton se porta sur la jeune Meera, elle ne semblait guère robuste mais à l’inverse de son frère c’était elle qui semblait porter les armes. Une jeune fille mince et peu avenante pour son âge. Toutefois elle avait de l’esprit, peut-être moins que son frère en un certain sens mais sa question n’était pas dénuée de sens.

Roose : « Il y a effectivement peu d’élevages sur mes terres, l’agriculture est la principale source de nourriture. Toutefois il m’arrive de chasser à courre au bord de la Larmoyante au sud. Le plus souvent le renard par ailleurs. Ce pourrait-il avoir un quelconque rapport avec votre rêve Jojen ?»

Le lord ne croyait pas réellement qu’une menace viendrait de ses chasses, à moins que l’un de ses trophées n’ait amené la maladie dans son château. Mais même les animaux chassés étaient traités et surtout ils ne permettaient pas de nourrir l’entièreté de sa maisonnée mais uniquement ses plus proches suivants et ceux ayant participés à la chasse. Une idée vint alors à l’esprit de Roose.

*Si ce n’est le gibier, alors sont-ce les pisteurs ?*

Son visage toujours aussi froid et dur se tourna vers Thorval. « Allez me chercher le maître piqueux ainsi qu’un des limiers sur-le-champ. »

Thorval se leva de son siège et se dirigea rapidement vers la grande porte. Il revint très peu de temps après accompagné de Ben-les-Os et d’un chien à l’allure élancée et agile dont le pelage brunâtre était parsemé de croissants noirs du garrot à la croupe. Celui-ci vint s’asseoir, bien élevé à côté du responsable du chenil. Ben était un vieil homme en charge du chenil de Fort-Terreur. Le visage marqué par les années, le crâne dégarni et le front plissé de rides. Ce dernier s’assit à la gauche de son seigneur tandis que Thorval reprenait sa place. Roose dévisagea avec sévérité son maître piqueux et lui demanda : « N’avez-vous rien remarqué de suspect à propos de vos bêtes ? »

Ben : « J’traite bien vos bêtes m’seigneur, ‘sont bien nourris et y s’passe pas un jour sans qu’sa se course autour du Fort que parfois j’les y perds le temps qu’y fassent leur merde. »

Roose reporta alors son attention sur le chien, la truffe relevé comme un soldat bien dressé. Sans détacher des yeux ce chien il s’adressa alors aux Reed : « Et vous, pensez-vous que ce limier ou un autre du chenil puisse avoir un rapport avec notre affaire ? »

Tandis que je prenais la parole, Bolton me regarda ou plutôt m’analysa. Puis il répondit à ma question d’une manière très didactique.

Ensuite toujours aussi machinal il donna des ordres en conséquences. Attentif, pondéré, et réactif ce seigneur ne devait pas être mauvais à la chasse.

Peu de temps après arrivèrent le maitre piqueux avec l’une de ses bêtes. Curieusement l’animal et les deux subordonnés présents prirent leurs places immédiatement autour du seigneur de façon quasi similaire. Une impression malsaine de plus.

Jojen se chargea de répondre.

« Non la créature de mon rêve était différente. Il s’agissait d’un animal familier tout en étant déformé par ma vision. Il était poilu, plus court sur patte, et entouré d’une sorte d’eau noirâtre. Et puis sa chair bougeait de part et d’autres comme si plusieurs vies l’habitaient, bien qu’il ait une apparence cadavérique.»

Mon attention à ses paroles se dispersa à cause de la présence du chien. J’ai toujours eu un bon ressentit avec les animaux, et surtout j’avais besoin de m’échapper de cette ambiance.

Je commençais à le regarder et l’incitais à s’approcher. On sentait en lui l’envie mais la discipline l’emportait.

Je craquais et fis quelques pas vers le chien, tandis que Jojen poursuivait la conversation avec le maitre des lieux. Le limier n’osa toujours pas bouger, mais se laissa caresser.

« Bel animal. » Dis-je à son dresseur. « Vous en prenez soin. »

Puis à force d’observer la bête je décelais une très légère absence de poil. Le tir à l’arc et le pistage aiguisaient ma vue.

« On dirait une sorte toute petite morsure. » Précisais-je à l’attention du maitre piqueux en pointant du doigt ma découverte.

Joignant ses mains sous son menton Roose réfléchit à quoi une telle description pouvait faire référence. Un long silence s’abattit dans la pièce.

*Un animal familier d’aspect cadavérique et plus petit qu’un limier, sa chair se mouvant comme si plusieurs vies l’habitait, une eau noirâtre… *

Le Lord marmonna d’entre ses lèvres : « Cette vision que vous me décrivez me trouble…L’eau noirâtre pourrait représenter du sang, un animal plus petit que mes limier…Un renard peut-être ? Comme je l’ai exprimé plus tôt, je chasse habituellement le renard. Sinon le loup mais cette description ne conviendrait certes pas, ceux-ci étant plus gros que mes chiens. »

La jeune Meera s’était approché du limier et semblait montrer une blessure que l’animal avait subie.
Ben regarda attentivement celle-ci et décréta : « Pour sûr qu’il a été mordu durant la chasse ou par une sorte de rat vu la taille du bousin. Mais j’n’ai vu aucun signe de maladies. Les poils lui r’pousseront. »

L’entretien s’éternisait et n’avait pas beaucoup avancé, Bolton se massa le front dans un réflexe de cogitation forcé.

« Votre histoire me rend perplexe, j’ai peine à croire qu’une quelconque malédiction puisse s’abattre sur mon château, je ne vois pas ce qui pourrait nous menacer. J’ai bien peur que vous ne vous soyez déplacé pour rien. »

Lord Bolton se leva de son siège suivi par Thorval et Ben-les-os qui l’imitèrent.

« A moins que vous n’ayez d’autres détails qui pourraient m’aiguiller sur la signification de votre rêve je mets fin à cet entretien. D’autres affaires demandent mon attention. Je serai en compagnie de mon Mestre dans la Roukerie si vous me cherchez. Je vous autorise à résider en ces lieux autant de temps qu’il vous faudra pour vous préparer à repartir. Thorval vous montrera vos chambres respectives et vous servira de guide dans le château. Vos déambulations entre mes murs vous aideront peut-être à éclaircir ce mystère. Maître piqueux, vous pouvez retournez à vos affaires au chenil. Et soignez-moi cette bête. »

Sur ces mots, Roose s’inclina très légèrement face à ses hôtes en reculant de quelques pas avant de se retourner pour se diriger vers une porte menant au couloir donnant accès à la Roukerie et à ses appartements. Ben s’esquiva en compagnie de son chien, non sans lui gratouiller le crâne et se retira également mais vers la Grande Porte. Comme convenu Thorval resta debout à sa place attendant une injonction des Reed.

«Je puis vous conduire à vos appartements Messires, ou souhaitez-vous faire la visite du château avant de rejoindre vos chambres ? »

Interpréter les rêves de mon frère n’était pas chose facile. Cela exigeait du temps et de la réflexion. Même si Lord Bolton paraissait être un homme réfléchit, il ne dérogea pas à la règle. Difficile à dire comment il prit cet échec, ni même s’il le considérait comme tel.

Après tout il n’avait pas eu comme moi des preuves tangibles des dons de Jojen. Quoiqu’il en soit notre hôte demeura courtois malgré les résultats pour l’heure inexistants. Sans doute notre nom y aidait.

Je regardais le chien s’éloignait avec un peu d’appréhension. Il constituait de loin la rencontre la plus agréable depuis mon arrivée.

Alors que le serviteur attendait nos demandes à peine mon frère ouvrit la bouche que je lui coupais la parole.

« Nous désirerions nous retirer tout de suite dans nos chambres, s’il vous plait. »

Même si Jojen s’exprimait mieux que beaucoup d’adultes, sa patience correspondait encore à celle d’un gamin. Faisant fit de sa fatigue il était prêt à explorer sur le champ Fort-terreur dans les moindres recoins afin d’obtenir la signification de ses visions.
Par conséquent je tuais son désir dans l’œuf pour son propre bien. Jojen accepta à contrecœur.

L’homme qui nous guida à nos chambres me mit mal à l’aise. Je n’avais pas l’habitude des serviteurs. Etre seconder ainsi dans mes actions me donnait l’impression d’être prit pour une idiote.

D’ailleurs ce sentiment se confirma lorsqu’il nous annonça que nos chambres étaient voisines. Nous le voyons bien par nous-même.

Moi aussi la fatigue me gagnait. Pourtant j’eus du mal à m’endormir. C’était si étrange ces lits mous et vastes. Evidemment dès que je trouvais enfin le sommeil, on frappa à ma porte.

Je remis rapidement ma tunique et ouvris. Juste derrière m’attendait mon frère.
Lui ne c’était pas reposé.

« L’odeur. » Dit-il le regard hagard. « C’est l’odeur la clé Meera. Je l’avais oublié. »

Son nez saignait. Je connaissais ce phénomène. Jojen s’était immergé volontairement dans sa vision. Un exercice selon lui douloureux.

J’essayais de l’aider afin qu’il ne se force pas encore plus.

« L’odeur de quoi ? »

« De l’eau, l’eau noirâtre. Elle sent… les excréments. Il y en a pleins de saletés, de détritus…. »

Peu après je dus le tirer à l’intérieur et l’allonger.

Cela m’ennuyait de laisser ainsi. Mais il s’en remettrait comme les autres fois. Or l’attaque de sa fameuse créature paraissait très proche. Et puis je ne voulais pas gâcher son effort en agissant pas. Surtout que nous savions à présent où chercher.
Donc faisant fi de ma défiance envers lui je décidais d’aller de nouveau à la rencontre du maitre des lieux.

Trouver la roukerie ne fut pas si difficile que prévu. L’endroit devait être en hauteur, bien orienté, sans parler des différentes odeurs inhérentes à l’élevage d’oiseaux.
Il aurait été plus simple de demander mon chemin à un occupant du château.

Seulement je n’eus pas ce réflexe. Il faut dire que personne ne trainait dans les couloirs. Il n’était pourtant pas si tard. Pourquoi aucun des soldats ne s’adonnait à la beuverie, aux jeux de dés… ?

Enfin quelqu’un apparut. Un garde se tenait devant la porte de la roukerie.

« Bonsoir, je dois voir le seigneur Bolton. » Dis-je poliment.

« A mon avis il t’a assez vu petite. » Répliqua-t-il.

Petite ! Il devait avoir trois ans de plus que moi en comptant large. En tous cas je ne l’inquiétais pas. Toutefois avec quelqu’un d’autre l’effet devait être différent.

« Vous décidez donc à la place du seigneur Bolton qui il est en droit de recevoir. » Déclamais-je bien fort.

Gagner ! Bolton lui faisait effectivement peur. Le garde m’ouvrit donc la porte le tout dans un regard noir.

Son seigneur était en compagnie de son mestre. Je reconnaissais la fameuse chaîne. Même un homme aussi pragmatique que lui ne pouvait se passer de ce genre de futilité.
Les mestres et leurs fameux bouquins. Lire était bien la chose la plus inutile que j’avais apprise.

« Mon seigneur je sais d’où va provenir le mal, de vos égouts. Et c’est imminent. »