Ayael était surexcitée, elle commençait à peine à prendre son indépendance malgré son âge, mais elle le faisait bien. Aujourd'hui, son père lui avait confié une tâche qu'elle estimait de la plus haute importance : conclure un accord avec le riche prince marchand Tregar. Encore loin au dessus d'eux, une alliance représentait une véritable aubaine pour sa famille. Pour autant elle ne partait pas dans l'optique de lui lécher les pieds, les Zathrian s'imposaient de plus en plus comme une grande famille, et il fallait être sot pour ne pas le voir. Elle espérait donc beaucoup de cette rencontre, plus qu'un accord commerciale cela sera un pas en avant pour le prestige et l'autorité de sa famille. L'idée était simple, ils disposaient d'une cargaisons de pierres précieuses à faire livré pour Westeros, et ils voulaient les faire livrer par Tregar. D'une part parce qu'elles attiraient la convoitise et que leur plus grands bateaux étaient déjà en mer, d'autre part, parce que personne ne se douterait qu'un concurrent accueillerait leur trésor. Bien sûr, il y avait toujours le risque qu'il ne s'arroge leur butin, mais c'était son rôle qu'il ne le fasse pas. Elle devait donc le persuadé d'accepté de les transporter contre une part modérée de la vente, et d'autre part le dissuader d'essayer de les tromper. Enfin, on aura beau dire, si l'honnêteté était loin d'être une vertu du commerce, la tromperie était très mal vu... Qui ferait confiance à un marchand qui à ouvertement rompu sa part de contrat ? Elle s'assurerait que suffisamment de personne soit au courant de cet accord pour qu'il ne lui vienne pas l'idée de le rompre. Malgré tout, elle se doutait que les négociations seraient serrées.

Elle ne se faisait cependant pas d'illusion sur la raison qui avait poussé son père à l'envoyer elle. Certes ses nombreuses lectures et heures d'études lui avait permis de développer un art de la rhétorique assez poussé, mais surtout, Tregar était connu pour son goût pour les femmes. Elle paraissait moins menaçante que les hommes, la plupart des gens baissaient un peu la méfiance devant son sourire angélique, et nulle doute qu'il aurait moult raisons d'être distraits.

Ayael était donc heureuse du rôle qu'on lui attribuait, elle avait toujours apprécié servir sa famille, elle trouvait que c'était là la moindre des choses, en remerciement pour tout ce que son père faisait pour elle. Mais elle était aussi heureuse car elle espérait rencontré Lynce Hightower. Tout ce qui touchait à Westeros avait le don de la fasciner. Elle avait beaucoup étudier la généalogie, les différentes luttes de pouvoirs des septs grandes familles de Westeros depuis la conquête par les Targaryen. Son père ne cessait de lui expliquait que Westeros représentait l'avenir, et c'est vrai qu'une bonne partie de leur commerce se faisait grâce aux lubies des nobles de l'autre continent. Mais il y avait plus que ça, une puissance, un prestige que dégageait les grandes familles et qui avait toujours attisée sa curiosité. Si le hasard lui était favorable, peut-être aurait elle l'occasion de converser avec la belle Lynce.

Souriante, elle se présenta à la porte du palais de Tregar en milieu de matinée. C'est à cette heure-ci – qu'elle estimait propice pour la concentration et la réceptivité – qu'elle avait été conviée. Officiellement il s'agissait d'une simple visite de courtoisie, officieusement il en était tout autre. Flanquée de ses quatre Immaculés grassouillets, elle fut introduite dans la somptueuse demeure du maître des lieux (il n'était pas prince marchand pour vivre dans un taudis après tout), et attendit patiemment qu'il daigne s'enquérir d'elle.

[HRP : désolée pour le délais de réponse j'avais oublié de surveiller le sujet! ]

Nulle besoin d'être patient quand on entre dans la demeure de Tregar, il y avait suffisamment de peinture et de sculptures pour occuper le regard pendant plusieurs heures. Ayael ne pu s'empêcher de les parcourir des yeux rapidement, même si elle se sentait un peu gênée par les scènes d'amours qui manquaient parfois de pudeurs. Heureusement, elle n'eut pas à attendre longtemps, un esclave s'empressa de la débarrasser puis Tregar fit son apparition.

Elle lui fit son plus beau sourire et s'apprêtait à dire les formules de courtoisies d'usages quand il la devança d'une voix pressée.

__ Mademoiselle Ayael, un imprévu m’appelle d’urgence au port, je vais être obligé de vous confier à ma favorite, Lady Lynce Hightower, le temps de régler le problème. J’espère que vous resterez parmi nous pour dîner et que je pourrais alors passer un peu de temps en votre charmante compagnie. »

Il lui embrassa galamment la main puis ajouta un mot au sujet de la servante et disparu par la porte qu'elle venait tout juste de traverser dans un gros palanquin. Elle qui aimait prendre le temps de réfléchir n'avait pas pu souffler un mot de toute l'entrevue et elle s'en sentait terriblement frustrée. Sans doute était elle également vexée qui la délaisse aussi facilement et sans peu de manière mais elle décida de ne pas s'en formaliser. Jouer les carpettes avaient des avantages relatifs, elle n'était pas en position d'exiger quoi que se soit et l'insulte n'était pas flagrante.

Puisque le marchand en avait décidé ainsi, elle resterait pour dîner. Ce n'était pas un mauvais moment pour négocier, les gens sont toujours plus conciliant quand ils sont repus. Cela lui donnait même une idée. Avant de suivre la servante qui l'attendait patiemment, elle se tourna vers un de ses gardes et lui donna une mission spéciale. Il devait aller chez elle pour prévenir son père que l'entrevue durerait plus longtemps – sans quoi elle ne craignait qu'il n'envoie la moitié de leurs hommes venir la chercher – et qu'elle voulait trois grands plats de lamproie pour le soir. Outre le fait que ce met raffiné était son préféré, la famille Zathrian le cuisinait magnifiquement bien et en possédait des quantités tout à fait astronomique.

Il lui semblait tout à fait judicieux de proposer à ce cher Tregar de goûter leurs lamproies. Elle ne voulait pas prendre le risque de le vexer en lui imposant son cadeau, aussi ajouta-t-elle qu'il ne devrait être apporté que si elle confirmait l'ordre.

Une fois ceci fait, elle suivit tranquillement la servante jusqu'au appartement de Lynce. Heureusement pour elle, ces derniers se trouvaient au rez de chaussé, elle n'eut donc pas à ruser pour cacher sa phobie des escaliers.

La servante l'introduisit comme le veut le coutume et Ayael se sentit à la fois nerveuse et excitée. Au final ce n'était pas une si mauvaise chose que Tregar ait dû partir, elle qui rêvait de rencontrer la belle noble de Westeros ! Elle allait pouvoir passer toute la journée en sa compagnie. Peut-être que Lynce accepterait même de répondre à ses curiosités. Elle voulait tant que ses idées sur Westeros soit plus que des fantasmes liés à ses lectures et les racontars de quelques navigateurs. Tant de chose lui paraissait différente là bas, c'était presque un autre monde quand on y réfléchissait... Un autre monde qui l'avait toujours fasciné.

__ Dame Ayael, je suis ravie de faire votre connaissance, mettez-vous à l’aise je vous en prie, installez-vous où vous voulez, ce n’est pas la place qui manque. »

L'avait-t-elle fait exprès où la phrase était anodine ? Ayael ne pouvait pas s'empêcher de se demander si rappeler à quel point le palais de Tregar était immense était un moyen de rappeler qu'ici, c'est eux les maîtres, qu'ils avaient des moyens ? L'espace est ostentatoires aux même titre que les bijoux sur une île comme Lys. Elle se garda toutefois du moindre commentaire et continua à sourire en regardant brièvement la femme qui lui faisait face.

Sa première pensée en voyant Lynce fut qu'elle était chaleureuse. Pas simplement dans le sens accueillant, mais dans tous ce que ce mot pouvait porter. Lynce irradiait de confiance en soit, elle semblait bouillonnante, comme un soleil.

Toujours debout Ayael eu tout loisir d'admirer le dos nu de la favorite, en se disant que ce n'était pas franchement nécessaire vu que sa robe était déjà très transparente. Ce n'était ni de la jalousie, ni pour le plaisir de critiquer. Juste une simple constations intérieure et une légère mélancolie. Elle n'enviait pas Lynce de pouvoir porter des vêtements si léger qui laissait entrevoir tant de peau. Elle même avait toujours ses robes à manche longues qui descendait jusqu'au pied, et dont le décolleter laisser devenir ses atouts sans rien laisser apercevoir. Elle n'enviait pas Lynce de pouvoir le faire, cela n'aurait servi à rien, mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'être désolée de ne pas pouvoir le faire. Une nuance subtile mais salutaire.

En fait, s'il fallait les comparer, Lynce et Ayael incarnaient presque une dichotomie. Lynce était le feu, elle était la glace. Être de nature assez froide ne l'empêchait toutefois pas d'être polie et de lui sourire.

« Je suis enchantée de vous rencontrer, dame Hightower. » Elle marqua une légère pause pour que son interlocutrice remarque qu'Ayael, elle, ne s'était pas permis de l'appeler par son prénom comme le voulait les convenances. Sans pour autant trop s'en formaliser elle ajouta : « Permettez moi de vous dire que vous êtes encore plus ravissante que ne le dise les rumeurs. Je vous trouve radieuse. »

Le compliment sorti sa bouche avait quelque chose d'étrange. Déjà qu'il était dit avec une sincérité et une conviction qui le rendait bien plus réel qu'une simple flatterie, et ensuite parce qu'il était dit sans la moindre once de lubricité ou d'arrière pensée. Pour autant, il n'était pas non plus prononcé avec la candeur que peuvent avoir les enfants, Ayael avait parfaitement conscience de tous les atouts que Lynce pouvait retirer de son charme ravageur. En réalité ce compliment était juste dit avec vérité. Pour autant, Ayael choisissait toujours chacun de ses mots avec soin. Même si elle trouvait réellement Lynce très belle, elle ne le disait que parce qu'elle pensait que ça lui ferait plaisir. Peut-être avait-t-elle fait une conclusion trop hâtive, mais il lui semblait que quelqu'un habillé comme elle aimait forcément les compliments en plus de l'argent.

Suivant les conseils de son hôte elle prit gracieusement place sur l'un des divans confortable et lui fit face.

__ Dites-moi tout, mademoiselle, j’ai hélas été mise au courant à la dernière minute et dans la hâte, Tregar n’a pas pu me dire de quoi il retournait exactement. »

Sans se départir de son sourire pour ne pas vexer son hôte, Ayael pris le temps de réfléchir. Elle était le genre de personne qui ne semblait jamais pressée, qui méditait beaucoup, cela se voyait même dans sa façon de marcher et dans sa vitesse de parler. Dans la mesure où elle était toujours ainsi, la plupart des gens ne s'offusquaient pas de ses légers temps de silences, comprenant aisément que c'était dans sa nature.

La question était délicate, car elle semblait sous entendre que c'est avec elle qu'elle devait traiter. Or, son père l'avait envoyé voir Tregar, pas sa maîtresse. D'un autre côté, ne rien dire pourrait vexer la demoiselle et il y avait fort à parier qu'elle savait se montrer très persuasive avec son amant. D'une certaine manière, réussir à convaincre Lynce était presque convaincre Tregar... Et si elle n'enchantait pas la jeune femme elle n'aurait qu'à attaquer à nouveau lors du dîner.

Calmement, elle prit la parole, son sourire s'était effacé mais c'est parce qu'elle n'était pas du genre à le garder accrocher naturellement, pour autant son expression restait très bienveillante.

« Oui, c'est très fâcheux, j'espère que l'affaire qui l'a fait dépêché n'est pas trop délicate, et que j'aurais l'occasion de mieux faire sa connaissance lors du dîner de ce soir. D'ailleurs, à ce sujet, mon père et moi-même serions très honoré s'il acceptait de goûter à nos lamproies épicés. S'il n'y voit pas d'inconvénient, j'en ferais venir quelques plateaux. »

Elle n'avait pas besoin de préciser que ce produit faisait la fierté de sa famille, qu'il en était presque emblématique car c'était en grande parti grâce à ce commerce qu'ils avaient réussis à vraiment s'enrichir. Elle ne doutait pas que Lynce le savait et comprendrait également la manœuvre qu'il y avait derrière.

Elle marqua une pause pour laisser à la belle courtisane le temps d'assimiler ce premier fait puis elle repris sur le plus important :

« Quand à la raison de ma venue, elle est simpliste. Ma famille recherche un marchand, une personne de confiance, pour une affaire remarquable. »

Elle marqua une nouvelle pause et un sourire amusée se peignit sur son visage le temps d'une petite blague : « Enfin, la confiance est un bien vaste terme, j'ai toujours trouvé que la nature même du commerce faisait du terme "honnête marchand" un oxymore ! Ce que nous cherchons c'est quelqu'un qui connaît la valeur des contrats et qui sait l'honorer. »

Redevenant plus sérieuse, elle acheva sa phrase sur un ton légèrement plus affable : « Nous avons donc immédiatement pensé à Tregar Omorlen dont la réputation n'est plus à faire. Avons-nous eu tort ? »