Plongé jusqu'au cou dans l'eau du bain, les bras croisés sur ma poitrine, j'essaie de me calmer et de me détendre dans la chaude vapeur bienfaisante. J'en avais plus qu'assez de cette compagnonne ! Tout d'abord, elle passait AVANT moi pour se laver... Mais en plus elle prenait tout son temps, me faisant attendre, moi !! C'était tout bonnement inadmissible. Je lui aurais bien arraché la tête, mais elle était malheureusement ma seule alliée, et j'allais devoir faire avec pour un petit moment, jusqu'à trouver mieux et plus avantageux... Je poussai un long soupir avant de me laisser glisser entièrement sous l'eau, les yeux fermés. J'aurais aimé me trouver n'importe où ailleurs. Ailleurs qu'ici, dans cet endroit plutôt minable, avec des ressources présentes mais faible... Et en autre compagnie qu'Alyss. Certes, la jeune femme m'avait aidé et sauvé la vie, mais qu'elle ne s'attende pas à une quelconque reconnaissance ! Après tout, c'était normal pour une fille de son rang d'aider son roi quand celui-ci était en difficulté. Je ressortis la tête de l'eau et pris une grande inspiration silencieuse tout en m'essuyant les yeux et en finissant de me laver. Quelques semaines plus tôt, je vivais encore dans le luxe, en compagnie de Daenerys, et rien ne semblait m'empêcher de regagner mon trône perdu... Maintenant, tout semblait loin et inespéré... Pourtant, malgré tout ça, je refusais catégoriquement de sombrer. Si le pessimisme était présent, la détermination l'était également. La haine animait une certaine flamme au fond de moi. La flamme du sang de dragon qui coulait dans mes veines. Souplement, je sortis du bain et m'enroulais dans une douce serviette.

Cela faisait déjà quelques temps que nous vivions ici, à Braavos, et j'avais la vague impression que tout allait de mal en pis. Je n'arrivais pas à trouver des idées concrètes quant à la suite des événements. Se cacher, c'était beau... Mais en attendant, j'aurais bien aimé avoir cette armée que l'on m'avait promise... En échange de ma sœur. Bien sûr, cette ingrate, cette sale égoïste, était partie avant le mariage, faisant partir tous mes plans en fumée !! Je la haïssais, elle avait vraiment réussi à gâcher toute ma vie, jusqu'au bout !! Et pourtant... C'était le seul membre de ma famille qui venait de s'enfuir dans la nature, comme une petite fleur sauvage. Ravalant ma rage au fond de ma gorge, je pris soin de sécher mon corps d'albâtre et de m'habiller avec mes nouveaux beaux vêtements. Je laissais à Alyss le soin d'acheter la nourriture et tout ce qu'il y avait d'important pour vivre. Personnellement, je n'avais pas que ça à dépenser... D'ailleurs, je préférais économiser, maintenant, car l'on ne savait pas ce qui pouvait encore nous attendre, dans cette houleuse aventure, et si nous étions dans le besoin, nous serions bien content d'avoir encore mes sous ! Cela dit, je rechignais beaucoup à les partager avec elle. C'était les miens après tout... Et il était normal que ELLE dépense les siens pour moi, j'étais son roi ! Bref. Nous avions beaucoup de différends, et elle m'énervait à un point inimaginable ! Pour couronner le tout, ça faisait plusieurs nuits que je ne parvenais pas à dormir correctement... Comment l'aurais-je pu ? J'avais toujours une impression bizarre, au fond de moi, liée à tous les événements qui étaient survenus jusqu'à lors.

Je laissais mes cheveux sécher une partie de l'après-midi avant de les peigner délicatement dans ma chambre, sans trop me montrer à Alyss qui, de toute façon, vaquait à ses propres occupations. C'est en milieu de journée qu'elle vint me trouver pour me demander de l'accompagner jusqu'à la falaise. Et puis quoi encore ? Je n'avais pas envie de sortir pour l'heure, surtout pour ne rien faire... Pourtant, elle insista tant et si bien que je finis par me plier à son désir inutile. Deux fois que je me faisais avoir avec le même argument des plus stupide : un roi digne de ce nom ne ferait pas attendre une femme, et gnagna... Elle remettait même en doute ma capacité d'être un roi digne de ce nom !! Elle se prenait vraiment pour quelqu'un d'important, pour seulement oser m'adresser la parole aussi familièrement. De plus, elle me tutoyait, ce qui m'avait d'abord choqué avant que je ne passe outre, comprenant qu'une sauvageonne comme elle ne pouvait connaître toutes les règles de la politesse.

Alors que nous arrivions sur place, Alyss me lança une épée en bois que, par réflexe, je rattrapais, m'écorchant le doigt au passage sur une écharde qui dépassait. Je relevai les yeux sur la jeune fille, lui lançant un regard qui en disait long sur mes pensées : j'étais choqué, et outré qu'elle me propose des cours d'escrime. Car OUI c'était bien ça qu'elle me proposait ! Elle insinuait que je ne savais pas bien me battre... Elle insinuait beaucoup de chose outrageantes !! J'en avais par-dessus la tête de toutes ces inepties ! Je poussai un looooong soupir tout en prenant l'arme d'une main plus ou moins ferme. Elle avait voir de quel bois je me chauffais, elle allait voir ce qu'il en coûtait d'énerver un dragon ! En plus, elle me parlait comme à un vulgaire chien, ce qui ne faisait rien pour arranger mes nerfs déjà à vif. Alors que je cherchais à prendre correctement l'arme de fortune en main, elle me donna un coup dans les côtes, ce qui eut pour effet e me faire reculé, légèrement plié en deux. MAIS CA FAISAIT MAL !! Quelle sale petite garce ! Elle avait osé me FRAPPER, elle avait osé me TOUCHER avec la lame en bois de cette épée !! Je relevai la tête vers elle, choqué, les yeux écarquillés alors qu'elle se permettait de me faire la leçon, toute fière d'elle. Je me redressai, le cœur battant, les yeux remplis d'une colère noire. Je lançai brusquement mon épée sur le sol, aux pieds d'Alyss, singulièrement agacé.

« Comment oses-tu ?! Je suis le Dragon, un Targaryen, ton ROI ! Comment peux-tu me frapper comme si je n'étais qu'un vulgaire laquais ?! Comment oses-tu m'adresser la parole de cette manière, et me donner des ordres de surcroît ? C'est une chose que je ne tolérerai pas, et j'en ai par-dessus la tête de ta misérable compagnie ! Peut-être ai-je beaucoup de problèmes, et que, par conséquent, ta présence est en quelque sorte nécessaire pour le bon fonctionnement des choses, mais tu n'es ici que parce que je veux bien que tu le sois. Je pourrais très bien te dégager, alors ne viens pas me pointer du bout de cette épée, ou tu sauras ce qu'il en coûte d'OSER me donner des ordres à MOI ! »

J'avais prononcé ces mots, tantôt en hurlant, tantôt en sifflant entre mes dents, mais toute la rage plus ou moins contenue les jours précédents s'exprimait à cette instant présent, et ma froide colère se déversait sur cette Alyss. D'un mouvement d'étoffe, je tournai les talons, la tête haute, le corps droit, les poings serrés le long de mon corps. Je n'apprendrais jamais à me battre avec une morveuse de son espèce ! Ma fierté en prenait un sacré coup, surtout lorsqu'elle m'avait heurté de la pointe de son épée en bois, en me donnant une petite leçon, comme si elle se croyait supérieure à moi. Je la haïssais ! Ouh, ça oui, je la haïssais et je n'avais pas besoin d'elle, ni de Daenerys, ni de PERSONNE ! Je descendis le long de la falaise, le vent s'emmêlant dans mes cheveux argentés, sans savoir si elle me suivait, sans entendre rien d'autre que la colère qui battait à mes tempes. Qu'ils aillent tous au Diable, je m'occuperai de mes affaires moi-même. Je ne savais pas ce qui m'avait retenu de lui mettre une gifle, tout à l'heure, sûrement la surprise d'être frappé par une femme. Je ne laisserai pas ça se reproduire. Si elle pensait que j'allais me laisser faire comme un petit chien-chien docile, elle se fourrait le doigt, et même le coude, dans l'oeil !

Il faut bien avouer que voir sa tête de choqué avec quelque chose d'assez hilarant, si bien que je fus obligée de me mordre les lèvres pour ne pas rire. Inutile d'enfoncer mon cas et de lui donner une raison d'hurler à outrance. Quoi qu'il le faisait déjà. Je supportais ses cries avec un énième soupire. C'était toujours pareil avec lui. Monsieur ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Il n'admettait pas d'être touché par une arme par une femme. Mais pour le moment, il devait mettre sa fierté de côté. Je me retenais de lui dire avec sarcasme qu'il préférait sans doute être frappé par Drogo. Un léger frisson me prit. J'aimerais pas me retrouver face à lui et pour ça, il faudrait que Viserys arrête ses bêtises. Il ne me supporte plus, bah ça tombe bien parce que moi non plus. Hé minute !! Moi ? Moi je suis odieuse et malpoli ? Alors là, il se fiche vraiment de moi !!! Je fronçais les sourcils avec agacement. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi égoïste de toute ma vie. Et pourtant j'en suis tombée sur des abrutis. Portant le nom de Snow, j'en avais connu des gens qui portaient des jugements, des idiots qui se comportaient comme des goujats. Mais alors Viserys c'est le cas le plus effronté que je n'ai jamais vu ! Je réprimais mon envie de le gifler et de le secouer furieusement en lui criant que je suis Alyss la Mauvaise Herbe, rien ne m'atteint.

Mais il était tellement insupportable qu'il n'était pas question que je me laisse faire. Je frappais contre l'épée en bois qu'il avait lui-même jeté à mes pieds. Celle-ci s'écrasa plus loin. Mon regard furieux lui était destiné.

« Blablablabla ! C'est toujours la même histoire avec toi ! Mais change un peu de discours bon sang ! T'es vraiment injuste Viserys ! Tu crois que je fais tout pour te nuire, mais c'est faux ! Au contraire, je fais tout pour te garder en vie. Ne crois pas que je suis à ta disposition par obligation ! »

Monsieur partait pendant que je lui parlais. Okey, très poli ! Mais je n'en avais pas fini avec lui. Maintenant qu'il m'avait craché son venin, il n'allait pas partir sans entendre le mien, il n'en était pas question. Moi aussi j'avais mon mot à dire. Je refuse de me laisser soumettre. Déjà parce que oui, je suis Alyss la Mauvaise Herbe, tout ce qu'on me dit de ne m'atteint pas, je me relève toujours. Quand on me croit morte, je fini toujours pas repousser. Toujours présente quoi qu'il arrive. Je ne me laisserais rabaisser par personne. Si j'étais faible de caractère, je n'aurais entrepris ce voyage, je serais restée dans le Nord. Et non, je suis parvenue jusqu'ici, SEULE !!! Et je pouvais très bien continuer de me débrouiller, SEULE !!! Alors il se trompe sur ce point là.

Alors qu'il continuait son chemin, je criais sans le poursuivre.

« Qu'est-ce que tu crois ? Que j'ai traversé Westeros et Essos pour toi ? Je t'ai aidé parce que JE l'ai bien voulu ! C'est ma propre volonté d'être ici !! C'était pour t'aider toi ! Tu te trompes complétement !! Je me met en danger en restant à tes côtés, je me mets dans une position plus délicate que tu ne le crois ! Je suis venue à Essos pour d'autres raisons que je met de côté pour toi ! Mais là j'en ai assez !!! Tu sais quoi, je m'en vais, débrouille toi tout seul !!!! ADIEU ! »

C'est vrai quoi, il y avait des limites. Et il les avait franchit à de maintes reprises. Alors qu'il se débrouille maintenant. Ce n'était plus mon problème. Chacun ses ennuis. Je n'ai pas envie de devenir la honte de ma famille pour un homme qui ne le mérite même pas. Lord Stark ne comprendrait jamais pourquoi je me suis alliée avec Viserys Targaryen, et d'ailleurs si je devais de nouveau croiser mon oncle, je ne serais même pas quoi lui répondre. J'aurais sans doute trop honte. Pas honte de Viserys non, mais honte de paraître comme une traitre aux yeux de Ned. Lui qui m'avait tant donné, je ne pourrais pas supporter de voir la déception sur son visage. Alors si en plus Viserys ne valait même pas la peine de me mettre dans cette situation délicate, autant ne pas faire cette bêtise.

J'attrapais avec fureur les deux arbres en bois avant de prendre le chemin inverse de Viserys, revenant sur mes pas, sans un regard en arrière. Il était rare que je me sente aussi en colère. Mais il faut croire que cet idiot savait très bien me faire sortir de mes gonds. Et il avait de la chance d'avoir son titre sinon je me serais jetée sur lui pour lui casser la tête …. avant de crier Robb au secours. Mais mon cousin était bien loin de moi en ce moment. Étrangement, penser à mes cousins et cousines apaisait ma colère. Je finis par arriver en ville et je m'appuyais contre un mur pour reprendre ma respiration et calmer mes nerfs.

Année 298 - Treizième Lune - Semaine 2 - Jour 6

Trois jours étaient passés depuis mon départ. Trois jours durant lesquels j'ai commencé des recherches sur ma mère. Ce que je savais d'elle, c'est qu'elle rendait des services physiques à des hommes, si vous voyez ce que je veux dire. Je n'avais qu'un nom, Kashina ! Les recherches furent difficiles, surtout dans les endroits un peu … mal-fréquentés de Braavos. Mais j'étais bien obligée d'aller sur place pour trouver, non ? Mais lorsqu'un homme me demandait ce que j'acceptais de faire pour une pièce d'or, je fronçais les sourcils. Il est sérieux là ? J'ai l'air d'être une fille de joie ? Je baissais les yeux pour regarder mon accoutrement qui n'était pourtant pas provoquant. Au contraire, j'avais même des bijoux de valeur sur la tête, offert par les Stark, dans un temps qui me paraissait maintenant si lointain et irréel. Ce bandeau d'or est le seul objet dont je ne me débarrasserais jamais. Et donc pour en revenir à l'homme, lorsqu'il posa les mains sur ma poitrine …. il fini avec le nez en sang et moi la mâchoire avec ce même sang. Il hurlait en ce tenant le nez alors que je rebroussais chemin la tête haute, mais d'un pas précipité. Un jour, Loulou m'avait dit lorsqu'on t'offense, sors les crocs. Et bien j'ai pris Luna aux mots.

La veille, j'ai tout de même obtenu des réponses. Un homme qui avait reçu les services de ma mère. Ce n'est pas ici que je la trouverais, m'avait-il dit. C'est à Lys qu'il l'avait vu. Ce qui m'avait fait soupirer de frustration. Braavos, Lys, il fallait savoir à la fin ! Bon sang !!

Et maintenant j'étais assise dans une taverne, une choppe à la main, buvant cette boisson alcoolisée avec fureur -et en toussant en même temps-. Je fis la main, me demandant comment organiser mon départ. Peut-être en récupérant la barque que j'avais utilisé pour venir jusqu'ici. Mais c'était risqué, avec ma chance, je vais tomber sur une tempête tient. Pfff. Non il me fallait un autre moyen de transport. J'ai comme l'impression que je vais devoir marcher toute ma vie pour aller jusqu'à Lys. Allez Alyss, tu as fait pire ! Tu es quand même venue du Nord !! Mais il faut dire que je commençais à être épuisée … Je ne pensais pas que ce serait si dur de voyer seule. Seule …. Pendant un certain temps, je ne l'étais pas. Qu'est-ce que faisait Viserys maintenant ? Est-ce qu'il avait quitté Braavos ? Espérons qu'il ne s'est pas fait attaqué … Qu'il ne soit pas mort ! RAH MAIS ALYSS !!! Ne pense pas à lui, idiote ! … Et pourtant, c'était plus fort que moi. Je me pinçais les lèvres, mon coeur se serrant à cause d'un certain sentiment de culpabilité. Est-ce qu'il avait cédé à la panique en ne me voyant pas revenir, lui qui était perdu depuis la trahison de sa soeur ? Etrangement, imaginer Viserys au bord de la crise d'angoisse n'avait rien de drôle. Je soupirais puis laissais les sous sur la table pour payer la boisson, avant de quitter la taverne, me dirigeant directement vers l'endroit que je cherchais.

C'est après un énième soupire que je poussais la porte de notre planque. Je posais les yeux sur la chevelure blonde et tout en restant silencieuse, je m'approchais de lui. Viserys était assit à table, en fait il n'avait pas toucher à son assiette. Ne disant toujours aucun mot, je m'assis à côté de lui, regardant sa nourriture. J'avais du mal à imaginer Viserys préparer le repas. Sans doute qu'il n'avait pas eu le choix s'il ne voulait pas mourir de faim. Un silence pesant s'installait entre nous. Je connaissais son caractère impulsif et je savais qu'il pouvait exploser à tout moment. Mais s'il lève la main sur moi, il serait bien reçu tient. Mais je ne lancerais pas les hostilités. Mon soupire vint briser le silence. J'avais une piste sur ma mère et pourtant …. pourtant ….

« Je vais rester avec toi …. Peut importe si on se dispute, je ne peux pas partir et te laisser seul. Viserys, tu as besoin de moi …. Je ne te demande pas de l'admettre à haute voix, mais prend le tout de même en compte. Ne me traite pas comme une moins que rien … Si j'ai voulu te faire combattre, ce n'est pas pour t'humilier. Je sais ce que c'est l'humiliation et je ne l'infligerais jamais aux autres. Mais il faut que tu apprennes à te battre, pour ta survie …. Ne me donne pas de réponse tout de suite, mais réfléchis-y. Et si je t'ai blessé … Je te demande pardon. »

Indigné. Tel était le mot. Le seul et l'unique mot. Indigné ! Outré, même ! Comment avait-elle osé seulement me toucher ? Voire même me blesser, car cela m'avait fait mal, il ne faut pas le nier... Et, par-dessus le marché, comment avait-elle osé me donner des ordres ? Elle n'était rien, ni personne à mes yeux... Et je chassai d'un revers de main cette petite voix, au fond de moi, qui me susurrai le contraire. Qu'elle se taise, je ne voulais pas la croire ! Je ne souhaitais pas être redevable à une femme du bas peuple, et j'acceptai encore moins être dépendant d'elle. Je saurais fort bien me débrouiller... Je l'avais déjà fait. J'entendis quelques unes de ses paroles flotter dans l'air et parvenir jusqu'à mes oreilles. Sa voix portait bien, mais je supposais aussi qu'elle s'époumonait. La sotte. Je n'entendis pas tout son discours, évidemment, tant l'énervement faisait trembler chaque partie de mon corps... Mais j'en saisis la grande partie, et cela me laissa un amer goût au fond de la bouche. Seule la fierté que j'avais dans les veines me permit de ne pas me retourner. Elle en avait assez ? Elle voulait s'en aller ? Eh bien qu'elle parte !! Qu'elle me trahisse et qu'elle m'abandonne comme l'avait fait Daenerys avant elle ! Oui, les femmes n'étaient bonnes qu'à cela : partir. Ma mère d'abord, puis ma sœur, et maintenant cette Alyss ! Mais la vraie question était celle-ci : pourquoi m'en soucias-je ? Je n'avais pas besoin d'elle pour me débrouiller, pour me défendre. D'autres, plus habiles et plus courtois, le feraient. Je le savais. Qu'elle déguerpisse, je n'en avais cure ! Animé d'une haine sans nom pour chaque habitant de cette maudite planète, je descendis jusqu'à notre demeure d'un pas rapide, assuré, la tête haute. Je poussai la porte et la refermai derrière moi, d'un claquement sec avant de rester planté là, au milieu, immobile. Je tendis l'oreille. J'attendais de l'entendre arriver, pour demander pardon. J'aurais sans doute accepté quelques excuses... Après tout, un bon roi devait savoir pardonner, non ? Mais elle ne revint pas. Ni ce jour, ni les suivants.

Les suivants, parlons-en. J'étais seul. Indéniablement seul. Et je ne l'avais pas été depuis longtemps. J'avais toujours eu quelqu'un à mes côtés, ou dans la même demeure que la mienne. Là, rien. Pas même une chouette sur un arbre, au dehors. Rien que d'inquiétants craquements, provenant sans doute des murs de cette vieille bâtisse. Les yeux grands ouverts, allongé sur le dos, je regardais fixement le plafond, repassant les événements de ces dernières semaines en boucle dans ma tête. Tout d'abord, trahi par ma sœur. Sans elle, je n'étais que ténèbres, car elle avait toujours été le rayon de soleil qui illuminait mon cœur d'un amour inconditionnel. Oui, j'étais parfois violent avec elle. Oui, je me montrais égoïste en la mariant pour récupérer mon trône. Mais n'avais-je pas raison, après tout ? Je la malmenais pour son bien, pour l'endurcir un peu, pour lui faire comprendre que j'étais le Dragon, et que je ne comptais pas la voir se dresser contre moi, son frère, son sang. De plus, je ne me montrais pas si égoïste que cela, au fond... Au contraire, même... Bien au contraire ! Si je l'avais marié, c'était pour avoir une armée. Une armée de guerrier imbattables, prêts à détrôner ces traîtres qui avaient usurper le trône des Targaryen. Je l'avais marié pour que nous puissions rentrer chez nous. Je l'avais fait pour elle, pour moi, pour notre famille, notre honneur, notre vie. Alors, nous pouvions considérer que c'était ELLE l'égoïste, et non moi ! Égoïste d'être partie, de m'avoir trahi, et de l'avoir fait alors que je l'avais élevé, que j'avais donné beaucoup pour elle ! N'aurait-il pas été juste qu'elle me rende ce que je lui offrais ? Je ne lui demandais pas grand chose, si ce n'est de jouer la putain de Khal Drogo ! Et c'était trop compliqué, ça ?! Trop compliqué pour moi, son FRERE ?! Son Roi !

Je me retournai dans mes couvertures, ravalant une rage qui me brûlait la gorge. Car après cette trahison, j'avais été obligé de fuir, dans la misère la plus totale, en compagnie d'une sauvageonne répondant au nom d'Alyss ! J'avais dû supporter la faim, le froid, un interminable voyage en barque pour arriver là où nous étions... Après quoi il avait encore fallu se passer de domestiques... Puis, finalement, je m'étais, encore une fois, fait trahir par une femme. Je serrais les poings et fermai les yeux. Ça n'avait pas d'importance. Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient en me tournant le dos. Ils ne savaient pas que la colère du Dragon était toujours terrible. C'est sur cette idée que je parvins ENFIN à trouver le sommeil. Mais là encore, ce ne fut que pour rencontrer de terribles cauchemars dans lesquels j'étais poursuivi par des ennemis. Mais je ne pouvais courir que d'une lenteur accablantes. Incapable de fuir, je les entendais se rapprocher, je sentais leur souffle sur ma nuque, je voyais mon destin s'abattre sur moi comme la lame impitoyable d'une épée... Et puis je me réveillais en sursaut, couvert d'une sueur glaciale. Le cœur battant, je me redressai dans les draps dans lesquels je m'étais empêtré et me regardai dans un miroir. Je faisais bien triste mine, avec mes cheveux blonds complètement décoiffés, les cernes grises qui grandissaient sous mes yeux pâles, et mes traits tirés. J'ouvris lentement la porte de ma chambre, l'oreille tendue...

Mais j'étais toujours seul.

* * *

Le plus dur, je crois, fut de m'occuper de moi. Je n'avais aucune expérience très probante dans ce domaine. J'avais toujours connu les domestiques pour faire les tâches ingrates, comme remplir une baignoire d'eau chaude, ou la nettoyer, ou laver mes vêtements... Et surtout, faire la cuisine. Il était hors de question que je touche à la nourriture pour la faire cuir. C'était catégorique. Je me contentais donc de manger les quelques fruits qui restaient... Du bout des lèvres, car ils commençaient à être gâtés. Quel piètre image d'un roi je donnais là... Assis, droit comme un piquet, raide, sur une chaise, une pomme fripée, à moité pourrie dans la main. Et avec ça, toujours aucun plan pour le futur. Je n'arrivais plus à me diriger... J'étais comme un homme en train de se noyer, et il n'y avait rien, pas le moindre bout de bois, auquel me rattraper pour éviter que je ne coule. J'étais seul, et perdu, sans point d'attache, misérable, et affamé. Pour la première fois depuis longtemps, ma propre fierté ne m'empêcha pas d'éprouver du dégoût pour moi-même. Car 'est bien ce que je trouvai au fond de moi : du dégoût et une réelle amertume. Plus aucune ambition. Je n'arrivais pas à retrouver cette flamme, cette étincelle qui me donnait envie de continuer, par tout les moyens, à remonter sur mon trône. J'étais seul, c'était tout ce qui comptait. J'aurais aussi pu crever la bouche ouverte, cela n'aurait fait nulle différence pour personne... Ma Danny ne devait plus guère penser à son frère qu'elle avait trahi, et Alyss n'en parlons même pas. Elle devait être loin, à sauver d'autres rois. Quelles idiotes ces femmes !!! Je ne leur pardonnerais jamais.

Finalement, la faim était trop insupportable. Je finis par me résigner et commençai à cuisiner comme je le pus. Et, en tout et pour tout, je me retrouvai avec un bout de viande calciné, dont l'odeur était à peine respirable en elle-même... Je baissai les yeux sur ce repas improvisé, fixe, le voyant sans vraiment le voir. Quand la porte s'ouvrit, mes oreilles se tendirent légèrement et je redressai la tête. Alyss. Un éclair de haine passa dans mon regard, mais un immense soulagement balaya tout le reste. Elle était revenue, finalement... Et le soulagement fit place au mépris. Quelle idiote ! Elle ne savait même pas tenir ses propres paroles. Pensait-elle qu'elle avait le droit d'aller et venir comme bon lui semblait, comme dans un moulin ? Je fronçai très légèrement le nez, un peu honteux devant ce repas que j'avais dû préparé moi-même. J'aurais pu le lui jeter à la figure, et ainsi, ma fierté se serait regonflé quelque peu. Elle soupira plutôt, arrêtant le fil de mes pensées, puis elle prit la parole. Besoin d'elle ?! Elle était gonflée ! Je n'avais pas besoin d'elle. Je n'avais besoin de personne ! Ou du moins, si, j'avais besoin de personnes si je voulais regagner mon trône. Mais pas d'elle ! Étrangement, ses paroles me touchèrent quelque part. Et la colère qui montait en moi s'apaisa comme si l'on venait de jeter de l'eau sur un brasier ardent. Jamais je ne pourrais l'admettre à voix haute, il était vrai, mais j'étais plutôt..... content qu'elle soit revenue. Et je savais que ses paroles n'étaient que pure vérité, en un sens. Ce fut surtout le mot de la fin qui acheva de calmer mes nerfs. Elle demandait pardon. Je la regardai, un moment, en silence, l'air à la fois indigné et méprisant. Cependant, j'avais retrouvé un air noble, malgré mon indigence actuelle. Mon ton était froid, mais pourtant je ne criais pas :

« Tu penses qu'il te suffit de demander pardon à ton roi pour qu'il accepte tes excuses ? Tu n'es rien, ni personne aux yeux du Dragon, est-ce bien clair ? … La trahison n'est pas quelque chose à prendre à la légère. Si tu souhaites partir, fais-le. Mais fais-le maintenant ou ne le fais jamais... Sinon tu sauras ce qu'il en coûte de te jouer de moi ! » à ces mots, je me redressai un peu plus, levant la tête au passage, avant de rejeter l'assiette le plus loin possible de moi, à l'autre bout de la table. En plissant le front, et le nez, avec un air à la fois de dédain et de consentement, j'ajoutai à son adresse : « Je souhaite que tu m'apprennes à me battre, puisqu'il n'y a que toi de disponible, malheureusement. Mais si tu t'avises de me frapper une fois encore... » je la foudroyais du regard. J'acceptais et je concédais déjà énormément, qu'elle se le dise ! Je me levai, sans prendre la peine de finir mon avertissement.

« Pour l'heure, je suis sûr que tu sauras faire à manger convenablement. » je plissai le nez, une fois encore, sans dire à voix haute que j'étais le piètre auteur de cette viande brûlée, bien que cela soit évident. « Après tout, on ne s'entraîne pas l'estomac vide... Et tu me prépareras un bain, par la suite. »

Je croisai les bras sur ma poitrine, attendant qu'elle s'exécute. J'aurais très bien pu vaquer à d'autres occupations en attendant qu'elle s'exécute mais aussi stupide que cela puisse paraître, j'avais peur de la quitter des yeux. Peur qu'elle disparaisse. J'aurais alors été seul, à nouveau.