Consigné dans ma chambre. C'est comme ça que Mère et Robb comptaient me punir ? Il faut croire que oui. Mais bon, soyons honnêtes, ça ne changeait rien à ma vie. Avant, cette punition m'aurait fait hurlé au scandale. D'ailleurs, je serais certainement parti par la fenêtre de ma chambre en signe de rébellion. On ne retient pas Brandon Stark enfermé. Mais maintenant, je n'étais pas capable de faire autre chose qu'être allongé dans mon lit, ou cramponné au dos d'Hodor. Mais je suis bien obligé de le reconnaître, cette punition, je l'avais bien mérité. Qu'est-ce que j'ai fais pour me retrouver consigné dans mon lit pendant plusieurs semaines ? C'est simple, j'ai cru bon de faire une petite balade à cheval, seul. Mais ce n'est tout de même pas de ma faute si Robb a mit trop de temps pour venir. Et encore moins de ma faute si je suis tombé sur des sauvages. A croire que ça devenait une habitude. Mais ma petite escapade m'avait permis de revoir Loris et aussi de comprendre que je voulais continuer de vivre malgré mon handicap. Et surtout, que je n'étais pas bon à rien. J'ai tout de même réussit à me défendre. Avec l'aide de Loris, certes, mais j'ai réussi à me débarrasser d'un des sauvages TOUT SEUL avec un magnifique lancé d'arc. A ce souvenir, je ricanais tout seul dans mon lit, en bombant mon petit torse, dans un geste qui se voulait viril …. en vain. Oui bon d'accord, je n'ai pas de poils au menton, je ne peux pas me prendre pour un homme fort et viril, mais ça va venir ! Mais au lieu d'être fier de mes prouesses, Robb et Maman m'ont disputé. Bande d'ingrats ! Ta sécurité passe avant tout, m'avait dit mon frère. Et il avait refusé de céder, malgré mes innombrables demandes de relever la punition. Je n'en pouvais plus de rester enfermer, sans pouvoir bouger, j'avais besoin d'air frais. Mais il fallait que ça me serve de leçon ! Bah tient, et un seau d'eau sur ta tête, ça te fera quoi Robb ? Malheureusement, je me retrouvais dans l'incapacité de mettre en application ma menace. Tant mieux pour lui et tant pis pour moi.

Lorsqu'il daignait me tenir compagnie, je le foudroyais du regard, lui jetant ma mauvaise humeur en pleine face. Moi aussi je suis têtu. Il n'est pas question de me montrer aimable tant que je serais dans ce lit. Mère consentait parfois à me prendre dans ses bras pour m'emmener à la fenêtre ou j'inspirais profondément l'air frais. Sansa me manquait, Père me manquait, et Arya me manquait. Les disputes avec ma soeur et nos coups bas avaient l'air de remonter tellement loin que parfois, je me demandait si ce n'était pas simplement mon imagination. Et la présence réconfortante de Sansa. J'étais persuadé que si elle était là, elle aussi me prendrait dans ses bras et que nous vagabonderons dans tout Winterfell. Mais elle était elle aussi si loin, et il me semblait que le roux de ses cheveux perdait de leur éclats dans mon esprit comme si son image s'effaçait. Je fronçais les sourcils à cette idée. Il n'était pas question d'oublier ma famille. Puisqu'ils sont tous si occupés, il fallait que je trouve un moyen de gagner Port Réal. Sansa au moins, elle passera du temps avec moi.

On frappa soudainement à la porte, me tirant de mes pensées.

« Il n'y a personne. » fis-je en grognant.

Ce qui n'empêcha pas Robb d'entrer. J'hésitais un moment à fermer les yeux et faire comme si je dormais, mais comme il avait entendu le son de ma voix, je me contentais de le foudroyer du regard, comme le faisait Maman lorsqu'elle n'était pas contente. J'allais commencer à prendre la parole, lui demandant de me faire sortir d'ici, mais il me coupa dans mon élan.

« Bran, tu as de la visite. Thylane est venue te voir. Sois gentil avec elle, d'accord ? »

Je commençais à protester mais déjà Robb quittait la chambre.

« Robb, non !! Robb !! »

Traitre !!! Utiliser Thylane pour m'adoucir, c'est bas. Je toussotais alors que la petite brune entra dans la pièce. Mon frère ferma la porte pour nous laisser un peu d'intimité. Je tournais la tête de l'autre côté de mon amie, pour ne pas avoir à la regarder.

« Bonjour Thylane ... » fis-je d'une voix plus basse que je ne l'aurais voulu.

Je sentais déjà le stress monter en moi. Thylane Woolfield. Elle était non seulement ma promise, mais également ma meilleure amie. Mais depuis mon réveil, j'avais imposé une forte distance entre nous, n'acceptant aucune de ses visites. Je ne voulais pas qu'elle me voit ainsi. Quelle honte. Et surtout, j'en voulais à la terre entière, me montrant parfois dur avec mon entourage. Et Thylane était la dernière personne que je voulais blesser. C'est justement parce qu'elle est trop précieuse dans mon petit coeur d'enfant que je n'étais encore pas prêt à l'affronter.

Même pendant le banquet, ce fut plus fort que moi, je l'avais ignoré, je l'ai évité. Nos regards se sont croisés l'espace d'un instant. J'avais bien vu l'espoir dans ses prunelles. L'espoir que je lui adresse enfin la parole, mais à la place, non, j'avais quitté les lieux pour chercher Hermine. J'avais déçu Thylane et j'en avais bien conscience.

Je ne suis pas un enfant méchant, ne croyez pas ça. Seulement c'est encore trop tôt pour moi. Et même là, je ne suis pas prêt. Et pourtant, je ne peux plus fuir. Je posais donc enfin mon regard sombre dans le sien. Bien loin de cette lueur espiègle qui m'animait autre fois. Et voilà, on y est. Tu es enfin devant ton futur mari, ce monstre infirme. Je rougis malgré moi et instinctivement, je remontais la couverture contre moi pour ne laisser entrevoir aucune partie de mes jambes. Pourtant, elles étaient tout à fait normale, juste inanimée.

Poussant un soupire à fendre l'âme, je me redressais un peu sur mes avants bras avant de regarder par la fenêtre.

« J'ai fais un rêve cette nuit. La corneille m'apprenait à voler. Je pouvais voir les étoiles, la forêt et tout Westeros. Si je pouvais voler, j'irais à Port Réal. Les ailes, c'est la liberté. Et toi Thylane, qu'est-ce que tu ferais si tu pouvais voler ? Vers quelle liberté irais-tu ? »

Les yeux toujours dirigés vers la fenêtre, je fus pris d'un léger sursaut lorsque sa main se posa sur mon visage pour une rapide étreinte. Depuis mon réveil, je n'acceptais pas forcément le contact tactile, à part Hodor car il fallait bien quelqu'un pour me porter. Et pourtant, je ne poussais pas la main de Lyra, me contentant de plonger mon regard dans ses prunelles qui brillaient toujours autant de cette infinie douceur et de cette innocence apaisante. Mais le contact ne dura pas, elle enleva rapidement sa main, sans doute pour ne pas me gêner. Délicate attention. Pour un peu, j'aurais presque sourit, mais je m'efforçais de rester distant et renfermé.

Les paroles au timbre mélancolique de la jeune fille me berçait doucement, j'étais prêt à fermer les paupières pour me laisser aller dans son songe sans rêve, veillé par cet ange qui avait toujours un regard sur moi. Au plus loin dont je me souvienne, Lyra a toujours été là. Enfin pas toujours physiquement, mais toujours présente dans ma vie. Après mes « batailles » avec Arya, lorsque celle-ci finissait vainqueur, il y avait toujours eu cette petite main qui se tendait vers moi, afin que je ne reste pas sur le sol. Lyra avait toujours été une source de réconfort et la personne vers qui je me tenais, après Sansa, lorsque j'avais besoin de calme. Et pourtant, il m'était arrivé de l'entrainé de force dans mes bêtises car « c'est en touchant le danger qu'on se sent vivant », comme je lui disais souvent. Mais avec du recule, je me dis que couvrir le lit d'Arya de charbon, n'était pas vraiment toucher le danger mais plutôt un geste très stupide. Mais c'était l'époque où nous pouvions nous permettre de rester des enfants. Mais ce temps est maintenant révolu. Et « tomber » de cette tour ne m'avait pas fait sentir plus vivant.

« Voler vers ceux que j'aime ? » Répondis-je enfin. « J'en ai au l'occasion pendant un moment, mais je crains qu'ils soient partis trop vite. Il n'avaient pas le temps d'attendre que l'oiseau se réveille et que ses ailes se réparent. »

Un soupire de lassitude. Plutôt dirigé contre moi que contre eux. Au fond je savais très bien qu'ils n'avaient pas eu le choix, ils ne pouvaient pas se permettre d'attendre. Mais … Je n'ai pas pu leur dire au revoir, je n'ai pas pu tirer les cheveux d'Arya, câliner Sansa ni discuter avec Père. Pourtant, malgré les semaines qui étaient passées depuis mon réveil, j'arrivais mieux à accepter leur départ même si lorsque j'y pense, je ressens un certain pincement au coeur. Je secouais la tête. Ce n'est pas comme s'ils avaient eu le choix. Et puis je recevais régulièrement des corbeaux de leur part, bien que j'ai toujours plus de mal à répondre à Père.

« Voler un jour ? Je préférais marcher plutôt que voler. » Ma voix était moins sèche que je ne l'aurais voulu. Elle était plutôt triste et basse, comme si je n'arrivais pas à garder la distance que je souhaitais mettre entre nous. Ca c'était l'effet Lyra. Je la regardais de nouveau, avec une certaine insistance. « Il est inutile de lutter contre toi, n'est-ce pas ? » Bien sur, elle ne pouvait pas comprendre ce que j'insinuais par là, mais ça m'était égal, c'était une question plutôt rhétorique.

Je poussais de nouveau un soupire, mais cette fois-ci à fendre l'âme, à la fois dépité et résigné. Décidant de faire un effort, je me décalais du lit, pour lui laisser d'avantage de place, en tirant sur mes jambes, des gestes grotesques dont je prenais doucement l'habitude.

« Viens donc près de moi. » fis-je d'une voix qui n'appelait pas à la discussion. C'était le timbre de voix qu'utilisait Papa quand il voulait obtenir quelque chose de ses enfants, sans avoir besoin de se montrer trop autoritaire. Mais étrangement, ça sonnait beaucoup mieux avec lui. Bah, je suis un Stark, ça viendra. « Mais mon infirmité ne m'empêchera pas de voyager, je t'en fais la promesse ! »

Sur la petite table de nuit à côté de moi, j'attrapais la carte d'Essos que je dépliais, la posant sur nos genoux. Regardant un moment ma promise, un léger sourire étira mes lèvres avant de finalement me concentrer sur la carte. J'attrapais doucement la main de Lyra pour lui poser le doigt sur Lys.

« La Cité Lys. Ca doit être beau de vivre sur une île. Tu images l'étendu d'eau tout autour de nous ? Un jour je t'emmènerais là bas. Quand tu seras mienne. Et je t'offrirais des vêtements en soie et du parfum. On dit aussi que la cuisine est très bonne. Pas que je me plaigne de la purée de pommes de terre, mais ... »

J'éclatais de rire. En parlant de Lys, j'ai l'impression de parler d'un autre mode. Sans doute normal pour une personne qui n'a jamais quitté Westeros, ni Winterfell. Mais j'ai toujours rêvé de partir à l'aventure. J'aime Winterfell bien entendu, mais je veux explorer le monde. Je ne laisserais pas mes jambes freiner cette envie.

« J'imagine qu'il faudra apprendre à nager. Enfin, plutôt toi, parce que moi, je ne peux pas. Mais si d'ici là, je saurais volé, il n'y aura pas de problèmes. » ajoutais-je en la taquinant. « Alyss est partie à Essos à la recherche de sa mère. A Braavos je crois ! Peut-être qu'elle saurait nous emmener à Lys. Tu penses qu'elle a retrouvé sa famille ? …. Moi aussi j'aimerais retrouver la mienne. »

Et je ne perds pas espoir. Il n'y a aucune raison que je ne vois plus jamais le reste de ma famille. Et peut-être qu'un jour, si mon état de santé s'améliore, Père me fera venir à Port Réal ! Je lui demanderais !

« Lyra ? …. Je suis désolé de t'avoir ignoré l'autre jour pendant le banquet … C'est que, je n'étais pas encore prêt à te voir …. » Un peu mal à l'aise, je détournais la tête avant de décider de ne pas m'attarder dessus. « Et toi ? Tu aimerais quitter le Nord ? »