Les mois précédents n'avaient pas été les plus facile de la vie de la jeune Clegane. Non contente de vivre à Dorne, probablement la région des Sept Couronnes où son nom de famille pouvait lui apporter le plus de problème, elle avait été obligée à subir coup sur coup depuis. Deux mois plus tôt, elle apprenait la mort de son Lord Suzerain lors d'une parodie de bataille, mais aussi celle de son frère aîné et dirigeant de la maison Clegane, Gregor. Myrielle et elle étaient sans doute les deux seules personnes de Lancehélion à s'être émut de la nouvelle. La plupart des gens d'ici étaient plutôt en colère que la personne assassinant ses deux figures haïs ne soit pas dornienne.

Si le séjour était déjà difficile, la mort de son frère avait abattue la Clegane plus qu'aucune autre chose, malgré les efforts constants de ses amantes de la consoler. Cela faisait deux mois maintenant qu'elle passait le plus clair de son temps enfermée dans une chambre – que ce soit la sienne ou non. Elle n'aimait plus sortir, que ce soit dans le château ou dans la ville environnante. Il avait fallut plusieurs jours et l'insistance des deux jumelles Poulet pour la convaincre d'effectuer un petit voyage aux Jardins Aquatiques, un des plus beaux sites de la principauté. Elle regrettait déjà d'avoir accepté.

Comme ils étaient plusieurs à se déplacer vers les jardins, le château avait organisé une sorte d’excursion, amenant plusieurs chevaux à ceux qui voudraient se déplacer. Parmi eux, il y avait bien sûr ceux qui allaient visiter de la famille, ou y emmener des enfants, mais aussi ceux désireux de s'adresser au Prince de Dorne, qui y passait le plus clair de son temps. En tout, il y avait presque une vingtaine de personnes, soit juste assez pour qu'on organise le tout en fonction des rangs de chacun. Et comme d'habitude, Eleanor se retrouvait assez lésée dans ses histoires. Même avec l'intervention des jumelles, elle ne se trouva que vers le milieu de la colonne, montée sur un vieil étalon qui n'avait de cesse – au début – d'essayer de la mordre. Elle était presque sûre qu'on lui avait donné cette bête exprès, mais comme depuis le début de son séjour, elle ne fit aucune remarque et sourit même à l'homme qui l'avait préparé.

Elle resta silencieuse durant la traversée de la ville, ses yeux gris fouillant les rues à la recherche de poignards cachés, de crachats et d'insultes, mais ce fut très calme. La jeune Clegane ne jeta qu'un bref regard à son voisin dans la colonne et attendit qu'ils soient sortis pour prendre conscience qu'elle allait devoir faire quelque chose. Même à cheval, le chemin serait long et d'ici quelques heures, le soleil commencerait à taper fort sur leur crâne. Un peu de compagnie ne serait pas de refus, décida-t-elle. Malheureusement, elle n'était pas particulièrement douée pour cela, d'autant que son voisin semblait être un guerrier – mais elle n'était jamais doué pour deviner, surtout avec les dorniens.

- Hem... Enchantée de faire votre rencontre, au fait. Je veux dire, Ser.

Edmund aurait dû partir pour les Jardin Aquatiques la veille. Mais lorsqu'il prit connaissance de l'existence du convoi, il décida de retarder son départ pour l'escorter. Il relisait le message que lui avait envoyé Erena la veille. Même si elle se trouvait à quelques heures à cheval, cela ne lui avait pas fait perdre son habitude de noyer son grand frère sous les corbeaux. Il se rendait donc là-bas pour lui rendre visite, il passerait ensuite voir Elia Sand et Doran Martell. Sa relation avec la fille d'Oberyn avait pas mal évolué au cours des mois. Même si elle avait plutôt mal commencé, les deux personnages s'entendaient bien dorénavant et il n'était pas rare de les voir s'entraîner. Il aurait aussi l'occasion de parler de la nouvelle condition de dame de compagnie d'Erena.

Le dornien était monté sur son cheval et attendait que tout le monde soit fin prêt pour partir. Il avait gardé toutes ses armes sur lui, épées, dague et lance. Il avait troqué sa tunique pour son armure de cuir qu'il trouvait plus confortable pour le voyage à cheval. En tête du convoi lors de la sortie de la ville, il préféra se placer au milieu de la colonne une fois la ville derrière eux. Il était plongé dans ses pensées lorsqu'une voie féminine le ramena à la réalité. Il tourna la tête vers la gauche et il lui fallut quelques secondes pour la reconnaitre. Il s'agissait d'Eleanor Clegane, la sœur du tristement célèbre Gregor, mais aussi suivante de Myrielle Lannister qui allait se marier au Prince de Dorne. Edmund a été mis au courant de leur arrivée, mais il n'avait jamais eu l'occasion de la croiser. De ce simple fait, il ne pouvait l'ignorer.

- Gargalen. Bonjour Dame Clegane. Je n'ai jamais eu l'occasion de vous le dire, mais je suis désolé pour votre frère.

Cela pouvait paraître irréel qu'un dornien puisse dire une telle chose, mais Edmund avait sa réputation et son caractère bien à lui. Il se montrait respectueux envers tous, même envers ses pires ennemis. De plus, la jeune Eleanor n'était pas responsable des agissements de son frère. Il était donc inutile de les lui faire payer. Mais Edmund n'ajouta pas un mot de plus à la fin de sa phrase, et recommença à regarder devant lui.

La réponse choqua Eleanor bien plus que ce à quoi elle s'attendait. Elle cligna des yeux plusieurs fois, ses grands iris gris fixés sur le chevalier qui venait de lui répondre. Ser Gargalen donc. Elle s'était imaginé que l'homme se serait contenté de la saluer, froidement, voire même de ne pas lui adresser la parole, comme elle l'avait déjà vécu des centaines de fois. Les dorniens ne l'aimait pas, elle le savait. Et elle n'avait jamais rencontré qu'un seul et unique chevalier de Dorne – suffisamment longtemps pour se faire une idée de leur caractère. Ser Uller avait été particulièrement odieux à cette époque, au cours d'un tournoi à Castral Roc. Il l'avait menacé dès qu'il avait entendu son nom et à présent, ce Gargalen lui présentait des condoléances. Peut-être pas les plus profondes, mais c'était bien plus que ce qu'elle pouvait attendre d'un dornien.

La réponse la prit tellement par surprise qu'elle faillit hoqueter. Elle baissa aussitôt le regard.

- C'est très... aimable à vous, Ser Gargalen. Edmund, n'est-ce pas ?

La jeune Clegane se sentait mal à l'aise même lorsqu'on lui parlait ainsi. Elle craignait presque qu'il ne s'agisse que d'un piège visant à la décevoir par la suite. Eleanor se tourna vers lui de nouveau, timidement, pour le détailler plus intensément. Il portait vraiment une tenue de guerrier, contrairement à la grande majorité de la procession. La Clegane avait opté pour une tenue couleur sable, à la longue jupe qui mettait en valeur ses jambes interminables, d'autant qu'elle se tenait en amazone sur sa monture. Le haut était à peine décoré et lui laissait un décolletée respectable – ou en tout cas les jumelles le respectait – et lui évitait de mourir de chaud dès les premières heures passés dehors.

Après plusieurs minutes d'un silence presque insoutenable, la jeune femme tenta de nouveau timidement.

- Vous vous rendez aux Jardins pour rencontrer le Prince Dorran ?

Elle ignorait elle-même pourquoi elle tenait tant à discuter ainsi, alors que toutes les tentatives précédentes à Dorne avaient été des échecs flagrants – à l'exception notable de la famille Poulet. Eleanor n'aimait pas l'idée de passer des heures à cheval sans rien faire d'autre que de contempler l'horizon. D'autant que l'horizon dornien n'était pas particulièrement varié, entre les étendues de sable et les étendues d'eau à pertes de vue. Elle préférait encore tenter sa chance pour discuter. Après tout, cela s'était avéré agréable, une fois.

Edmund ne se contenta que d'un hochement de tête lorsque la jeune Clegane lui demanda confirmation quant à son prénom. Il ne savait pas exactement comment elle pouvait les savoir. Peut-être l'avait-il déjà croisé à Lancehelion sans s'en rendre compte et que quelqu'un d'autre aurait donné son identité. On l'avait prévenu de l'arrivée de Myreille Lannister à Dorne mais étant donné qu'il n'avait aucune mission permettant leur rencontre, il ne s'était pas attardé sur cette affaire. Il observait la femme silencieuse à ses côtés sans prononcer un seul mot. Edmund n'était pas réputé pour être bavard, les seuls moments où il pouvait aligner plus de trois phrases d'affiler étaient des discutions avec Oberyn ou avec sa propre famille. Cependant, il était de moins en moins froid avec les inconnus. Il y a quelques mois, il aurait très certainement ignoré cette grande femme comme pour tout autre étranger.

Edmund releva la tête et écouta la nouvelle question de la jeune femme. A priori, elle n'était pas décidée à rester silencieuse pendant le voyage et il ne pouvait pas lui en vouloir. Rencontrer le prince Dorran était surement ce que voulait faire la majorité de ce convoi, mais ce n'était pas le but premier du Gargalen.

- Entre autres. Mais ce n'est pas la raison principale de ma présence ici. Je vais voir de la famille proche.

Sa sœur Erena devait trépigner d'impatience de le revoir. Il n'allait rester que quelques jours aux Jardins, mais la plus jeune de la famille Gargalen avait prévu une liste de choses à faire plutôt conséquente. Edmund voulait surtout voir comment elle et Elia s'entendaient et voir si sa nouvelle condition lui convenait.

Après avoir refusé de partir avec Oberyn pour Port Réal en indiquant que sa place était ici. Ce dernier lui demanda de veiller sur les aspics, ce qui ne le dérangeait absolument pas. Même s'il devait se concentrer sur Elia et toutes ses sœurs plus jeunes qu'elle. Il avait proposé à Obara de s'entraîner quelques jours plus tôt.

- Permettez-moi de vous demander votre prénom, il semblerait que vous connaissiez le mien, mais je ne peux en dire de même pour le vôtre. Il s'arrêta. Si ce n'est pas trop déplacé, qu'est-ce qui vous amène aux Jardins ?

Le dornien attrapa sa gourde et avala quelques gorgées. Même si'il était habitué à ce désert, il n'avait toujours pas réussi à lutter correctement face aux assauts brûlants du soleil.

Oh, bien sûr, de la famille. Elle aurait dû y penser elle-même, il s'agissait après tout d'une autre raison pour le déplacement de beaucoup de gens. Les Jardins Aquatiques accueillaient beaucoup de jeunes nobles venu de tout Dorne, enfant élevé à Lancehélion ou simplement de visite. Il y en avait même d'Essos, disait-on. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'Edmund Gargalen se déplace là-bas. Eleanor ne connaissait pas encore assez bien les maisons de la principauté mais elle en savait assez pour savoir que le chevalier n'était pas l'unique enfant de la fratrie. Peut-être un petit frère ou une petite sœur en visite là-bas ? Elle préféra ne pas demander de peur de faire une nouvelle gaffe.

- Oh oui, de la famille. Je comprends.

Avant quelques mois plus tôt, Eleanor n'aurait jamais été effrayée de converser ainsi avec quelqu'un. Elle était d'une nature curieuse et n'hésitait jamais à importuner quelqu'un tant que cela restait dans les limites du raisonnable dû à son rang. Mais à Dorne, la manière de faire était tout autre. Elle l'avait bien vite apprise, son nom n'était pas assez peu connu pour qu'elle se permette ça. La jeune Clegane s'était donc décidée à se montrer beaucoup plus humble, quitte à ce qu'elle passe pour une jeune femme timide ou même intimidée. C'est pourquoi elle baissa doucement les yeux en réponse. L'homme lui avait à peine répondu sur son prénom et sa nouvelle réponse était courte et simple, il n'avait sûrement pas envie de lui parler, comme tout le monde dans ce pays.

Elle fut détrompée très rapidement après lorsque le guerrier lui retourna une question, puis deux. Elle se rendit alors compte qu'elle avait complètement oublié de se présenter correctement. Edmund savait peut-être qu'elle était une Clegane mais cela ne voulait pas dire qu'il était familier avec son identité. Dans une région où on lui renvoyait sans cesse sa famille au visage, elle avait pris l'habitude d'esquiver cette phase des conversations, quitte à sonner malpoli.

- Pardonnez-moi, je suis Eleanor. Je viens parce que... eh bien... des amies à moi m'ont conseillés de me changer les idées. Un peu.

Elle se mordit la lèvre en se rendant compte qu'elle avait encore une fois rougi – heureusement le soleil le rendait difficile à discerner – en mentionnant les jumelles. Son regard avait aussi dérivé vers l'avant de la procession, sachant qu'elles s'y trouvaient. C'était uniquement parce que Jeyne ee Jennelyn avait insisté qu'Eleanor se trouvait là aujourd'hui.

Gregor, Sandor et Eleanor. Il y avait une logique dans le choix des prénoms de la fratrie Clegane. Bien qu'il ait énormément entendu parler de ses deux frères, il n'avait jamais entendu parler de la petite dernière. D'un côté, il y avait la montagne, véritable colosse. Il est la principale raison de la haine de Dorne envers la famille Clegane, en ayant tué et violé la sœur d'Oberyn Martell. Et de l'autre côté, le Limier qui avait lui aussi une salle réputation. Et au milieu de tout ça, vous avez Eleanor qui apriori n'aurai des Clegane que la taille. Edmund ne trouvait rien qui pouvait le laisser penser qu'elle était une dangereuse. Cependant, il restait méfiant, sait-on jamais.

La voyant relever la tête et regarder l'avant du convoi, il s'arrêta de l'observer pour déterminer de qui elle lui parlait. Mais la plupart des personnes s'étaient couvert la tête pour ne pas trop souffrir de la chaleur, il était donc impossible de reconnaitre qui que ce soit pour le moment, il fallait attendre leur arrivée aux jardins.

Le silence, c'était une nouvelle fois installé entre les deux personnages. Cette situation le faisait penser à l'une de ses premières rencontres avec Elia Sand, il y avait la même ambiance au début jusqu'à ce que la jeune bâtarde commence à parler et il était devenu impossible de l'arrêter. Edmund esquissa un sourire. Une nouvelle fois la gorge complètement asséchée par la chaleur, il se saisit de sa gourde et bu à petites gorgées. Remarquant que la jeune femme n'avait pas encore bu depuis leur départ et ignorant si elle posait sa propre gourde, il attrapa une deuxième gourde attachée à l'arrière de sa selle et la tendit à Eleanor Clegane.

- Ma dame. Vous devriez boire. Il ne fait pas bon à rester sous le soleil de Dorne sans avaler une seule goutte d'eau.

Edmund espérait aussi que ce petit pas allait réussir à désengourdir la conversation entre eux. Bien qu'il ne soit pas très bavard et incapable de commencer une discussion, il n'en restait pas moins curieux vis-à-vis d'Eleanor.

Eleanor n'avait pas vraiment fait attention au soleil. Bien sûr, elle le sentait taper avec toute sa force sur son front et la chaleur n'avait été qu'en augmentant depuis qu'ils avaient quittés la ville, mais elle n'était toujours pas habituée aux précautions à prendre. Ce n'était pourtant pas faute de le lui avoir dit, les jumelles s'y étaient escrimées à plusieurs reprises et elle leur avait chaque fois dit que tout irait bien et qu'elle avait compris. Elle avait pris une gourde comme on le lui avait conseillé mais ce n'était pas là le problème. Il lui fallait prendre l'habitude de boire régulièrement et ce même si elle ne s'en sentait pas forcément l'envie. La chaleur était suffisante pour qu'il risque d'être trop tard quand elle s'en souviendrait, c'était là le piège dont l'avait averti les jumelles.

Mais Eleanor l'avait déjà oublié bien sûr. Elle ne sortait quasiment jamais du palais depuis son arrivée à Lancehélion et cela n'avait fait qu'empirer depuis la nouvelle de la mort de son frère. En témoignait sa peau toujours aussi blanche et qui semblait ne pas avoir été exposée au soleil depuis un moment. Elle fut donc assez surprise d'entendre soudainement le chevalier se tourner vers elle pour lui proposer sa gourde. Se souvenant des recommandations, elle tendit aussitôt la main pour prendre délicatement l'eau. Elle aurait pu se servir de sa gourde à elle, mais cela lui semblait impoli de lui refuser maintenant qu'il lui prêtait la sienne.

- Merci Sir. J'ai tendance à oublier, nous n'avons pas l'habitude d'un tel soleil dans l'ouest.

Elle buvait lentement et à petite gorgée, laissant l'eau froide rafraîchir sa gorge et sa tête. La Clegane n'avait même pas pris conscience d'à quel point la chaleur l'avait déjà affectée. Pendant ce temps, ses grands yeux gris restaient fixés sur l'homme à ses côtés. Elle était définitivement curieuse, car elle pouvait compter sur les doigts de la main les gens qui se montraient ne serait-ce que polis avec elle dans ce pays. Celui-là avait-il une raison particulière ou était-il simplement un chevalier digne de ce nom ?

Au moment de lui rendre sa gourde, elle ne put échapper à l'envie de faire une pointe de sarcasme.

- Vous devriez faire attention Sir, j'ai l'impression qu'il ne fait pas bon de me parler si ce n'est pas pour m'insulter.

Suite à la déclaration de la jeune femme, il fallut quelques instants à Edmund pour se rendre compte que le nom d’Eléanor ne lui était pas totalement inconnu. Ulwyck lui avait raconté leur altercation lors du tournoi de la Main, enfin plutôt le flot d’insultes de la part du Dornien. Les dires de la Clegane n’étaient pas faux, les dorniens n’étaient pas les personnes les plus accueillantes de Westeros. Cela dépendait principalement d’où vous veniez. Les relations avec le Bief et les Terres de l’Orage étaient assez tendues. La famille Lannister n’étaient pas beaucoup appréciée dans le coin non plus, les dorniens étaient très proches de la famille Martell comme pouvaient l’être les nordiens avec les Stark. Il ne fut pas beaucoup de temps pour que la haine envers la famille aux cheveux se répande comme une trainée de poudre après l’annonce du meurtre d’Elia Martell. La famille Clegane n’était pas épargnée non plus, les deux frères participant activement à cette réputation. Il n’était donc pas étonnant, qu’Eleanor n’ait pas eu beaucoup de contact amicaux. Cela ne devait pas forcément être bien meilleur du côté de Myreille Lannister, même si en tant future femme d’un Martell, il devait y avoir des efforts.

- Ne vous inquiétez pas pour moi. Je n’ai pas l’habitude de faire comme tout le monde. Il est bien vrai que la majorité est hostile aux étrangers. Encore plus lorsqu’ils portent un nom comme Clegane ou Lannister. Mais comme toute chose, elle aura une fin. Les gens ne vous remarqueront plus, vous ferez partie du paysage.

Comment était-il possible de ne pas remarquer une femme de cette taille. Bien qu’Edmund essayait de se montrer rassurant, il ne croyait pas lui-même en son discours. Il allait falloir bien plus que du temps pour que cette haine s’efface.

Edmund ressortit la lettre de sa sœur Elena pour la relire, il était content de pouvoir la revoir. Il était très occupé à Lancehélion et il n’avait pas pu s’y rendre plutôt. Il fallait qu’ils se rendent aussi à Salrivage, histoire de montrer un signe de vie et surtout pour donner de plus amples nouvelles d’Erena au reste de la famille.

- En tout cas, les jardins seront parfaits pour vous changer les idées. Les gens y seront moins… agressifs qu’à Lancehelion. Enfin, je l’espère.

Eleanor fit l'effort de se fendre d'un petit sourire à la tentative du chevalier de la rassurer, même si elle n'y croyait pas une seule seconde. Elle n'avait jamais été capable de faire partie du paysage quand elle vivait encore à Castral Roc, comment pouvait-elle espérer réussir alors qu'elle était maintenant au cœur d'un pays où le moindre paysan crachait au sol à l'entente de son nom de famille ? La jeune femme n'était pas dupe, ce qu'elle vivait n'avait rien à voir avec le fait qu'elle soit une étrangère, c'était son nom qui provoquait tout cela. La sinistre réputation de son frère aîné était une réalité pour les gens qui vivait ici et elle n'avait pas l'intention de tenter de changer leurs avis, cela n'aurait été que temps perdu. Elle s'était habituée à cette ambiance depuis des mois maintenant, même si les jumelles n'avaient pas été pour rien dans son assentiment avec la situation.
La Clegane ne pouvait cependant pas dire cela – pas comme ça – au seul chevalier qui faisait un minimum d'effort pour lui parler normalement. Elle inclina donc doucement la tête en perdant son sourire.

- Peut-être bien, Ser. J'ose espérer que la mort de mon frère calmera quelques esprits ici, cela aura au moins eu cette utilité.

Elle avait été plus amère que prévu. La mort de Gregor était toujours un sujet qu'elle n'abordait qu'avec hésitation et elle se dépêcha de ne plus y penser. Qu'importait ce qu'en pense les dorniens après tout, son frère était mort à présent, il n'était plus nécessaire de cracher sur sa tombe. Elle espérait simplement qu'on finisse par oublier de lui reprocher à elle ce qu'il aurait soit-disant fait il y a de cela plus de quinze ans.

Par chance, le chevalier n'insista pas. Le regard gris de la jeune femme le surprit en train de lire une lettre, sans doute la raison pour laquelle il se rendait au jardin à voir la façon dont il la regardait. Eleanor détourna poliment le regard pour ne pas donner l'impression de vouloir lire par-dessus son épaule – ce qui aurait été de toute façon complexe à cheval.
Elle qui croyait y voir une fin de conversation fut surprise d'entendre Ser Edmund s'exprimer à nouveau quelques secondes plus tard.

- Oui, c'est ce que Jeyne n'arrête pas de me répéter. Espérons que vous avez tous les deux raisons.

Elle haussa les épaules avec un sourire. Qu'ils aient tort ou non, si les jardins n'étaient qu'à moitié aussi beaux que ce que l'on disait, ce serait déjà une bonne expérience à partager avec les jumelles.