Un estaminet cossu à Port-Réal. Le genre d'endroit où petite noblesse et haute bourgeoisie se côtoient en essayant de déterminer quel bénéfice tirer de l'autre.... et accessoirement, un endroit connu pour ses pâtisseries raffinées.

Assises à une table, dans un petit cabinet semi privé, Ruby et sa Nanny profitent des gâteaux.
Enfin.... La vieille dame profite de la pâtisserie tandis que Ruby, les yeux légèrement rougis, massacre lentement la sienne à coups de cuiller rageurs.

- Ruby, ma toute belle... Tu ne devrais pas te mettre dans des états pareils.
- Si. Ils auraient pu m'en parler avant que je quitte Millepertuis.
- Pour que tu sois hérissée comme une bogue sur tout le trajet ? Ma foi non ! ... Ma chérie, tu dois juste rencontrer ce jeune homme, ce n'est pas comme si des promesses avaient été échangées...
- Nanny, Frederick n'a disparu que depuis six mois ! ... Est-ce trop demander que d'avoir le temps de me faire à la disparition de l'homme que j'étais sensée épouser depuis mes huit ans ?
La vieille dame la regarde avec affection sans répondre.

En fait, la jeune fille sait bien que oui, c'est trop demander. A dix-neuf ans sonnés, si elle n'a pas déjà connu le mariage, une lady commence à être regardée avec commisération, voire même suspicion : qui sait quelles tares elle possède pour n'avoir pas encore la bague au doigt ! Mais, quand même...

- Et le domaine Overton est... si loin de Millepertuis, Nanny ! *la voix de Ruby se brise, attirant l'attention de quelques unes des autres personnes présentes dans la salle. Le jeune femme se reprend immédiatement, parlant d'une voix plus basse* Si je lui plais, quand pourrai-je revoir Pearl et mes parents ? Deux fois l'an ? Une fois ? ... Pourquoi si loin ? Si me caser était si important, pourquoi le faire... là-bas ?

La vieille dame termine son gâteau, s'essuie les lèvres et commence à boire son thé.

- Si tu arrêtais de gémir et de te conduire comme une enfant, tu pourrais utiliser ton cerveau pour le deviner, ne penses tu pas ?

Le regard qu'elle lui lance est à la fois affectueux et incisif. Ruby soupire, fait la moue.

- ... Pour... pour m'éloigner, je suppose. M'éloigner de mes souvenirs avec Frederick. Pour éviter que ma mélancolie ne revienne plus fort. ... Mais on a bien vu que ce n'était pas le cas, déjà !

Elle se penche, prend la main de la vieille dame dans son désir de la convaincre. Celle-ci lui tapote la main avec un sourire.

- Allez. Tout n'est pas perdu, ma fleur : avec tes yeux de lapin, tu n'es vraiment pas sûre de plaire au jeune seigneur. ... De plus, c'est juste un rendez-vous préliminaire.
- ... C'est si horrible que ça ? *elle soupire* Je n'aurais pas du tant pleurer hier soir. ... Comment sommes-nous sensés nous reconnaitre ? Il n'y a pas de portrait joint. Ou alors, il en a un, lui. *sa voix se durcit* Histoire de lui donner un avantage de plus.
- Allons, allons. Je crois que vos parents ont décidé que ce serait une surprise pour tous deux. ... *elle hésite* Je devais ne te remettre la lettre de ta mère qu'une fois attablées ici, en fait, et ...
- QUOI ? ... Pardon.
- ... et si j'en crois la scène -totalement indigne d'une jeune lady- que tu as faite hier... J'ai bien fait. ... Quant à vous reconnaitre, vous portez tous deux le blason de vos familles sur vous. Ce sera simple. .. Si tu sais quel blason chercher.

Ruby se mordille les lèvres sans quitter sa nourrice des yeux. Un long moment passe.

- Un... Un échiquier ?

La vieille dame se fend d'un éclatant sourire.

- Bien joué. Tu as le droit de te concentrer sur les jeunes gens qui entrent de façon à repérer celui qui portera un échiquier en guise de blason. ... Et à une nouvelle part de gâteau, celle-ci n'est plus présentable. Aubergiste ?

Et c'est ainsi que l'attente commença.

Port-Réal puait, comme toutes les grandes villes portuaires dans lesquelles Ades s'était rendues jusqu'alors. Il ne doutait pas que, dans quelques années, Por-Glacé subirait le même sort, un contrecoup regrettable de l'extension de la ville. Cependant, de tous les ports que le jeune homme avait visité jusqu'à présent, aucun n'avait été capable d'égaler le fumet si particulier de la capitale. Sueur, mer, fruits pourris et sans doute beaucoup d'autres choses se mêlaient dans l'air pour donner à l'atmosphère cette odeur si particulière. C'était encore pire dans les bas quartiers, qu'heureusement il ne fréquentait pas, mais même ici, vous aviez le nez pris par le fumet. Depuis le temps qu'il voyageait entre la Capitale et chez lui, le jeune héritier Overton s'était habitué et se prenait même d'affection pour cette ville. En revanche, l'immense garde du corps qui l'accompagnait semblait perpetuellement dérangé par les lieux, ce qui ne manquait jamais d'amuser son jeune compère. C'est d'ailleurs à la suite d'une remarque sur le soleil atroce que Ades demanda.

"Allons, Vasgard, tu n'as jamais été plus au Sud que Port-Réal ? Et puis, tu devrais être habitué à force, il me semble que tu as toujours été avec moi."

"C'est exact Messire. Cela ne m'empêche pas de regretter notre château."

Ades ne le contredit pas ; d'autant plus que son compère était bien plus agé que lui, sans doute n'avait-il connu dans son jeune âge que le froid du Nord, le climat de Port-Réal était un changement considérable en ce cas. Et puis, il y avait aussi le fait que, même s'il s'était départi de son armure de fer, le vieux guerrier conservait un pourpoint de cuir noir, dissimulé par un large manteau de la même couleur, qui arborait le blason Overton sur l'épaule, de quoi vous faire mourir de chaud en une matinée. En son total opposé, l'héritier Overton avait opté pour une tenue couleur de neige, légère et pratique pour l'endroit. Seul tranchait, juste au-dessus de son coeur, le blason noir, surmonté d'un échiquier d'or et d'argent.

"Nous devrions nous mettre à l'ombre, et en profiter pour manger un peu."

Le jeune homme ralentit, se tournant vers Vasgard avec un sourire amusé.

"Déjà affamé ? Très bien, que penses-tu de cette auberge ?"

"Oh non, ce bouge infâme. Je vous conseillerais plutôt celle-ci."

Et sans même attendre l'assentiment de celui qu'il considérait pourtant comme son maître, il prit le chemin de l'auberge. Ades mit un temps avant de lui emboiter le pas, tordant la bouche en une grimace dubitative.

"J'ignorais que tu connaissais si bien les auberges de Port-Réal."

"Vous ignorez beaucoup de chose, Messire. Je parcours ce monde depuis bien plus longtemps que vous, je vous le rappelle."

Cette fois, Ades ne le contredit pas, mais il ne put s'empêcher, au moment de rentrer dans l'auberge.

"Je ne suis Sire de rien du tout."

Cela faisait presque un an maintenant que Vasgard avait prit la mauvaise habitude de lui accoler les titres de Sire ou Lord alors même que ces derniers appartenaient encore à Lord William, Ades se devait sans cesse de le lui rapeller.

L'escaminet était plutôt cossu en effet, mais apparemment pas beaucoup plus que celui qu'Ades avait désigné en premier lieu, ce qui faisait s'interroger le jeune homme. Pourquoi donc Vasgard aurait préféré cet endroit ; pas pour les patisseries, tout de même ? La réponse lui vient quand, après quelques pas dans la salle, le maître d'arme lui retient doucement l'épaule.

"Cette table serait parfaite."

Le jeune homme se retourna pour constater que la table en question était déjà occupée, par deux femmes, l'une jeune, manifestement de haute naissance, qui arborait un poinsettia, probablement du Bief donc, et une autre plus agée, peut-être sa Septa. Le doute s'insinua aussitôt dans l'esprit du Nordien, qui afficha un sourire d'excuse à l'intention des deux femmes avant de se tourner vers son garde du corps.

"J'ai l'impression que cette table est déjà occupée Vasgard et ..."

Il s'interrompit en voyant que celui-ci tenait entre ses mains une envellope cacheté du blason échiqueté. Le maître d'arme affichait un sourire torve qui semblait on ne peut plus amusé. Ades lui lança un regard qui, s'il était un peu amusé, aurait sans doute put glacé sur place un non habitué. Ses doigts se refermèrent sur la lettre à la manière de serres et firent sauter le cachet. Il parcourut rapidement les lignes, ses yeux vairons bougeant très vite. Enfin, il replia soigneusement la lettre et se tourna de nouveau vers la table, s'inclinant poliment à l'intention de la jeune fille, puis de la femme agée.

"Mademoiselle. Madame. Veuillez pardonner mon impolitesse, j'ignorais encore que nous avions rendez-vous."

Il s'était composé un visage avenant et un sourire amusé, tandis qu'il prenait place face à la jeune femme, son regard tombant sur le poinsettia. La Famille Graves, s'il ne faisait pas erreur, et puis, c'était mentionné dans la lettre, même si son père ne mentionnait pas le prénom de la jeune fille. Si ses souvenirs étaient exacts, il ne pouvait s'agir que de Ruby Graves, et ses souvenirs étaient toujours exacts.

"Je suis également navré si je vous ais fait attendre, sachez que ce n'était pas de mon plein gré."

Ses excuses s'adressaient surtout à la jeune femme, elle semblait troublée, et ses yeux étaient un peu rougis. Mais il ne fit aucune remarque et se contenta de l'observer doucement de ses yeux vairons. Il réfléchissait ; nulle besoin de lire la lettre pour savoir ce que son père espérait de cet entretien. Ades avait dix-neuf ans déjà, et toujours ni marié ni promi, essentiellement parce qu'il avait refusé chaque fois que son père lui avait proposé. Il savait déjà que des rumeurs circulaient sur son compte, des plus simples au plus extravagantes, aucune ne savait la vérité. La famille Overton était une famille mineur, et à ce titre, il n'aurait que des mariages mineurs. Mais Ades espérait bien faire grimper la cotte de sa famille dans les années à venir, ce qui aurait put se conclure par un mariage un peu plus intéressant. Cependant, le temps passait, et rien ne se faisait. Lord William devait s'impatienter et puis ... il y avait une toute autre raison qui le poussait à marier son fils, et Ades ne pouvait que comprendre. Il tâcha donc de faire bonne mesure.

"Pardonnez-moi encore, j'ignore si vous me connaissez seulement ; on ne m'a pas indiqué votre prénom. Je présume cependant que vous êtes Ruby Graves ? Mon nom est Ades, de la maison Overton."

Tout en dégustant sa seconde part de gâteau ainsi qu'il convenait à une lady : avec délicatesse et sans précipitation, Ruby scrutait la porte d'entrée avec anxiété. Pourvu qu'il ne soit ni trop jeune ni trop vieux !! Il semblait illusoire d'espérer que l'héritier Overton et elle soient tout à fait assortis, personne n'attendait si longtemps pour se marier, mais... Pas un enfant ni un vieil homme, était-ce trop demander ? ... Allez. Entre quinze et trente-cinq ans, ce serait... tolérable. C'est arrivée à ces réflexions qu'un homme au visage sévère, tout habillé de noir et porteur de l'échiquier fatidique, fit son entrée dans le petit établissement. Ruby déglutit, et posa sa cuiller sur la table. Ça... Ça n'allait pas être possible.
Fort heureusement, l'homme se décala avec déférence devant un autre personnage, bien plus petit, vêtu lui d'un blanc éclatant largement plus adapté au climat local, et qui devait être le jeune Lord Overton, qui lui, avait un âge tout à fait... similaire au sien, si ses yeux ne l'abusaient pas. Premier bon point. Nanny jeta un coup d’œil d'avertissement à Ruby, et toutes deux prirent une pose dégagée, attendant le premier choc. Choc qui ne tarda pas à venir quand l'homme en noir -l'équivalent de sa Nanny pour un jeune homme ?- vint se planter à deux pas de leur table.

"Cette table serait parfaite."
"J'ai l'impression que cette table est déjà occupée Vasgard et ..."

Intéressant. L'homme -Vasgard- avait, lui, gardé le secret. Et il semblait amusé, amusé et non craintif comme il l'aurait été s'il jouait un vilain tour à un seigneur haï. Deuxième bon point. Elle ne manqua pas de noter que, si le jeune homme se déplaçait avec une canne, il le faisait avec assurance et adresse. Troisième bon point. Ruby soupira. Qu'allait-elle donc pouvoir raconter à ses parents pour justifier un refus de sa part ?
Enfin. Peut-être n'aurait elle pas à se poser la question. Si ça se trouve, le jeune homme allait la trouver quelconque, avec ses yeux myxomatosés, ou inintéressante. Ce qui serait à la fois un soulagement et une vague insulte.

"Mademoiselle. Madame. Veuillez pardonner mon impolitesse, j'ignorais encore que nous avions rendez-vous. ... Je suis également navré si je vous ais fait attendre, sachez que ce n'était pas de mon plein gré. ... Pardonnez-moi encore, j'ignore si vous me connaissez seulement ; on ne m'a pas indiqué votre prénom. Je présume cependant que vous êtes Ruby Graves ? Mon nom est Ades, de la maison Overton."

Ruby avait profité du temps où le jeune homme s'était assis pour le dévisager longuement. Un visage régulier sans être trop fade... Le plus étonnant était cet œil blanc dans ce visage si jeune. Sans doute était il borgne. Peut-être était-ce du aux mêmes causes que sa boiterie ? Peu importe, ce n'était pas cela que cherchait la jeune fille. Même s'il ne faisait aucun doute pour Ruby que son air amusé n'était qu'une façade, car c'était la réaction que l'on attendait d'un jeune noble, c'étaient les réactions qu'il n'avait pas eues qui l'intéressaient. Il n'avait pas nerveusement froissé le papier. Il n'avait pas eu de geste en direction de son garde. ... Il n'avait pas eu ce brillement dans l’œil qui...
C'est donc avec quelque chose comme du soulagement que la jeune femme répondit :

- Vous n'avez pas à vous excuser : l'attente nous a permis de grignoter plus que de raison, et les pâtisseries sont délicieuses. Je vous recommande tout particulièrement le chou à la crème. ... Vous avez deviné. Je suis bien Ruby. ... Je suis impressionnée. Si j'étais parvenue à retrouver votre blason afin de vous guetter, je n'aurais jamais pu me rappeler jusqu'à votre prénom. Bravo. ... Votre garde a été plus cruel que Nanny.

Elle esquissa un sourire à l'attention de Vasgard.

- Elle a été assez gentille pour me communiquer un courrier équivalent au vôtre hier soir. Mais peut être vos proches ont-ils craint une fuite de votre part ? *grand sourire un peu crispé* Je... *regard en coin à Nanny* Je risque d'être passablement peu à la mode en matière de rendez-vous, messire. Je n'ai pas vraiment... l'habitude de ce genre de... choses. *elle sursaute, jetant un regard furieux à la vieille dame, et reprend très vite* Enfin... Sauf si vous voulez parler livres.

Et voilà ce qu'on gagnait à être sincère : un coup de pied dans les tibias. Et par une chaussure pointue, encore ! ... En tant que fiancée à Frederick, Ruby n'avait pas eu droit à ces tractations mettant en présence les deux hypothétiques futurs mariés afin de les habituer l'un à l'autre. Pearl avait rencontré plusieurs jeunes gens avant que le choix ne s'arrête sur son futur époux, mais elle... Ça avait toujours été Frederick. Et là... Elle se retrouvait fort dépourvue face à ce jeune homme au regard intelligent.

Quelque chose clochait dans ce tableau. Même en ne l'ayant sous les yeux que depuis quelques secondes, le jeune homme pouvait l'affirmer sans crainte. Cette jeune fille était bien Ruby Graves, ce n'était pas la plus agée de la famille, mais elle restait un parti sans doute très intéressant pour nombre de petits seigneurs. Une beauté brune en plus, le visage clair, réhaussés par de beaux yeux bleu-vert. De ce qu'il voyait, elle avait également des formes là où les hommes aimaient les trouver. Elle s'exprimait bien et semblait être d'une intelligence tout à fait raisonnable, au moins. La perle parfaite aux yeux de nombre prétendants sans doute. Mais c'est bien là que résidait le problème ; comment une si belle fleur du Bief s'était-elle retrouvée attablée avec un obscure fils de vieille famille du Nord ?

Ades aurait bien voulut croire que ses efforts avaient enfin portés leur fruit, que Port-Glacé commençait à rapporter et que la famille Overton regagnait en prestige, mais il n'était pas assez idiot pour le croire. Si cela devait arriver, ce ne serait pas pour tout de suite. Alors pourquoi ? Qu'une jeune femme de cette trempe puisse ne pas être mariée à son âge, elle devait avoir au moins 17 ans peut-être 16, il pouvait éventuellement l'envisager, les accidents arrivent partout. Mais même dans ce cas, pourquoi tenter de la marier avec un Nordien ? Le Bief était-il en manque de prétendant ? Il n'avait jamais entendu parler d'une amitié particulière liant leurs deux maisons qui puissent justifier cela. Peut-être que leurs pères s'étaient rencontrés au cours d'un tournoi, mais cela restait suspect. Cependant, Ades s'interdit tout jugement, lui-même avait déjà 19 ans et même s'il n'était pas une aussi belle perle qu'elle, il n'était toujours pas marié, les gens finiraient par se poser des questions.



"Un chou à la crème vous dites ? Je vais prendre ça. Vasgard ?"

L'homme fit non de la tête, tandis que le jeune héritier tendait la main pour attirer l'attention d'une serveuse. C'est au moment où celle-ci vient se poster à côté de la table, avec un sourire aimable à chaque attablé, que Vasgard retrouva sa langue.

"Par contre, je prendrais bien une bière."
"Mademoiselle, un choux à la crème. Et un pichet d'eau, bien fraîche, merci."

La jeune femme regarda alternativement les deux hommes, avec un air d'incompréhension profond, mais comme le garde ne disait rien, elle finit par s'enfuir avec toute la politesse qu'elle était capable d'exprimer. Le massif maître d'arme poussa un grognement de mécontentement, mais qui était teinté d'un sourire plus qu'amusé.

"Je suppose que je l'ai mérité."
"Plutôt deux fois qu'une. Tu boirras ce soir."

Ades focalisa de nouveau son attention sur la jeune femme qu'il était venu voir à l'insu de son plein gré. Un rire clair s'extirpa soudainement de ses lèvres quand elle évoqua la possibilité de suite, et pendant un instant, son sourire fut réel. Un de ceux qui dévoilaient les fossettes qu'il avait hérité de sa mère, paraît-il.

"Fuire ? Mais voyons mademoiselle, nous seulement, il aurait été bien idiot de ma part de le faire mais en plus ... *il tendit sa canne au-dessus de la table* Je n'aurais pas couru bien loin."

Acquiesçant ensuite doucement, il préféra la laisser terminer avant de prendre de nouveau la parole, ce qui laissa l'occasion à la serveuse de rapporter un choux à la crème qu'elle déposa devant le jeune homme. Le pichet d'eau le rejoint juste après, avec deux verres. Ades se contenta pourtant de regarder la jeune femme dans les yeux, lui donnant ainsi l'occasion de voir que son oeil blanc semblait parfaitement voir et se comportait en tout cas comme un oeil normal. Elle put aussi remarquer que lorsqu'elle évoqua les livres, son regard étincela pendant un bref instant. Enfin, il se fendit d'un petit sourire et prit sa cuillère entre les mains, la faisant tourner entre ses doigts sans trop s'en rendre compte.

"Rassurez-vous, gente-dame, je n'ai pas plus d'expérience que vous dans ce domaine."

C'était la vérité vraie, le jeune homme avait certes reçu nombre de propositions de la part de son père mais il s'était toujours arrangé pour se trouver des excuses pour les décliner avant même d'avoir à les rencontrer seul à seule. N'importe quelle excuse suffisait et il n'avait la plupart du temps pas besoin de les voir pendant plus d'une heure pour trouver quelque chose à opposer au arguments de son paternel. Cependant, la partie s'avérerait sans doute autrement plus ardue cette fois-ci ; une magnifique fleur du Bief, qui en plus semblait apprécier la lecture et qui avait un âge équivalent au sien. Quelle excuse allait-il pouvoir donner à Lord William ? Pour l'heure, il préféra ne pas y penser et s'avancer sur le terrain qu'il connaissait bien, avec un petit rire amusé.

"Oh, je serais ravi de discuter livre avec vous. Mais je crains que la nuit ne soit payante ici et nous avons déjà une chambre dans une autre auberge. Et puis, je n'ai malheureusement pas emporté beaucoup d'ouvrages."

"A part "Contes et Légendes des Sept Couronnes" et cet énorme bouquin que vous avez trimballé vous-même pendant la moitié du voyage."

Si le regard qu'il jeta à Vasgard mimait le courroux, c'était extrêmement mal fait. Le maître d'arme suivait le jeune homme depuis trop longtemps pour qu'il se fâche pour une telle interruption, d'autant qu'il ne faisait que dire la vérité. Et l'héritier Overton ne sembla pas plus gêné que cela par la révélation du nom de ces ouvrages.

"A part ceux-là, oui. "Contes et Légendes" est plutôt destiné à un public jeune, j'en suis conscient, mais je l'emporte avec moi depuis toujours, une tradition si vous voulez. Et le gros bouquin comme tu dis s'intitule "Roi d'Au-delà du Mur", un ouvrage très intéressant."

Vasgard se contenta de lever les yeux au ciel, non sans adresser un large sourire dans sa barbe à la jeune fille.

Ruby attendit poliment qu'Ades ait fini de commander, avec une grimace amusée à Vasgard, qui vivait terriblement bien sa "punition". Non. Décidément, ce jeune seigneur-là était apprécié de ses hommes. Enfin. Au moins de l'un d'entre eux.

Lorsque sa supposition sur une potentielle fuite fit éclater de rire le jeune homme, Ruby laissa un sourire courir sur ses lèvres : cette expression faisait perdre à Ades quelques années de sérieux, et il en devenait... en quelque sorte moins... étranger.

"Fuir ? Mais voyons mademoiselle, nous seulement, il aurait été bien idiot de ma part de le faire mais en plus ... Je n'aurais pas couru bien loin."

- Attendu que mon honneur m'aurait empêchée de vous poursuivre de mes assiduités à travers toute la ville, vous ne risquiez plus grand chose une fois que vous auriez évité cette rencontre... *La jeune femme se permit un sourire en coin* Canne, ou pas canne.

Si le jeune seigneur pouvait prendre son infirmité avec légèreté, ce n'était pas à elle de rajouter dans le pathos, n'est ce pas ? De plus, elle avait déjà noté qu'il se déplaçait aisément, alors... Tout le monde n'a pas besoin d'être chevalier.
A cette pensée, un soupir nerveux lui échappa, et elle baissa le regard, avant de se reprendre. Relevant les yeux, elle put s'apercevoir qu'Ades la dévisageait avec insistance, et elle put comprendre qu'en fait, le jeune homme n'était pas borgne : il avait juste les yeux vairons, mais le blanc semblait très bien y voir, lui aussi. Sans trop savoir pourquoi, elle frissonna un peu : un peu de Nord dans ces prunelles très -trop- claires, peut être ? A sa déclaration fracassante sur son incompétence crasse dans le domaine du rendez-vous potentiellement pré-nuptial, le jeune homme eut un sourire amusé, et répondit :

"Rassurez-vous, gente-dame, je n'ai pas plus d'expérience que vous dans ce domaine."

Oh. Ça.... Même si cela rassurait Ruby -ses bourdes passeraient peut être inaperçues- c'était étonnant. Le domaine Overton n'était pas un domaine majeur, soit, et son héritier ne saurait correspondre à des demoiselles trop bien nées. Mais... Il se disait que cette région connaissait un essor commercial important, et il existait des floppées de seigneurs mineurs dotés de filles à marier qui seraient ravis de tenter de remporter la timbale en offrant l'une d'entre elles à un seigneur local intelligent. Comment alors avait-il pu échapper si longtemps à cette corvée ? La jeune fille plissa les yeux.

- Hmmmmm. Vos parents sont du genre circonspect avec vos prétendantes, et les rencontrent à votre place, peut-être ? ... Non. Ca ne colle pas avec... aujourd'hui, non. ... *elle touille pensivement son vin aux épices avant d'avoir un sourire entendu* Nooon. C'est vous ! *elle pointe triomphalement la cuiller vers Ades* Vous qui refusez les rencontres. ... Oh. ... *petite grimace* Désolée. J'espère que vous n'êtes pas trop, hm... fâché de mon impertinence ?

C'est que ce type de réflexions, en plus d'être moyennement bien élevée pouvait, chez cedrtaines familles, être physiquement reproché à la femme qui les avait faites. Celle de Ruby n'y était pas portée mais... Un regard à Nanny lui indiqua clairement que la situation pouvait difficilement être pire, et elle accepta de bon cœur la diversion littéraire fournie par Ades.

"Oh, je serais ravi de discuter livre avec vous. Mais je crains que la nuit ne soit payante ici et nous avons déjà une chambre dans une autre auberge.

- Nous ne sommes peut être pas obligés d'en parler toute une nuit. Si cela se trouve, nous avons des goûts diamétralement opposés. Par exemple, vous pourriez apprécier les romans galants...

"Et puis, je n'ai malheureusement pas emporté beaucoup d'ouvrages."

"A part "Contes et Légendes des Sept Couronnes" et cet énorme bouquin que vous avez trimballé vous-même pendant la moitié du voyage."

"A part ceux-là, oui. "Contes et Légendes" est plutôt destiné à un public jeune, j'en suis conscient, mais je l'emporte avec moi depuis toujours, une tradition si vous voulez. Et le gros bouquin comme tu dis s'intitule "Roi d'Au-delà du Mur", un ouvrage très intéressant."

...
Là... Ça allait au delà de la théorie du complot. "Contes et Légendes des Sept Couronnes" était leur livre préféré à Pearl et elle, depuis toujours. Il les avait fait rire, les avait effrayées, les avait faites pleurer, et ce depuis leur plus tendre enfance. Elle choisit prudemment de taire cette information au jeune homme : elle commençait à penser que ses parents envisageaient cette rencontre depuis longtemps... plus longtemps qu'ils ne l'auraient du, en fait. Il faudrait vraiment mettre cela à plat à son retour à Millepertuis : être prise pour une idiote l'insupportait au plus haut point.

- "Roi d'Au-delà du Mur" ? Je vous avoue que je ne connais pas cet ouvrage. Si vous aviez la bonté d'en brosser quelques lignes...

Nanny leva les yeux au ciel avec ostentation, mais Ruby l'ignora totalement. Si la vieille dame ne voulait pas entendre de fiche de lecture, eh bien... Elle n'avait qu'à aller faire un tour, voilà. ... De toute façons, sa vertu ne risquait rien à être assise dans un salon de thé en pleine ville, fut-ce avec un jeune homme, non ?

Le jeune homme eut un nouveau sourire en entendant la réponse à sa remarque sur la fuite, et il ne put empêcher son oeil bleu de briller d'un air amusé pendant quelques brèves secondes. L'héritier saisit le pichet d'eau pour se servir un verre, ainsi qu'un à son garde du corps. Il proposa évidemment la même chose aux deux femmes à qui il faisait face. Il but quelques gorgées, avant de répondre sur le même ton joyeux.

"Dois-je comprendre que je prends des risques en venant à ce rendez-vous ? Vasgard, n'es-tu pas sensé me protéger ?"

Le maître d'arme leva de nouveau les yeux au ciel, avec un gros rire amusé, sans cependant faire de commentaire, semblant presque sous-entendre qu'Ades est bien en danger. Celui-ci entame tout de même son choux à la crème avec un sourire tranquille, sans perdre une seule seconde le fil de la conversation, jusqu'à ce que la jeune femme ne pointe sa cuillère accusatrice vers lui. Ruby se retracte pourtant presque aussi rapidement, craignant sans aucun doute une impertinence ; le regard de la femme qui l'accompagne est éloquent. Ades a un nouveau rire, posant sa main sur son coeur et son blason.

"Je suis démasqué, demoiselle. Quelle perspicacité, je trouve en effet plus intéressant de ... constater sur le vif, plutôt que lors d'un rendez-vous arranger de longue date. Remarquez-donc que celui-ci n'entre pas dans cette catégorie ... du moins, pas pour nous."

Et merde. Perspicace, belle et cultivée. Et puis, elle vient du Bief, d'une maison certes mineures, mais les terres de Hautjardin sont riches, fertiles, y avoir des amis est un grand avantage, surtout pour des Nordiens. Jamais il ne pourra justifier un refus à son père. Sans faire montre de ses doutes, le jeune homme se prend à observer son interlocutrice avec un oeil nouveau. Au-delà de ses plans, est-ce qu'il pourrait vraiment s'imaginer avec cette femme ? Sans aucun doute non, trop belle, trop ... Sudières. Il n'est qu'un petit Nordien, boiteux qui plus est, seul son argent pourrait motiver un mariage, et il n'en a pas encore assez, du moins à son goût. Léger soupir, ça n'irait jamais, le Nord est une région trop rude pour une fleur pareille, il ne faudra pas oublier de la mettre en garde si elle se prend l'envie de ne pas refuser elle-même.

- "Roi d'Au-delà du Mur" ? Je vous avoue que je ne connais pas cet ouvrage. Si vous aviez la bonté d'en brosser quelques lignes...

Le jeune héritier bondit sur l'occasion, il lui faut penser à autre chose, le temps que son esprit trouve une solution à cet épineux problème.

"C'est un ouvrage écrit par le Mestre Lozar, qui travaillait apparemment à Winterfell. Il s'est piqué de l'idée de consigner tous ce que nous savons de ces individus qui ont un jour put se vanter d'être "Roi d'Au-delà du Mur", c'est à dire de règner sur le Peuple Libre. Ces chroniques consignent récits oraux, légendes écrites et faits avérés. Allant du mythique Joramun à Barbesang. Peut-être faudra-t-il remettre à jour le livre, en y ajoutant le nom de Mance Rayder."

Ades sourit doucement, véritablement passionné de ses livres qu'il a appris à dévorer très jeune. Une vieille manie chez les Lord était de confier leurs enfants aux mestres sitôt que ceux-ci n'arrivaient pas à apprécier leur maître d'arme. Dans le cas de l'héritier Overton, cela avait été beaucoup plus rapide. Il s'était depuis pris le goût des ouvrages de légendes et d'histoires. Depuis quelques temps, les Sauvageons le poursuivaient même dans les ténèbres de sa chambre, alors qu'il ne faisait que lire à la lueur d'une chandelle.

Aux plaisanteries de Ruby, le jeune homme répond sur le même ton. La jeune femme se penche alors, et murmure sur le ton de la confidence :

- Je ne pense pas qu'il puisse vous protéger contre les attaques d'une dame déterminée. Ce sont des créatures rouées, vous savez ? Avec une seule idée en tête. ... L’Anneau. *elle fait le geste d'enfiler une bague à sa main* ... Je note donc que, pour une fois, les deux parties se trouvent à égalité, grâces en soient rendues à nos ascendants respectifs. *elle étudie un instant Ades du regard, puis celui ci passe sur leurs deux accompagnants, rapidement. Enfin, elle se penche à nouveau vers l'héritier Overton* Puisque vous avez écarté la plupart de vos prétendantes... qu'attendez-vous de votre future épouse que celles-ci n'avaient point ? Histoire que nous éclusions le sujet de façon pragmatique et que nous vérifions si nous pouvons ou non nous accorder... avant de passer à des choses plus dans nos cordes, du type... la littérature par exemple ? *la jeune fille profite de ce que sa compagne semble sur le point de suffoquer pour continuer, plus vite* ... Je commence, si vous voulez : c'est moi qui propose cet... intolérable manquement aux bons usages, j'assume. J'attends de mon époux... *elle réfléchit, regardant en l'air* un honneur sans faille, de l'intelligence et de la force de caractère. Il m'importe peu qu'il soit blond ou brun, grand ou petit, gros ou maigre, je ne suis pas romantique à ce point. Je ne pense pas non plus que nous nous aimerons du plus profond de nos petits cœurs palpitants dès notre première rencontre. *rire froid* Mais au bout de quelques années, ce serait bien qu'il puisse y avoir... du respect. ... Chez mes parents, c'est ce qui c'est passé, savez vous ? Aujourd'hui, ils sont inséparables.

Comme pour l'interrompre, la vieille dame récupère le gobelet d'eau servi par Ades un peu plus tôt, y verse quelques gouttes tirées d'une fiole transparente, et tend le tout à la jeune fille, qui boit le tout sans marquer de temps d'arrêt, et sans quitter les deux Nordiens du regard.

- Comprenez-moi : il n'est nullement dans mes intentions de vous offenser. De vous choquer... peut être un peu je l'avoue. *petit sourire d'excuse* Mais j'aimerais comprendre en quoi nos parents ont jugé que cette union pouvait nous être profitable. Les miens, je vois. Pour ce qui est des vôtres... c'est plus flou.

Elle reprend quelques bouchées de gâteau, puis, lors du passage au sujet moins explosif du livre de chevet actuel d'Ades, repasse en mode bibliophile.

- Ça a ma foi l'air assez passionnant. Et vu où se trouve votre domaine, il est logique que vous vous intéressiez de près à ces histoires, à ce qu'elles pourraient receler de réalité... Vous avez déjà vu le Mur ? J'avoue ne pas... avoir idée de ce à quoi il pourrait bien ressembler. Dans les histoires, il semble si menaçant... Presque autant que ce contre quoi il nous protège, de fait.

Le jeune n'avait plus bougé en voyant que son interlocutrice se lançait dans une sorte de demi-monologue, se contentant de l'écouter en silence. Elle put toutefois constater qu'un sourire amusé s'épanouissait lentement sur ses lèvres, et qu'il semblait de plus en plus intéressé par ce qu'elle racontait, sans tenir compte de l'air outré de la grand-mère qui l'accompagnait. De son côté, Vasgard n'aurait put être plus amusé, et il aurait sans aucun doute éclaté de rire s'il s'était trouvé dans une quelconque auberge du domaine Overton. Ici cependant, il y avait un certain standing à observer, c'est pourquoi il préféra se montrer discret, sans compter l'immense sourire qui flanquait ses lèvres.

Ades était, il devait l'avoue lui-même, de plus en plus impressionné, elle correspondait parfaitement à ce qu'il recherchait, excepté l'influence et la fortune évidemment. Mais ça, il lui faudrait sans doute finir par faire une croix dessus, comme le lui avait expliqué son père quelques temps auparavant ; on ne pouvait attendre éternellement, passé un certain âge, cela poserait problème. Or, le jeune homme avait atteint cet âge, ou l'atteindrait bientôt, et il ne tenait pas à se retrouver contraint à épouser une des dernières descendantes de Lord Frey. Parce qu'une famille importante, c'était bien, sauf quand on épousait la 34ème de la famille. Alors cette fleur du Bief ? Elle avait tout ce qui était requis après tout.

Cependant, son regard capta un mouvement qui lui fit instantanément retarder son jugement ; qu'est-ce que pouvait bien contenir la fiole de la grand-mère ? Un simple calmant, et encore le fait d'en verser au milieu d'une conversation était assez étrange, ou quelque chose de plus grave ? Était-ce la raison pour laquelle la jeune femme n'avait toujours pas de bague au doigt ? Il lui faudrait enquêter là-dessus, encore que Ruby s'était elle-même proposé de lui offrir une bonne occasion de l'apprendre. Il sauta donc dessus.

« Vous avez raison, soyons pragmatique, et navré si je ne vous paraît pas assez choqué.. Je cherche une épouse qui serait raisonnablement intelligente, capable de gérer une maison et de prendre les décisions qui s'imposent en toute circonstance. Quelqu'un d'honorable, bien sûr, même si je ne lui demande pas d'être un parangon de vertu. J'apprécierais un caractère affirmé, mais qui sache quand il n'est nul besoin de le montrer. Une femme rompu à l'exercice de la politesse … mais qui soit capable de mettre ça de côté quand le besoin s'en fait sentir. …. Et évidemment, une femme en bonne santé, qui puisse me faire de beaux enfants. Je suis le seul héritier de mon père, si je n'ai pas d'hériter, le domaine Overton appartiendra à des cousins éloignés, ou des branches bâtardes. »

Il eut une grimace visible à cette idée ; la famille Overton s'était considérablement amaigrie au cours des années, il ne savait même plus si quelqu'un pourrait hériter si ce qu'il redoutait arrivait. Les yeux vairons se plantèrent durablement dans ceux de la jeune femme, plonger en pleine réflexion. Du respect ? Il ne doutait pas qu'il s'agissait là de la meilleure relation possible, ne disait-on pas que c'était ainsi que s'était construite la relation entre Lord Eddard Stark et sa femme, elle ne lui était même pas destinée à l'origine. Il aurait aimé lui dire que c'était ainsi que cela s'était déroulé entre ses parents, mais sa mère était morte alors qu'il était encore jeune, et son père n'était pas très bavard à ce sujet. Aussi préféra-t-il enchaîner sur autre chose.

« Mon caractère n'est plus à prouver vous dirait certains, et paraît-il que je suis très intelligent. Quant à mon honneur … C'est mon père qui m'a éduqué, et c'est l'un des hommes les plus honorables que je connaisse. Et j'ai longuement soupé de relation sur l'honneur, de la part de Robb Stark, même s'il ne faisait que transcrire ce que disait son père. »

Un soupçon de nostalgie s'était emparé du jeune homme à l'évocation de ce dernier, ses séjours à Winterfell faisait partie de ses meilleurs souvenirs d'enfance, en particulier à cause de Robb Stark et Jon Snow. Fils de leur père, ils leurs arrivaient souvent de répéter les leçons de ce dernier, et personne dans les Sept Royaumes ne pouvait se permettre de mettre en doute l'honneur d'un homme comme Eddard Stark.

« Honnêtement, je pense savoir pourquoi mon père a choisit de se tourner vers le Sud. Voyez-vous, je suis en grande partie responsable de la fortune Overton, depuis quelques années, et je cherche à faire prospérer son port. Votre domaine est proche de la mer, si mes souvenirs sont exacts, et même si nous ne partageons pas la même côte, ce pourrait être un avantage notable qu'il y ait amitié entre nos maisons. Sans compter que le Bief est une terre fertile, dit-on, ce serait parfait pour mes projets. *il a un sourire d'excuse* Peut-être a-t-il cru que je refusais le froid du Nord, j'ai depuis longtemps préféré le climat du Sud, qui sait pour les femmes ? »

Avec un petit sourire, le jeune homme mange une part de son gâteau, semblant peser un moment ses mots, avant de planter de nouveau ses yeux vairons dans ceux de la jeune femme.

« J'aurais cependant une question à vous poser, mademoiselle. Et je vous prie de m'en excuser d'avance. Comprenez bien : je refuse toutes les prétendantes que me propose mon père, pour des motifs allant de l'économie au caractère. Vous êtes une femme … plus que ravissante, venant d'une famille qui sans être la plus riche du Royaume, n'est pas loin d'être aisée. Vous semblez intelligente et avez un caractère qui plairait à nombre d'homme, du moins je le crois … Comment se fait-il que votre père vous mette en présence d'un Nordien ? Pourquoi n'avez-vous pas déjà la bague au doigt ? »

La laissant digérer sa question fracassante, le jeune homme grignota un peu plus en évitant au maximum le regard de la grand-mère et de son propre garde du corps. Il prit un verre d'eau pour faire passer le tout avant d'enchaîner sur une question moins grave.

« Le Mur est un monument on ne peut plus impressionnant, on se sent comme écrasé par sa taille. J'ai déjà eu l'honneur de le voir, il y a quelques temps, mon dernier voyage avant de venir à Port-Réal me faisait venir à Chateaunoir. »

Pour découvrir que mon cousin était mort, puis pour me rendre Au-delà du Mur et y capturer une sauvageonne. Mais il tut cette partie de l'histoire.

Booon.
Ades Overton semble posséder un certain sens de l'humour, et ne pas avoir tendance à détester les femmes sortant un peu de leur rang. En tous cas... C'est ce que pourrait sous entendre son sourire, ce qui ne manque pas de rassurer Ruby... et Nanny. Cette dernière, qui semblait craindre un suicide social définitif semble reprendre vie comme une fleur sous l'ondée. Ruby pose une main apaisante sur le genou de la vieille dame, à l'abri des regards. "Du calme. Je maîtrise la situation."

Oui. Enfin... A peu près au moins.
Elle essaie de suivre les desiderata en matière de fiancée de lord Overton, et ma foi... il n'y a rien d'extravagant là-dedans.

- Alors... Premier point. Je suis capable de tenir une maison : Pearl et moi suppléons notre Mère chaque fois qu'il est nécessaire depuis bien longtemps. Cependant, s'adapter aux besoins particuliers d'une maisonnée peut prendre du temps, principalement celui de la personne qui assure l'intendance en général. *léger sourire* Je suppose que certaines choses sont immuables, mais que d'autres varient en fonction des latitudes. Par ailleurs, soyez assuré que je suis susceptible de prendre des décisions... relativement importantes sous la pression *elle perd son sourire une fraction de seconde, et celui qui revient est un peu biaisé. Nanny la regarde avec inquiétude* Pour l'honneur... je ne pense pas en manquer, eu égard à nos mœurs. Je n'ai pas connaissance qu'elles divergent tellement des vôtres, donc... Je devrais convenir de ce point de vue-ci. *le sourire redevient naturel* Pour savoir quand être polie et mesurée et quand être faire montre d'une fermeté non attendue chez une femme... Allons. Soyons sérieux : je viens du Bief, c'est une seconde nature. *son ton est celui de l'évidence* Pour ce qui est des héritiers... Je n'en ai évidemment pas. Ma sœur par contre, a déjà assuré un héritier à son mari, et est de nouveau enceinte. Sans que nous soyons particulièrement... prolifiques, nos enfants sont généralement en bonne santé, et solides. ... Pour mon intelligence, je vous laisse juge.

Elle préfère passer sous silence, au moins pour l'instant, ses phases de mélancolie. Elle en parlerait sans doute au seigneur Overton... si les choses se précisaient mais... pas au milieu d'une auberge, en présence de plusieurs témoins. Passer pour la vieille fille folle des Graves ne la tente pas, mais alors pas du tout, et chacun sait que les murs ont des oreilles.
Mais déjà voilà que Lord Overton est parti sur ce qu'elle désirait, elle, comme type d'époux. Elle sent un sourire léger ourler ses lèvres. Il semblerait correspondre... en tous points. Elle l'interrompt en murmurant :

- J'ai pu juger déjà de la vivacité de votre esprit. Mais quand même... êtes vous certain d'être réel ? *elle se penche, son sourire amusé faisant pétiller ses yeux* Parce que tout de même... hors votre localisation géographique... vous correspondez point par point à ce que je recherche... et je ne suis pas loin du sans faute non plus de mon côté. ... Vous imaginez le temps qu'il a du falloir à nos familles et autres comploteurs pour organiser ça ?

Son ton sous-entend clairement qu'elle suppose leurs compagnons de table d'être partie prenante dans cette situation, et si l'attitude embarrassée et grognon de Nanny lui apprend que c'est bien le cas, le visage du garde du corps du jeune Lord lui reste impénétrable. Elle reprend ensuite sa pose de jeune fille de bonne famille, hochant brièvement la tête au nom des Stark. Voilà qui est intéressant : le père de Ruby a toujours vanté l'intégrité du patriarche actuel de cette maison... alors qu'il peut être bien plus acide au sujet d'autres grands du royaume. Vraiment.. intéressant. Quant à l'explication de l'intérêt de la famille Overton pour sa personne, elle est effectivement toute simple, et si Ruby avait connu quelles étaient exactement leurs aspirations économiques, cela lui serait sans doute apparu naturellement.

Quand elle voit Ades hésiter, alors que leur entretien avait jusque là été tout à fait fluide, elle sait ce qui va suivre, et s'y prépare en carrant les épaules et en retenant sa respiration. Au fur et à mesure de sa formulation toutefois, son visage se décrispe, elle rosit un peu, et elle finit même par esquisser un sourire, un peu triste certes, mais un sourire.

- Alors... Il n'y a pas de mystère, pas de... problème caché, rien de tel. J'ai longtemps été fiancée à un jeune seigneur de ma région. Frederick Grimm. ... Et... *regard troublé à Nanny, qui fait lui fait un léger signe négatif, regard vers Ades, puis vers Vasgard, nouveau regard vers Ades, calme celui-ci* Lors de la traque d'un animal sauvage qui terrorisait la contrée et qu'il combattait... Il est tombé dans un gouffre avec la créature. .... Sous mes yeux. C'était il y a un peu plus de six mois. ... Frederick n'ayant pas de frère à marier, les promesses entre nos familles ont été rompues, et ce, bien après que je puisse prétendre à quelque chose de... délirant, compte tenu de mon âge. De plus, je pense que mes parents ont tenu à chercher loin, pour m'éviter des souvenirs... épuisants.

Lui signaler que la recherche du fiancé idéal avait du commencer bien avant le décès de celui qui l'était légalement encore ? ... Non. Résolvons d'abord le problème en interne.

- Le contenu du flacon que vous avez aimablement passé sous silence est un calmant que je prends quand tout cela me pèse, mais comme vous pouvez le constater, il ne me rend pas... non opérationnelle.

En effet, tout ce qu'on peut voir, c'est que ses pupilles se sont tellement dilatées que ses yeux en sont presque noirs. Elle pose ses coudes sur la table, son menton sur ses poings joints.

- Alors, au final... Cette fuite ?

Apparemment, la jeune femme correspondait parfaitement à ce qu'il recherchait ou du moins, c'est ce qu'elle prétendait. Ades était parfaitement disposé à la croire, d'autant qu'elle ne manquait pas d'humour. L'héritier Overton tiqua tout de même lorsqu'elle évoqua sa capacité à prendre des décisions en cas d'urgence ; son sourire avait disparut pendant quelques temps, et il n'avait pas put le manquer. Il y avait quelque chose derrière ça, sans doute une décision difficile qu'elle avait dû prendre, à un moment ou un autre. Comme elle ne désirait pas en parler pour le moment, le jeune homme jugea plus sage de ne pas relever, tout comme il l'avait fait avec cette fiole transparente. Son regard effleura tout de même plusieurs fois la vieille dame qui était avec sa … potentielle future fiancée. Ses réactions à elle étaient tout aussi intéressantes, même si elle passait beaucoup de temps à s'inquiéter, pour peu de choses.

Lorsque la jeune femme l'interrompt dans un murmure, il se penche un peu pour l'écouter attentivement, alors qu'elle fait de même. Il part sur un petit rire en entendant sa question, et ne peut s'empêcher de se tourner à demi vers Vasgard à cette occasion. Oui, il serait probablement capable d'être dans le coup, mais il était tout aussi possible que son père ne lui en ait rien dit. Il ne l'interrogera donc pas, pas tout de suite. Au lieu de cela, il murmura.

« Il me semble bien que je suis réel, oui. Vous l'êtes ? On dirait mais ... »

Le jeune homme se replaça tranquillement, son regard toujours posé sur Ruby. Lorsqu'il la vit retenir sa respiration, il comprit qu'il avait posé la bonne question, même si ça risquait d'être difficile pour elle. Heureusement, il avait bien formulé sa question et il la vit rosir légèrement avant de répondre. Eh bien, il ne s'était pas trompé, il y avait bien quelque qui se tramait derrière tout ça, mais rien d'aussi grave qu'il n'aurait put l'imaginer. Ainsi, elle avait déjà été fiancée … et il était mort. Six mois seulement auparavant ? Voilà qui expliquait tout ; c'était un peu trop récent pour qu'elle se retrouve déjà mariée, peut-être même était-ce le premier rendez-vous depuis ce moment. Les lèvres de l'héritier Overton se tordirent en une expression désolée.

« Je sus désolé de vous avoir évoquer cela, mademoiselle. »

Sans rien ajouter, il la laissa terminer, haussant vaguement un sourcil à son explication sur le flacon. Non pas qu'il ne le la croyait pas, bien au contraire, ça semblait parfaitement logique. Il était un peu étonné qu'elle se sente obligé de se justifier aussi vite. Et en effet, le calmant n'avait pas l'air de l'endormir plus que cela, c'était une chance. Ades gardait en mémoire les effets des médicament susr son père, qui avait toujours un peu plus de mal à réfléchir après avoir pris certains produits donnés par son mestre.

Ades tâcha toutefois d'afficher un sourire en concluant.

« Eh bien, il me semble que cette fuite était une bien mauvaise idée. Néanmoins, comme vous l'avez dit ; ma localisation géographique n'est pas … particulièrement favorable. Nous ne sommes pas... au nord du Nord, mais le climat est frais. Ce n'est pas la même ambiance non plus. »

« Ni les mêmes dieux, ajouta Vasgard. »

« En effet, mais je te rappelle que nous sommes aussi ici pour nous fournir en Septons. »

Ruby écouta gravement le jeune homme, et apprécia aussi qu'il se montre attentif et respectueux à ses tristes propos. Elle réfléchit quelques instants, puis lança :

- En fait, ce que vous venez de dire est intéressant : les choses qui pourraient faire qu'une union entre nos deux maisons ne soit pas envisageable sont la température peu clémente, et les histoires un rien effrayantes pour une demoiselle du Bief, que l'on conte sur votre contrée. Si j'avais pu voyager plus souvent, et connaitre la région, peut être serais-je à même de dire si je supporte l'une et les autres. Là, je suis au regret de vous annoncer que j'ai fort peu quitté ma région : Port Real est l'endroit le plus éloigné de chez moi où je me suis rendue.

Elle imaginait bien que son interlocuteur n'allait pas l'inviter à visiter sa demeure familiale, là, tout de suite, sur un coup de tête. D'abord, parce qu'il n'avait pas l'air d'être du genre à se décider sur un coup de tête, et ensuite tout simplement parce que.... eh bien... cela ne se faisait pas, non ? .... Elle ne savait pas trop, en fait. Les mœurs du Nord n'avaient jamais constitué son sujet de renseignements favoris... si on faisait exception des légendes, bien sûr.
... Plus elle y songeait cependant, plus s'éloigner de Millepertuis lui semblait une bonne idée. Elle n'avait pas très envie que son histoire avec Frederick resurgisse à tous les coins du domaine, dès qu'elle voudrait aller faire un pas. Et pas seulement la fin du jeune homme, non : elle tenait à éviter de repenser à l'intégralité de l'histoire qu'ils avaient eue, si...
Sans se laisser entrainer plus loin dans des divagations qui, elle le savait bien, risquaient de lui faire plonger la tête sous l'eau, la jeune femme relança la conversation :

- Donc, nous parlions de votre froide région. Et de vos dieux. *le regard luisant et maintenant totalement noir de la jeune femme passe rapidement d'un homme à l'autre* Vous mêmes... Tous deux. Vous croyez aux Sept, aux Anciens Dieux... Ou un peu aux deux ? ... Personnellement, et bien qu'il soit d'usage d'accorder autant de prières à tous les Sept, je porte un intérêt tout personnel à la Matriarche. J'aime bien avoir un... interlocuteur privilégié, si vous voulez. ... A titre informatif : votre future épouse, pour peu qu'elle croie en les Sept, lui demanderez vous d'abjurer sa foi pour embrasser la vôtre ?

Nanny fronça a nouveau le nez, et Ruby secoua la tête d'un air exaspéré : allons. L'entretien s'était... plutôt largement mieux passé que ce à quoi elle s'attendait. Le jeune Lord Overton est certes petit et boiteux, mais il n'est pas laid, et semble doté d'un cerveau en parfait état de marche et d'un certain sens de l'humour, ce qui est presque aussi important. Il est d'un âge plus que parfait, son pedigree est excellent, en un mot : tout le stratagème mis en place par ses fourbes de parents est en place et indiscutablement... parfait... et c'est maintenant qu'elle s'inquiète, cette vieille pie ?
Si elle ne voulait pas que Ruby mène cet entretien tambour battant, il lui aurait suffi de lui expliquer par avance ce qu'il convenait de faire. Là, clairement, le message est "il convient d’accélérer le tempo", eh bien Ruby l'accélère, voilà. Et si cela ne convient pas à Ades Overton... Là, elle plonge à nouveau ses prunelles sans fond dans le regard vairon. .... Eh bien ce sera sans doute dommage, mais c'est tout. Elle ne se sent pas le courage de vivre plusieurs entretiens comme celui ci pour s'entendre dire non au final : si le jeune homme résiste à celui ci, il résistera à tout.

Elle perd toutefois un peu de sa superbe une fois ses envolées lyriques intérieures calmées, et murmure, presque anxieusement :

- Et du coup, maintenant... Que fait-on ?

Sa question semble recouvrer un certain nombre de choses allant de "va t-on manger ensemble ?" à "Part-on chacun de son côté ?" en passant par "Va t-on se revoir ?" ou même "Faut-il acheter la robe ?"

Un petit sourire amusé apparaît progressivement sur les lèvres du jeune homme à mesure que Ruby évoque les inconvénients qu'elle pense trouver au Nord. Ayant longtemps voyager à travers les Sept Couronnes, Ades est assez bien placé pour savoir qu'en effet, il y a pas mal d'histoires qui circulent sur son pays, et pour un ressortissant du Nord, elles sont toujours très amusantes à entendre. Cependant, dans ce cas précis, il serait préférable que la jeune femme soit consciente que ce ne sont que des histoires. Enfin, elle a l'air d'or et déjà prête à accepter que n'est rien d'autre que des contes, il n'aura pas véritablement besoin de la convaincre. La fin de sa phrase le fait un peu tiquer ; il n'avait jamais encore rencontré quelqu'un qui avait si peu voyage, mais à sa décharge, il avait rarement discuter aussi longtemps avec un noble qui n'était pas déjà un seigneur sur ses terres, et ces derniers voyageaient beaucoup pour la plupart. Lui-même voyageait depuis qu'il était tout jeune, et avait visité presque tous les Sept Royaumes, ne manquait que Dorne et les Îles de Fer, ce qui ne saurait tarder, songeait-il toujours.

« Les températures sont peu clémentes oui, mais nous sommes tout de même en été, vous avez toutes les chances de garder vos doigts. Quant aux histoires, je me ferais fort de vous prouver qu'elles sont inexacts … pour la plupart. * grand sourire, il semble réfléchir pendant un bref instant * Il faut que vous visitiez le Nord, en fait, avant de vous décider. »

Ses réflexions sont toutefois interrompues quand il sentit le regard de la jeune femme sur lui ; les calmants ne la rendaient pas in-opérationnelle mais ils modifiaient considérablement son regard, cela avait presque quelque chose de gênant pour le jeune homme ; ces grandes prunelles noires. Il ne fit cependant aucun commentaire, se contentant d'enchaîner sur les deux questions, avec un petit sourire.

« Je vénère les Anciens Dieux, mais jamais je ne demanderais à mon épouse d'abjurer sa foi. Dans ce Royaume, chacun est libre d'adorer ce qu'il veut. Vasgard est un cas un peu particulier. »

A vrai dire, Ades ne s'était jamais imaginé vénérer un quelconque autre Dieu, il avait toujours été élevé dans le respect des anciennes croyances et avait beaucoup de mal à imaginer comment fonctionnait les autres religions. Il trouvait ces grands temples bien inutiles, et ces statues beaucoup trop chères à faire construire, mais ça ne l'empêchait pas de respecter cette foi et même de construire des Septuaires à Port-Glacé et Fort-de-Glace, les marins et visiteurs apprécieraient d'avoir leurs Dieux présents sur place.

Vasgard fixa un instant le jeune homme, avant de se tourner vers Ruby, parlant d'une voix grave mais qu'il tâchait de ne pas rendre trop agressive.

« C'est exact. Je vénère les Anciens Dieux sur terre, mais lorsque l'on prend la mer, mes prières ne s'adressent qu'au Dieu Noyé. »

L'héritier Overton acquiesce tranquillement, semblant toujours plongé dans ses réflexions concernant ces dieux Sudiens, il finit par demander, curieux.

« J'ignorais qu'on pouvait « choisir » un interlocuteur. A vrai dire, on m'avait même dit que certains Septons considéraient ces Sept dieux comme les sept faces d'une même entité. Mais tout cela est bien … lointain, pour moi. »

Il a un sourire d'excuse, sa mine se faisant encore plus désolé en voyant les traits de la jeune femme se faire plus anxieux, à tel point que la question qui suit ne le surprend même pas, ce qui ne l'empêche pas de rester quelques secondes sans rien dire. C'est vrai que c'est une question difficile ; il ne peut pas refuser tout de go, à vrai dire il serait plutôt pour dire oui, mais même ça lui serait interdit, pas ici, pas de cette façon, ce serait trop rapide. Pour la convaincre elle, il faudrait lui faire visiter Fort-de-Glace, le château est sombre mais une fois qu'on le connaît, c'est un endroit magnifique, le jeune homme n'en doutait pas. Sauf que ce ne serait pas possible avant un long moment, surtout avec lui. Ades avait beaucoup de chose à faire ces derniers temps, rien qu'à Port-Réal, il devait aller à la cour, si le Régicide n'avait pas menti. Ensuite … il risquait fortement de se diriger vers les Terres de l'Ouest. Autant dire un long voyage.

C'est à cette pensée que l’œil blanc du jeune homme se prit à briller un bref instant, tandis qu'il le fixait sur Ruby. Il prononça d'une voix douce.

« Très bonne question. Vous dites que vous avez peu voyagé, mademoiselle Graves. Cela vous plairait-il de le faire ? »

Ruby suit sur le visage du jeune homme les réflexions que celui-ci se fait : l'amusement à la voir si peu informée, puis sa résultante assez logique : qu'il vaut mieux avant toute chose qu'elle connaisse un peu la région avant de prendre quoi que ce fut comme décision. Ruby esquisse un sourire soulagé. Peut être que s'éloigner de Millepertuis ne sera pas si difficile que cela, après tout : en expliquant à ses parents que son hypothétique et unique prétendant imposé lui conseillait de voyager, elle pourrait différer quasi indéfiniment -enfin... jusqu'à ce que trouver une époux ne devienne vraiment urgent- son retour au château de son enfance.

Elle retourne à la conversation, et, là encore, sent un sourire ourler ses lèvres : elle aurait sans doute résisté de toutes ses forces si on avait cherché à la contraindre, s'arc-boutant sur de principes immémoriaux tels que "ma maman veut pas", mais là du coup... Étudier une autre religion pourrait être, sinon passionnant, du moins très intéressant. Elle bat des cils, surprise, quand le grand Nordien prend la parole... et surtout quand elle comprend ce que cela implique.
Du reste, Nanny semble comprendre en même temps qu'elle, puisqu'elle s'intercale immédiatement entre elle et Vasgard, foudroyant le grand homme de son regard glacier.
La situation est tellement surréaliste qu'il faut quelques secondes à Ruby pour éclater de rire, faisant quelque peu sursauter les protagonistes de cette scène hilarante.

- Nanny. Il fait au bas mot quarante centimètres et soixante kilos de plus que toi. Nous sommes assis à la même table depuis un moment maintenant. ... Penses-tu vraiment que je risque quoi que ce fut dans l'immédiat ? *elle se penche vers la vieille dame, et murmure de façon à ce que les deux hommes n'entendant qu'à peine* Pense avec ta tête, ma chérie.

A voir son expression ravie, et l'air outré que la vieille dame arbore instantanément, nul doute que cette expression a du être répétée à de nombreuses reprises, et que cette occasion de se venger est bienvenue. Cependant, cela fonctionne : Nanny reprend sa place initiale, le dos raide d'indignation et le regard fixé quelque part loin du côté de la porte. Ruby s'essuie tranquillement les lèvres pour camoufler une nouvelle quinte de rire, puis reprend calmement, sans appuyer l'incident d'aucune remarque supplémentaire... mais avec toutefois un sourire vissé sur le visage :

- Je ne sais pas si il est d'usage de préférer l'un des sept. Néanmoins, j'ai toujours trouvé qu'il m'était plus simple de m'adresser à elle. Même si je fais prières et offrandes aux autres la Matriarche m'est plus... proche, en quelque sorte. *elle hausse gracieusement les épaules* Si cela se trouve, je trouverai l'extase religieuse plus tard dans ma vie, sait-on jamais.

Pendant les quelques instants de silence qui suivent, Ruby pense à sa sœur, et de son obsession pour le fait qu'elle DEVAIT partir, pour oublier, pour apprendre, pour s'ouvrir au monde malgré ce qui était arrivé. Que peut être sa mélancolie disparaitrait si elle vivait enfin. ... Pearl est un peu folle. Et depuis qu'elle est mère, c'est encore pire : elle pense pouvoir tout régler pour tout le monde, comme elle règle les menus soucis de son fils. Ruby avait pensé la calmer en l'informant qu'elle se rendait à Port-Real, ce à quoi sa sœur avait répondu d'un ton dégoûté que ce n'était pas ce qu'on pouvait appeler un vrai voyage. Et que c'était pour affaires, pas pour le plaisir de la découverte, et que... ... Au moins, on pouvait être sûr que Pearl n'avait pas trempé dans cette affaire de mariage : il y avait même fort à parier que ses parents allaient recevoir une visite furieuse dès qu'elle serait au courant. ... Oh, comme ce sera réjouissant...
La réflexion d'Ades la tira de ses réflexions machiavéliques, lui arrachant un très spontané :

- Oh oui !

... qui la fit rougir et ramena Nanny sur terre avec une expression de consternation sur le visage.

- ... Je voulais dire que c'est quelque chose qui m'attirait, plus jeune. Mais qu'il a été jugé plus utile de me concentrer sur des choses que j'allais être amenée à faire, en des lieux que j'allais... diriger.

Elle baissa les yeux avec une soudaine lassitude.

Pendant un très bref instant, le jeune homme ne comprend pas la réaction de la vieille femme à l'énoncé d'un simple nom de dieu. Puis la lumière se fait dans son esprit, évidemment, le dieu Noyé est le dieu des Fers-nés, or ces derniers ont passés une bonne parties de leur existence à razzier les côtes qu'ils avaient sous la main, ce qui implique les Terres de l'Ouest mais aussi les seigneurs du Bief qui avaient le malheur de se trouver trop près de la mer. Or, c'est précisément le cas de la maison Graves, qui est juste en face des Îles Boucliers, peuplés spécialement pour protéger les côtes de ces incursions. Même si cela fait près de 300 ans que ce genre de raid n'a pas eu lieu, depuis l'avènement des Targaryen sans doute, les habitants ont tendance à ne pas oublier aussi facilement et tout ce qui est associé aux Fers-nés, surtout à ceux qui respectent la voie du Dieu Noyé justement, doit paraître dangereux aux habitants du Bief. D'une certaine façon, cette Nanny n'a pas tort, Vasgard est un Fer-né après tout. Et à vrai dire, le jeune Overton ne sait trop quoi lui dire pour la convaincre qu'il n'y a rien à crainte. C'est le maître d'arme lui-même qui le fait, non sans avoir éclaté d'un grand rire gras et puissant, tapant du plat de sa main sur la table.

« Z'en faites donc pas. J'suis Fer-né, mais j'sers Messire Overton, pas les Greyjoy, et j'suis même pas capitaine. »

« Tout à fait, Vasgard est un ami fidèle de ma famille depuis plus de vingt ans, et personne ne lui a jamais reproché sa foi en ce Dieu Noyé, vous voyez donc que croire en les Sept ne pose pas de problèmes. »

Une fois les choses calmées, le jeune homme écoute distraitement les précisions religieuses, ce n'est pas ce qui l'intéresse le plus à vrai dire. Il note toutefois l'aisance avec laquelle la jeune fille en parle, tout comme la façon dont elle a calmé son accompagnatrice, même s'il n'a pas tout entendu. C'est une jeune femme plus que convaincante. Et qui apparemment, souhaites autant que lui voyager, ce qui est une très bonne nouvelle. Ades sourit en la voyant rougir, attendant qu'elle ait finit de se rattraper pour répondre.

« C'est sans aucun doute vrai, il est important de savoir diriger. Mais je suis d'avis de dire qu'il est bon de voir comment les choses se passent ailleurs, cela permet d'avoir une meilleure … vue d'ensemble, vous comprenez j'en suis sûr. »

Nouveau sourire, le jeune homme termine son choux à la crème et s’essuie doucement les lèvres, en profitant pour gagner un peu plus de temps sur sa prochaine déclaration. Est-ce véritablement une bonne idée, à ces yeux, c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Cela contentera leur famille à eux deux, si elle accepte, puisque ça démontrera qu'ils font des efforts, mais ça ne les avancera pas trop loin sur la voie du mariage. De plus, cela leur permettra, du moins il l'espère, de se connaître un peu mieux au fil du temps. Après tout, elle pourrait très bien mentir, et elle pourrait tout aussi bien supposer qu'il ne dit pas toute la vérité, cela n'aurait rien d'anormal aux yeux du jeune homme. Aussi, il n'hésite que quelques instants avant de proposer d'une voix douce.

« J'ai moi-même quelques voyages prévus, je dois rester quelques temps à Port-Réal, puis me rendre dans les Terres de l'Ouest. Par la suite, je rentrerais sans doute à Fort-de-Glace. Peut-être cela vous plairait-il de nous suivre, si vous n'avez rien de prévu bien sûr. Vous pourrez ainsi constater si les légendes sont vraies et nous pourrions … apprendre à nous connaître mieux, entre-temps. »

Ades s'abstient de préciser que la longueur de son séjour à Port-Réal dépendra de la bonne volonté d'un Régicide, de même que celui à l'Ouest. Mais dans tous les cas, avec ou sans le soutien de Jaime Lannister, il devra discuter avec les Lannister de Port-Lannis, c'est un grand port après tout. Cela prendra sans aucun doute quelques temps, rien de plus parfait pour lui, et peut-être aussi pour elle.

Ruby salue la tentative d'explication de Vasgard en gratifiant le bonhomme d'un sourire aimable : après tout, il n'est pas sensé s'excuser d'exactions qu'il n'a pas lui-même commises, même pour calmer les frayeurs de sa vieille amie.
Considérant l'affaire close, elle se concentre plutôt sur l'incroyable proposition que lui fait le jeune homme, celle qui pouvait le mieux tomber, en fait : partager ses voyages.
Elle pourra prétexter l'envie de faire connaissance avec un mari potentiel et son environnement naturel pour voyager, loin, mettre de côté un moment ce qui s'est passé, et imaginer quelque chose de.. de différent. Ce serait parfait.

- Ruby ? Tu n'y... songes quand même pas ?

La jeune fille tourne les yeux vers ceux, un peu effrayés, de sa nourrice.

- Et pourquoi donc ? Nous voyagerions un peu, en groupe plus fourni et donc moins aisément attaquable... Et Lord Overton et moi même ferions connaissance, ce qui pourra nous éviter de fâcheux désagréments hélas fréquents. De plus, ses affaires le retenant à Port Réal quelques temps, nous aurons nous aussi la possibilité de remplir notre mission, et de ne voyager qu'ensuite. Tout s'arrange on ne peut mieux, ne trouves-tu pas ?
- On ne peut... mieux. ... Nous n'avons pas d'affaires convenant à l'Ouest. ... Et sûrement pas au Nord !
- Nous nous en ferons porter sur le chemin. ... Ou nous en achèterons : je suis intimement convaincue de n'avoir rien qui corresponde à la température du Nord. Et il leur faudra du temps pour trouver un rouge qui me convienne.
- Penses-tu vraiment que tes parents...
- Oui. Sincèrement, je pense que oui.

Elle se retourne vers Adès, et lui adresse un sourire rayonnant : à n'en pas douter, il lui a ôté une épine du pied.

- Vous comprendrez par contre que je suis tenue de prévenir ma famille d'un changement de cap aussi drastique. Voire même d'obtenir une permission. ... Combien de temps comptiez-vous rester à Port Real, afin que nous ne vous retardions pas ? Sinon , nous vous rattraperons éventuellement lors du trajet. ... Si vous le voulez bien par contre, j'aurais besoin de vos conseils *là, son regard englobe tant Ades que Vasgard* pour créer une équipe opérationnelle pour affronter tous les climats. ... D'autant que par exemple, même si je suis bonne cavalière, je n'ai pas la moindre idée de ce que je suis capable de parcourir en une journée sans demander grâce. Et je n'ai jamais dormi en extérieur. Sauf sous une tente l'été de mes neuf ans. Ma mère est plutôt sédentaire, et ma soeur... *elle lève les yeux au ciel* ... voyage en voiture à cheval. Ensuite, il ne vous restera plus qu'à me donner des titres à lire afin de me documenter sur les endroits où nous nous rendrons, et tout sera parfait. Enfin. Si après l'énoncé de tous ces... inconvénients inhérents à ma présence, votre proposition tient toujours.

Le ton assuré de la jeune femme, et le fait que Nanny ne moufte cette fois-ci pas du tout, indique clairement que le coût en hommes, chevaux et argent d'une telle chevauchée n'est pas un souci pour la famille de la jeune femme. Enfin, au moins à sa connaissance.

Les yeux vairons suivent lentement la conversation entre les deux femmes, passant de l'une à l'autre à mesure qu'elles parlent, tentant d'intégrer tout ce qui peut servir par la suite. Apparemment, la jeune Graves avait, comme ses parents le soupçonnaient, très envie de s'éloigner un peu de chez elle pour quelques temps. Ades ne pouvait pas ne pas en comprendre les raisons, il la laissa donc imposer son idée à la vieille femme qui l'accompagnait, probablement une nourrice maintenant qu'il y réfléchissait plus longuement. Une Septa se serait rapidement fait remarquer, à parler de la Foi, notamment quand le sujet avait été abordé. Le grand sourire qu'elle lui adresse une fois ce débat terminé ne fait que confirmer les soupçons du jeune homme qui lui en offre un tout aussi joyeux, attendant de voir ce qu'elle s'apprête très probablement à dire.

Les questions qu'elle se pose sont tout à fait légitimes, et témoignent qu'elle réfléchit un minimum avant de se jeter sur les routes avec un homme qu'elle vient à peine de rencontrer. C'est bien, c'est très bien. Le jeune homme jette un regard à Vasgard, ce dernier attend manifestement avec impatience la fin de la tirade, pour annoncer d'une grande voix particulièrement amusée.

« J'suis sûr que vous demanderez pas grâce avant Messire ci-présent, Demoiselle. Et j'peux vous garantir qu'on s'arrange toujours pour crécher sous un bon toit, et qu'on est rarement obligé de sortir les tentes. »

Ades Overton a un sourire un peu tordu, n'étant pas particulièrement heureux que ce fait s'ébruite trop loin, il ne peut cependant pas le reprocher à son garde du corps, d'autant que la jeune femme a tout à fait le droit de le savoir si elle compte voyager avec eux.

« Il a raison, je supporte assez mal les longs voyages, la faute à ma jambe. Nous nous arrêtons donc assez souvent et dans l'ensemble, nous arrivons toujours à avoir des auberges sur le chemin. Notre effectif est assez réduit pour que le coût ne soit pas trop élevé. »

D'autant qu'il prenait sur lui pour réserver des chambres mais toujours les plus modestes ; un simple lit suffisait à calmer les douleurs de sa jambe, il n'avait pas besoin d'une immense literie, après tout ce n'était que pour une nuit.

« Pour une équipe, je ne pense pas qu'il y ait besoin de les sélectionner drastiquement. Je vous conseillerais bien de ne pas prendre de frileux, mais selon les critères du Nord, tous ceux qui vivent au sud du Neck sont des frileux. »

Il a un petit rire clair et amusé, tâchant tout de même de répondre sérieusement aux questions de la jeune femme.

« Pour les chevaux, je vous déconseille les palefroi, c'est très beau mais le climat ne leur plaît pas, la plupart du temps. N'importe quel autre animal fera l'affaire. Si vous avez besoin de fourrure, nous pouvons vous en fournir quelques unes … mais je pense qu'en effet, il sera nécessaire de vous trouver de nouveaux habits, bien chauds. »

Enfin, il réfléchit à la première question qu'elle a posé, mais qu'il a esquivé jusque là, combien de temps comptait-il rester à Port-Réal. C'était une excellente question, lui même n'en avait aucune idée, cela dépendrait entièrement des opportunités qui s'offriraient à lui dans cette ville. Et du bon vouloir du Régicide également, si ce dernier était là ce qui n'était pas assuré. Il décida finalement de jouer franc-jeu, sans pour autant lui donner tout les détails.

« Je l'ignore, Mademoiselle. Nous pourrions rester un mois comme une semaine, sachez bien que je vous ferais prévenir si nous devons partir. Et que nous vous attendrons si vous n'êtes pas encore prête. »

Nouvelle hésitation, amusée celle-là, tandis qu'il réfléchit aux endroits qu'il va visiter, il doit y avoir nombre de recueil les concernant, mais aucun qui ne lui vienne à l'esprit immédiatement.

« Je n'ai pas d'ouvrages à l'esprit pour l'instant, mais je vous ferais parvenir leur noms dès que je les aurais retrouvés. Nous comptons aller, au moins, à Port-Lannis, pour l'instant. »

A peine a t-elle terminé son monologue que Vasgard lui répond, sans cacher un certain amusement :

« J'suis sûr que vous demanderez pas grâce avant Messire ci-présent, Demoiselle. Et j'peux vous garantir qu'on s'arrange toujours pour crécher sous un bon toit, et qu'on est rarement obligé de sortir les tentes. »

Le yeux de Ruby se portent rapidement sur le jeune lord, qui arbore un sourire mi-figue mi-raisin, mais s'abstient de toute remarque acerbe envers son garde du corps. Le sourire de la jeune femme s'agrandit : un dirigeant a besoin d'une personne de confiance avec assez de poigne pour lui dire le fond de sa pensée. Il semblerait que ce soit le cas ici. ... Ou peut être tous les serviteurs des Overton sont-ils aussi libres de pensée ? Ou bien Vasgard se le permet-il parce qu'Ades n'est pour l'instant que l'héritier et non le seigneur en titre ? ... A étudier.

« Il a raison, je supporte assez mal les longs voyages, la faute à ma jambe. Nous nous arrêtons donc assez souvent et dans l'ensemble, nous arrivons toujours à avoir des auberges sur le chemin. Notre effectif est assez réduit pour que le coût ne soit pas trop élevé. ... Pour une équipe, je ne pense pas qu'il y ait besoin de les sélectionner drastiquement. Je vous conseillerais bien de ne pas prendre de frileux, mais selon les critères du Nord, tous ceux qui vivent au sud du Neck sont des frileux. ...Pour les chevaux, je vous déconseille les palefroi, c'est très beau mais le climat ne leur plaît pas, la plupart du temps. N'importe quel autre animal fera l'affaire. Si vous avez besoin de fourrure, nous pouvons vous en fournir quelques unes … mais je pense qu'en effet, il sera nécessaire de vous trouver de nouveaux habits, bien chauds. »

Logique. Il n'y a besoin que du nécessaire, sur les routes. Point n'est besoin de s'encombrer de trop de bagages... qu'ils soient ou non capables de monter seuls à cheval. Néanmoins, ne pas avoir de gardes en nombre nécessaire n'est-il pas dangereux ? Elle craint que ses parents ne se sentent obligés d'envoyer tout le ban et l'arrière ban de leurs soldats pour la protéger. ... C'est qu'il ne faudrait pas que les gens craignent une invasion, quand même ! Elle se promet d'en toucher mot aux deux voyageurs pour leur demander quel nombre leur apparait comme suffisant. A la pique de fin de phrase, elle relève le nez de façon ostentatoire, à la manière d'une noble vexée.

- Il n'est nul froid qu'une bonne pelisse ne puisse atténuer. ... Et une écharpe et des gants. .... Et un pantalon fourré, aussi, peut être. ... Pour les chevaux... J'ai personnellement ce qu'il me faut. Nous pourrons en acheter des adaptés au climat en chemin. Ou les échanger, peut être, contre nos propres chevaux ?

Faran serait parfait pour ce voyage : cheval de bataille réformé pour cause de trop bon entrainement, l'énorme rouan était destiné à l'abattage quand la jeune fille avait décidé d'en faire son affaire : elle avait persuadé son père de lui donner le printemps et l'été pour le rendre, sinon aimable, du moins montable, et y était parvenue. Enfin. Disons qu’elle pouvait voyager à dos de cet animal irascible. D'autres s'y étaient essayé et ne s'en étaient que difficilement remis psychologiquement.

« Nous pourrions rester un mois comme une semaine, sachez bien que je vous ferais prévenir si nous devons partir. Et que nous vous attendrons si vous n'êtes pas encore prête. ... Je n'ai pas d'ouvrages à l'esprit pour l'instant, mais je vous ferais parvenir leur noms dès que je les aurais retrouvés. Nous comptons aller, au moins, à Port-Lannis, pour l'instant. »

Bien. Parfait. Un but.
Maintenant, il fallait se renseigner sur port Lannis, qu'elle ne connaissait que de nom, écrire à Père et Mère pour demander aide et conseils -et tempêter un peu, aussi-, aller choisir des tissus et des tailleurs pour les vêtements adaptés à l'Ouest -deux robes chacune seraient suffisantes- et... Elle interrompit son tohu-bohu interne pour demander à Ades :

- A quelle auberge êtes-vous descendus ?

Si c'était la même que la leur, pour sûr, ses parents allaient entendre parler du voyage.

Le jeune homme se fend d'un large sourire, se demandant si c'est une femme qu'il apportera dans le Nord ou bien un escadron de Sudien recouvert par une sphère de vêtement de fourrure. A n'en pas douter, la vision serait cocasse et aurait le mérite d'amuser le village sous Fort-de-Glace. Mais Ruby n'a pas l'air aussi crédule malheureusement, surtout que, n'y ayant pas pensé avant, Ades a passé pas mal de temps à atténuer la différence de température entre ici et chez-lui, tant pis, ce sera pour une prochaine fois. Le jeune homme réfléchit quelques secondes à sa remarque sur les choses, peut-être a-t-il un peu exagéré sur ce point aussi, il s'empresse de préciser.

« Oh, vous pourriez sans doute en trouver, et pour les échanger … Ce sera sans doute possible aussi, mais ne vous en faites pas trop, la plupart des chevaux supportent bien le climat sauf si …. ils ont trop l'habitude du soleil. »

Le jeune homme gardera toujours en souvenir un petit tournoi, à BlancPort, à moins que ce ne soit Fort-Terreur ? Il ne se souvenait plus très bien de la localisation, par contre, il avait gravé dans sa mémoire l'image du magnifique Palefroi qui était resté dans les écuries durant toute la durée des festivités, plusieurs couvertures le recouvrant quasiment entièrement, personne n'osait le monter tant il désirait peu sortir. Le plus dur fut finalement de le faire partir. Ades avait six ans à l'époque, mais ça l'avait extrêmement amusé, plus que les joutes à vrai dire.

Sortant brusquement de ses pensées, il haussa un sourcil en entendant la nouvelle question de la belle fleur du Bief.

« Notre auberge ? Eh bien, il me semble que c'est … Le Chardon et la Rose, c'est Vasgard qui me l'a con...sei...llée. »

S'interrompant au milieu de sa phrase, le jeune homme tourne progressivement la tête vers son compagnon, comprenant soudainement pourquoi Ruby lui a posé cette question. Le Fer-né arbore un immense sourire, tentant de siffloter innocemment, sans parvenir à dissimuler son hilarité.

« Mademoiselle … Il semble que ce soit un complot. »

A voir la trogne parfaitement réjouie de Vasgard, Ruby ne peut s'empêcher de commenter sarcastiquement :

- Encore heureux qu'ils nous aient laissé une chambre chacun, et n'aient pas prétexté une surcharge des auberges pour nous en faire partager une...

Une toux discrète échappe à Nanny.

- Cela a été proposé mais jugé définitivement peu convenable. D'autant que vous pouviez refuser de... d'aller plus avant dans le fait de faire connaissance.

Ruby en suffoque. Ce sont tous de grands malades. Ses parents au premier chef. Son ton se fait glacial.

- Nanny, j'aimerais que tu ailles sur le marché acheter des friandises. Si Vasgard pouvait t'accompagner, ce serait fort aimable de sa part, car je n'aime pas te savoir seule dans une ville inconnue. ... J'aimerais parler seule à seul avec le seigneur Overton. Cela ne durera pas longtemps, mais franchement cette impression d'être manipulée me gêne un peu. Et vous mériteriez tous presque que je refuse sans réfléchir, juste par esprit de contradiction.
- Ruby...
-Chhht. Je ne suis presque pas fâchée. Mais... Je pense que nous avons des choses à nous dire, qui ne nécessitent pas de... traitres dans nos rangs.

Le ton est redevenu doux, et un sourire atténue l'impact des mots de la dernière phrase.

- Allez, va.

La vieille dame se lève, avec l'air d'avoir plus ou moins pris une porte en chêne en plein visage, et se dirige d'un pas digne mais un peu vacillant vers la porte. Là, elle hésite, attendant de voir ce que Vasgard va faire. Le regard déterminé de Ruby se pose sur Ades, se trouble un peu, puis redevient calme, attendant son soutien.

Le jeune homme a commencé par rire légèrement à la remarque de Ruby, sans se douter un seul instant de la réponse que fournirait la grand-mère. Le rire s'étouffe alors dans sa gorge et ses yeux s'écarquillent visiblement. Son père aurait-il vraiment envisager un tel procédé ? C'était … affreusement … affreux ! Son regard capta celui de la jeune femme ; elle était tout aussi suffoquée que lui, et comment ne pas l'être. Sans attendre, il se tourna vers Vasgard qui était resté étrangement silencieux, était-il au courant ? Est-ce qu'il lui aurait menti si son père lui avait donné cette instruction. Manifestement, la perspective n'enchante pas le jeune homme qui fronce le nez en fixant son garde du corps.

Il se garde bien de dire quoi que ce soit, entendant que la jeune femme s'adressait à sa nounou pour la congédier. Durant un moment, l'héritier Overton s'interroge sur la légitimité de cette décision, puis semble saisir l'idée. Il serait peut-être plus judicieux de prendre quelques temps pour discuter en tête à tête. Il attend donc patiemment que la grand-mère se lève pour se tourner tranquillement vers Vasgard.

« Tout Fer-né que tu es, tu ne laisserais pas une vieille dame seule dans une ville qui lui est inconnue, n'est-ce pas ? »

L'immense garde du corps se lève, s'inclinant poliment face aux deux jeunes gens en déclamant.

« Bien sûr que non, Messire. »

« Je ne suis pas ton Lord. »

Le jeune homme soupire, apparemment habitué à cette méprise venant de son maître d'arme, mais le Fer-né est déjà loin, entraînant doucement la vieille dame dehors. Nulle doute que ce couple atypique se fera rapidement remarquer au milieu de Port-Réal, mais cela gardera sans doute cette Nanny des voleurs. Et Ades a toute confiance en Vasgard.

Doucement, il se retourne vers Ruby, avançant un peu au-dessus de la table pour parler plus bas.

« Je suis persuadé que vos parents n'y sont pour rien, ils ont bien pris conscience de l'absurdité de la chose. Cela doit être une idée de mon père, c'est un vieux fourbe. »

Le sourire à l'évocation de son paternel et le ton qu'il emploie en parlant de lui sont bien loin de confirmer cela, témoignant plutôt de la tendresse qui unit les deux parents. Le jeune homme ajoute cependant, plus sérieusement, et donc encore plus bas.

« Si cela vous dérange vraiment, je pourrais nous faire déplacer, ça ne prendra pas bien longtemps. »

La jeune femme reste raide comme la justice le temps que les deux conspirateurs soient sortis, avant de reprendre une posture largement plus relâchée. Voire même d'avoir l'air... sarcastique.

... Amusant. Depuis le début de cette conversation, elle se demandait comment avoir un entretien en tête à tête sans que Nanny ne s'en offusque... et l'occasion lui est fournie sur un plateau, par la faute même de ceux qui auraient pu s'y opposer. Ruby jette un coup d'oeil à Ades, histoire de jauger son expression. Il a eu l'air aussi stupéfait qu'elle même en apprenant cette ingérence dans leurs affaires, mais...

Elle se penche elle aussi au-dessus de la table, de sorte qu'ils ont à présent l'air de deux francs conspirateurs. Ou de vouloir se bécoter. Du reste, un violoneux vient leur tourner autour en jouant un air sirupeux.

- Tout à fait entre nous, je ne suis pas aussi fâchée que j'en ai l'air. Mais je tenais à ce qu'il soit rapporté à qui de droit -mes parents comme les vôtres- que je ne me laisserai pas manipuler de la sorte sans renâcler. ... Un mariage arrangé, soit, en plus il s'avère que nos goûts et desiderata sont assez similaires. Mais je ne suis pas une génisse qu'on mène au taureau. Et il faut que ce soit clair rapidement, sinon nous allons nous retrouver mariés sans nous en apercevoir. Et ne dédouanez pas trop vite mes parents : s'ils ont éventuellement refusé cette idée, c'est parce qu'une telle promiscuité nuirait plus à ma réputation qu'à la vôtre. C'est tout. ... Hm. Je m'emballe, navrée. ... Par contre, nous n'aurons pas toujours l'opportunité d'être seuls : si vous avez une question.... pointue à poser, je vous suggère de le faire maintenant.

Elle note pour sa part qu'il a plusieurs fois parlé de son père, mais jamais de sa mère. .. Décès ou totale absence de cette femme au niveau décisionnel ? Elle n'aimerait pas rester cantonnée aux tâches dites "ingrates", sa formation de "future femme de seigneur" l'ayant préparée à des choses aussi diverses qu'aider une femme à accoucher, faire du savon... ou toucher un homme à cinquante pas avec une flèche.

Toujours penchée vers l'avant, elle lui sourit franchement :

- Votre présence ne me pose aucun souci en les murs de l'auberge : comme je l'ai signalé, à première vue vous me semblez de bonne compagnie, et ce sera un plaisir de discuter avec vous si nous nous croisons. Ne changez rien pour moi. ... *elle se rassied au fond de son fauteuil, commence à envisager la suite* A combien de personnes se monte votre escorte, jusqu'ici ?

Observant toujours son interlocutrice, Ades ne peut pas manquer le brutal changement d'expression qui accompagne la sortie de Nanny et Vasgard. Il ne peut pas s'empêcher de s'en amuser ; Ruby Graves n'attendait que cela, avoir une discussion en face à face, sans crainte d'être écoutée. Et elle s'est servie intelligemment de l'occasion qu'on lui avait offerte. Décidément, elle lui plaît de plus en plus, mais il se garde bien de le préciser, la laissant simplement s'avancer à son tour, ce qui doit sans doute leur donner un air franchement idiot de conspirateurs. Ou de soupirants, songe le jeune homme homme en apercevant du coin de l’œil un musicien qui leur tourne autour en lorgnant beaucoup trop souvent vers eux.

Écoutant attentivement la jeune femme, il ne trouve à redire sur aucun point, sans doute est-il plus prudent de renâcler plus qu'il ne le faut. Si leurs parents ont arrangés cette rencontre et leur séjour à Port-Réal, il se pourrait bien qu'ils se sentent pousser des ailes en apprenant que cela se déroule trop bien, tempérer est donc la meilleure chose à faire pour le moment.

« Vous avez sans doute raison, mieux vaut éviter de leur donner trop vite contentement ou il s'empresserait d'en finir avec ça. »

Il acquiesce doucement, ses yeux vairons semblant fixer un point lointain dans l'auberge, le jeune homme est plongé en pleine réflexion. Aurait-il des questions pointues ? Oh oui, un certain nombre, mais la plupart concerne les revenues et les terres de sa famille, le genre de question qu'il n'est pas très correct de poser ainsi à une jeune fille. Et puis, il pourra toujours obtenir des réponses en temps voulus. Pour l'heure donc, il finit par un signe de dénégation.

« Il n'est pas de question qui me vienne à l'esprit, mais n'hésitez pas non plus à m'interroger. »

Elle ne tarde pas à le faire, mais pas vraiment comme il s'y attendait. Ades profite qu'elle se soit écartée pour s'asseoir de nouveau au fond de son siège, repoussant un peu son assiette désormais vide. Le violoneux semble un peu déçu, mais il ne renonce pas à scruter le couple.

« 8 hommes. Sans compter moi, et Vasgard qui en vaut bien trois ou quatre, mais gardez-vous bien de le lui répéter. »

Se dissimulant sous un petit rire, le jeune homme scrute attentivement la réaction de Ruby, ce pourrait être un excellent moyen d'en apprendre plus sur sa famille, tant au niveau des revenus que de la mentalité. Les Nordiens avaient tendances à voyager sous une petite escorte, mais d'hommes aguerris, tandis qu'Ades avait toujours vu les gens du Sud être suivis par cinquante cavaliers, dont des écuyers de moins de douze ans et un nombre incalculable de gens inutiles. Sans compter que la richesse de la maison conditionnait aussi le nombre de suivants ; Ades ne pouvait pas emporter plus d'homme sans risquer handicaper la garde des villages sous la protection de Fort-de-Glace, or le Nord avait la réputation d'être sûr tant qu'un Stark siégeait à Winterfell, et les Overton avaient toujours fait leur possible pour que leurs terres se conforme à cet idéal.

« Combien d'hommes comptez vous emmenez avec vous si vous convainquez vos parents ? »

Avec un sourire amusé, Ruby tire de sa bourse quelques piécettes qu'elle pose sur le coin de la table, les indiquant du menton au violoniste. Celui ci enchaine quelques joyeuses trilles, puis vient le prendre en s'inclinant exagérément. Il s'éloigne ensuite trainer autour d'autres convives.

Pas de question ? Très curieux : elle aurait volontiers supposé le jeune homme vouloir obtenir moults éclaircissements. Peut être était il timide. Ou bien les questions qui lui venaient à l'esprit étaient elles toutes axées sur la dot et autres considérations plus ou moins financières. Et ça, évidemment... elle n'avait pas songé à emmener les livres de compte du domaine avant de partir en promenade. Ou peut être étaient-ils planqués quelque part dans les coffres ? Elle tapote la table du bout des ongles.

- Alors comme ça, les Fer-Nés sont aussi impressionnants qu'on le dit ? J'espère avoir l'occasion de le voir. ... A l'entrainement plus que dans un combat réel, cela va sans dire. ... *la jeune femme réfléchit* Pour venir jusque ici, nous avons un contingent de douze soldats. Nanny fait office de femme de chambre en plus que de duègne. Si mes parents acceptent... et à mon avis, ils le feront, il y aura sans doute un des jeunes chevaliers et encore quelques soldats. Et l'écuyer du chevalier, logiquement, s'il en a un. Nous serions donc une petite vingtaine. ... Un peu beaucoup pour passer discrètement, hein ?

Le ton est un peu gêné de la petitesse de la suite prévue, mais le domaine des Graves a des frontières étendues par rapport à sa garnison, et elle ne se voit pas dégarnir complètement les protections du château pour pavaner au milieu de soldats. De plus, ce serait sans doute attirer trop l'attention. Pour le chevalier... Elle suppose que ses parents en utiliseront un tout neuf, qui puisse l'accompagner et rester à ses côtés au cas où ce voyage se solderait par une installation dans le Nord.

- Par contre... Si vous, vous êtes d'une discrétion de violette, je n'aurai pas cette délicatesse : songez que j'aurais du envoyer ma vieille amie soutirer des informations à Vasgard alors que je peux les avoir à la source... *grand sourire* Allons y : dans le cas où ce voyage nous conforterait dans l'idée que nos parents ont eu tort, comment suggéreriez vous de nous y prendre pour leur faire entendre raison ? ... Et si a contrario, nous sommes convaincus : puis-je savoir si je dois m'attendre à une nuée d'enfants hors mariage vous attendant patiemment en vos terres ? Ce n'est pas dans un but discriminatoire, mais il me semble que cela se doit d'être précisé, car cela peut surprendre. ... Je dois aussi vous prévenir que.... le domaine de mon... *sa voix se trouble* ancien fiancé étant situé sur une zone de friction -sans parler de combats, on peut au moins signaler quelques incursions diverses- j'ai appris à tirer à l'arc. De façon à défendre ce qui est -aurait été- à moi. ... Ce n'est pas toujours très bien vu dans le Sud, mais j'ai supposé que... cela ne vous contrarierait pas trop.

Si la moitié de ce qu'on racontait sur les créatures du Nord étaient vraies, une personne de plus sachant tirer à l'arc serait la bienvenue de toutes façons.

- Allez, vous voyez ? J'ai été indiscrète. C'est à vous. ... Et ne me dites pas que vous m'avez déjà entièrement percée à jour, ou je serais très vexée.

Le jeune homme pousse un léger soupir de soulagement en voyant le violoneux s'éloigner, il n'a jamais été particulièrement intéressé par la musique, et on ne sait jamais à qui ces gens peuvent parler, et pour leur dire quoi. Il se retourne vers Ruby pour lui adresser un sourire.

« Tous les Fer-nés ne le sont pas, heureusement. Simplement, Vasgard n'a pas passé beaucoup de temps sans son épée depuis qu'il a eu l'âge de douze ans, de quoi vous forgez un homme, sans aucun doute. Eh bien, vous le verrez sans doute s'entraîner une fois que nous serons arrivés à Fort-de-Glace, c'est lui qui s'occupe d'entraîner nos recrues. »

Le jeune homme hoche doucement la tête en entendant le décompte des têtes qui vont venir s'ajouter à leur petite procession, rien de trop grave encore. Cela porterait leur nombre à une trentaine, ils seront sans doute obligé de dormir sous les tentes, ou directement sous le ciel, plutôt que sous le toit d'une auberge, mais ce n'était pas si grave aux yeux d'Ades. Il se garda bien de préciser que le chevalier risquait bien de se faire asticoter par Vasgard durant toute la durée du voyage, particulièrement si c'était un gamin fraîchement promu. Sans compter que le Nord serait pauvre en collègues pour lui ; les chevaliers ne pouvaient être désignés que sous la lumière des Sept, et personne ne vénéraient les Sept dans le Nord, à part les Manderly.

« Un peu beaucoup en effet, mais largement suffisant pour décourager une troupe intelligente de s'attaquer directement à nous. Cela ne posera donc pas problème. »

Le problème risquerait de se poser lorsqu'ils atteindraient les villes ; l'avantage d'être moins de dix, c'est que même une maison comme la sienne pouvait se permettre de payer une chambre pour tous sans se ruiner au bout d'un mois. Une trentaine par contre … Bah, ce serait aux Graves de gérer cette affaire là, il serait sans doute même intéressant de voir comment cela faisait. La fixant de ses yeux calmes, le jeune homme se resservit un verre d'eau qu'il vida lentement en écoutant la demoiselle, en profitant aussi pour réfléchir à l'avance à ses réponses, même si la plupart n'étaient pas complexes au point de nécessiter plus de deux secondes de réflexion.

« Pour ma part, je sais me montrer très persuasif avec mon paternel, je devrais donc assez facilement le convaincre que c'est une mauvaise idée. Rassurez-vous sur ce point … Sauf si vos parents sont vraiment opiniâtres. Et non, aucun Snow ne vous attend à Fort-de-Glace, rassurez-vous sur ce point. »

La dernière question lui fit hausser un sourcil, si elle tirait à l'arc, grand bien lui en fasse, en quoi cela pouvait-il donc être mal vu dans le Sud ? Le fait que ça soit une femme peut-être ? Sans doute en fait, même dans le Nord, les femmes étaient plus destinés à la couture qu'à l'archerie, mais Ades ne voyait rien à redire à ce qu'elle sache le faire.

« Eh bien en effet, ça ne me pose aucun problème. Je ne sais pas si vous chassez, mais si c'est le cas, il faut savoir que c'est assez régulé chez nous, c'est que nos forêt ne sont pas très grandes alors nous évitons de les dépeupler, d'autant qu'une bonne partie des prises est destinée aux villageois. »

Le jeune Overton fit tourner lentement son verre vide entre ses mains ; elle semblait persuadée qu'il avait encore des questions à lui poser mais lui-même ne voyait pas trop quoi. Non pas qu'il la connaissait déjà, mais le reste se ferait au fur et à mesure, pas à coup de question, il en était sûr.

« Eh bien, sans vous connaître déjà de bout en bout, je dois avouer que je ne vois pas trop ce que je pourrais vous demander de plus. Vous vous inquiétiez des bâtards, en auriez-vous ? Si oui, sachez que s'ils le veulent, ils auront tout la place qu'il leur faut à Fort-de-Glace. J'aurais peut-être une question ; je suis quelqu'un qui voyage beaucoup comme vous vous en rendrez vite compte, cela vous poserait-il problème ? Oh et aussi, je sais que vous venez du Bief, mais tout de même ; la politique à une échelle plus … large que nos terres et celles environnantes, vous effraie-elle ? »

- Oh, c'est donc Vasgard votre Maîre d'Armes ? ... Il est vrai qu'il en a... la prestance. *léger rire* Vos jeunes doivent être épouvantés.

Tous ceux qu'elle avait connus avec ce titre avaient effectivement dans ce type de manière d'être, de confiance en eux, mais point trop. ... Sauf les deux qu'elle avait croisés et qui avaient atteint ce poste par piston. Et n'avaient pas fait long feu.
Bon. Le nombre de vingt personnes semblait ne pas effrayer le jeune homme. ... Tant mieux, parce qu'une partie de son plan reposait sur le fait que ses parents la sachent en sécurité. ... Enfin, la pensent en sécurité. Car sur les routes, tout peut arriver. Et moins d'une quinzaine d'hommes leur semblerait peu : ils se prenaient régulièrement le bec avec Pearl, qui venait les voir avec dix hommes, et qui ne faisait que peu de trajet.

La réponse quant aux bâtards la fit sourire... mais la question quant aux possibles siens la fit sursauter. Heureusement que Nanny n'était pas là, sinon, Lord ou pas Lord, il aurait sans doute pris une claque. Plus prosaïquement, mais sur un ton vexé, la jeune femme répondit :

- Mes parents ne tentent pas de me marier pour dissimuler une quelconque grossesse : il vous est proposé de la marchandise intacte. Donc, pas de Flowers non plus, du moins pas de mon fait.

Elle préféra obliquer sur un sujet moins controversé, afin de ne pas... plomber l’ambiance presque amicale entre eux.

- Je chasse, effectivement, mais ce n'est pas une passion. La dernière battue à laquelle j'ai participé... s'est mal terminée.

On ne saurait dire mieux : Frederick y avait disparu. Elle le voyait encore, au bord du gouffre, chancelant et l'air de ne pas y croire, ses mains battant l'air, et tout ce rouge sur lui... ... Elle cilla, plusieurs fois. Regarda Ades, un peu perdue... Lui sourit.

- Et quel serait le rôle de votre épouse en votre absence ? Vous accompagnerait-elle, ou bien assurerait-elle l'intendance pour que vous ayez l'esprit tranquille ? Ma mère a plutôt tendance à la seconde version, ma sœur est celle qui visite pour nouer des relations politiques. Moi... Je ne sais pas trop. Disons que cela ne "m'effraie" pas, mais je ne sais pas si j'ai... le niveau requis. ... Cette visite à Port Real est un test pour cela, à l'origine.

En effet, elle était sensée remettre une tapisserie brodée des armes de son père à "qui de droit". Si possible aux souverains eux mêmes, mais elle ne se faisait pas d'illusions : ses chances d'obtenir un rendez-vous étaient minces, ce pourquoi elle s'était armée pour rencontrer, d'abord, la Cour. Si elle réussissait à s'y faire des alliés, peut être pourrait elle approcher de plus près, sinon les souverains, du moins des proches de ceux ci.