La nuit avait été courte pour le jeune Desdaings. Malgré les paroles de ses parents, Larra l'avait rejoint pour la nuit. Elle dormait encore lorsque le cygne noir se leva, se rinça rapidement le visage avant de sortir dans la lumière naissante. Le brun se gorgea de soleil avant de prendre la direction d'un endroit cher à son cœur, qui avait bercé son enfance lorsqu'il n'était dans les jupons de sa mère. Mélancolique, Alessander laissa sa main caresser l'écorce des arbres du parc avant que ses doigts ne sentent un renfoncement. Il plongeait ses prunelles si pures sur les mots qu'un couteau d'enfant avait tracé, et les souvenirs affluèrent. C'était aussi agréable que triste, aussi doux que douloureux. Comment avait-il pu en arriver là. Il avait bien vu la présence de sa mère au bord de sa fenêtre, à épier derrière le voile blanc son fils qui disparaissait sous le couvert des arbres. Alessander écrasa sa main gauche contre l'arbre et un cri s'échappa de sa gorge. Il était trop loin pour que quelqu'un l'entende mais il avait besoin de se maudire ! Pourquoi avoir été si stupide, réduire en miette des années d’espérances. Le cygne noir aimait avec violence cette femme qui lui avait donné la vie et ôté toute liberté à l'instant même où leur regards s'étaient de nouveau croisé. Il était prisonnier de cet océan de glace qui l'avait fait se perdre. Ses mots qu'il avait tracé quand il était petit n'avaient maintenant plus aucun véracité. Cerenna allait l'oublier, le vendre comme une vulgaire marchandise, le jeter loin d'elle. Maintenant qu'elle avait dévoré l'intégralité de sa personne, elle pouvait recracher le noyaux pourri qu'il était et lui dire adieu.

Alessander rentra bien sagement manger en compagnie de sa famille, ne décrochant pas un mot, répondant simplement par des monosyllabes lorsque quelqu'un le disait quelque chose. Il ne fuyait pas, il était bel et bien là. Mais son visage était baisé sur son assiette et il n'essaya même pas de croiser le regard de sa génitrice, bien trop de honte en lui. Il aurait aimé lui crier de le regarder, de lui pardonner mais il y avait déjà eu suffisamment de rêves brisés et de cris échangés la veille. Alors le cygne noir gardait le silence, bien différemment d'à son habitude. Il prit rapidement congé, prétextant une douleur brusque à la main. Voilà qui serait sa plus belle excuse.

Après un rapide passage aux écuries où il s'occupa pendant une longue heure de son cheval, laissant son esprit divagué, retrouver la liberté que les deux compères avaient vécu pendant une époque qu'ils ne reverraient jamais. Quitter cette liberté est encore plus dure lorsqu'on la vraiment goûté, que l'on a mordu à pleine dent dans ce fruit défendu. Il sortie de l'écurie, puis prit la direction de la ville en elle-même. Il croisa certain visage connu qui ne purent s'empêcher de le dévisager comme s'il était un revenant. Les rumeurs devant déjà enfler sur son retour. Alessander aurait voulu pouvoir gommer cette réputation qui faisait frémir ses parents d'un battement de paupière mais c'était impossible. Ne prêtant pas attention aux mots qu'il entendait, il revêtit son plus beau sourire, essaya tant bien que mal de ne pas parader comme à son habitude et s'approcha du forgeron. Si aujourd'hui, il avait troqué la dureté des armures de combat pour une tenue plus légère de soie comme toujours fermée sur son torse par des lanières de cuir, dans les tons bleu verts de l'eau des lacs, il avait pourtant bien besoin de faire marcher le commerce. Voilà 5 ans que la pièce d'armure avait vu des forgerons par intermittence et toujours en coup de vent. S'il en voulait une digne de lui, il devait la faire réparer, et plutôt vite. En pleine discussion avec le forgeron sur la démarche à suivre, il n'entendit pas arriver l'homme qui lui adressa la parole.

« Mon Seigneur, je n'ai pas encore eu l'occasion de vous dire à quel point je suis heureux de vous voir de nouveau parmi nous ! J'espère que votre voyage s'est déroulé comme vous le souhaitiez ! »

Un sourire étira les lèvres du brun. Il ne s'était certainement pas attendu à voir Ruffus ici mais la présence de son compagnon d'enfance ne pu que le ravir. Contre toute attente, alors qu'il n'était pas habitué à de telles familiarité, Alessander attrapa celui qui avait partagé son enfance et le sera dans ses bras. Voir un visage connu et qui ne le jugerait peut-être pas pour son absence avait de quoi faire naitre son sourire et sa bonne humeur. Un peu de compagnie pour oublier cette mélancolie qui enserrait son cœur.

Reprenons les habitudes de l'enfance. Qu'importe les années qui ont passé Ruffus, c'est un plaisir de te voir. Heureusement que tu es là, j'ai l'impression de revenir dans des terres qui ne sont plus les miennes. Tout à tellement changé.

Alessander était passé au tutoiement avec beaucoup de facilité, indiquant à son interlocuteur qu'il pouvait faire de même. Le cygne noir était de bonne humeur et c'était le moment d'en profiter car le caractère parfois trop ombrageux et surtout capricieux de l'héritier n'était pas inconnu de Ruffus et ce dernier devait savoir que lorsque l'héritier était dans ses mauvais jours, il pouvait se montrer aussi dangereux qu'un Martell à Castral Roc.

« Je ne sais pas si les choses ont beaucoup changé par ici mon seigneur, mais vous, c'est certains. Cinq années loin de votre famille, vous n'êtes plus habitué à leur présence comme eux ne sont plus habitué à la vôtre. Il faudra du temps, mais vous êtes ici chez vous Sir ! »

Avait-il changé ? C'était certain. Il était partie enfant, il revenait homme. Ses désirs, ses pulsions, tout avait changé. Sa relation avec sa mère aussi. Alessander n'avait jamais été le bienvenue sur les terres de son père. Il était créature trop dangereuse, fils légitime d'une vipère, apprenant à créer du venin comme le reptile qui lui avait donné le jour. Chez lui... Laissez le rire. Il ne l'avait jamais été, encore moins maintenant qu'il avait tant taché de l'ébène l'éclatant blason de sa famille. Il était une honte, ne lui avaient-ils tous craché au visage la veille. Même cette sœur qu'il aimait tant. Isendre était mieux que lui. Isendre était plus valeureux, plus fort, plus digne d'être le parfait héritier des Desdaings. Mais tous verraient. Lorsque les suzerains du Conflans s’inclineront devant lui alors seulement le blason de sa famille serait d'une perfection sans nom, qu'importait le noir qui le tachait. Alessander le savait, lui seul était capable de faire de son nom quelque chose de grandiose. Les erreurs ne conteraient plus lorsque la gloire couronnera ses pas.

Il répondit un simple signe de tête pensif, ni affirmatif ni négatif. A ses yeux, rien dans les paroles de Ruffus n'était vérité. Le pauvre chasseur n'avait aucune idée des manigances qui s'ourdissaient dans les couloirs du château de Beaumarché, de la froideur de cette famille si parfaite en apparence. Tout n'était que faux semblant et doux sourires alors que le mensonge transparaissait de chaque paroles, de chaque rires. Rien n'était réel. Les apparences avaient le monopole de toutes les situations.

« Vous avez beaucoup combattu à ce que je vois. Jusqu’où êtes vous allez dans le sud ? Et jusqu’où êtes vous allez dans le nord ? En cinq ans, vous avez dû en voir des choses. »

Le cygne noir réfléchit un instant, avant de regarder à son tour la pièce d'armure. Il se souvenait de chaque entailles, de chaque combats et pourtant il était comme... vidé. Oui. On lui avait arraché sa liberté si sacré, arraché les nouvelles entailles qu'il rêvait de voir à nouveau être crées dans le plastron. Jamais plus. C'était bel et bien fini.

5 ans ne furent pas assez long pour voir toutes les merveilles de Westeros. Au Nord, je ne m'y suis pas rendu. Pas assez de chaleur et pas assez de tournois. Leurs mentalités glaciales et leurs femmes frigides, très peu pour moi. Pour contre le Sud... Alessander laissa un petit temps, lourd de sous entendus. Les femmes du Sud étaient bien plus brulante que celles du Nord. Et bien plus imaginatives. J'allais me rendre à Dorne quand ma mère m'a rappelé à elle. Mais oui, j'ai beaucoup combattu. Des adversaires parfois... imprévisibles.

Le sourire salace du brun voulait tout dire. Alessander était un coureur de jupon et les hommes qui partageaient son quotidien le savait. S'il se montrait le plus charmant du monde en compagnie du beau sexe, il n'en devenait pas moins cru en compagnie des autres. Loin d'être un porc dans ses actions, il pouvait se montrer vulgaire en parlant des femmes. Après tout, il fallait bien en rire de ses vipères qui empoissonnaient les existences et dans les bras desquelles il aimait à se perdre.

« Mais réglez votre affaire ici et nous retournerons au château en parlant, si tel est votre destination bien-sûr »

Avec un nouveau sourire, Alessander donna ses dernières instructions au forgeron avant de répondre à Ruffus, sachant pertinemment que le plus loin il serait du château, le mieux il se porterait.

Tu ne préfèrerais pas plutôt me faire voir les dernières merveilles de Beaumarché ? Une nouvelle taverne s'est ouverte semble-t-il. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'y aller.

Ce n'était pas réellement une demande. Alessander était né pour être un commandant, comme l'était son père. S'il ne l'avait pas été durant son enfance, aujourd'hui, les choses changeaient. Devaient changer. Il se vengerait. C'était les seules choses qu'il pouvait à présent faire puisqu'il ne pouvait quitter Beaumarché.