Ne redoutez pas l'Accusateur craignez plutôt le Juge Benjen S. & Val

La forêt hantée se dresse de toute sa hauteur. Ses arbres nous tendent les bras comme des colosses écorchés et sont répartis d'une telle manière que la vue les prennent pour les tours en ruine d'une ancienne cité que la neige à recouverte. Une fois entré à l'intérieur et en regardant vers l'avant, la forêt recouvre la moindre parcelle de paysage, ne laissant flotter qu'une légère brume entre ses cimes. Même si plusieurs centaines de kilomètres la séparent du mur, elle reste d'une fausse proximité et il est très aisé de perdre le fil du temps. Benjen vient de l'explorer avec une poignée d'hommes. Leur ronde est finie mais les chevaux ont besoin d'un peu de repos. Les hommes aussi. C'est donc seul qu'il s'aventure un peu plus en son sein.

Le froid est mordant mais lorsqu'on habite dans cette partie du royaume, il devient le quotidien, un vieil ami à qui l'on tend la main et dont la présence est normale. Le souffle du corbeau est à peine essoufflé bien qu'une légère vapeur sorte de sa bouche à chaque expiration. Son oeil est vigilent. Pour lui, chaque pas peut représenter un danger et la prudence est de mise surtout en ces lieux où l'on ne peut réellement compter que sur soi-même.

Le calme apparent est soudainement brisé par le cri sourd et profond d'un loup. Serait-ce un signe quelconque envoyé par les dieux? Lorsque l'on sait que la bannière des Stark est celui d'un loup géant en train de hurler, c'est à se poser des questions. Surtout qu'en temps normal, d'autres répondent au premier appel. Ici rien. A nouveau le calme et le crissement de la neige sous ses pieds suivi de près par un sifflement et d'un "poc" léger lorsque la flèche entre dans l'arbre se situant à 20 pieds de lui. Un froncement de sourcil plus tard, le patrouilleur se décide à prendre la direction inverse du chemin parcouru par la flèche qu'il tient maintenant entre ses mains gantées. Elle doit bien appartenir à quelqu'un mais à qui? Les siens n'ont apporté aucun arc et les flèches ne se baladent pas toutes seules.

Son intuition ne lui fait pas défaut même s'il n'a aucun mérite. Il ne faut pas être d'une grande intelligence pour savoir que c'est une main d'homme qui a manié cette flèche. Ou en l’occurrence d'une femme. Il n'est guère évident de jouer à cache-cache en ces lieux même si les couleurs de ses habits ressemblent fortement aux paysages alentours. Et prendre racine au pied d'un chêne n'est pas une très bonne idée bien qu'il doute fortement qu'elle l'ait fait exprès. La grimace transformant le doux visage de la demoiselle suffit à le prouver. Même si la situation ne le prête pas, une étrange gentillesse sauvage semble émaner de la Sauvageonne et la pitié ainsi que l'amusement de la voir ainsi empêtrée prit place à son devoir. Car c'est bien ce qu'elle est. Lui qui a fâcheuse tendance à les chasser hésite un instant... . Il a un bien à lui rendre et si vraiment elle se montre dangereuse, il saura réagir à temps. Et puis tant que le peuple libre ne leur fait pas du mal à lui, à ses frères ou à ce qu'ils protègent pourquoi se montrer dur et sans-cœur? A la base, le véritable danger se porte sur ces légendes auxquelles il croit et qui se nomment les Autres.

C'est ainsi qu'il se montre à découvert et que les mots sortent tous seuls : "je crois que ceci t'appartient". Comme il s'y attend... la jeune fille réagit comme un ressort et d'un bond se met debout. La douleur est grande, elle doit s'être bien fait mal. Peut-être des côtes cassées, du moins sa position le suggère.

Lorsqu'elle lui dit de ne pas s'approcher et si d'autres sont avec lui, c'est la peur qu'il ressent. Il jette un regard à l'arrière avant de reposer ses yeux sur la représentante du peuple libre.

- Mes frères sont plus loin, ils avaient besoin de repos. Je veux juste te rendre ceci...

Ses mains se tendent pour non seulement montrer qu'il n'est pas hostile mais également pour prouver que ses intentions sont louables et que ses dires sont justes.

- ... il me semble que tu l'as égarée et il se trouve qu'elle était sur mon chemin. Je présume que je n'étais pas visé sinon nous n'aurions pas cette conversation.

L'ombre d'un sourire nait sur ses lèvres en disant ces quelques mots. Il ne sait rien faire contre sa véritable nature : celle de taquiner les personnes qui lui plaisent. Or cette jeune fille un peu gauche éveille en lui de la sympathie... même si elle le menace toujours de son arc.

Ne redoutez pas l'Accusateur craignez plutôt le Juge Benjen S. & Val

Le corbeau a ses sens en alerte. Il ne sait pas très bien comment son interlocutrice va réagir même s'il espère ne pas s'être trompé sur la personne. Quand cette dernière baisse son arme et range la flèche qu'elle a prise, il peut enfin se relâcher. Oui elle est bien comme "l'aura" qu'elle dégage. S'il y a bien une seule chose dans laquelle il excelle c'est de pouvoir juger une personne non pour ce qu'elle représente mais pour ce qu'elle est à l'intérieur. Une unique exception cependant c'est lorsqu'on parle des Lannister. Le simple fait de porter ce nom lui hérisse les poils et le fait aboyer de paroles cinglantes. Ici, même si ses cheveux sont d'un blond des prés couronnés de perles blanches, elle n'a rien à voir avec cette famille de manipulateurs arrogants. Encore heureux.

Ses sombres pensées sont perturbées par un déplacement presque félin en accord parfait avec la nature environnante. Il ne bronche pas, même lorsque la proximité est telle que si elle se décide de sortir un poignard de son manteau, elle risque de fort de ne pas rater sa cible bien qu'elle risque de perdre quelques plumes à son tour.

Sa réaction l'étonne quelque peu. Tel un éclair une nuit d'orage, la flèche lui est enlevé pour atterrir aussitôt dans le carquois de la dame. Les mots murmurés le font sourire.

- Et rares sont les fabricants d'arc qui se risquent par ici.

L'éloignement et puis à nouveau la proximité. Décidément il va finir par croire qu'elle l'aime bien.

« Cette flèche était destinée à mon repas… Vous, vous êtes trop maigre, vous ne nourririez pas plus de deux enfants… et encore faudrait qu’ils soient malades. »

- Il est vrai qu'ils pourraient se casser une dent.. il paraitrait que les corbeaux sont coriaces.

« Sur ce, pas que je n'apprécie pas la compagnie de quelqu'un ayant pour mission royale de planter ma tête sur un bout de bois, mais j'ai bien peur que vous ne puissiez rien m'apporter de bon.»

Sur ce point, elle n'a pas tord. Bon nombre de ses frères l'auraient déjà occis depuis bien longtemps et en un sens ils auraient raison. Quand les Sauvageons les attaquent c'est rarement pour faire la conversation surtout s'ils tiennent entre leurs mains des armes diverses. Il ne se fait pas d'illusions. Il ne s'agit que d'une trêve qui ne vaut que pour cette personne en ce moment précis. Si d'aventure, leurs chemins se recroisent lors d'une bataille quelconque, il ne pourra faire autrement que de se défendre.

- Je ne peux que te comprendre. Souvent l'impulsivité prend la place de la raison et ton peuple n'est pas plus avenant avec le mien que ce dernier avec le tien. Pourtant je pense que nous avons plus en commun que nous ne pourrions le croire. Nous réagissons tous de la même manière. Si nous sommes attaqués, nous ripostons. C'est humain même si parfois nous réagissons comme des bêtes. Bien, je ne te retiens plus. Je présume que tu dois continuer ta chasse. Et j'irais.. par là-bas.

D'un signe de tête, il lui montre une direction. Bien que les taches de sang soient rentrées dans la neige et qu'elles sont moins fréquentes, les empreintes restent visibles pour un œil averti.

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