A la cour du roi, je me fait appeler Thoros de Myr, un nom plein de mystère et d'exotisme pour les bonnes gens des Sept Courrones, mais je suis né Thoros, pas de nom de famille pour l'enfant d'origine modeste que j'étais, ou si on m'en eut donné un, je ne m'en souvient ma foi plus ... Voyez-vous, mes parents avaient beau n'être guère fortunés, ils étaient libres. Je n'ai pas eu ce choix. Si mes souvenirs ne me trahissent pas, je n'avais qu'a peine cinq ans quand on m'a confié au Temple de Myr ; j'aime à dire que mes parents m'ont ainsi offert une éducation et un avenir, il m'est pourtant avis que le temple récompensait de façon sonnante et trébuchante les offrandes en jeunes enfants . Je n'ai jamais été hostile au culte de R'hllor, il faut dire qu'a cet age là tout enfant accepte ce qu'on lui apprends comme une vérité irréfutable. D'autant plus, le Feu Divin avait l'avantage de m'assurer de quoi manger, un endroit pour dormir, et, assez logiquement, de quoi me tenir chaud... Je ne sais pas bien pourquoi on a décidé de me faire prêtre au lieu d'un guerrier ou d'un prostitué de temple comme d'autres enfants, ce n'est franchement pas le chemin que j'aurais choisi si cette décision m'avait revenu... Bien sûr, je disais les mots, je chantais les chansons, j'apprenais les incantations, il m'arrivait même de temps à autre à apercevoir des choses dans les flammes ... Mais je me révélais aussi turbulent de temps a autres, cela commença simplement par des excursions aux cuisines et des chamailles avec les autres enfants, mais le temps passa, et mes désirs évoluèrent ...



vers 270 – sous sol du Temple Rouge, Myr

BAM... BAM... BAAM ... les coups du Colosse faisaient vibrer dangereusement le sol sous Thoros. Il n'y avait rien, le paysage autour d'eux n'était qu'obscurité, froid et désolation. Le prêtre sentait le froid mordre son torse nu, remonter le long de ses bras, engourdir ses mouvements. Toute attaque était futile, la bête qui se trouvait en face de lui ne semblait pas affecté par les coups de Thoros, ses orbites vides flanquées sur la flamme qui vibrait faiblement autour de la lame du prêtre rouge, seule lumière éclairant la scène, menaçant de s'éteindre à chaque coup de l'énorme massue sur le sol. BAM ... BAM ... BAAM ... Le jeune homme ne faisait qu'esquiver les coups, le corps en barrage pour protéger la flamme. Elle ne devait pas s'éteindre, l'obscurité ne devait pas vaincre ! Mais le prêtre s'épuisait, son corps était glacé et la bête se rapprochait de plus en plus, soufflant et ruant avec obstination. BAM... BAM.. BAAM... les coups se faisaient de plus en plus fréquents BAM ... BAM ... BAAM ... Il ne devait pas, il ne pouvait pas ... BAM ! Thoros vit la massue s'écraser sur lui. L'épée lui tomba des mains, il ne voyait plus la flamme. L'obscurité.

Puis soudain, une lumière vive lui emplit les yeux, suivis tout de suite par une sensation de flou ... Thoros serra le poing sur quelque chose : l'épée ! Non ? L'épée n'était pas si légère, elle n'était pas en bois, c'était ... Une chope ?
Thoros la porta machinalement à sa bouche et but une longue gorgée. Le goût du malt, défaut de remettre ses idées en place lui donna la force de se redresser. La bière était tiède, il avait bien trop dormi. Aucune idée de l'heure exacte cependant, son humble cellule n'avait pas de fenêtre, étant sous le temple, et baignait tout le temps dans un froid qui fit frémir Thoros. BAM... BAM ... BAAM

« Le soleil s'est levé, R'hllor nous béni d'un nouveau jour ! Debout au peuple du Seigneur de la Lumière ! »

Thoros se glissa hors du lit sans faire attention à ses autres occupants et se traîna vers la porte pour déverrouiller le loquet rudimentaire. C'était un des privilèges que la cape rouge lui avait apporté. En effet depuis peu, il était Prêtre de R'hllor, et il avait quitté le dortoir des disciples pour occuper une cellule à part. Ça avait peu de choses à voir avec sa piété, mais plutôt avec la folie du haut prêtre qui lui voyait un grand avenir depuis son arrivé au temple. Thoros suivait le mouvement tout en continuant ses petites affaires de son côté. Vous auriez du mal à imaginer la tête du prêtre de corvée au réveil ce jour-là quand il passa la tête par la porte de la cellule. Thoros émergeait à peine du sommeil et était en train de remuer la pièce pour trouver ses robes de prêtre.

« J..J..J..JE VAIS ALERTER LE HAUT PRETRE SUR LE CHAMP ! » Couina-t-il d'une voix stridente « DES ... DES ... PROSTITUES DANS LA CHAMBRE D'UN PRETRE, MAIS VOUS ETES FOU ?! » ses petits yeux firent des tours entre les pichets de bière, les restes de nourriture et le lit.

« Pas si fort, articula difficilement Thoros, vous voyez bien qu'elles ... Euh... Qu'elles dorment »

« Mais ... Mais vous êtes soul espèce d'ordure, vous ne méritez pas le respect qu'on vous porte »

Au fil du temps, j'ai fini par me désintéresser petit à petit du culte, profitant de la vie comme je l'entendais. J'avais grandi en un jeune homme fort et fougueux, et je passait plus de temps à m'entrainer avec les guardes, à trainer dans les tavernes et dans les bordels qu'à me recueillir et a fixer des bougies comme le reste de mon ordre. Les autres prêtres ne manquaient pas de le remarquer , mais je me plaisait au temple et avait décidé d'y rester, après tout, je n'étais pas en désaccord avec le Seigneur de la Lumière. Mon caractère trop peu conventionnel finit sûrement par m'attirer les foudres de quelqu'un d'influent dans le culte Rouge, et a la première occasion, je fus éloigné.

Plus tard dans l'année, au large du détroit

« Foutu bateau »

Il était allongé dans le lit qu'on lui avait attribué, un simple filet tendu entre deux poutres de la cale. Suspendu ainsi, il sentait tangage et le roulis incessant de la petite frégate. La traversée avait déjà duré plus que d'habitude et tout l'alcool que le prêtre avait prévu était déjà parti dans l'ennui des premiers jours. Il voyageait avec un acolyte boutonneux dont thoros ne savait toujours pas le nom. Il avait fini par appeler « crapaud » comme le reste de l'équipage, le personnage en question n'en semblait pas particulièrement ému.

« Et comment tu comptes le convertir le Roi ? » Lui lança le disciple

Thoros avait été envoyé en mission divine pour convertir les sept couronnes au Dieu véritable, en tout cas, c'était ce qu'on lui avait dit avant de le mettre poliment à la porte du temple. La cale du bateau contenait toutes les possessions qu'on lui avait laissé, notamment de quoi impressionner ce vieux fou qui servait de roi à la population de Westeros. Il traversait donc le détroit, les poches pleines de poudres et la gourde vide.

« Tu vois Crapaud, convertir ce vieux croûton est le dernier de mes soucis ... Quand je poserais le pied à terre, je serais un protégé de la couronne, j'aurais largement de quoi vivre une belle vie grâce au fonds du Culte, et surtout, je serais libre ! Le prêtre sauta de son lit d'un élan et se mit à parler de vive voix. À moi les vins de la treille, les tournois, à moi les femmes de Westeros . Je ne serais plus jamais à la botte de vieux fous bedonnant... La vie mérite d'être vécue a plein potentiel et, que le Seigneur de la Lumière m'en soit témoin, Crapaud, c'est exactement ce que je compte faire ! »

Le vieux fou n'a jamais vraiment apprécié mes petits tours de magie, mes fumées, mes flammes ... Il faut dire qu'il était entouré d'une légion de pyromanciens aussi fous que lui, et eux ne semblaient pas repoussé par ses longs ongles et son visage morbide. Le peu de rencontres dont il m'a honoré m'ont très vite fait comprendre que je n'avais même pas besoin de paraître intéressé, j'ai rangé mes poudres la première lune de mon arrivée, et je n'ai depuis célébré de messes que pour l'amusement de quelques nobles ou de pas mal de prostituées.
Quand Port réal s'est fait attaquer par l'ancienne main, Tywin Lannister, je n'ai pas été étonné, à vrai dire, je me rappelle presque l'avoir prédit, où peut être l'ai-je vu dans les flammes ? Je continue à voir des choses, le danger est le plus facile à voir. Je n'ai pas pleuré la mort du Roi fou, c'était un vieil homme aigri et obsédé par le feu, on aurait dit le Haut prêtre de Myr... Ce fut en revanche une chose terrible, ce sac de Port réal. Je n'avais pas autant vu de viols et de meurtres depuis les vieux volumes de Mestre sur l'histoire des Targeryans parmi les ages. Un trait particulier de leur famille, en somme.
Avec la fin de la dynastie Targeryan cessèrent le feu et le sang, et l'usurpateur prit place sur le grotesque tas de ferraille royal qu'est ce trône de fer. J'ai d'abord craint le pire de règne à venir de ce Robert Barathéon, et de cette furie qui est sienne. J'étais là, vous voyez, quand l'estimé Tywin Lannister fit apporter devant le trône les restes des enfants de Rhaegar drapés dans une cape pourpre frappée du lion. Pas un mouvement de sourcil : pas de réaction du nouveau roi des sept couronnes, rien. La notion de compassion doit sûrement faire partie du bourrage de crâne religieux que j'ai reçu, ce n'est, en tout cas, pas autant populaire de ce côté du détroit.

Et pourtant, mon avis sur lui a bien changé depuis, ça a commencé par la grâce qu'il a accordée à tous les partisans de l'ancien Roi, Baristan Selmy notamment, que je continue à considérer comme un brave type malgré son coté un peu stricte. Et puis j'ai fini par me remettre à mes petits tours, il le fallait bien. Robert n'avait alors pas plus d'intérêt que moi pour R'hllor, et cela reste le cas aujourd'hui. Je pense même que mon état a empiré depuis que je me suis mis à le fréquenter. Lui et moi, on s'est tout de suite compris. Il représentait presque ce que j'aurais voulu devenir, même rêves de gloires - accomplis pour lui - mêmes intérêts pour le combat, les femmes, l'alcool et la nourriture. Je pense que tout ça a mal tourné pour nous deux.

Robert à beau être taxé de ne rien faire pour le bien du royaume, les sept couronnes n'ont jamais été plus en paix qu'avec un roi aussi désintéressé que lui. Dès que j'ai pu, je suis allé me battre, pas pour le royaume, mais parce que ça m'amusait. Je me suis même couvert de gloire pendant la rébellion Greyjoy, premier à passer les portes de Pyke, la totale. Dernièrement, j'ai plus été chevalier que prêtre, et pas très chevalier pour tout dire. Mais je ne suis pas en train de me plaindre, je m'endors tous les soirs aviné et la panse pleine, avec une femme dans mon lit. J'ai beau ne pas avoir fidèlement servi le Seigneur de la Lumière, il doit pas mal s'en foutre vu comment il me gâte. Je vais finir par croire qu'il veut faire quelque chose de moi... Vaut mieux pas trop y penser.

Thoros de Myr est un homme satisfait. Satisfait de sa vie, de sa situation, il n'a pas de but, pas d'idéal à atteindre. Bon vivant à en mourir, il est bien décidé à se brûler la chandelle des deux bouts, et s'il pouvait mourir avec la panse pleine et les bourses vides, il ne regretterait rien. Ayant grandi dans la lumière de R'hllor, il s'est vite détourné de la voie sacrée, mais une petite voix dans sa tête se dit toujours que ce qu'il voyait dans les flammes était bien réel, et malgré son scepticisme et son manque d'intérêt, il a du mal à imaginer que les autres religions sont aussi fondées que celle dans laquelle il fut élevé, pour le peu que ça changeait à sa vie de toute façon ...D'un naturel ennuyé, Thoros ne manque pas une occasion de se mettre en danger pour le plaisir de le pouvoir, et en profite souvent pour sortir quelques bons mots par la même occasion. Le prêtre rouge garde un œil amusé sur la vie de la cour, les procès, les scandales, les exécutions sommaires, tout en restant un des partenaires de beuverie habituels du Roi. Plus rien n'a vraiment d'importance pour un homme qui ne tient à rien. À la cour, il est une figure respectée quoi que sans grande importance, il y a longtemps que ses robes rouges ne lui servent plus qu'a dissimuler les taches de vin, et la seule flamme qui le représente et celle des épées luisantes de grégeois avec lesquelles il participe aux mêlées lors des tournois de la capitale.

Thoros n'a pas vraiment la carrure du chevalier modèle à la Loras Tyrell. Tirant sur la cinquantaine, pas particulièrement grand, le haut du crâne rasé, l'air fatigué et le ventre bedonnant sous ses robes rouges ternies par l'age, Thoros est le genre de personne dans lequel on cerne la personnalité d'un simple coup d'œil. Malgré son aspect vieillissant, Thoros est d'une énergie débordante et ne manque pas de le faire savoir, la voix tonitruante et le sourire aux lèvres. Son peu de cheveux bruns encadrant son front marqué de rides, Thoros ne compte pas sur son apparence pour plaire, mais prend un certain plaisir à s'attribuer un charisme à toute épreuve lui ayant permis de se sortir d'un nombre assez impressionnant de situations. Toujours camouflés dans les coins, les recoins et les poches secrètes de ses robes, les mains du prêtre semblent faire part d'une préparation à toute épreuve, même si le Myrien ne porte quasiment jamais d'arme sur lui. Les joues et le nez rosés par une détente un peu trop franche du bon vin, Thoros représente assez bien la figure du bon vivant joueur et amateur de bonnes choses qu'on peut retrouver dans le Roi Robert.