Note de contexte:

La nuit était tombée depuis longtemps. Les Soeurs du Silence avaient fait leur travail. Du bon travail. Puis elles s'étaient retirées, en silence, bien sûr. Eddard s'était ensuite installé au chevet de Brynden Tully. Il était épuisé, il le sentait. Et demain serait une journée difficile. Il avait été consterné lorsque Robert avait annoncé son intention d'aller chasser. Le jour même de la mort de Lysa Arryn, c'était d'une indécence totale. Mais il avait été rassuré lorsqu'il avait compris pourquoi. Robert n'était peut-être pas si mauvais roi, finalement. Sa plus grande crainte était cependant que lord Tywin ne se doute de quelque chose. Les Fers-Nés occupaient sans doute une bonne partie de son attention, mais néanmoins... Les pensées se bousculaient dans sa tête. Il aurait été bien plus raisonnable d'aller dormir. Mais il ne le devait pas. Ne le pouvait pas.

Cette veillée, il la devait à Brynden. Il se devait d'être à ses côtés, aux côtés de l'homme qu'il appréciait, qui avait été un oncle aimant pour sa femme, qui aurait été un allié précieux dans les évènements qui s'annonçaient. Au côté de l'homme sur qui il avait envoyé un chevalier armé avec ordre de l'occire.

Eddard soupira. Il avait fait son devoir. Il espérait avoir pris la bonne décision, mais, dans certains cas, aucune décision n'était la bonne. C'était sans doute le cas dans lequel s'était trouvé le Silure. Un dilemme impossible. Mais il avait fait un mauvais choix. Il avait placé tout le monde dans une situation impossible.

Soit Lysa était libérée, au mépris de toute justice, soit le Silure mourait, et, maintenant qu'on avait le plus besoin du Conflans... Impossible de savoir ce qu'Edmure Tully ferait. Le plus intelligent était de suivre l'ost royal et de répondre à l'appel. Mais Edmure prendrait-il une décision intelligente ?

Eddard remua sur sa chaise.

Tu as eu tort. C'était un combat que tu ne pouvais gagner.

Brynden ne répondit pas.

Eusse-tu occis ton adversaire, tu aurais participé à un déni de justice. Tu t'es trompé. Mais tu as bien combattu. Je m'assurerai que ta famille le sache. J'étais là. J'ai tout vu.

Un léger bruit de pas dans son dos le tira de son monologue. Eddard s'ébroua. Il s'était vraiment attendu à ce que Brynden réponde ! Soit les Soeurs du Silence avaient vraiment bien travaillé, soit, plus probablement, il était vraiment très fatigué.

Lady Dustin, dit-il sans se retourner. Vous êtes plus que bienvenue. Rares sont ceux qui se préoccupent de l'oncle mort d'une traîtresse avérée. Pourtant, cet homme valait plus que bien des chevaliers du Royaume. Il aurait largement mérité un manteau blanc lui-même.

Morose journée que celle-là. Elhenna avait suivi les derniers événements du procès, toujours plus dégoûtée par le comportement de Lysa Arryn, au fur et à mesure que les heures avançaient. Elle avait osé demander un duel judiciaire. Cette vieille carne tient vraiment à sa peau, avait alors songé la fille de Barbrey. Comment pouvait-on oser mettre la vie de deux hommes sur la sellette lorsque l'on méritait son châtiment ? Elle était coupable. Coupable de faiblesse et de déshonneur. Crimes impardonnables aux yeux de la louve, surtout lorsque l'on était l'épouse d'un homme aussi influent que Jon Arryn, Suzerain du Val et Main du Roi mais aussi que l'on avait des gens qui dépendaient de nous. Comment avait-elle pu mettre en péril tout cela ?
N'avait-elle pu accepter sereinement son exécution prochaine ? Non, il lui fallait en emporter d'autres avec elle, peu lui importait qu'il s'agisse d'hommes bons et intègres. D'hommes dont le Val ou le Conflans pouvaient avoir besoin.

Enfant, sa mère lui avait quelques fois parlé de Brynden Tully. Le personnage avait toujours réussi à intéresser l'héritière de Tertre-Bourg, elle qui avait pourtant toujours eu un mal fou à rester concentrée sur un même sujet dans ses jeunes années. Et pourquoi ? Certainement parce qu'au delà de ses exploits, il était un insoumis. Barbrey lui avait dit qu'il avait toujours refusé de se marier. Elhenna fronça légèrement les sourcils à cette pensée. S'il avait été une femme, même en étant le second né, on ne lui aurait pas laissé le choix. Peu d'alternatives en fait : prendre un époux ou embrasser la vie de Sœur du Silence. Être un homme était un indéniable avantage, lorsque l'on voulait être le maître de sa destinée.

Et cette veillée, elle devait y aller. Pour rendre hommage à l'homme courageux qui avait vaillamment défendu sa famille et qui avait contribué à forger son jeune esprit rebelle. Peu importait alors pour qui il était tombé. Famille, devoir, honneur. Il n'avait pas renié ses origines.

Il était tard. Bien tard pour qu'une jeune femme se balade seule dans les couloirs du Donjon Rouge. Elhenna avait réussi à échapper à la surveillance de Berthold et d'Orys ce soir-là, ce qui n'était pas une mince affaire, les deux hommes la suivant à peu près partout où elle allait. Être sans arrêt chaperonnée commençait à sérieusement l'ennuyer alors, depuis quelques jours, elle sortait furtivement de sa chambre, tentant régulièrement d'échapper à leur omniprésence.

Thyra lui avait demandé où elle allait à cette heure-là. Elle aurait bien aimé l'accompagner. Pas tant pour veiller un mort que pour se dégourdir un peu les jambes et se changer les idées. Avec l'attaque de Port-Lannis, la louve l'avait enjointe à être la plus discrète possible. Elle avait peur pour la vie de sa sœur de cœur.

Elle marchait doucement tandis qu'elle arrivait là où le corps de Brynden Tully se trouvait. Assis et lui tournant le dos, elle avait reconnu Eddard Stark. Elle s'approcha encore, tandis qu'il lui adressait quelques mots, sans se retourner. Comment avait-il deviné que c'était elle ? La douce mais caractéristique odeur de roses et de violettes mélangées qui parfumait ses bains certainement. Ou peut-être était-ce autre chose.

Elhenna considéra un instant Brynden Tully. Son visage était grave, solennel. Froid et dur. Cette sensation de gâchis. Elle ne la connaissait que trop bien. Elle avait grandi avec. William Dustin, lord prometteur et plein de talents, fauché alors qu'il était à peine adulte. Domeric Bolton, son cousin, emporté par une mort aussi injuste qu'inattendue. Et la sœur de sa mère, elle aussi tombée quelques semaines plus tôt alors qu'il lui restait encore de longues années à vivre. Triste sentiment que celui de cette impuissance à composer avec les destins funestes d'hommes et de femmes braves et intègres.

- Vous avez raison, lui répondit-elle d'une voix aussi grave que l'était son visage, habituellement plein de vie et de fougue. Dans ses yeux gris brillait tout de même une lueur de colère, de rage diffuse à l'unique attention de Lysa Arryn. Elle l'aurait presque autant détesté que Ramsay Snow à ce moment là.

Elle s'assit alors aux côtés de Lord Stark, droite et solennelle. Il avait l'air fatigué mais pourtant il était là, à veiller l'oncle de son épouse. Elhenna lui jeta un bref regard. Résolument, elle en voulait à Barbrey et à son indéfectible rancœur pour l'avoir empêchée de le rencontrer plus tôt.

C'était le premier duel judiciaire auquel elle avait jamais assisté et sa fin avait été brutale et sanglante. La jeune Clegane n'avait finalement pas assisté à un seul jour de procès, mais elle s'était tout de même déplacée pour en voir le dénouement et celui-ci l'avait laissé sans voix et un peu choquée. Ce n'était pourtant là que justice, un moyen pour les hommes de connaître la volonté des dieux, mais c'était aussi envoyer à la mort un chevalier. Des deux présents ce jour-là, elle connaissait les noms et les réputations. Étonnamment, elle avait plus entendu de la bravoure et de la force du Silure que de son confrère Mandon Moore qui appartenait pourtant à la Garde Royale. La fin rassura Eleanor : c'était bien le chevalier de la Garde qui l'avait emporté, prouvant qu'il n'était pas choisi pour rien.

Le public respira d'un seul coup quand Ser Brynden s'effondra enfin, comme si tout le monde avait retenu son souffle pendant le combat. Eleanor se rendit compte que c'était aussi son cas, alors qu'elle ne connaissait pas l'accusée et encore moins les chevaliers. Elle avait à peine entendu la sentence finale et son regard avait suivit les chevaliers du Val qui emportait le corps du valeureux Silure. On se dispersa car le spectacle était terminé et ne reprendrait que demain pour l’exécution finale de Lysa Arryn. Jamais Eleanor n'avait rencontrée la fille d'Hoster Tully mais on lui avait raconté ces derniers jours que la culpabilité était avérée et que la vieille femme avait confessée son meurtre sans grande hésitation.

Pourquoi alors avait-on accepté qu'un duel se joue ? L'accusée était coupable, elle l'avait elle-même reconnue à la face des dieux et des hommes ? Et pourquoi Lysa Arryn n'avait-elle pas hésité un instant avant d'envoyer son oncle se battre pour défendre une innocence que tous savaient faux ? Ces questions l'agitèrent toute la journée, sans qu'elle ne sache trop pourquoi. Elle revit le duel dix fois, elle revit l'épée sanglante et le grand Silure qui s'effondrait. Pour la première fois depuis son arrivée au Donjon Rouge, elle ne quitta pas sa chambre de l'après-midi. Quand vint le soir, elle tenta bien de dormir mais ses pensées ne cessaient de tourbillonner dans son esprit. Il faisait noir depuis longtemps quand elle se décida à se lever.

Eleanor ne savait pas encore ce qu'elle faisait qu'elle appelait une servante et lui demandait de l'aider à enfiler une longue robe noire et sobre. La jeune domestique insista pour la suivre dans le château, pour sa sécurité disait-elle malgré les arguments d'Eleanor. Gregor n'irait sûrement pas là où elle allait et s'il le faisait, une servante ne pourrait pas grand chose contre lui. Et puis, il y aurait toute la fine fleur des chevaliers du Val présente, cela ne faisait aucun doute. Brynden Tully serait veillé par des proches, des amis, des chevaliers, qu'avait-elle, elle, à faire là-bas. Eleanor Clegane ne lui était rien et ne lui serait jamais rien. Pourtant elle voulait y être. Elle se sentait l'obligation de veiller, non pas pour un homme qu'elle connaissait et respectait, mais pour le chevalier dont elle avait observé les derniers instants. C'était une excuse, comprit-elle en chemin, pour avoir été là, pour avoir regarder sans mots dire.

Le duel judiciaire ne lui paraissait plus une si simple et si juste solution, quand elle eut parcourut la moitié du château pour rejoindre la pièce où avait été installé le corps du Silure. Elle ordonna à sa servante d'attendre dehors, des dizaines de chevaliers devaient se presser dans la salle et ils n'auraient que faire de deux femmes dans leurs pattes. Lorsqu'elle ouvrit la porte, il n'y avait que deux silhouettes assises auprès du corps de Brynden Tully. Elle reconnut la première instantanément, Lady Elhenna Dustin qu'elle avait croisé seulement deux jours plus tôt dans la roukerie du Donjon. Quelques pas timides lui suffirent à identifier la seconde et sa révérence ne s'en fit que plus profonde et plus gracieuse.

- Lady Dustin, Lord Stark, souffla-t-elle respectueusement.

Ses immenses yeux gris se posèrent sur la Main du Roi avec une sorte de surprise, car c'était là la dernière personne qu'elle s'apprêtait à voir ici. N'était-ce pas lui qui avait envoyé un chevalier de la Garde pour tuer Ser Brynden ? Pourquoi était-ce deux nordiens qui veillaient le cadavre du vieil homme ? Peut-être que l'inflexible Lord de Winterfell se sentait coupable de la mort de celui qui était son oncle par alliance. La Clegane s'abstient bien sûr de toute remarque, notamment parce qu'elle-même ne savait pas trop ce qu'elle faisait là.

Elle fit quelques pas légers pour approcher et surplomber Brynden de sa haute taille. Il avait simplement l'air endormi, se surprit-elle à penser. Même la blessure n'était plus apparente avec sa posture droite et son menton levé. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Qu'y avait-il à dire ?

C'est le coeur empli d'une détermination nouvelle que Cerenna traversait les longs couloirs de pierre du Donjon à la lueur des torches qui ornaient les murs, tandis que les voiles de soie noire de sa robe voletaient dans son dos. Un peu plus tôt dans la matinée on lui avait apporté une lettre de son époux, lui annonçant qu'il venait de débuter les négociations avec les Tyrell pour le mariage d'Alessander avec leur fille, Elinor. Mais là n'était pas l'important. Le plus notable était à noter dans la réponse qu'elle lui avait envoyé ce soir là. Le Silure était mort. Lysa Arryn allait être exécutée au nom de la justice du roi. Et si elle avait déclamé dans sa lettre tout le courage dont avait fait preuve Brynden Tully et à quel point cette perte allait attrister le Conflans, rien ne pouvait autant la remplir de joie. Sans le vouloir, elle se sentait déjà pleine de reconnaissance envers Ashara Arryn, qui avait par son désir profond de justice, fait involontairement exécuter non pas un mais deux Tully à la fois. Et alors que son visage était droit et fermé par un respect feint, son coeur jubilait de voir ainsi ébranlée cette famille suzeraine qu'elle haissait tant.

Elle avait à coeur de venir voir la dépouille du chevalier. Non pas pour se recueillir dans un premier temps, mais pour contempler son cadavre à peine refroidi, comme pour s'assurer qu'il avait bien quitté le monde des vivants. Lorsqu'elle entra dans la pièce, elle eut l'étrange impression que cette mort n'était que la première d'une importante série. Si elle y trouvait son compte, elle ne pouvait s'empécher de lire au dessus de la dépouille un mauvais et sombre présage. Tout était arrivé si vite. La culpabilité de Lysa était si évidente qu'elle en était presque écrite sur son visage, mais cela fragilisait d'autant plus la situation du royaume. Cerenna était aussi prête à parier que la suzeraine du Val n'avait pas non plus vu d'un très bon oeil la nomination d'un chevalier du Val pour se battre lors du procès. Que de problèmes apparaissaient dans ce simulacre de solution.

Elegante et sobre, elle s'approcha de la dépouille, puis salua les trois personnes déjà présentes, solennelle. Elle avait reconnu Lord Stark, mais les deux jeunes femmes lui étaient totalement étrangères.

-Lord Stark, Mes dames.

Après deux légères révérences, elle se tourna vers le corps sans vie. Cela ne lui inspira pas la moindre crainte, elle avait déjà contemplé la mort. Les soeurs du silence avaient fait montre de tout leur talent, à tel point qu'elle cru un instant que le Silure était simplement endormi. Ses grands yeux pâles et impitoyables parcoururent longuement le corps allongé. Un Tully était mort, une autre mourrait demain. La fatalité avait frappé cette famille avec force et le destin qui l'attendait ne semblait pas plus clément. Un seul traitre suffisait à gangréner une famille aussi puissant soit-elle sur plusieurs générations. La lady haissait les Tully, chacun de leurs membres avec une haine farouche, et ce, depuis qu'elle avait appris toute jeune la façon dont ils avaient tourné leur dos au dragon trycéphale.Mais elle n'en respectait pas moins le courage et la détermination de cet homme. En cette triste nuit, il n'était plus pour les nobles de la capitale que l'oncle d'une traitresse, et si elle était la seule femme du Conflans à devoir lui rendre une derniere visite, alors elle veillerait à lui rendre hommage, malgré sa rancune. Elle chuchota, grave et sincère:

Tu as construit ta légende en allant contre le courant de la rivière, et c'est ce courant qui a fini par t'emporter. Tu t'es battu pour ta famille, tu es tombé en accomplissant ton devoir, tu es mort avec honneur. Puisses-tu reposer en paix.

Elle s'assit non loin de Lord Stark et, fixant toujours la dépouille, lui demanda d'une voix grave et lasse:

-Pourra-t-il être inhumé dans la rivière ainsi que le veut la tradition des suzerains du Conflans?

Cela semblait peu probable. Le temps d'atteindre Vivesaigues, le corps du Tully serait dans un triste état. La mer peut-être? Elle doutait cependant que Port-Réal consente à lui faire ainsi honneur.

Une ombre de sourire effleura les traits de Ned. Il y avait tout de même des gens pour venir veiller Brynden Tully. Bien sûr, peut-être que d'aucuns le détestaient et n'étaient venus que pour s'assurer de sa mort, il n'avait aucun moyen de le savoir. Mais, même dans ce cas, venir voir sa dépouille relevait tout de même d'une forme de respect.

Il ne reconnut pas la première dame qui les rejoignit. Quand à la seconde, son visage lui rappelait quelque chose, sans qu'il ne parvienne à mettre de nom dessus.

Pourra-t-il être inhumé dans la rivière ainsi que le veut la tradition des suzerains du Conflans?

Ned réfléchit un moment avant de répondre.

Pas dans le Conflans.

Il était inutile d'expliquer pourquoi. Eddard n'avait aucune envie de parler de putréfaction et de décomposition des corps en la situation présente aussi ne poursuivit-il pas.

Mais je ferai en sorte qu'il soit inhumé dans la rivière, oui.

Même si je dois mordre le roi pour cela. Mais l'homme qui a eu la grandeur d'âme d'épargner ser Barristan Selmy après le Trident comprendra que ser Brynden Tully mérite au moins ça.

Le temps s'écoula en silence, et, au fur et à mesure que la nuit avançait, d'autres venaient aux côtés de la dépouille mortelle. Les gens s'observaient, on murmurait, on notait les présents, les absents. Être présent pouvait être vu comme un soutien à Lysa Arryn et donc un affront au roi. Être absent pouvait être vu comme une insulte à Brynden Tully, et, plus généralement, à sa famille.

A un moment, Eddard eut la sensation d'étouffer. Le jeu des trônes ne s'arrêtait pas un instant, que les hommes vivent ou meurent. Ou peut-être n'était-ce que la sensation qu'avait Ned. A entendre si souvent les couteaux s'affûter dans l'ombre, il avait de plus en plus de mal à penser que les gens fassent quoi que ce soit par pur altruisme ou sens du devoir. Pourtant, ç'avait été sa seule motivation. Et, il le pensait, c'était aussi le cas d'Elhenna. Il devait donc y en avoir d'autres présents pour les mêmes raisons. Le problème était de savoir qui.

Trop de confiance était un grave défaut. Mais se défier de tout le monde n'était pas plus sage.

Il décida qu'il avait besoin d'air frais pour se rafraîchir les esprits, se redressa, et se tourna vers Elhenna.

J'ai besoin d'air, souffla-t-il. Je reviens. Sauf si vous voulez m'accompagner.

Il se dirigea vers l'extérieur. Là, il y avait des groupes de gens qui discutaient à voix basse. Ceux qui voulaient discuter plutôt que se recueillir avaient eu la décence de ne pas le faire en présence du mort. Bien.

Eddard se laissa tomber sur un banc et inspira l'air de la nuit à pleins poumons.

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'Dé 6' : 4

La gloire est le soleil des morts.

Le Silure avait péri comme il avait vécu. Fidèle à des convictions fortes et dans l’affirmation de son indépendance et de ses choix. Il était aussi mort pour l’honneur de sa famille, celle loin de laquelle le grand poisson noir avait toujours nagé, préférant des eaux plus claires et choisies par lui à celles bordant la Ruffurque et la Culbute de son enfance.

Le Noire-Epée venait de perdre un ami de plus. Et les Sept-Couronnes un guerrier comme on en faisait guère plus. Le Corbray sentait sur ses épaules toute la lourdeur de la peine et deuil qui alourdissait ses pas alors qu’il montait les marches du Donjon Rouge qui menaient vers la salle de la veillée funéraire.

Devant le grand huis sombre et silencieux qui les toisait de toute sa hauteur solitaire, un petit attroupement palabrait en monceaux de chuchotements épars et respectueux.
Le parvis était encombré de ces gens qui, sans savoir pour qui ni comment, se pressent et se massent pour comprendre ce qui leur a échappé. Un mort ? Êtes-vous sûr ? Mais de qui s’agit-il ? Mais le Silure, on vous dit, mais oui… Lui ? Mais non, impossible, je l’ai croisé hier ! Lors du procès ? Mais pourquoi donc ? Ces nobles, je vous jure ! Allez comprendre… Un homme comme lui. Une grande perte !

A l’écart de ses palabres inutiles la Main du Roi venait de s’extraire de la salle funéraire pour prendre un peu l’air et venir déposer sa peine et sa grande carcasse sur un banc de pierre aussi froid que le deuil.
Il semblait lui aussi écrasé par le regret et la peine. Eddard Stark avait toujours eu beaucoup d’estime pour cet homme d’arme puissant qui faisait partie de sa famille depuis que sa nièce avait épousé le Lord Suzerain du Nord.

Lyonel, qui se rendait vers la salle de la veillée pour accompagner une dernière fois son ami, fit quelques pas silencieux vers le Stark avant de poser une main bienveillante sur son épaule.

– Il est mort pour sa famille, Lord Stark. Nous ne pouvons que le comprendre même si nous le déplorons…
Foutue barge de Lysa ! Tu nous les auras tous pris ! Vipère ! Le Noire-Epée pensait aussi au regretté Lord Jon dont il avait épousé la nièce quelques semaines auparavant.

Il était évident que les deux hommes accompagnaient là quelqu’un dont ils avaient été proches, parent ou amis. Et que la même peine encombrait leurs pensées.

Il était mort pour sa famille, en effet. Lord Corbray avait raison. Eddard connaissait fort bien la devise de la maison Tully, car c'était celle de sa femme. "Famille, devoir, honneur".

De nobles mots. Mais la famille passait en premier, et c'était cela qui posait problème. Il y avait beaucoup à dire, mais Eddard n'avait jamais été un bavard. Sans avoir de certitude absolue, il se doutait ce que son compagnon pouvait penser : oui, il était mort pour sa famille, et il n'était pas convenable de critiquer les défunts. Mais tout de même, accepter de défendre dans un jugement par le combat une traîtresse avérée qui avait confessé son crime.... Le problème était, bien sûr, que rien de ce qui s'était passé n'était de la faute de Brynden Tully. Ni d'Eddard Stark, ou d'Ades Overton, ou d'Arthur Ambrose, pas même de Mandon Moore qui avait tenu l'épée qui avait percé la gorge du Silure. Tous n'avaient fait que jouer leur rôle, et l'avaient tenu jusqu'au bout dans cette sinistre parodie de procès. Tous, sauf une. Lysa Arryn, qui, après avoir confessé sa félonie, n'avait pas été capable de l'assumer. Elle avait mis à mort son oncle aussi sûrement que si elle lui avait elle-même tranché la gorge.

D'autres silhouettes approchaient de lord Stark, indistinctes dans l'ombre. Amis sincères ou courtisans saisissant là une occasion d'approcher la Main du Roi, il était trop tôt pour le dire.

Brynden Tully a toujours été quelqu'un d'inflexible dans sa défense des idéaux de sa famille. Je l'admirais pour cela. Les hommes capables de sacrifier autant à leurs principes sont trop rares.

Eddard en savait quelque chose, de ce qu'on devait parfois sacrifier pour suivre ses principes. Mais, sans honneur, un homme n'était rien. Et un code moral qu'on cessait de suivre lorsque les circonstances étaient délicates n'était rien de plus qu'un discours creux.

C'était inévitable. Famille, devoir, honneur. Tels sont les mots de la famille Tully. Et "famille" vient en premier. Brynden vivait par et pour cette devise. C'était la seule issue possible. Mais oui, c'était un homme exceptionnel. Une centaine de chevaliers comme lui et le Royaume n'aurait aucun souci à se faire.

Malheureusement, il était difficile d'en trouver dix. Eddard se tourna vers les silhouettes qui se profilaient, pour voir si d'aucuns allaient les rejoindre, lui et lord Corbray.

Bientôt, plusieurs autres les rejoignirent. Elhenna salua poliment Eleanor. Étrange surprise de la croiser ici, quelques jours après leur première rencontre à la roukerie. La louve doutait qu'elle ait jamais rencontré le Silure et la voir venir le veiller l'intrigua un peu, dans le sens où elle pensait être la seule noble demoiselle de Port-Réal capable de venir accompagner un inconnu dans son dernier voyage. Mais en fait, après tous les récits de Barbrey, c'était un peu comme si elle le connaissait, il ne lui paraissait pas tellement étranger. Ce qui rendait la présence d'Eleanor ici, d'autant plus intrigante. Malheureusement, ce ne serait certainement pas ce soir là que l'héritière de Tertre-Bourg pourrait lui poser de nouvelles questions.

- Pourra-t-il être inhumé dans la rivière ainsi que le veut la tradition des Suzerains du Conflans ?

Elhenna posa son regard gris sur la femme qui venait de s'adresser à Eddard Stark. Elle était belle, grave et... Il y avait autre chose. Elle lui faisait penser à sa mère. Droite, digne, sobre... Une veuve. La fille de Barbrey secoua la tête, se tournant de nouveau vers la dépouille de Brynden Tully. Le Nord me manque. Elle n'avait aucune idée de l'identité de la femme qui prenait place non loin d'elle et de la Main du Roi. Et son mari est certainement tout ce qu'il y a de plus vivant. Laissons là ces sottises.

Un léger sourire vint ourler ses lèvres lorsque Lord Stark lui répondit qu'il ferait tout pour que l'oncle de Lysa Arryn soit inhumé dans la rivière. Elle n'en attendait pas moins de lui. Et il avait raison. Les Tully seraient certainement reconnaissants pour cela. Et c'était bien peu, comparé à ce que la mort du Silure signifiait de peine et de douleur pour eux, sans nul doute.

Le temps passait et l'atmosphère devenait de plus en plus lourde, désagréable. De tous côtés, on s'observait, plus ou moins discrètement.

- J'ai besoin d'air, lui souffla le frère de Brandon. Je reviens. Sauf si vous voulez m'accompagner.

Elhenna plongea ses yeux gris dans les siens et lui répondit, dans un murmure :

- Je vous rejoins dans quelques minutes.

Il commençait à y avoir trop de personnes attroupées autour de la dépouille de Brynden Tully. Elle l'observa encore un long moment, songeant de nouveau à ce que sa mère avait pu lui raconter. « Tu vois ce qui arrive aux insoumis. » Elle l'entendait d'ici.

La louve se leva doucement, pour ne pas déranger ceux qui priaient avec ardeur, comme l'homme entré peu de temps avant. Elle se glissa vers l'extérieur de la pièce. Elle reviendrait plus tard, lorsque l'endroit serait de nouveau tranquille, pour rendre au Silure un dernier hommage.

Dehors, il y avait plusieurs petits attroupements de gens qui discutaient à voix basse. La plupart déploraient la mort du frère d'Hoster Tully et la perte qu'il représentait autant pour le Conflans que pour le Val. Rapidement, Elhenna trouva la silhouette de Lord Stark. Il était assis sur un banc, en compagnie d'un autre homme. Elle fit quelques pas dans leur direction et, arrivée face à eux, elle murmura, en adressant au Noire-Epée un hochement de tête poli :

- Lord Corbray.

Elle aurait bien aimé lui dire que c'était un plaisir de le revoir et qu'elle était contente qu'il ne la bouscule pas à chacune de leur rencontre mais ce n'était résolument pas le moment de plaisanter.

Eddard inclina la tête avec courtoisie et un léger sourire à l'adresse de lady Dustin. Il était réconforté que tant de personnes soient venues veiller le Silure, lui qui se voyait déjà rester seul avec le défunt jusqu'au lendemain matin.

En d'autres circonstances, il aurait pu discuter avec Elhenna. Elle avait le même caractère que Brandon, que Lyanna, qu'Arya. Lady Barbrey avait été une idiote intégrale de refuser l'offre de lord Stark de prendre sa fille comme pupille. Celle-ci en aurait largement bénéficié. Et, même aujourd'hui, il pouvait lui enseigner. Il la voyait comme un intermédiaire entre une élève, une petite sœur, et une vassale. Car lord Stark n'avait pas d'amis, même si, occasionnellement, fugitivement, Ned avait une bouffée de regret en y pensant.

Et la leçon du moment était la suivante : on ne bavarde pas inutilement, et encore moins lors d'une veillée funèbre. Lord Stark revint à l'intérieur et reprit sa chaise. Il y avait clairement moins de places assises que de personnes, mais il était Main du Roi, et le droit de s'asseoir était un privilège bien faible eu égard au travail qu'il abattait.

Il resta là, silencieux, serein, dans le même état que sous le barral de Winterfell, lorsqu'il polissait la lame aux motifs fuligineux de Glace. Autour de lui, des gens arrivaient, mais de plus en plus commençaient à s'en aller. Le ciel ne s'éclaircissait pas vraiment, et de toute manière Eddard n'aurait pu s'en rendre compte, mais l'air avait une tessiture qui annonçait que, bientôt, il commencerait à perdre les couleurs profondes de la nuit. A cela, succèderait l'aube. Puis la mort de Lysa. Puis la guerre.

Le Stark avait raison. Et c’était aussi ce dont était convaincu le Noire-Epée. La devise Tully était explicite et le Silure était bien trop attaché aux ancestraux préceptes de sa Maison pour se désengager devant le péril ou la mort.
Effectivement une centaine de chevalier de cette trempe aurait peut-être suffit à éviter la déroute à un royaume des Sept-Couronnes qui semblait perdre la tête aussi sûrement que Lady Lysa avait été dépossédée de la sienne.
Les complots faisaient suite aux outrages et aux conflits, les mécréances cédaient le pas aux trahisons et aux tromperies et on eut véritablement dit que le pire était à venir alors que le Conflans perdait un de ses plus nobles et fiers représentants et que l’on annonçait la menace fer-née de retour et bien réelle…

Il inclina la tête à l’arrivée de la jeune et jolie Elhenna Dustin qu’il avait rencontrée quelques jours plus tôt en marge de l’ouverture du procès de la Tully.
– Lady Dustin, répondit-il avec un léger sourire teinté de tristesse. Il trouvait un certain réconfort à voir ainsi la jeune génération se porter aussi spontanément au chevet des glorieux mourants. – Merci d’être venue… Nul doute que le Silure aurait apprécié lui aussi que l’on reconnaisse ici, à Port Réal les mérites qui avaient été les siens, dussent-ils ne l’être qu’avec sa mort.

Le Lord Suzerain du Val délaissa pourtant le visage juvénile de la nouvelle arrivante pour s’adresser à nouveau à la Main du Roi en une confession qui ressemblait aussi à une requête.

– Lord Stark, je sais que vous avez bien connu vous aussi ser Brynden. Il comptait parmi mes amis. Mon épouse et moi-même l’avons très bien connu du temps où il servait en tant que Chevalier de la Porte Sanglante dans le Val. C’est même moi qui ai était contraint de le relever de cette fonction lorsque sa nièce a avoué le meurtre de Lord Jon. Elle a demandé d’être accompagnée devant le Roi par son oncle et celui-ci ne pouvait refuser… Il acquiesça doucement du chef. – Pour toutes les raisons et la droiture que nous avons déjà évoquées. Mon épouse et moi pensons que le faire rapatrier dans le Conflans pour qu’il y soit rendu à la rivière, comme le veulent les coutumes locales serait bien la moindre des marques de respect et d’estime que nous pourrions lui adresser. La délégation valoise qui m’a accompagné ici est suffisamment nombreuse pour que je sois en mesure d’organiser un convoi mortuaire dans des délais relativement bref. Ser Brynden pourrait prendre la route demain pour regagner les eaux de son enfance.

Il se redressa et le visage qu’il adressa au Stark était de ceux qui, par leur résolution et leur fermeté montrent l’étendue de la détermination qui les engendre.

– Mon épouse, lady Ashara, souhaite rallier Vivesaigues pour l’accompagner jusqu’à la Culbute où il partira comme tous les grands de cette région. Nous aurions besoin que vous puissiez appuyer cette démarche spontanée.

Le regard métallique du Gouverneur de l’Est s’était fiché dans ceux de celui du Nord et entre les deux hommes un dialogue muet semblait se poursuivre.

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'Dé 6' : 3

Eddard inclina gravement la tête à l'intention de lord Corbray. C'était une bonne idée. Après tout, il pouvait convoquer son ban par corbeau.

Cette intention vous honore, lord Corbray. Vous avez tout mon appui. Faites ce qui est à faire. Rapatriez la dépouille de ser Brynden aussi rapidement que possible.

C'était un acte honorable et politiquement bénéfique aux partisans du Roi et donc de lord Stark. Comment celui-ci aurait-il pu refuser ? Il n'envisagea même pas de demander la permission à Robert. Celui-ci n'était que trop heureux de laisser sa Main prendre ce genre de décisions.

Eddard aurait bien voulu poursuivre sa conversation : connaître et entretenir des liens cordiaux avec le lord suzerain du Val ne pouvait être qu'une bonne idée. Sans compter qu'en l'occurrence, il semblait réellement être un homme de bien. Les apparences pouvaient être trompeuses, mais pas éternellement. Mais à ce moment, le septon appela pour une dernière prière. Eddard balança la tête. Oui, il était temps de terminer cette veillée. Le ciel commençait à s'éclaircir. Mais les dieux du Sud, le Père, la Mère, le Ferrant, la Jouvencelle, le Guerrier, l'Aïeule, et le terrifiant Étranger, n'étaient rien pour lui. La foule commençait à bouger, c'était le moment où jamais de s'éclipser discrètement.

Il commençait à se laisser glisser hors de la foule, lorsqu'un homme vint se planter devant lui, lui soufflant son message d'une traite.

Demain à minuit sur les quais Lord Stannis vous attendra. Seul à seul.

Eddard avait eu l'occasion de connaître Stannis. Jamais il n'aurait utilisé ce genre de procédé pour solliciter une entrevue privée. Maître des navires durant une guerre contre les Fers-Nés, il avait toute légitimité de contacter Eddard Stark directement sans éveiller aucune curiosité mal placée.

Donc, cet homme ne venait pas de la part de Stannis. Et il essayait d'attirer la Main seul à un endroit où on pourrait... On pourrait quoi ? Il suffisait de demander.

Eddard avait toujours quelques gardes à portée de voix. Surtout depuis l'agression du festin. Il désigna l'homme qui venait de lui parler, et deux gardes acquiescèrent et se mirent en route. Eddard savait que deux autres les rejoindraient non loin.

Il se mit en route, mais ils ne suivirent pas l'homme, non, ils se dirigèrent vers la sortie. Après tout, quel que soit le trajet que l'homme avait suivi, il n'y avait qu'un seul endroit par lequel repartir. Tranquillement, Eddard palpa le poignard qu'il avait dans sa botte, et le passa sous sa ceinture.

Ils allaient poser des questions, mais en-dehors de l'enceinte du Donjon Rouge.

Pendant ce temps, les prières s'éteignaient. La veillée était finie.

La lady ne preta pas grande attention à ceux qui entrèrent et ressortirent de la salle alors qu'elle restait là, à prier en apparence. Car, ainsi assise et silencieuse, c'est bien ce que n'importe qui aurait pu croire des intentions de Cerenna. Les mains jointes dans une prière silencieuse, ses épaules couvertes d'un voile noir et fluide, dans cette pièce elle n'était plus la vipère, elle n'était qu'une citoyenne du Conflans venue rendre hommage à ce membre de sa famille suzeraine. Ses yeux pales ne quittaient pas la silhouette du defunt, mais son esprit avait déjà passé outre ce décès et s'appliquait désormais à penser à l'avenir. A l'avenir de son fils, de sa fille, de sa maison. La famille des Tully etait desormais amputée d'un membre, mais cela restait insuffisant pour ses plans maintes fois muris.

Avec toutes ces tragedies qui touchaient ses suzerains, il y avait à parier que les autres grandes familles du Conflans se confondraient en gestes de compassion et de soutient pour s'attirer les faveurs des Tully encore en vie. Un comportement que Cerenna se refusait d'adopter car ses ambitions portaient ses espoirs au delà de la mer, vers un monde souvent déprécié ici à la cour, par les nobles et les princes, mais qui avait toujours fasciné la dame. Elle savait que son fils et sa fille ne pourrait lui opposer de resistance. Mais lorsqu'il s'agirait de convaincre celui qu'on lui avait donné pour époux, cela promettait bien des difficultés. Criston etait loin d'etre bete, mais sa bonté et son manque d'ambition en faisant un homme facilement manipulable par ses amis, un homme qui n'en demeurait pas moins inflexible lorsqu'il s'agissait des idées de cette épouse qu'il détestait tant.

De ce fait, les prières qu'adressait Cerenna n'étaient pas pour l'ame du defunt mais pour sa famille.
Au Père, auquel elle ne s'adressait jamais, elle ne demanda rien.
Elle pria la Mère de protéger sa progéniture.
Elle pria l'Aieule de lui accorder sa sagesse et de lui prodiguer ses conseils pour les choix qu'elle ferait à l'avenir. Elle lui demanda aussi de l'aider à faire entendre raison à son epoux.
Elle pria la jouvencelle de veiller sur Alyssa.
Elle demanda ensuite au Ferrant et au Guerrier de lui accorder leur force pour accomplir ses desseins sans faillir.
Et enfin, dans une prière aux accents bien plus funestes, elle pria pour la première fois l'etranger, lui demandant, si jamais ses prières précedentes ne trouvaient pas de réponses, d'emporter son mari avec lui.

Sans un bruit, elle se le va de sa chaise et quitta la pièce sans un regard pour quiconque.

Que d’événements en si peu de temps ! Le lutin de Castral Roc ne pouvait pas ne pas se présenter lors de la veillée funéraire de Brynden Tully et pour cause, la plupart des Lannister avaient fort à faire avec l’attaque des Fer-nés à Port-Lannis. Même si cela l’inquiétait un peu, Tyrion savait fort bien qu’une fois le ban de chaque région du Trône de Fer levé, les barbares des Iles de Fer ne pourraient tenir bien longtemps leur position et seraient bien vite rejetés à la mer. Au final, cela l’amusait même plus qu’autre chose car c’était l’honneur de son père qui venait d’en prendre un coup suite à cette défaite sévère. Le bastion des Lannister depuis des centaines d’années venait de tomber et cela se produisait sous son règne. Il s’agissait donc bien d’un élément qui sera à jamais gravé dans les livres d’histoire et qui ternira le nom de Tywin Lannister à jamais. Un grand bonheur habitait donc le gnome alors qu’il pénétrait dans le Septuaire.

Bien entendu, il n’exposa pas sa satisfaction au grand jour et préféra adopter une attitude plus solennelle plus en accord avec l’événement auquel il participait. Loin d’être un grand croyant, il ne manqua pas d’attirer les regards de personnes n’approuvant pas son style de vie dissolue. S’amusant de ces jugements, il salua d’un geste de la tête ceux qui lui adressaient un regard, avant d’aller se recueillir devant la dépouille du Silure. Habitué à la franchise, il n’épargna pas l’âme du mort et ceux qui avaient le malheur d’entendre ses mots. Après tout, ce n’était pas maintenant qu’il était mort qu’il allait se vexer d’une franche vérité dite face à face.

« Mourir pour sa folle de nièce, en voilà un fin tragique. Il semblerait que les principes de votre famille vous aient rattrapé au final et que cela vous ait tué. »

Ces quelques mots prononcés, Tyrion se retira immédiatement, ne souhaitant pas rester dans ce lieu de croyance qu’il n’affectionnait pas plus que ça. De nombreuses personnes étaient présentes pour honorer une dernière fois Ser Brynden Tully, si bien que même le Lutin se demanda ironiquement combien serait présent pour lui lorsque ce jour viendrait. En dehors de Tommen et Myrcella, voire peut-être Jaime, il n’y aurait sans doute personne de sa famille. Une pensée lui vint au sujet des prostituées et des taverniers certainement tristes d’avoir perdu un aussi bon client mais bon, pas de quoi se déplacer jusque dans un lieu de recueillement.

C’est donc finalement à l’extérieur qu’il s’étira un court instant, son petit corps s’allongeant de quelques millimètres, avant de regarder autour de lui. Vu sa taille, il ne voyait que des fesses, des bourses et d’autres choses du genre mais bon, avec le temps, il en avait l’habitude. Il lui fallait maintenant réfléchir à la suite des événements car si le cas de Lysa Arryn était réglé, il restait encore Jaime et les Terres de l’Ouest qui nécessitaient son attention vu qu’ils leur souhaitaient un destin bien moins funeste. Bien sûr, fallait-il encore convaincre son père de son utilité, ce qui n’était pas une chose gagnée d’avance.