Année 298
Lune 13
Semaine 4
Jour 3
Sur la route de Beaumarché

Cela faisait plusieurs jours que Lord Terrick, accompagné d'une dizaine de soldats, faisait route vers Beaumarché pour aller à la rencontre du Desdaings qui s'était interposé entre ses hommes et son épouse. Cela devait être la première fois qu'il s'y rendait, et espérait aussi que ce soit la dernière. Il avait parcouru le Conflans de fin en comble durant ces premières années de recherches, visitant la plupart des grandes villes, ou envoyant ses soldats le faire à sa place. Mais il s'était très vite rendu compte, à raison, que cela ne menait à rien et ne représentait qu'une perte de temps plutôt qu'autre chose. Néanmoins, il n’arrêta pas durant le voyage, de se dire qu'en fin de compte il avait eu raison de poursuivre ainsi ses recherches et que l'inverse n'aurait été qu'un aveu d'échec de sa part, et étant contraire à la devise de sa maison. Mais tout n'était malheureusement pas fini, il lui restait encore à la trouver, ce qui ne devrait normalement pas poser de problème si ce Desdaings se montrait raisonnable et lui montrerait bien gentiment où se trouvait son épouse. Si tant est que la femme qu'il a protégé était bien Silvana, ses soldats auraient très bien se tromper de personne et si tel était le cas, alors ils se retrouveraient très vite pendus et ballottant au bout d'une corde que lord Terrick aurait lui même noué. Il savait se montrer patient mais perdre son temps était une chose qu'il répugnait, et ses hommes l'avaient très vite compris, c'est pour ça qu'il ne doutait que très peu de la véracité de leurs propos.

Lorsque la nuit fut tombé, au détour d'un chemin, ils entrevirent au loin près d'une rivière dont la couleur de l'eau ne laissait aucunement planer l'envie de s'y baigner ou même de s'y rassasier, une grande auberge dont le nom leur était inconnu mais dont le bruit et l'odeur qui en émanait donnait déjà une idée de l'ambiance frivole qui y régnait. Lord Terrick annonça à ses hommes qu'ils allaient faire halte dans cette auberge, ce à quoi le capitaine de la garde, nettement plus jeune que son seigneur mais dont l'imposante carrure et la taille le dépassait largement, répondit.

-Monseigneur, nous nous sommes d'jà arrêtés plusieurs fois aujourd'hui, je pense que nous pouvons continuer encore un peu. Beaumarché ne doit plus être très loin, et si nous poussons un peu plus dans les terres, en se ménageant un peu, on pourrait y être le soir même. Les Desdaings vous attendraient moins, et vu la cadence à laquelle nous allons, je pense que nous d'vrions nous dépêcher.

Byron descendit de son cheval, et commença à marcher, les jambes légèrement engourdies, en tenant la bride en direction de l'auberge. Il tourna la tête.

-Je ne pense pas qu'ils nous attendent malgré la lettre que je leur aie envoyés. Et si c'est le cas, j'ai attendu six ans, ils peuvent bien attendre quelques jours de plus.

Ils attachèrent leurs chevaux dans l'écurie dont les occupants étaient un cheval à robe grise qui broutaient du foin, et un ivrogne allongé et endormi sur ce même foin. Ils s'empressèrent d'entrer, et de constater le nombre de clients qui arrivaient à priori à se parler malgré la cacophonie assourdissante. L'auberge battait son plein. Les serveuses semblaient ravis de voir autant de monde et le seraient encore plus à la fin de la soirée lorsqu'elles verraient combien de piécettes elles avaient récoltés. La troupe réussit à se trouver une table suffisamment grande et commanda ce qui restait, soit quelques bout de pain, et des restes du sanglier qui avait été rôti plus tôt dans la soirée.

Au bout d'un moment, après que quelques clients soient parties, on pouvait désormais discuter en paix sans avoir à crier pour se faire comprendre. C'est là, que Byron entendit le son d'un violon dont le son qui en émanait était là depuis le début mais caché par le brouhaha ambiant. Il n'avait pas remarqué la présence d'un violoniste en entrant mais il était bien là. Le petit seigneur des Conflans se leva de son banc et alla vers le comptoir pour voir si il restait encore quelques chambre de libre pour qu'ils puissent finir leur voyage par une nuit dans un lit douillé plutôt qu'a la belle étoile. Lorsque l'aubergiste regarda si il en restait encore, la musique s’arrêta soudainement. Byron entendit certains clients applaudirent après la fin de la prestation, il se retourna pour voir le violoniste.

Son visage se décomposa. Il la regarda avec assez d'insistance pour que son capitaine de la garde le remarque et se tourne à son tour pour voir ce qui attirait tant l'attention de son seigneur. Byron s'adressa à elle en élevant la voix pour qu'elle passe au dessus du bruit.

-Silvana !

Le capitaine se leva, ainsi que les soldats quelques secondes après, comprenant rapidement la situation.

Année 298
Lune 13
Semaine 4
Jour 3
Sur la route de Beaumarché

Byron resta planté à coté du comptoir, il se demanda si il pouvait s'être trompé de personne, c'était tout à fait possible après tout. L'image qu'il gardait de son épouse était celle d'une silhouette floue qui s'enfuyait sur son coursier gris. Fort heureusement, la violoniste sembla le reconnaître et réagit brutalement. Elle sauta de la table sur laquelle elle était monté et tenta de fuir, en vain vu qu'elle se fit rattraper quelques mètres plus loin par le capitaine de la garde toujours aussi réactif. Elle tenta de se débattre mais que pouvait-elle faire contre l'emprise du garde la dépassant d'une tète auquel venait s'ajouter la présence des autres soldats qui s'étaient mis en cercle autour d'elle pour empêcher toute fuite possible si tant est que la violoniste arrivait à se libérer.

Lord Terrick quitta sa place et s'approcha lentement, pas à pas, d'elle, l'examinant du regard. Tout correspondait, elle correspondait parfaitement au souvenir qu'il avait gardé d'elle, des cheveux bruns parsemés de mèche aux reflets roux légèrement bouclés, des yeux bleues, et un teint pale. Bien évidemment, elle avait changé, vieilli tout simplement, son vagabondage lui avait laissé des marques mais elle restait dans le fond la même. Pouvait-on dire de même en ce qui le concernait ? Six ans venait de s'écouler et ces six années de traques incessantes l'avaient fait rajeunir et retrouver cette envie et cette fougue qu'il avait avant de partir de sa demeure, une douce matinée, pour rejoindre l'armée Baratheon au gué des rubis. Cela faisait six années qu'il n'attendait qu'une chose, et cette chose, il l'avait devant ses yeux, à quelques pas seulement. Un léger sourire en coin se dessina sur son visage. Il tourna la tête vers un des soldats qui était venu l'informer de la présence de Silvana à Beaumarché. Le soldat le regarda et comprit aussi vite ce que son lord attendait de lui.

-C'est bien elle, milord.

Lord Terrick fit un signe de tête à son capitaine de la garde qui lâcha prise et recula de quelques pas. Byron s'avança encore un peu plus prés et continuer à dévorer Silvana du regard. Il brisa le silence qui s'était installé dans la taverne.

-Sais-tu qui je suis Silvana?

Il attendit une dizaine de secondes mais bizarrement elle ne répondit rien. Il s'était attendu à des effusions de joie pour leurs heureuses et inattendues retrouvailles où tout du moins, une réaction qu'elle quel soit, des flots d'insultes auraient sans doute été plus approprié à leurs rencontre que ce silence de marbre.

-Tu as perdu ta langue à ce que je vois, mon nom est Byron, seigneur de la maison Terrick et cela doit bien faire six années que je suis à ta recherche.

Le petit seigneur des Conflans s'approcha encore plus d'elle et posa sa main sur l'épaule de la violoniste tout en continuant de la regarder dans les yeux.

-Mais quelque chose me dit qu tu le savais déjà, je me trompe?

Le capitaine des gardes scrutait l’obscurité de ses yeux plissés, attentif et pensif tout à la fois. Dans peu de temps, lui et ses hommes quitteraient enfin cette foret qui les entourait et qui sait sur quoi ils tomberaient. Monté sur un destrier brun, Ser Guinermar marchait en tête d’une compagnie formée de sept gardes, tous armés et vétus aux couleurs de la maison Desdaings dont le blason était brodé ton sur ton sur leurs capes bleues rendues noires par l’obscurité. L’homme, d’âge mur, réfléchissait, inquiet quant à ce qu’ils rencontreraient bientôt. Plusieurs jours auparavant, des rapports étaient montés depuis la populasse, où des marchands et des paysans disaient avoir vu un groupe de soldats se déplacer aux alentours de Beaumarché. Tout d’abord considérés comme simplement de passage, ce même groupe se bornait depuis à parcourir de long en large les terres de la famille de Lord Criston sans jamais vouloir en partir. Ce séjour prolongé ajouté à leur comportement étrange avait alerté le seigneur qui avait dès lors ordonné au capitaine d’amener un détachement de garde à la rencontre de ces individus. Une intervention pour leur montrer qu’on ne se promenait pas ainsi armés sur les terres des Desdaings impunément; une intervention un peu tardive au gout de la femme de leur seigneur. Les chevaliers suivaient leur trace depuis une demi journée, et finalement il y avait quelques minutes à peine, un garde parti en eclaireur les avaient vu entrer dans une auberge située près de la rivière.
Guinermar n’aimait pas cela. Si ces soldats s’averaient etre des bandits, leur arrestation serait rendue delicate du fait de la foule qui devait remplir l’auberge à cette heure ci.

Enfin le groupe retrouva le sentier qui debouchait sur la rivière et la batisse qu’ils cherchaient se trouvaient juste devant eux. Le chevalier descendit de sa monture et fut imité par ses hommes. Alors que les gardes s’occupaient d’attacher leurs chevaux, leur capitaine resta un instant debout devant l’entrée de l’auberge et fronça les yeux. Son silence méditatif intrigua un jeune chevalier qui s’approcha et le regarda d’un air interrogateur qui se fit timide lorsqu’il croisa le regard d’acier de son chef. Celui-ci tourna de nouveau la tete pour regarder l’auberge et demanda de sa voix grave.

-Entends-tu cela, Andri?

-Quoi-donc, ser? Demanda le jeune chevalier en se penchant un peu en avant, comme pour mieux écouter. Mais aucun son ne semblait sortir de la taverne, qui,à en juger par les chevaux rangés dans les ecuries ainsi qu’ aux silhouettes qui se detachaient des fenetres illuminées de l’interieur, était loin d’être vide. Comprenant ce qui n’allait pas, le jeune homme se redressa, perplexe.

Ser Guinermar se tourna vers ses hommes, autoritaire.

-Nous y allons. Restez sur vos gardes. rappela-t-il à ses hommes, qui semblaient prendre cette intervention pour de la routine, si ce n’est de la rigolade.

Beaucoup moins insouciant que ses jeunes subalternes, c’est la mine sombre qu’il s’avança.
Poussant la porte de bois, le chevalier de haute stature fut le premier à entrer dans le lieu. Il y fut acceuillit par un silence sinistre et les mines ébahies des quelques clients qui se tournerent pour voir qui entrait. L’ambiance était tendue. Ser Guinermar passa son regard sur les personnes presentes et l’arreta sur une jeune fille fermement tenue par des soldats qu’il reconnut comme ceux dont ils suivaient la piste depuis quelques heures. Ils semblaient avoir voyagé durant des jours. Il avisa les autres soldats qui se tenaient non loin tandis que ses hommes s’avançaient et se plaçaient en eventail autour de lui, la main sur la garde de leur épée, puis s’arreter bloquant ainsi la sortie. Il n’eut pas besoin d’ouvrir la bouche pour dire aux autres clients de quitter les lieux que ceux ci se depechaient déjà de se faufiler entre les gardes pour sortir sous le regard implacable du capitaine. Ce dernier porta son attention sur un homme aux cheveux sombres qui semblait etre le chef du groupe mais qui lui tournait le dos. Sa voix sévère brisa le silence.

-Au nom de Lord Criston Desdaings, qui etes-vous, et pourquoi maltraitez-vous ainsi cette jeune demoiselle?

Attendant que celui à qui il s’adressait se retourne et devoile enfin son visage, le chevalier ne le quittait pas des yeux. Il esperait qu’il se montrerait raisonnable. Dans le cas contraire, ses hommes et lui même étaient prets à réagir en conséquence.

Année 298
Lune 13
Semaine 4
Jour 3
Sur la route de Beaumarché

L'expression sur le visage du petit seigneur se décomposa lorsqu'il vit une larme coulé sur la joue de la jeune violoniste. Etait-il à ce point intimidant pour qu'en se présentant uniquement, il aie réussi à la glacer d'effroi? Byron envisagea plusieurs réponses à cette question. Avec les plusieurs jours de voyage qu'il venait de faire, sa mine devait être affreuse tandis que son apparence était plus sombre que jamais. Cela, ajouté à la présence et l'attitude bourru de ses gardes avait largement de quoi intimider une jeune femme seule dans une auberge sans aucune protection et possibilité d’échappatoire. Ou peut être que la raison était tout autre. Après tout, elle l'avait peut être confondu avec les nobles, qui après s'être fait dérober un coursier gris, avaient décidé de se rendre à la maison de Silvana et de massacrer toute sa famille en conséquence. Plus il y pensait, et plus cette dernière se faisait plus présente et insistante dans son esprit. Six ans avaient passés, il gardait de cette journée où il avait enterré feu la famille de son épouse bien en mémoire, et se souvenait avec certitude du déroulement de la scène. Mais pouvait on en dire la même chose de la jeune violoniste? Elle avait assisté à la scène, de loin, choqué, et elle aurait très bien pu faire un rapprochement entre les nobles meurtriers et la présence du petit seigneur.

La réponse à cette question comme à celle qu'il lui avait posé, était on ne peux plus simple si seulement elle daignait lui répondre et lui parler. Après avoir attendu encore une fois, des secondes durant une réponse qui n'arriva pas, il retira sa main qu'il avait posé en tentant de rassurer et de détendre la jeune violoniste mais qui avait eu l'effet totalement inverse. Byron recula de quelque pas, croisa ses bras sur son torse tout en soutenant son regard. Il s’apprêta à prendre la parole pour s'expliquer avec la violoniste lorsqu'entra dans l'auberge un groupe d'hommes armés dont une voix sévère, qui appartenait sans doute à ce qui semblait être le capitaine de la garde, brisa le silence.

-Au nom de Lord Criston Desdaings, qui êtes-vous, et pourquoi maltraitez-vous ainsi cette jeune demoiselle?

Un léger sourire se dessina sur le visage du petit seigneur des Conflans, il se retourna et fit face à l'imposant garde qu'il avait en face de lui. Il était accompagné de plusieurs autre hommes, probablement des chevaliers si l'on en croyait leur carrure et leur équipement. Si affrontement il devait y avoir, Byron n'aurait su prédire lequel des deux groupes pourrait l'emporter. Mais il n'était pas question pour lui de chercher un conflit comme celui ci, cela serait tout autant inutile que contre productif. Néanmoins, se taire et chercher à ne pas avoir de problème avec les hommes des Desdaings aurait été tout autant inutile. Cela faisait six ans qu'il cherchait son épouse et il était hors de question que, lorsqu'il la retrouvait enfin, qu'on la lui enlevait. Il l'avait retrouvé et ne comptait pas la laisser filer aussi facilement. Sans plus attendre, il prit la parole s'adressant à l'homme d'âge mur qui devait être de plusieurs années son ainé.

-Qui je suis? Et bien, je suis Lord Terrick, seigneur de la maison du même nom. J'avoue être assez surpris de trouver ici des hommes de main des Desdaings me parlant ainsi et de voir qu'ils interviennent sachant que ce n'est pas la première fois que les personnes qui vous donnent des ordres ne se sont pas privés de faire un affront à ma maison en s'interposant comme vous le faites à présent entre moi et cette jeune violoniste. Mais pourquoi je vous raconte ça? Vu votre position d'homme de main, je ne pense pas que vous avez été mis au courant de tout ça, dans ce cas là je vous en excuse. Mais si vous le saviez, alors je ne peux que voir la capacité des Desdaings à se mettre en travers de mes plans. Et quels sont-ils, êtes vous surement en train de vous demander. Et bien, la femme que vous voyez là, et dont vous m'accusez sans fondement de mal traitement, n'est autre que mon épouse.

Il insista bien sur ce dernier mot, pour que le capitaine des gardes tout comme Silvana, qui ne s'était toujours pas décidé à prendre la parole, prennent bien conscience de ce qu'il signifiait. Sa voix se fit plus sévère.

-Alors vous m'excuserez d'être brusque avec elle, mais je dois vous avouer qu'elle a par le passé, deux fois déjà, échapper à mon emprise et à la protection que je me devais de lui apporter. Et je ne saurais tolérer qu'elle m'échappe une troisième fois.

Sur ces mots, le capitaine de la garde regarda un à un les hommes qui étaient sous ses ordres. Ils comprirent aussitôt comment il devait réagir, ils posèrent leurs main d'épée sur leurs fourreaux, prêt à dégainer à tout instant. Byron s'était et saurait se montrer raisonnable, surtout lors de cette situation mais est-ce que l'homme qu'il avait en face de lui le serait tout autant.