Villevieille, la Citadelle des Mestres, un centre extraordinaire pour les intellectuels en tout genre. Pour Endrew, qui était avide de connaissance, le lieu était presque idyllique. Cela fait déjà plus de dix années qu’il parcourt les couloirs de pierre taillé et les sols limés par le passage de milliers de pieds bottés, un lieu qui est devenu son univers quotidien. Chaque jour se ressemble et les seules distractions qu’il a sont les leçons dispensées par les mestres et archimestres de la Citadelle. Ayant toujours été intéressé par la botanique, c’est un des premiers maillons que le jeune faon a d’ailleurs forgé, à peu près à la même période que celui de médecine. Eh oui, avant d’être un adepte des arts occultes dans le but de forger son maillon en acier valyrien, Endrew est avant tout un guérisseur, faisant de lui un expert en poisons, venins et remèdes. Autant dire que la Citadelle des Mestres possède une aile entière consacré à la médecine, et quel meilleur moyen pour guérir que de connaitre les maladies qui tuent mais aussi les poisons et les venins. Certains antidotes sont produits avec certains de ces poisons d’ailleurs, mais la plupart sont difficiles à obtenir car se trouvant sur Essos et non sur Westeros. L’autre continent est beaucoup trop éloigné pour que les mestres se déplacent d’eux-mêmes pour aller chercher les ingrédients voulus. Ils vont de ce fait appel à des marchands mais la moitié du temps les plantes ramenées sont de mauvaise qualité, en quantité très faible et extrêmement cher. Il y a pourtant quelques mois de cela, l’archimestre Garwin, qui s’occupait personnellement de sa formation comme Endrew suivais avec lui des leçons sur les sciences occultes, lui demanda d’envoyer des lettres par corbeau de manière discrète, à destination d’Essos. L’acolyte n’apprit les raisons de cette discrétion que fort récemment : Mestre Garwin avait repris une correspondance fréquente avec un mestre sur Essos qui connaissait des filons clandestins pour obtenir certains poisons à des prix défiant toute concurrence. Ce commerce incluait bien entendu l’usage d’un transporteur discret et non officiel, que le correspondant de Mestre Garwin connaissait très bien. L’archimestre confia le secret de cette correspondance à Endrew car il souhaitait le missionner pour récupérer la cargaison à l’extérieur de la Citadelle et tout ramener dans le bureau de son maitre très discrètement. Si l’archimestre s’absentait lui-même cela serait trop suspect, alors que personne ne ferait attention à un acolyte comme Endrew.

C’est ainsi que le jeune homme se retrouva assis à une table dans le coin d’une taverne de Villevieille, une taverne assez sombre où il n’avait pas l’habitude d’aller pour éviter d’être reconnu, vêtu d’un lourd habit de toile avec une grande capuche qui cachait aisément le visage de l’acolyte quand celui-ci regardait vers le sol. Il avait sous ce lourd tissu une bourse bien pleine qui lui servirait à payer le transporteur. Il n’avait eu qu’une brève description physique de celui-ci et Mestre Garwin lui avait montré un dessin fait au crayon gras de son visage, pour qu’il puisse le reconnaitre. Endrew tenait également en-dessous de sa tenue, à même sa peau, un parchemin où était inscrit l’inventaire complet de la commande qu’avait passé son maître. Endrew était assez anxieux, ne voulant pas se faire arrêter par le guet de la ville pour contrebande. Il n’eut cependant aucun mal à reconnaitre son rendez-vous quand celui-ci arriva et la réalité était tout autre que le dessin, l’homme, plus âgé que lui, était bel homme, avec un visage fin, des cheveux mi-longs et une barbe de plusieurs semaines qui illustraient sûrement le voyage en mer qu’avait fait l’homme. Il était seul, mais Endrew avait pu apercevoir que deux hommes qui semblaient être avec lui l’attendaient à l’extérieur avec un chariot et une paire de tonneaux. Comme convenu, pour être sûr d’être en présence de la bonne personne, Endrew devait dire une phrase, à laquelle l’homme devrait répondre « Essos ceint ma venue d’une noire accolade ».

- Westeros souhaite la bienvenue au voyageur de sa jumelle d’Orient.

Endrew était extrêmement stressé. Ça devait se voir à son visage de toute manière, car on ne pouvait pas vraiment dire qu’il faisait froid à Villevieille malgré la proximité de la mer et pourtant il portait une robe de bure assez épaisse, ce lui donnait étrangement très chaud, son front se couvrant de minutes en minutes de gouttes de sueur. Et le moins que l’on puisse dire est que le jeune homme faisait tâche dans cette taverne où personne d’autre ne portait une telle tenue, il faisait un peu tâche et tout le monde allait bien vite s’apercevoir qu’il venait de la Citadelle des Mestres. Endrew avait chaud, très chaud, et il était extrêmement mal à l’aise mais faisait tout pour le cacher. Mais ses tentatives restaient vaines, en effet cela faisait à peine deux minutes qu’il était assis et il avait déjà réussi à se faire remarquer, d’une part en refusant toute consommation auprès du tavernier, qui le regardait d’un œil louche au ton qu’il avait employé pour motiver son refus. Mais son attitude paraissait étrange également aux autres clients du lieu, il était le seul à porter une cape aussi épaisse et surtout à garder le capuchon sur sa tête, ce qui pouvait dénoter un certain manque de respect, mais surtout cela indiquait clairement qu’il avait quelque chose à cacher, et l’effet de discrétion voulu était loin d’être atteint. Mais son anxiété était telle qu’il ne voyait pas les regards de méfiance que lui adressaient ses voisins des tables voisines…

Très vite, le jeune novice fit la rencontre de son interlocuteur, et une chose est sûre il ne s’attendait pas à un homme comme lui. Il était persuadé, dans son jeune esprit naïf , qu’un contrebandier serait un homme aux multiples cicatrices, voire avec une main en moins, un œil de verre, de vieux habits sombres rapiécés et une dégaine à faire peur au premier chevreau, mais ce n’était pas du tout le cas de son interlocuteur. Au contraire, celui-ci semblait jeune, plutôt bien habillé pour un contrebandier, bien que sa tenue soit un peu poussiéreuse et sentait fort l’iode. Le plus surprenant pour Endrew était son physique : sa barbe de quelques semaines, ajoutés à des cheveux mi-longs bruns entremêlés digne d’un long voyage le rendait plutôt … sexy. Oui voilà c’était le mot qui se nichait au fond de l’esprit du jeune faon mais ce n’est pas celui qu’il osait s’avouer, il préférait se convaincre que tout n’était qu’une question de charisme.

Quand l’homme en question, dont il ignorait totalement le nom, vint à lui faire une remarque sur sa tenue quelque peu décalée par rapport au reste des clients, Endrew s’empressa de retirer son capuchon, dévoilant son visage cramoisi par la honte. Face à cet homme il avait vraiment l’impression d’être encore un gamin que l’on réprimandait, lui qui faisait tout ce qu’il pouvait pour donner l’impression de sa maturité plus que da juvénilité… Endrew laissa le temps à l’homme de finir sa bière pendant que lui restait assis à sa place à observer son interlocuteur sans oser prendre la parole ni engager la discussion, de peur de dérange et puis surtout il était bien trop impressionné pour réagir à ses remarques. Une fois la bière finie et les traces de mousse essuyées par un mouvement de manche furtif et très masculin, le contrebandier fit signe au jeune Cafferen de le suivre dans une pièce privée de l’auberge, apparemment l’homme connaissait bien l’endroit et avait conclu un accord avec les tenanciers pour disposer de suffisamment de discrétion pour ses petites affaires. Deux matelots qui avaient attendus leur chef dehors rentrèrent alors avec deux tonneaux au bois usé par le vent marin et les posèrent près d’Endrew, à côté de a table centrale de la pièce. Sans une attention pour ce dernier, l’homme entreprit d’ouvrir les deux tonneaux avec une dague avant d’inviter le novice à vérifier le contenu de la cargaison.

Endrew avait une très bonne mémoire, raison pour laquelle il n’avait pas eu besoin de noter sur une liste ce qu’il était censé récupérer, à savoir des herbes particulières et rares qu’on ne trouvait qu’à Essos ainsi qu’une relique précise dont l’archimestre ne lui avait pas dévoilé la nature. Dans un premier temps, Endrew déballa donc des boites en métal contenant des herbes séchées à l’aspect étrange, des racines biscornues semblables à des viscères humains et des fleurs si belles qu’on aurait respiré leur parfum rien que par plaisir, un piège redoutable pour les novices qui ne connaissaient pas ce poison. Il envahissait le système nerveux tellement vite qu’aucun remède ne permettait de sauver la personne qui s’étrangler aussi vite qu’elle avait respiré le parfum de la fleur mortifère. Tout semblait y être, et soudain le novice tomba sur un étrange colis, sûrement la relique en question. Mestre Garwin ne lui avait pas précisé s’il pouvait regarde ce que c’était mais Endrew était trop curieux et il était persuadé qu’il était de son devoir de vérifier l’état de l’objet en question. Sans plus attendre il sortit donc le colis du foin contenu dans le deuxième tonneau et posa l’objet emballé sur la table juste à côté. Avec précaution, il prit soin d’ouvrir l’emballage pour « vérifier » l’état de l’objet. Et là quelle ne fut pas sa surprise d’en découvrir la nature : une chandelle de verre ! Il n’en avait vu qu’une seule pour le moment, celle entreposé dans le bureau de l’archimestre Marwyn qui servait à l’initiation permettant aux novices de devenir mestre. Mais elle était usée, alors que celle-ci était brillante, non pas noire comme celle qu’il connaissait mais avec des reflets carmin, et brillantes, sans aucune fêlure ni dégât apparent. Le contrebandier n’existait plus dans l’esprit d’Endrew et i les mit à parler de manière fiévreuse, passionné par la découverte de cet objet !

- Vous vous rendez compte de ce dont il s’agit ? C’est une chandelle de verre ! Une véritable comme il n’en existe plus que quelques-unes dans tout Essos et Westeros réunis ! On les dit capables de percer les secrets de l’avenir, de communiquer à distance ou encore de pénétrer les rêves des hommes. C’est une véritable merveille !

Prenant tout à coup conscience de la présence du contrebandier, Endrew se reprit avec maladresse.

- Excusez-moi, je me suis emballé, ces menus détails ne doivent pas vous intéresser, pour vous ce n’est qu’une vulgaire sculpture en verre… Je vois que vous avez sorti le contrat, vous semblez pressé de récupérer votre argent. D’autres affaires à conclure peut-être ?

Spoiler:

Endrew était tellement naïf, on pouvait se demander pourquoi dont est-ce que l’archimestre Marwyn lui avait fait confiance pour cette périlleuse mission. Il ne savait pas être discret, ni cacher ses émotions, à cause de sa trop longue réclusion dans la Citadelle à étudier des parchemins écrits en pattes de mouche, et voilà qu’il devait interpréter l’entremetteur, l’intermédiaire pour un contrat de contrebande qui nécessitait un minimum de professionnalisme. Une honte, voilà ce qu’il était, une honte. Même si son stress était vite monté au début de l’entretien ,avec sa compagnie de bouffée de chaleur, de sueur froide, de tensions dorso-lombaires, très vite, au fur et à mesure qu’Endrew était rentré en contact avec ces matières si familière : le sang de venin, le sang de veuve, les larmes de Lys… et enfin cette magnifique chandelle de verre, à l’origine de sa plus grosse gaffe de la journée, voire même de sa vie : sans le vouloir, en montrant son intérêt un peu trop pressant pour l’objet, il en avait complètement oublié la présence des contrebandiers, et même s’il n’était pas habitué à leur milieu, il savait très bien qu’il ne fallait pas leur faire confiance, sans quoi on se retrouverait vite la bourse arraché et la gorge tranchée dans un coin miteux derrière une auberge malfamée ou même les plus aguerris des gardes ne s’aventurait jamais seul, ces endroits méritant très bien leur nom de coupe-gorge.

Son impression de gaffe fut vite confirmée par le rire goguenard et grossier des deux matelots accompagnant le contrebandier, ce dernier le regardant avec un regard un peu trop insistant à son goût, ou en tout cas il n’avait pas l’habitude de ce genre de regard, la dernière personne à l’avoir regardé ainsi était une jeune femme à La Treille, qui avait voulu l’emmener dans sa chambre en fin de soirée, chose à laquelle il s’était offusqué et qui avait provoqué son départ pour rejoindre l’auberge où il logeait avec ses deux mestres accompagnant. Maintenant, il allait devoir s’en sortir pour ne pas voir cette chandelle lui échapper, ce qui aurait provoqué la fureur de son mentor.

- On ne peut pas dire que ça soit un objet rare ni même d’une très grande valeur monétaire, la seule valeur qu’on peut lui accorder est symbolique et intellectuelle à vrai dire. Nous en possédons déjà plusieurs à la Citadelle, mais c’est la première fois que j’en vois une, je ne suis encore que novice et nous n’avons le droit normalement de toucher ou de voir une chandelle de verre que le jour de notre test pour devenir mestre, voilà tout.

Il n’avait pas menti ! Mais il n’avait pas dit toute la vérité… Il n’en avait lui-même jamais vu, ça c’était bien vrai, et c’était également l’objet au centre du passage du novice vers le statut de mestre, mais ce qu’il avait caché c’est que le « plusieurs » signifiait 4, ce qui est bien maigre, ces chandelles étant des vestiges de Valyria.

- Tenez, je pense que la somme est bonne, mon maître a rajouté un petit supplément dans le cas où la commande était intacte, ce que je peux attester aisément. Je vous laisse compter, pendant que je signe ce contrat, il ne vous restera plus qu’à signer le parchemin que j’ai moi-même à ma disposition. Et nous serons quittes…

Endrew aurait dû en rester là, après tout il s’agissait d’un simple, d’un très simple contrat et l’affaire une fois conclue devait se terminer, mais le charisme exotique du contrebandier l’intriguait tellement que des mots lui échappèrent. Il les pensait tellement fort que son esprit se joua de lui et c’est sa langue qui se chargea de conclure la trahison.

- A moins que vous ne soyez d’accord pour que je vous offre une coupe contre quelques récits de voyage ? De vous à moi bien entendu…

Par ces quelques derniers mots, Endrew excluait catégoriquement les matelots. Il se sentait mal à l’aise en leur présence, ce qui n’était pas le cas de ce contrebandier dont le regard et la posture instillaient sournoisement la confiance.

La tension pouvait se lire sur les traits de l’acolyte, qui n’en menait pas large face au contrebandier. C’était la première fois qu’il avait affaire à ce type d’homme, et il était assez impressionné, à la fois par sa carrure, certes modeste mais toujours bien mieux que celle des mestres, mais aussi et surtout pour son assurance, une assurance qu’à vrai dire il lui enviait, lui qui était si timide et si renfermé sur lui depuis son arrivée à la Citadelle. Les seuls moments où sa timidité le libérait c’était lors des leçons avec les archimestres sur tel ou tel sujet. Ainsi, quand il maitrisait un sujet, il semblait calme et posé, pragmatique, confiant. Mais dans cette situation, alors qu’il s’agissait de récupérer une cargaison issue du marché noir, son assurance avait laissé place à la maladresse la plus visible. Il essayait de réparer les pots cassés en mettant rapidement de côté la chandelle de verre, faisant fi de sa valeur pour ne pas réveiller davantage les soupçons de cet homme. Il la rangea dans une toile de jute, et observa le contrebandier pendant qu’il comptait l’or. Il en profita pour répondra à sa question.

- L’esclavage est proscrit depuis bien longtemps sur Westeros comme vous le dites. J’utilise le terme de maître dans le sens om il a en charge ma formation de mestre, je suis son élève, il n’y a aucun lien de subordination entre lui et moi, juste du respect et des habitudes protocolaires.

La hiérarchie avait une place très importante au sein de la Citadelle des mestres, chose qu’Endrew avait très vite pris conscience dès son arrivée à Villevieille. Ainsi, à peine entré dans l’enceinte de la citadelle, il n’avait eu comme seul vêtement qu’une tenue de bure assez lourde et sombre, sans aucun collier, symbole des novices qui n’ont encore forgé aucun maillon. Depuis son premier maillon, Endrew était, et est encore un acolyte, la robe de bure est assez semblable mais il porte un collier avec les maillons qu’il a forgé, reliés entre eux par une lanière de cuir, élément qu’il avait caché pour éviter qu’on ne le reconnaisse. Au-dessus de lui il y avait les mestres, qui prêtaient serment et qui répudiaient leur nom de famille avant d’être affecté à une famille de nobles. Les archimestres dirigent la Citadelle, ce sont eux qui forment principalement les novices et les acolytes. L’archimestre Marwyn possède un anneau, un bâton et un masque d’acier valyrien, montrant sa maitrise des mystères supérieurs à savoir la magie.

Le contrebandier, pendant ce temps-là, comptait son or, et il sembla vérifier sa qualité en mordant dans une pièce, ce qui provoqua un peu de dégout chez l’acolyte, qui n’avait pas l’habitude de voir des gens portait de l’or à la bouche… Il trouvait ça étrange mais ne fit aucun commentaire. L’homme allait partir, mais il libéra finalement ses hommes pour accepter le verre que lui proposait Endrew.

- N’hésitez pas si vous souhaitez en savoir plus sur les mestres, je serai ravi de vous répondre. Mais vos récits m’intéressant énormément je vous ne le cacherai pas… Vous m’avez l’air d’être un marin endurci, et je vous avoue que je ne connais le monde que par le biais des livres, j’aimerai en apprendre plus de par un homme qui a lui-même vu ces endroits, comme Essos, ou encore Asshaï-les-Ombres…

Par ces derniers mots, Endrew héla le tenancier pour qu’il lui apporte deux verres et une carafe de vin liquoreux, qu’il servit pendant que le contrebandier s’installait en face de lui pour se mettre à l’aise.

- Vous êtes d’origine westerosi non ? Votre teint ne sonne pas très essossien je trouve…