An 299, Lune 8, Semaine 3, Jour 5

Manfrey faisait les cents pas. Le Septuaire lui semblait affreusement grand à présent qu’il était en son centre. Le soleil dornien éblouissait l’assemblée si bien que c’était difficilement qu’il entrevoyait les différents invités. À sa gauche, son cousin Doran était assis dans sa chaise, le visage sur le menton comme, attendant patiemment ou plutôt pensif. Jamais Manfrey n’avait imaginé se retrouver à nouveau en ces lieux, surtout pas pour son mariage. Depuis l’échec de son dernier, il avait oublié depuis bien longtemps la seule idée d’une alliance politique via cette cérémonie. Pourtant, une certaine fierté se retranscrivait sur son visage. S’il était indéniablement un Martell, jamais il n’avait été rancunier. Sa haine de l’Ouest était bien plus une inimitié qu’une aversion et convertir une lionne à la déchéance de leur maison était une fierté. Qui aurait pu croire qu’un jour, Martell et Lannister lierait leur famille ? Il s’agissait d’une ère nouvelle pour Dorne depuis la chute de Tywin. Son mariage avec Myrielle ne faisait que le confirmer. Si certains seigneurs dorniens avaient pu comprendre sa politique, il n’en était pas de même pour d’autres qui ne cachaient pas leur moue désabusée quant à leur présence auprès d’ouestiens.

Arianne s’approcha sans que Manfrey ne la remarque et passa ses mains sur les épaules. Frottant dessus, elle époussetait sa tenue. Finement, rasé, le Prince avait cependant préféré garder son bouc. S’il était vrai qu’un mariage était un évenement important, il ne s’agissait tout de même que d’une journée. Une journée après laquelle sa vie serait liée à jamais à celle d’une autre femme qu’il avait si peu vu et pourtant si souvent discuté. Vêtu d’une longue tunique d’or, quelques broderies orange s’étaient installées dessus, filant et serpentant à travers le tissu de l’habit. Dans son dos, comme une marque à ceux derrière lui, un fier soleil traversé par une lance était également brodé.

Elle devrait bientôt arriver.

Si Doran voyait d’un bon œil cette alliance, le gouverneur de Lancehélion savait très bien qu’il n’en était pas de même pour le reste de sa famille, à commencer par Oberyn et Arianne. Il ne doutait pas que le caractère docile de Myrielle finirait par leur inspirer confiance mais d’ici là, en tant que mari, il se faisait un devoir de la protéger et de la défendre, qu’importe son nom puisqu’à présent il devenait Martell.

Lorsque la porte s’ouvrit soudain, il crut à l’arrivée précipité de sa fiancée et, bien que d’ordinaire austère, le sang du dornien ne fit qu’un tour. Pourtant, alors que toute l’assemblée se retourna à leur tour vers la porte, attiré par la curiosité qu’était cette cérémonie, tous déchantèrent car il ne s’agissait que du septon qui traversa la grande salle, faisant résonner chacun de ses pas, afin de se rendre devant le futur marié.

Il était temps mon Prince.

Il n’a fallu qu’attendre le moment opportun.

Le septon s’autorisa cette remarque puisqu’il était une connaissance de Manfrey avec qui il avait souvent dû traiter quant à la place de la religion à Lancehélion.
Le zèle du gouverneur semblait presque militaire alors qu’il restait planté, droit et sans aucun mouvement autre que la tête, attendant l’arrivée de celle qu’il couvrira de son blason.

An 299, Lune 8, Semaine 3, Jour 5

Elle entra enfin. Manfrey s’était presque impatienté. Il était un homme efficace, zélé. Peut-être trop, même. Sa fiancée était parée d’une robe mêlant les couleurs de sa maison à celle du soleil de Dorne. Myrielle portait tant de bijoux qu’il en était devenu difficile de discerner sa peau. Lorsque la porte s’ouvrit, le public oublia rapidement son prince pour se concentrer sur celle-ci. Si quelques regards noirs s’étaient encore immiscés (après tout, celle-ci restait né du sang des Lannister), Manfrey fut agréablement surpris de voir qu’elle avait réussi à faire ses marques au sein de Dorne. Elle avait réussi à se faire apprécier du peuple bien plus qu’il ne l’aurait imaginé, un avantage non négligable pour le Martell qui restait gouverneur de Lancehélion. Sa réputation au sein de la capitale de Dorne ne devait être entachée par cette union.

C’était son bouclier-lige qui l’avait porté jusqu’à lui alors que Doran, sur sa chaise, lui fit un geste de la tête. Le Prince ne dit mot lorsqu’elle se retrouva face à lui. Comme toujours, il pouvait voir à quel point ce chaton était anxieux. Elle ne pouvait s’empêcher de trembler. Les vœux allaient être prononcés. Heureusement, elle connaissait son rôle et savait quoi faire. Il fut ravi de lui répondre :

Par ce baiser, je vous engage mon amour et vous prends pour ma dame épouse.

Manfrey sourit. Il était fier de ce mariage. Non pas pour de quelconques sentiments à l’égard de Myrielle. Bien sûr, il appréciait la jeune fleure innocente qu’était cette Lannister. Non, c’était bien la perfection d’une telle union. Tout ce déroulait à merveille. Tous savaient très bien qu’il s’agissait d’une union politique approuvée par Doran et Manfrey était fier de n’en être qu’un outil s’il agissait pour la pérennité de sa région. Il savait aussi qu’il serait un bon mari. Il ne la battrait pour la simple raison qu’il travaillerait. Certes, il ne se consacrera pas toujours à elle mais il fera en sorte qu’elle soit toujours lotie au mieux à Dorne. Cela restait son devoir de mari et personne ne se conformait plus à un devoir que Manfrey Martell.

Lorsque le septon leva le cristal à sept faces, la lumière du soleil dornien se réverbéra rapidement dans tout le septuaire si bien que même Myrielle hésita à lever la main pour s’en cacher.

En ces lieux, au regard des dieux et des hommes, je déclare solennellement que Myrielle de la maison Lannister et le prince Manfrey de la maison Martell, gouverneur de Lancehélion sont mari et femme, une seule chair, un seul cœur, une seule âme, à présent et pour jamais, et maudit soit qui se mettrait entre eux.

Ce après quoi, les deux nouveaux époux s’embrassèrent afin de sceller cet union. Le baiser fut succin. Bien que leurs fiançailles aient été annoncés depuis bien des lunes, jamais encore ils n’avaient été aussi proches et le Gouverneur ne tenait pas à ce que leur premier moment de proximité se face à l’insu de tous. Ils avaient toute la soirée pour se faire…

La symbolique atteint son paroxysme lorsque Myrielle s’agenouilla. Arianne donna à Manfrey un long manteau qu’elle gardait précieusement en main. Lorsque le prince le déplia, il révéla un tissu orange marqué d’une broderie écarlate. Il s’agissait de l’emblème de la maison Martell, un soleil transpercé par une lance. Il le posa sur ses épaules. Dès lors, Myrielle Lannister était devenue Myrielle Martell. Lui tendant la main, il la fit se relever tout en lui souriant, sincèrement cette fois. Ils se tournèrent alors vers l’assemblée, main dans la main. Enfin, l’union était scellée.