Ashara c’était rendue compte qu’elle s’était trompé sur Nyella. Après qu’Ysilla l’ait trahie en refusant le mariage avec Tyrion et qu’elle l’ait envoyée au Nord comme punition, la rouquine avait été la seule capable de la faire sortir de son chagrin et de lui redonner l’envie et le courage de gouverner. Elle n’était certes pas faite de la même étoffe qu’elle, plus sage, plus docile, plus à l’image de ce que les hommes attendent d’une jouvencelle de son rang. Mais sa douceur et son côté candide avait peut-être du bon, de plus, elle n’était pas aussi bête qu’elle avait pu se le figurer. N’avait-elle pas su trouver les mots pour la consoler ? En l’absence d’Ysilla, la Belmore était donc devenue sa suivante préférée et il était temps de passer quelques heures avec elle et d’apprendre à la connaitre mieux. Il ne s’agissait pas, comme bien des suivantes de Dame de cours, de divertir la Suzeraine du Val qui avait tant et plus à faire pour ne pas perdre son temps en turpitudes féminines, cela, la jeune femme l’ignorait peut-être encore, mais de discuter un peu.

La brune avait enfilé une robe de velours bleu ciel ornée de perles et de broderies blanches, bleues foncé et argent sur les sous-manches à trouées, le décolleté, l’avant et le bas. Les longues sur-manches doublées de brocart blanc et argent se terminaient par deux pompons de fourrure blanche. Elle portait un pendentif en argent représentant l’éternel blason des Arryn et une paire de fine boucles d’oreilles assorties. Sa tête était ceinte d’un bandeau de soie bleue qui réunissait trois pierres de lune enchâssées dans des pièces d’argent ciselé. Une sur le front et deux sur les tempes desquelles descendaient des perles d’argent, d’agate blanche, de quartz et de lapiz lazuli au bout desquelles pendaient, pour chaque côté, un faucon en vol et un croissant de lune. Ses cheveux étaient séparés en deux épaisses mèches ceintes chacune d’un large d’anneau d’argent ciselé desquels tombaient des rubans blancs, argent et bleus dont certains étaient brodés et qui étaient savamment mêlés à ses cheveux. L’une des queues ainsi formée tombait dans son dos et l’autre reposait gracieusement sur son épaule lorsque Nyella fut introduite dans sa chambre.

Gracieuse aussi, la jouvencelle lui fit une révérence. Ashara sourit. Avait-elle donc été si dure avec la rouquine ces dernières années pour que celle-ci se croit obligée de la saluer ainsi alors qu’il n’y avait là qu’elles et Ser Creighton. Elle la laissa néanmoins faire sans rien dire et répliqua en tout simplicité :

__ Bonjour Nyella. »

Sur la table étaient disposés en vrac plusieurs missives et des papiers officiels apportés, comme chaque matin par Mestre Udo, elle était en train de les lire lorsque la jeune Belmore était arrivée. Elle s’y remettrait plus tard, car heureusement pour Nyella et la brune, rien de tout cela n’était urgent car elle avait déjà rédigé les réponses. La première concernait Lady Olenna Tyrell et l’autre était adressée à Sa Sainteté Melicent. Quant à Artys, il dormait paisiblement, même si rien ne garantissait que cela durerait.

__ Tu as raison, allons au salon, nous y serons mieux installées pour le petit déjeuner. »

Ashara se leva et s’installa dans un fauteuil confortable tapissé de velours bleu roi, faisant signe à Nyella de s’installer dans un autre fauteuil tout aussi confortable. Quelques instants plus tard, Elyas disposa sur la table basse de quoi concocter un petit déjeuner pour deux, des œufs durs, du fromage, des fruits, du lait chaud, du pain, de la confiture, du miel, du thé et bien sûr de quoi se servir, le page savait ce que sa Suzraine mangeait tous les matins et la servit donc, un lait chaud avec du miel, du thé, une tartine de miel et un œuf. Il savait aussi qu’elle terminerait avec un fruit, mais qu’elle se servirait elle-même quand elle aurait terminé le reste, d’autant que l’assiette était petite. Il la mit devant Ashara.

__ Je te remercie Nyella, j’avais demandé à Elyas de nous apporter de quoi manger avant que tu n’arrives, mais ta sollicitude me va droit au cœur. »

La brune but une gorgée de lait chaud.

__ Ce qui te vaut l’honneur de partager cette matinée avec moi est que tu m’as beaucoup aidée ces derniers temps. Nyella. C’est grâce à toi que j’ai retrouvé le gout de l’existence, grâce à toi que le Val d’Arryn a de nouveau une Suzeraine digne de ce nom. »

Une chose que la Suzeraine n’avait pas réalisé jusqu’ici lui sauta soudainement aux yeux, Nyella était une jeune femme, elle n’était pas d’une beauté à tomber, mais elle était loin d’être dénuée de charme et sa fraicheur ne gâchait rien. Elle n’était plus l’enfant qui était arrivée dans sa suite, probablement un peu perdue et déracinée il y avait de cela plusieurs années. Bientôt il faudrait la marier et il y avait fort à parier que Lord Benedar compte sur Ashara pour lui trouver le meilleur parti.
La brune avait essayé de marier sa tante à Tyrion. Un échec cuisant, autant pour sa volonté d’obtenir une certaine main mise sur l’Ouest que pour sa relation avec Ysilla puisque la Arryn avait perçu le refus de cette dernière comme pure trahison et l’avait punie en l’envoyant au Nord.

__ Tu as quel âge déjà Nyella ? 12, 13 ans ? »

Ashara sourit à son tour en réponse au sourire un peu triste de la jouvencelle. Il avait fallu que ce soit cette enfant parmi ses suivantes qui trouve les mots pour la réconforter et lui rappeler que son devoir envers son peuple était plus important qu’un chagrin d’amour aussi terrible et profond fut-il. Elle aurait préféré que ce soit Ysilla qui s’en charge, mais cette dernière avait été envoyée dans le Nord pour se rafraîchir les idées après son refus d’épouser Tyrion. Presque sa deuxième trahison, de quoi en tout cas continuer à lui en vouloir, même si elle manquait à la brune, au fond. Quant aux autres, de toute façon, Ashara ne les avaient jamais tellement porté dans son cœur et ne s’attendait pas à recevoir leur aide et leur soutien.

__ Je te remercie pour ses compliments Nyella, ils me touchent d’autant plus que c’est bien là tout ce qui m’importe, que le Val se porte au mieux. Et effectivement, je suis le Val autant qu’il est en moi, profondément enraciné autant dans sa beauté que dans sa rudesse, dans ses faiblesses et dans sa grande force, la première étant la loyauté de mes sujets. Mais si cette loyauté est un devoir, elle mérite néanmoins mon admiration et ma reconnaissance. Comme tu le dis, à chacun ses responsabilités, la mienne est de voir la droiture parmi mes gens et leur faire savoir que je n’ignore pas ce qu’ils font pour moi et pour le Val. Il serait trop facile d’attendre que les Valois fassent tous leur devoir sans faillir et de les punir quand ils ne le font pas sans jamais les remercier quand ils le font. Cela ferait de moi une bien piètre Suzeraine et quelqu’un qu’il serait, tôt ou tard, plus gratifiant de trahir que de servir. Les hommes peuvent peut-être tenir leur peuple par la peur, et encore, je ne le crois pas, mais une femme a tout intérêt à se faire aimer, même si cela n’est jamais sans quelques déconvenues. »

Ashara en disant cela, parlait de sa dernière conversation avec Lord Eddard et de la colère que son manque de reconnaissance avait fait naître dans son cœur, elle le haïssait depuis pour cela et pour ce qui s’était passé par la suite, la mort de Lyonel y compris. Elle c’était promis de ne plus jamais lui rendre le moindre service, mais au moins, elle avait appris cela : la reconnaissance. Elle tut néanmoins la véritable raison de cette réflexion, préférant laisser Nyella en dehors de sa rancune envers le Stark et la Couronne qui n’avait fait que croître à mesure que le temps passait et que les griefs s’accumulaient.

Treize ans… Le bel âge. Ashara se rendit compte qu’il allait falloir marier cette petite très bientôt, mais une des remarques de Nyella mit du temps à arriver à son cerveau, mais finit tout de même par la faire réfléchir. C’est vrai, elle avait tout juste treize ans lorsqu’elle avait été nommé Surintendante du Val. La Belmore était une enfant. Elle aussi à l’époque, même si ses nouvelles fonction l’avaient fait grandir rapidement, probablement plus vite encore qu’un mariage. Peut-être que la jolie rousse qui, tout juste sortie de l’enfance serait malgré tout bientôt considérée comme une femme pouvait elle aussi assumer quelques responsabilités. Mais c’était si dur. Mais si intéressant. Mais si effrayant !
Au fil de ses pensées, Ashara laissait courir son regard du vague du salon à Nyella en se demandant si lui donner la moindre mission n’était pas un cadeau empoisonné.

__ J’ai eu peur. Je suis parvenue à ne rien montrer, mais j’ai paniqué. Quand j’ai entendu Lord Jon Arryn annoncer mon nouveau titre et mes nouvelles fonctions à l’assemblée pendant le discours qu’il prononçait pour mon anniversaire, j’ai eu l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds. Fort heureusement, j’étais assise et cela m’a aidé à garder mon calme, mais en apparence seulement. J’étais une enfant, je m’attendais à être peut-être fiancée, mais pas d’avantage, et cela, Surintendante du Val, c’était une responsabilité immense, peut-être trop pour moi. J’aurais voulu refuser, mais la confiance que Lord Jon m’accordait était trop précieuse pour lui faire faux bond. J’ai su qu’il me fallait assumer, que c’était là mon devoir et que je ne pouvais ni faillir, ni me dérober, ni surtout le décevoir. J’avais si peur de mal faire, à chaque décision je pesais le pour et le contre des nuits entière si je le pouvais pour être certaine de ne pas me tromper. J’ai fait de mon mieux, pour Lord Jon et pour le Val, tous les jours qui ont suivi cette nomination et ce jusqu’à sa mort et au retour de Lady Lysa et Lord Robin. C’est peut-être cette perpétuelle remise en question, le fait que je n’avais aucun droit de naissance sur ce titre, pas plus que sur celui que je porte actuellement, le fait que cette responsabilité m’ait été donné par un homme que j’admirais beaucoup aussi, qui m’ont tant appris. J’espère, mais je doute encore parfois, être devenue au fil des ans une bonne Suzeraine. »

La Suzeraine but une gorgée de thé chaud.

__ Mais tu as raison, c’était effrayant et j’étais pleine de doutes, mais c’était aussi incroyablement intéressant et exaltant. Une gymnastique de l’esprit à laquelle mon statut de femme m’empêchait de rêver mais pour laquelle, grâce aux Sept, Lord Jon m’avait préparée. Je dois dire que j’y ai pris gout aussi, et qu’il m’aurait probablement été très difficile de redevenir une simple femme obéissante et docile en épousant tel ou tel noble. Cela dit, ce que tu as fait, tu devras le faire régulièrement durant toute ta vie d’épouse, pour recevoir tes invités, Suzerains, Vassaux, et contrairement à ce que certaines peuvent penser, ça n’est pas une mince affaire, ni une petite responsabilité car il en ira de la qualité de ta maison. Mais hélas, ce rôle dévolu aux épouses ne met que rarement en valeur toute leur intelligence et passe le plus souvent totalement inaperçu des hommes qui sont aveugles aux services rendus et aux attentions portées à leur encontre, surtout quand elles le sont par une femme. Je ne dis pas qu’il faut se faire remarquer, mais peut-être est-il utile, pour ne pas toujours rester dans l’ombre de son époux, de dépasser parfois cette mission de maîtresse de maison de manière à ce que le manque de reconnaissance des hommes soit compensé par la reconnaissance de leurs épouses ou du peuple, ou des vassaux, bref, tout dépend de la situation bien sûr. »

Ashara entreprit de manger sa tartine, mais après une bouchée, une nouvelle question lui vint en tête. Elle attendit néanmoins d'avoir terminé sa bouchée avant de reprendre la parole :

__ Excuses-moi si cette question te choque, mais, as-tu déjà saigné ? »

Oui car c’était une condition sine qua none pour un mariage et une idée avait commencé à germer dans l’esprit de la jeune mère. Elle avait lu en début de semaine, des nouvelles inquiétantes concernant le Conflans et elle se demandait depuis si ça n’était pas une occasion d’obtenir, de la part d’Edmure, son dû pour le sacrifice de sa flotte. Il semblait évident qu’Edmure Tully, pas plus qu’Eddard ou le Roi, ne lui donnerait la moindre reconnaissance ni la moindre récompense pour ses actions, aussi allait elle devoir prendre ce qu’on lui devait, de gré ou de force. Seulement, elle ne savait pas encore comment procéder exactement, si elle devait attendre ou agir vite, et surtout, qui envoyer. Elle ne pouvait pas se déplacer, ou si difficilement, et encore moins se remarier. De plus, elle avait prévu ce pèlerinage qui était malgré tout fort important pour le peuple du Val, la famille Corbray et aussi Goeville où elle devait recevoir la flotte envoyé par la Reine Cersei et lancer le chantier de reconstruction de la flotte du Val.

Ashara sourit aux paroles de Nyella, elle était candide, enthousiaste, mais pas aussi sotte qu’elle voulait bien le laisser paraitre finalement, consciente que son rôle de femme n’était pas nécessairement de rester la jolie chose que son père voulait qu’elle soit. Aurait-elle cependant la force de s’imposer aux hommes tout en gardant une certaine douceur, une certaine féminité ? C’était un exercice difficile auquel la brune parfois échouait, oubliant ses principes pour s’abaisser à des méthodes masculines. Mais la jolie rousse était différente et les enjeux étaient différents, peut-être y parviendrait-elle. La Suzeraine du Val le lui souhaitait de tout son cœur, mais continuait tout de même à douter de sa capacité à se mêler du jeu des hommes sans perdre ses plumes et son charme.

Un orphelinat, c’était une excellente idée. Il y avait peu d’orphelins dans le Val à part à Goeville, car ceux-ci se concentraient dans la seule véritable cité capable de leur fournir le gîte et le couvert, en tout cas, de ce qu’elle savait. Mais ils n’en avaient pas moins besoin d’aide. Il y avait aussi les veuves de la guerre qui avaient besoin de son soutien. Et l’Ouest. A l’Ouest très probablement des milliers d’orphelins et de sinistrés dus à l’attaque Fer-Née sur Port-Lannis et à la guerre qui s’en était suivie.

__ Oui. Il faut aider les orphelins, du Val, de Goëville surtout, c’est là qu’ils échouent le plus souvent. Ceux de l’Ouest aussi, peut-être. Et les veuves de guerre, n’oublions pas les veuves de guerre. Tu as raison. Je soutiendrais financièrement ton action autant que je le pourrais. Nous pourrions profiter du pèlerinage en l’honneur de Lyonel pour annoncer cela à Goëville. Néanmoins, je ne dois pas oublier que la priorité est de reconstruire la flotte du Val, il s’agit de la condition à notre sécurité à tous, orphelins du Val compris et peut-être au de de nos frontières, tu comprends ? Contrairement à ce que les hommes peuvent penser, la bonté n’est pas une faiblesse, elle peut même être une arme si on y réfléchit bien, car l’amour est précieux et ne s’obtient pas par la violence. Si je pouvais sauve tous les pauvres gens du Val, je le ferais, mais je sais aussi que je ne peux sauver tout le monde, surtout si je néglige la protection des gens qui nous défendent et des terres qui nous nourrissent. »

Voyant l’émoi de la jouvencelle, Ashara commença à lever la main pour retirer sa question, mais Nyella répondit finalement avant qu’elle ait pu le faire. Une bonne chose à savoir pour la Suzeraine du Val, même si elle était parfaitement consciente de l’intimité de la question. Elle sourit et répondit :

__ J’ai saigné tard aussi, mais n’aies crainte, cela arrivera certainement bientôt et alors tu seras aussi surprise et effrayée que je l’ai été, mais heureuse en un sens, d’être enfin une femme faite. »

En fait, Ashara avait effectivement saigné assez tardivement, mais par contre, elle mentait, elle n’avait pas été heureuse d’être une femme faite, seulement effrayée par tout ce que cela impliquait. Elle espérait que ça ne serait pas le cas de Nyella et que ces quelques paroles de réconfort la mettraient en confiance, se rappelant à elle le matin où elle découvrirait du sang dans ses draps pour qu’elle ne cède pas à la panique. La brune eut un bref souvenir de ce matin-là, terrifiante découverte, réaction disproportionnée et ridicule de vouloir le cacher. Elle sourit avec nostalgie.

Mangeant un œuf et réfléchissant à tout cela en silence, pendant qu’elle observait Nyella du coin de l’œil, elle repensait aux missives reçues, aux informations qu’elle avait, à la place que le Val allait devoir se battre pour obtenir en l’absence du moindre signe de reconnaissance de la part de la Couronne. Nyella était un pion sur le grand échiquier de Westeros, le pion d’Ashara, un pion qu’elle appréciait particulièrement et auquel elle souhaitait le meilleur, mais un pion qu’elle était néanmoins prête à utiliser en espérant que ce pion ne la trahirait pas comme Ysilla l’avait fait, lui faisant perdre l’Ouest. La jeune mère reposa son assiette vide et reprit :

__ La protection de ces terres que je chéris et de ce peuple que j'aime dont je parlais tout à l'heure passe aussi par les alliances que je noue à l’extérieur de mes frontières. L’Ouest a déjà un Suzerain et une Suzeraine. C’est à eux d’aider les leurs, et nous ne pouvons pas faire grand-chose. Le Bief, qui a subi aussi quelques dommages lors des attaques, a un Suzerain, une Suzeraine et son héritier, Willos Tyrell est déjà promis à Sansa Stark. Là encore, nous ne pouvons pas faire grand-chose. En revanche, le Conflans risque fort d’être la prochaine cible des Fer-Nés et Lord Edmure Tully est célibataire. Que penses-tu que nous pourrions faire ? »

Si seulement j’avais le temps de t’apprendre à jouer au Cyvosse… Pensa alors Ashara, consciente néanmoins que leur coup d’avance devait être joué maintenant et que les préparatifs devaient être courts. Elle n’aurait pas le temps de lui apprendre, ou si peu, quelques jours à peine, pas plus qu’elle ne pouvait lui révéler ses sources et ainsi, la position de ses espions.

__ Je ne suis pas certaine que les Fer-Nés attaqueront, mais je puis m’en douter car si j’étais à leur place c’est ce que je ferais. D’une part parce que le Conflans est tout proche et que c’est le dernier endroit sur la côte ouest qui possède encore une flotte. De plus, comme je te l’ai dit, Robb m’a rapporté que son père y faisait construire une flotte pour le Nord, s’ils l’apprennent, je doute qu’ils laissent la chose se faire sans rien tenter. Si j’avais des espions, je saurais où exactement les Fer-Nés vont frapper, mais cela, je l’ignore, comme j’ignore tout de leur stratégie et de leur objectif final. J’ignore si Lord Edmure sait quoi que ce soit de plus, cela est possible, mais je pense que, lui comme Lord Eddard et Robb en sont arrivés à la même conclusion que moi et qu’ils doivent être en train de préparer leur défense. Seulement, grâce au temps qu’ont mis les troupes du Val pour rentrer et au fait qu’ainsi, mon ost est toujours levé, nous avons un temps d’avance. »

Ashara sourit. Mais ce sourire était différent de ceux qu’elle avait adressé à Nyella jusqu’ici, ce sourire n’avait rien de doux et de bienveillant. Ce sourire, c’était celui de la vengeance qui se dessinait dans l’esprit de la brune. La jolie jouvencelle en avait parlé elle-même, le Conflans aurait pu aider le Val à reconstruire sa flotte, ils avaient des marins, des charpentiers de Marine, mais de cela, le Val disposait tout autant, en revanche, ils avaient du Bois, ce dont la Suzeraine manquait cruellement. Or à aucun moment Lord Edmure n’avait proposé de leur envoyer du bois pour reconstruire une flotte qu’elle avait sacrifiée POUR EUX ! Le Conflans, le Tully lui-même. Elle pinça la bouche en y repensant. Pensait-il lui aussi, comme Ned, que c’était là son devoir et que cela ne méritait pas de remerciement, ni considération, ni gratitude, ni récompense ? Bien. Qu’ils pensent ce qu’ils veulent ces hommes, les loups, les truites, tous autant qu’ils étaient. Qu’ils continuent donc de penser qu’une femme ne méritait pas leur considération et leur gratitude. S’ils ne lui accordaient pas d’eux même l’attention qu’elle méritait, elle la prendrait, et avec, de quoi rétribuer ses sacrifices et ses actions ainsi que ceux de son peuple. De gré ou de force.

La Arryn sortit de sa réflexion et reprit son sourire bienveillant. Si pour elle, une telle alliance sonnait comme une vengeance, ou plus exactement comme le moyen de prendre ce que les mâles qui gouvernaient refusaient de lui donner, elle n’en serait pas moins bénéfique pour Nyella. Cette dernière épouserait un très bon parti et deviendrait Dame du Conflans et de Vivesaigues, ce qui n’était pas rien. De plus, contrairement au Bief, où Olenna lui faisait de l’œil, ils avaient besoin d’aide, de leurs troupes et les Valois pouvaient arriver rapidement et prendre la position de sauveurs, ce qui ne ferait que renforcer la position de la jolie rousse. Evidemment une alliance avec Hautjardin serait une bonne chose, mais la brune ne savait pas comment procéder pour y parvenir sans perdre la main. En effet, le Bief était déjà en bonne posture vis-à-vis de la Couronne, Robert, mais surtout Durran. Le Bief n’avait en rien besoin de l’aide du Val et encore moins de ses troupes, il lui était largement supérieur en richesses ainsi qu’en bannerets. Enfin, Willos était fiancé à Sansa ce qui reléguait le Val à un mariage avec Loras, nettement moins intéressant en terme d’influence !
Ashara doutait fort que Nyella trouve une solution à ce problème, la brune se garda donc de le soulever pour le moment.

__ C’est cela, tu as tout compris, en tant que voisins, nous pourront nous entraider et bâtir une alliance solide en mettant fin à la guerre et aux invasions Fer-Nées. Effectivement, nous avons une flotte à construire nous aussi, mais tant que les Fer-Nés menacent la côte Ouest, il serait idiot d’entreprendre un tel chantier dans le Conflans. Il y a à Goeville, où je me rendrais bientôt, toutes les compétences nécessaires pour reconstruire et renforcer la flotte du Val, mais il nous manque du bois. En revanche, nous pourrions éventuellement leur envoyer quelques bons capitaines et des marins le temps que nous ayons à nouveau des bateaux pour les faire naviguer, ils pourraient s’avérer utiles pour aider les marins du Conflans à former le Nordiens qui sont en train de faire construire une flotte à Salvemer. Néanmoins, nous devons être prudents, il est hors de question que nos marins risquent leur vie dans cette guerre à moins d’une rétribution à la hauteur du sacrifice. Un mariage, aussi prestigieux soit-il ne saurait suffire à justifier la perte de ces hommes irremplaçables. »

Du bois gratuit à volonté pourrait faire l’affaire, mais évidemment, il faudrait peut-être à Edmure choisir entre aider les Nordiens et le Val, quel dommage de s’être allié en premier lieu au Nord alors que Ned n’était pas en mesure de l’aider efficacement et rapidement, sur terre, mais surtout sur mer. Si le Tully devait payer cette erreur stratégique au prix fort, Ashara serait la première à s’en féliciter, mais les Valois ne payeraient pas les erreurs des autres ni surtout la mégalomanie du Stark qui la faisait déjà rire. Construire une flotte à Salvemer, au beau milieu de la Baie du Fer-Né qui portait si bien son nom… Où comment mettre une cible géante sur la cité portuaire et inciter tous les Fer-Nés à s’y précipiter au moins pour brûler les bateaux en construction dès que possible et avant que le Nord et le Conflans puissent se réjouir de posséder une flotte capable de vaincre la Flotte de Fer. Les idiots. Sans compter que le Nord, contrairement à toutes les autres régions, ne disposait d’aucun marin de guerre, aucun capitaine, aucun charpentier de marine, rien qui les rattache à la mer. Comme si on pouvait s’improviser marin, comme si un homme pouvait jouer cette carte maritime contre les Fer-Nés eux même en quelques mois seulement. Les imbéciles.
Ainsi, non seulement Ned avait mis une cible sur Salvemer, il aurait voulu faire exprès pour que les Fer-Nés attaquent la cité qu’ils n s’y serait pas pris autrement, mais en échange, il ne leur avait pas donné les moyens de répliquer, de se défendre, de se protéger et surtout de répliquer à la hauteur de l’affront et des pertes qu’une telle attaque engendrerait nécessairement. Le Val était donc le seul espoir du Conflans ? Ashara la seule à voir leurs si grossières erreurs ?

__ Mais comme tu l’as dit, l’épouse Valoise sera l’unique garantie dont nous disposerons pour nous assurer de ne pas avoir envoyé nos hommes mourir pour le Conflans en vain. Elle aura donc un rôle primordial pour entretenir les relations politiques, commerciales et diplomatiques entre nos régions pendant la guerre et surtout par la suite. Je ne souhaite pas commettre à nouveau l’erreur que j’ai commise vis-à-vis du Roi et de sa Main, risquer ma vie, ma région, tout donner, tout avouer, tout faire pour les préserver et les aider avant de demander la moindre contrepartie. J’y ai perdu bien des Valois dont mon propre époux, j’y ai perdu Ser Brynden et j’aurais pu perdre bien plus, la vie, mon fils, si les Dieux ne m’avaient pas été cléments. Pourtant, je n’ai rien reçu en échange et l’on m’a même refusé le peu que je demandais, la moindre reconnaissance. Je ne referais pas la même erreur. »

Si la naïve jouvencelle ne voyait bien heureusement pas tout ce qu’Ashara voyait dans le potentiel vengeur d’un mariage avec le Sire de Vivesaigues, elle voyait l’essentiel. Mais il s’agissait désormais de lui faire comprendre que le Val ne proposait rien, le Val imposait, le Val ne laisserait pas le choix à Edmure d’accepter. Cependant, la Suzeraine du Val ne voulait pas transformer la douce Nyella en Faucon bis, ni abîmer sa bonté avec tout son ressentiment, elle voulait qu’elle soit consciente de tout cela, mais pas blasée, qu’elle garde ses qualités car elles étaient un atout certain dans cette mission. Il était important à ses yeux que la Belmore ait en tête avant tout le service que le Val rendait au Conflans en échange de cette simple alliance. Il était bien mieux pour leur mariage et pour le partenariat futur entre les deux régions qu’Edmure se réjouisse de l’ensemble de cet échange de bon procédé plutôt qu’on lui force la main. Il fallait si possible qu’il ait le sentiment d’être comblé, voire d’avoir eu l’idée lui-même, mais en même temps que la jeune fille n’oublie pas de s’assurer qu’il ne lui ferait pas faux bond. Il fallait pour se faire, la brune en était persuadée, un caractère doux et conciliant comme celui de Nyella et non son propre caractère affirmé et têtu, avec en plus tout la rancœur qu’elle pouvait avoir envers le Tully, le Stark ou le reste du monde.

__ Aussi, je compte sur toi pour ne rien donner qui n’ait été dûment rétribué auparavant, et souviens toi qu’une promesse ne suffit pas. Ne te sens pas inutile ni ignorante car moi, je sais que tu sauras faire cela mieux que quiconque avec toute ta bonté et ta douceur. Tu sauras lui faire entrevoir tout le bonheur que tu sauras lui apporter en tant qu’épouse et te faire aimer de son peuple pour que le besoin se mue en envie. Sers toi des armes des femmes et non de celles des hommes, mais souviens-toi que la parole de certains hommes ne vaut pas plus que la vertu d’une prostituée et préfère toujours t’assurer qu’ils la tiendront plutôt que d’être déçue. »

Elle prit les mains de Nyella et lui sourit en plongeant son regard assuré dans le sien.

__ Si tu te sens assez forte pour remplir cette mission, pour le Val, mais aussi pour le peuple du Conflans qui a besoin de notre aide, tu prendras la route de Vivesaigues à la tête de 15000 hommes. Tu peux partir dans quelques jours, juste le temps de préparer tes affaires et d’annoncer nos départs respectifs. Je vais entreprendre un pèlerinage afin de restituer le corps de Lyonel à sa famille et de lui rendre l’hommage qui lui est dû, ensuite, j’irais à Goëville pour ouvrir un refuge pour les orphelins et les veuves de guerre et lancer la reconstruction de la Flotte du Val. Pour plus de sécurité, ton frère t’accompagnera et pour que tu n’aies pas à te soucier de l’organisation et du commandement des troupes, Nestor Royce prendra le commandement de l’ost. »

La Suzeraine du Val était persuadée que Nyella était un très bon choix pour ce mariage. Elle était aussi belle et douce que pouvait le rêver n’importe quel homme, assez généreuse et naïve pour se faire aimer du peuple plus encore que son propre époux et en plus, cela pourrait bien contenter grandement Lord Benedar Belmore.

A voir le visage de Nyella, elle s’y voyait déjà. Ashara eut un léger sourire en la voyant se redresser et en écoutant ses premières paroles de future Dame de Vivesaigues. Par les Sept, le Nord. Elle espérait bien qu’ils se fassent ridiculiser dans cette affaire, mais cela, elle ne pouvait pas le dire à la jolie jouvencelle et hélas, faire main basse sur le Conflans méritait certains sacrifices, dont celui de risquer d’aider Ned Stark et cette alliance qu’elle voulait voir mourir avec les Îliens. Un éclair de vengeance passa dans son regard, mais elle reprit rapidement ses esprits et sourit à nouveau afin de préciser :

__ C’est le Val qui mettra fin aux attaques Fer-Nées, pour aider le Conflans et le Nord, qui, vu comment ils s'y prennent, vont échouer sans notre aide, et non l’inverse. »

Mais elle en resta là et écouta Nyella lui faire ses demandes. Elle fit un signe de la main à la première requête, pour l’enjoindre de poursuivre, mais déjà un hochement de tête semblait signifier qu’elle ne lui refuserait pas.

__ Mmmm, je vois. Oui. Ma chère Nyella. Tu as treize ans et moi aussi, lorsque j’avais ton âge, le poids des responsabilités me terrifiait et je mettais des heures à prendre la moindre décision. Mais j’ai eu la chance d’être toujours bien conseillée et c’est à ton tour de profiter de cette chance, Mestre Udo t’accompagnera, ainsi que ton père puisque c’est ce que tu désir et que je ne me vois refuser cela ni à mon émissaire, ni à la future Suzeraine du Conflans ni à mon loyal vassal Lord Benedar Belmore. Mestre Udo te sera une aide précieuse et grâce à ses conseils avisés, tu pourras défendre les intérêts du Val tout en servant au mieux le Conflans et en convainquant Edmure qu’il fait le bon choix en s’alliant avec nous. »

Ashara se pencha en avant et fit un signe de tête pour rassurer la jouvencelle, puis elle s’adossa dans son fauteuil et reprit d’une voix assurée :

__ Cependant, s’il refuse le mariage, il refuse de fait notre aide et alors mon ost attendra que le peuple fasse son choix, avec toi, cela va sans dire. Si cela tarde trop, les hommes du Val pourront sécuriser les Montagnes de la Lune et la Porte Sanglante, ainsi, toute personne prête à quitter ses terres du Conflans pour être en sécurité dans le Val jusqu’à ce que soit éradiquée la menace Fer-Née sera bienvenue à l’abri des Montagnes. Nous préparerons alors une contre-offensive avec ceux qui nous auront rejoints dans l’alliance. Mais si Edmure accepte les termes du contrat, il n’y a aucune raison que tu doives choisir entre mes intérêts et ceux du Conflans. Néanmoins, si tu avais le moindre doute sur une décision à prendre ou que tu apprenais que ton futur époux agit contre moi, informes en Mestre Udo et n’hésites pas à m’écrire, je tâcherais de te conseiller au mieux. »

Elle sourit à nouveau avec bienveillance.

__ J’ai entendu dire cela aussi, c’est pourquoi tu devras faire preuve d’une grande douceur et de diplomatie, plutôt déployer tes charmes que nos armes, plutôt le séduire que t’occuper de politique. D’autres pourront le contrarier dans ta suite, le Général Lord Nestor Royce, Mestre Udo, des gens que Lors Edmure sait acquis à ma cause. Toi en revanche, il ignore tout de toi ou presque, il ne doit voir qu’une belle jouvencelle offerte sur un plateau d’argent avec de quoi gagner une guerre et ressortir grandi de ces terribles attaques. Edmure est un Seigneur, Edmure est susceptible, mais Edmure est un homme, avant tout, et les hommes sont guidés par deux choses : leur orgueil, démesuré et leur… sexe, souvent bien moins démesuré qu’ils imaginent. »

Le vif du sujet et même le vît du sujet i on peut dire, puisque la jolie rousse abordait le sujet, Ashara se devait de lui dire ce qu’elle avait appris sur les hommes au cours des années, et sur le pouvoir qu’une jolie femme pouvait exercer sur un mâle. Après tout, oui, c’était là bel et bien ce que la brune lui demandait, faire fondre Edmure, qu’il se perde sans ses regards emplis de douceur et dans l’odeur de ses cheveux. Nestor, Mestre Udo et elle-même s’occuperaient du reste : gagner la guerre, sécuriser le Conflans, acquérir la confiance du peuple et des vassaux des Tully.

Ashara sourit une nouvelle fois, encourageant Nyella d’un regard affable et chaleureux. Elle voulait un mariage aussi heureux que celui de la brune, mais malgré tout le ressentiment qu’elle avait envers Edmure et ses alliés actuels, elle espérait qu’il le serait, vraiment, et nettement plus long aussi.

__ Il le sera si tu le veux, tu es à la fois garante du bonheur de ton union, de ton époux et de ton peuple, une lourde tâche dont tu sauras t’acquitter car tu es faite pour ça, de par ton sexe, ton rang et ta nature bienveillante. Tu as raison, nous ne pouvons pas laisser ces gens sans défense face aux Fer-Nés, nous sommes responsables de nos actes devant les Sept. De plus, un Seigneur doit protection à son peuple, s’il ne s’acquitte pas de ce devoir, quelle qu’en soit la raison, alors il n’y a aucune raison que ses vassaux s’acquittent des leurs. Le pouvoir nous est acquis par notre naissance, mais il nous revient durant notre vie, par nos actions, de nous en montrer digne, souviens toi toujours de cela. »

La jeune veuve écouta la jouvencelle lui dire tout le bien qu’elle pensait d’elle avec émotion. Huit ans, elle était arrivée si jeune, séparée des siens, et dire que durant toutes ses années, Ashara l’avait ignorée, ne l’avait jamais laissée intégrer le cercle de ses proches. Une erreur. Et pourtant la Belmore ne semblait pas lui en tenir pas rigueur. Qu’elle en soit sept fois bénie, mais Ashara prierait pour elle plus tard. Elle écrasa une larme au coin de son œil, autant pour les paroles d’amitié que lui offrait Nyella que pour les années de souffrance qu’elle lui avait fait subir et le fait de la découvrir ainsi, si bonne, douce et merveilleuse juste avant de s’en séparer. Oui, finalement, elle ne le pensait pas lorsqu’elle l’avait fait mander, mais elle lui manquerait. Elle se leva, sourit et ouvrit les bras pour y serrer la jolie rousse un geste en dehors de tout protocole, mais peu important à présent le protocole.

__ C’est promis. » Murmura-t-elle en retenant ses larmes, la gorge serrée.

La brune n’ajouta rien, elle n’aurait fait que répéter ce qu’avait dit Nyella ou entrer dans une succession de lieux communs inutiles. Elle l’écarta tendrement en la prenant par ses frêles épaules sur lesquelles reposaient désormais tant de chose, tant pour le Val que pour le Conflans et sourit avec une pointe de nostalgie.

__ Va, dis que tu viens de ma part, demande toute l’aide dont tu auras besoin à mes domestiques, hâtes toi car le Conflans a besoin de nous de toute urgence. Lord Nestor s’occupera de l’intendance pour l’ost, mais rien ne t’empêche de préparer de quoi venir en aide à la population sur place et les septons et septa, c’est une très bonne idée. Et, s’il te plait, appelles moi Ashara. »

La Suzeraine regarda Nyella sortir et prit une grande inspiration avant de se diriger vers une fenêtre pour contempler ses terres. D’ici elle ne voyait que les montagnes, mais elle savait que derrière elles, s’étendait le Conflans.

Elle était certaine qu’elle faisait le bon choix en la personne de Nyella pour mener cette mission à bien. Elle n’avait point besoin d’une grande tacticienne, d’autres pourraient s’en charger pour elle, aussi bien sur le plan politique que militaire. Elle n’avait point besoin non plus d’une grande manipulatrice, car il ne s’agissait au fond pas de mentir ou d’abuser qui que ce soit. La jolie rousse n’aurait pas affaire à Olenna Tyrell ou à Doran Martel, ni à un Lannister, elle allait se confronter à Lord Edmure Tully, un homme qui avait accepté de faire construire une flotte pour le Nord à Salvemer, au nez et à la barbe des Fer-Nés. Un homme tombé à pieds joints dans le piège de Lord Eddard, toujours drapé dans son manteau d’honneur glacé. Prêt, alors que l’hiver s’annonçait et qu’il n’avait rien à offrir en échange que des belles paroles et quelques centaines d’hommes, à lui faire dépenser du bois de l’argent et des hommes. Même pour les attirer dans ce qui, pour elle, ressemblait de plus en plus à un piège, c’était un triste gâchis doublé d’une trahison envers elle et le sacrifice de sa flotte, triplé d’un manque de respect envers elle-même et tous les marins du Val d’Arryn qui n’avait plus de bateaux mais, contrairement aux Nordiens les compétences pour naviguer. Mais le pire dans tout ça, le plus immorale, c’est que dans cette bataille, la Main du Roi ne prenait aucun risque et laissait les gens du Conflans en grand péril avec trop peu d’hommes pour que la victoire soit assurée. La brune suzeraine allait bien y remédier, mais pas gratuitement, pas cette fois.

Nyella serait parfaite, elle avait la beauté, le rang et la grâce nécessaires, elle avait la bonté d’âme et la bienveillance pour convaincre même les plus récalcitrants, elle charmerait Edmure, et il n’y verrait que du feu, et si non, elle charmerait ses vassaux, et ils aimeraient ça. Et si le Stark ou qui que ce soit d’autre y voyait là la manœuvre de la Dame des Eyrié, grand bien lui fasse de ne point être dupe, mais en attendant, ni les uns ni les autres n’avaient de quoi protester ou contrer Ashara, personne n’avait de troupes à envoyer aussi rapidement. Que l’un ou l’autre essaye de s’opposer à elle et la vérité sur les agissements et l’absence de courage de la Main du Roi en personne serait révélée au grand jour, à toute la population du Conflans, et par la même occasion la bêtise ou la complicité d’Edmure. Le peuple déciderait alors de son destin et de son nouveau Suzerain, et ce avec l’aide des troupes Arryn.

Ashara restait néanmoins de marbre. Elle était la mieux placée pour savoir que mes les plans qui semblaient les plus sûrs de réussir avaient toujours des failles, et que la victoire n’était jamais acquise avant d’être une réalité. La prudence restait donc de mise, elle ne l’ignorait pas. Mais sur le grand plateau de jeu de Cyvosse qu’était Westeros, elle pouvait enfin commencer à déplacer ses pièces sans entrave, sans homme pour l’empêcher de jouer pleinement son jeu. Et, il faut bien le dire, cela lui donnait des frissons de plaisir plus puissants encore que ceux que lui avaient offert Lyonel et qu’elle n’était pas prête à ressentir à nouveau.

Son regard se porta sur le Nord…

Les jours suivant, il faudrait qu’elle prévienne Lord Nestor et le septuaire, pas certain qu’ils aient aux Eyrié les effectifs pour envoyer des religieux dans le Conflans, mais les Portes de la Lune y pourvoiraient. De toute façon, après que les vassaux de retour de l'Ouest avec l'ost soient montés aux Eyrié pour lui prêter alliance et voir Artys, elle descendrait aux Protes de la Lune pour partager la veillée funèbre de Lyonel avec le plus grand nombre et annoncer les prochaines dispositions : son pèlerinage, son vœux de silence, mais aussi le recrutement de volontaires pour le Mur et le départ d'une bonne partie du ban pour le Conflans. Il allait aussi falloir qu'elle organise la défense de la Porte Sanglante et des Eyrié en son absence. Elle quitta donc sa fenêtre pour se mettre au travail.