Ashara lut la missive et plus elle lisait plus elle crispait ses doigts sur le parchemin. Elle fit signe à Mestre Udo de prendre plume et de répondre :

Permettez-moi de vous rappeler que Lady Ashara Arryn porte le deuil de feu son époux Lord Lyonel Corbray-Arryn mort il y a peu. Par conséquent, elle ne répond à aucune requête aussi importante soit-elle.

Mais n’ayez crainte, les brigands du Val sont jugés comme il se doit, à savoir par la Suzeraine, ses conseillers, ses vassaux et toute personne portant un titre lui permettant de faire justice sur nos terres et certainement pas par les représentants de la foi. Se sont aussi eux qui protègent le plus faible et les septuaires sur leurs terres ainsi que tout autre lieu de culte.

Vous n’avez pas agi avant, mais réagissez fort à propos à présent que ces drames qui ont couté si cher à la Couronne ainsi qu’au Val ont été révélés. Ainsi par votre attentisme, vous êtes les premiers responsables du développement, au sein même du Donjon Rouge, de ses pratiques contre nature que vous dénoncez avec tant de ferveur quand il s‘agit de demander le soutien de ceux qui ont réellement risqué leur vie pour que justice soit faite.

La Suzeraine en noir quitta la pièce et Mestre Udo s’empressa de réécrire la missive avant de l’envoyer, l’édulcorant quelque peu pour des raisons diplomatiques même s’il n’en pensait pas moins.

A la Première Sainteté Melicent,

Tout d’abord, je vous prie de m’excuser pour cette réponse tardive, mon deuil, mon chagrin et les suites de mon accouchement m’ont empêché de répondre à mes obligations pendant un certain temps. A ce propos, je vais entamer un pèlerinage silencieux en l’honneur de feu mon époux, de son sacrifice pour la Couronne, des vœux que nous avions échangés et du fils et héritier qu’il m’a donné. Mais aussi en l’honneur de mon peuple qui l’a suivi dans l’Ouest et de ceux qui sont tombés à ses côtés et ont, eux aussi, laissé des veuves et des orphelins. C’est pourquoi, pendant les semaines à venir je risque de ne pas pouvoir vous aider, ni même vous répondre.

J’ai quitté Port-Real en très mauvais terme avec la Main du Roi et hélas, je crains de ne vous être d’aucune utilité à la capitale, surtout de là où je suis. Je pense même que la moindre action de ma part en votre faveur auprès de Lord Eddard Stark pourrait au contraire vous porter préjudice et je ne le souhaite pas. Cependant, une place au Conseil du Roi ne serait que justice après tous ce que j’ai faits pour la Couronne et contre les Fer-Nés, mais il semble qu’à la cour, les sacrifices d’une femme sont bien vite oubliés. Cependant, il ne fait aucun doute que si je pouvais avoir une place au Conseil Restreint je serais toujours du côté de la Foi, de l’ordre et de mes convictions.

Cependant, je dois dire que dans votre première missive, vous ne m’avez pas convaincue de l’utilité de réinstaurer la Foi Militante. En effet, dans ma région tout particulièrement, mais aussi dans toutes les Sept Couronne, la justice est donnée par les Seigneurs et je gage que mes vassaux et moi-même faisons en sorte de déloger les brigands de leurs cachettes d’autant mieux que nous connaissons nos terres mieux que quiconque. Nul, pas même les Septons ne sont au-dessus des lois de féodalité qui nous ont été léguée par les Andales, tout comme la Foi des Sept, renier l’un, c’est aussi renier l’autre, n’est-ce pas ?
Quant au coût de la justice, nous nous en accommodons car elle fait partie des charges et devoirs des nobles. Il en est de même pour la protection du peuple et la sécurisation des lieux de culte quels qu’ils soient, ces charges incombent à chaque Suzerain et à ses vassaux. Or, les charges et devoir de la Foi sont déjà si vastes, qu’il me semblerait bien triste de lui faire subir assumer ce rôle supplémentaire et les coûts inhérents.

Cependant, depuis votre corbeau, de l’eau a coulé sous les ponts et peut-être avez-vous un nouveau projet à me soumettre. C’est pour cela que je vous invite à me rendre visite aux Eyrié pour que nous discutions tranquillement de tout cela et de mes possibilités de soutien envers la Foi. Ainsi, vous pourrez aussi constater par vous-même que la justice y est rendue avec autant de sérieux et de constance que possible au nom du Père d’En-Haut.

Je vous remercie en mon nom et au nom de mon fils de vos vœux et de vos prières, lors de ma longue retraite, j’ai moi-même interrogé les Dieux sur l’épreuve qu’ils mettaient sur la route mais j’ai fini par les remercier pour la joie qu’ils m’avaient procuré en me faisant rencontrer Lord Lyonel et en ayant la bonté de me donner Artys avant que son père ne nous quitte. J’ai aussi, bien sûr, prié pour les pauvres gens de l’Ouest et du Conflans sauvagement attaqués par les impies Fer-Nés, j’espère de tout cœur que mes prières ont été entendues.

Lady Ashara Arryn
Dame des Eyrié et de la Maison Arryn
Suzeraine et protectrice du Val d’Arryn