Daenerys Targaryen

299 - Lune 7 - Semaine 2 - Jour 3

C’était donc ainsi que serait sa vie ? Une succession d’espoir qu’on lui arracherait des mains avant de les détruire sous ses yeux larmoyants ? Même la présence de son frère était une très maigre compensation face à tous ses échecs qui au final l’avait amené exactement au point de départ. L’esclave d’un Khal. Elle admettait volontiers les légères différences entre sa situation avec Drogo et celle qu’elle avait à présent avec Maeri mais elles étaient infime et surtout, elle ne changeait pas grand-chose à son propre statut.
Les jours, les semaines et les lunes avaient probablement défilés. A vrai dire, la Targaryenne avait perdu toute notion du temps à force de voyager avec le Khalasar. Elle avait cessé d’essayer de se repérer en fonction du calendrier qu’elle avait apprise dès son plus jeune âge. Est-ce que cela avait de toute façon une quelconque importance maintenant ? Aujourd’hui, tout ce qu’on avait tenté de lui enseigner n’avait plus aucune importance, rien de tout cela ne l’avait aidé à récupérer ce qui lui était dut. Tous l’avaient simplement abandonné ou vendu. Et si Jorah s’évertuait à tenter de redonner l’espoir à la jeune fille, celle-ci n’écoutait que d’une oreille distraite. Pour ce combat contre l’usurpateur elle avait dut renoncer à un homme qu’elle aimait, elle avait perdu un enfant à naître et surtout, elle avait perdu toute dignité et honneur. Insultant ses propres ancêtres en se mariant avec un Feunoyr et tout ça pourquoi ?

Elle observa les autres esclaves qui marchaient derrière elle, continuant elle-même d’avancer. C’était donc à cela que se résumerait sa vie à présent ? La chaleur était torride et chaque pas devenait un supplice de plus dans son existence. Mais elle n’avait d’autre choix, elle avait vu ce qu’on faisait à ceux qui refusaient de marcher, un sort qu’elle ne souhaitait pas subir.
Alors elle marchait, espérant entendre bientôt les cris des Dothrakis qui annonceraient qu’il était temps de faire le campement, cris qui heureusement ne tardèrent pas arriver. Bien que cela n’annonçait pas réellement le repos pour les esclaves, tous s’afféraient à présent à monter le campement. Elle s’attelait à la tâche lorsqu’une jeune femme vint la trouvé. La peau pâle, les cheveux aussi clairs que les siens, elle lui fit savoir que la Khaleesi souhaitait la voir. Elle s’exécuta. Avait-elle seulement le choix ?

Se dirigeant vers la tente principale, elle s’attendait à y trouver la guerrière mais se retrouva seule. Un temps qui lui semblait infini, seule avec elle-même mais surtout seule avec ses pensées. Elle retournait dans son esprit tous les évènements qui l’avaient amené à se trouver ici en cet instant précis. Chacune de ses décisions, chacun de ses choix, cherchant à comprendre qu’elles avaient été ses erreurs. Et quel choix lui restait-il à présent ? Si, bien sûr, elle en avait encore.

CODE BY LUNA

Depuis qu'ils avaient bifurqués vers la Baie des Serfs, les journées du khalasar étaient plus longues et plus vides. L'horizon rassurant de la Mer Dothrak était à présent remplacé par une bande pâle s'étalant à l'infini et il était hors de question de se rapprocher de l'eau salée pour y ajouter une bande bleu. Les villages et caravanes de marchand s'étaient fait plus facile à trouver, certes, mais comme à chaque fois qu'ils quittaient leur mer, les Dothraki ressentaient une certaine nostalgie. Maeri – quant à elle – était plutôt pressée d'aller de l'avant, mais c'était bien plus difficile avec la nouvelle taille de son khalasar. L'immense colonne humaine s'étalait sur des kilomètres, surtout les marcheurs, les esclaves. Au milieu de la journée, Maeri prit quelques uns de ses meilleurs guerriers pour prendre de l'avancer et repérer les futures proies.

Ils rentrèrent au soir, alors que le campement était déjà en train de se former, bredouilles. La chevauchée avait eu le don d'exaspérer la Khaleesi : il n'y avait rien de pire que de faire tant de chemin pour ne rien trouver. La perspective de rentrer avait tout de même réussi à la faire sourire alors qu'ils approchaient du camp. Cela faisait quelques jours à présent qu'elle avait assigné, une fois de plus, Daenerys Targaryen, au rôle de préparer les tentes. L'ancienne femme de Drogo avait encore besoin de leçon d'humilité, à en croire Maeri, et il n'y en avait pas de meilleure que marcher des jours durant parmi les esclaves. Cela faisait des mois à présent qu'elle lui appartenait, mais la Khaleesi avait rapidement appris que ces Targaryen avaient besoin qu'on leur rappelle leur place régulièrement.

Alors qu'elle démontait de cheval, Maeri aperçut sa favorite qui s'était avancée à l'orée du camp pour l'accueillir.

- Imeah, ma douce. Trouve-moi la Targaryen et fais-la amener à ma tente, puis reviens-moi.

La Khaleesi resta un moment avec ses guerriers, commentant brièvement la chevauchée de la journée. Il n'y avait que peu à dire mais cela devait être dit. Heureusement, les dothrakis n'étaient pas des amateurs de longs discours et de temps perdus. Maeri amena son cheval près de sa tente mais reparti trouver ses Ko à qui elle fit part de ses découvertes sur le chemin emprunté. Il fut rapidement décidé du cap du lendemain, et elle s'en fut. Ce soir, elle n'était pas d'humeur à partager le dîner devant sa tente.

En chemin, elle retrouva son esclave favorite et l'attrapa au vol pour la serrer contre elle. Pendant qu'Imeah lui annonçait avoir obéi, la Khaleesi profitait de l'odeur de douceur de ses cheveux, en contraste avec la sueur et la fragrance chevaline de sa maîtresse. Elles parcoururent rapidement le chemin jusqu'à la tente centrale et Maeri les fit entrer, poussant Imeah devant elle. La Targaryen était déjà là. Sa vision arracha un sourire à la dothraki.

Elle était en bien piteux état, surtout quand on comparait avec Imeah. La princesse était habillée de guenilles en cuir, là où l'esclave portait une délicate robe blanche. Ses cheveux étaient secs et complètement désorganisé, sa peau pâle avait été usé par le soleil, mais le pire était son regard, presque vide. Maeri la contourna rapidement, ne lui jetant pas un regard. Elle déposa son arakh contre un meuble, près du lit, puis se retourna vers elle.

- Tu ne semble plus si fière à présent, commenta-t-elle.

Calmement, elle délaçait les protections de cuir ses ses épaules, les jetant sur le lit pour ne garder que la tenue de cuir bouilli qui protégeait son torse. Imeah était restée au niveau de Daenerys, mais éloignée de quelques pas. Elle n'avait a priori pas besoin de traduire le Dothraki à la jeune fille. Maeri finit par s'avancer jusqu'à elle. Si cela était possible, la westerosi lui paraissait encore plus frêle que le jour où elle l'avait obtenu, et Maeri n'avait jamais eu de problème à la dominer de sa taille. D'une main, elle lui attrapa la mâchoire, essuyant du pouce le sable et la poussière accumulé sur sa joue. Le geste – sans être doux – n'était ni agressif, ni douloureux, mais la poigne était forte.

- Tu n'es pas faite pour marcher ainsi toute la journée.

Comme souvent, il fallut quelques secondes avant que les yeux de la jeune femme ne se relève réellement vers elle. Maeri plongea ses pupilles sombres dans les iris violacées de la Targaryen avec la même curiosité que les premiers jours. Elle savait que ce n’était pas une coloration si rare, surtout dans certaines Cités Libres, comme Lys, mais elle était toujours intrigué par cela. Comme les cheveux blonds, les yeux de couleur vivre n’étaient pas chose commune dans la Mer Dothrak. Même ceux de Maeri, d’un bleu trop foncé, était considéré comme assez rare. Alors, ce violet si particulier avait de quoi attirer les convoitises. Même à présent, alors que la couleur avait fanée sous le Soleil et que Daenerys ne la fixait que d’un regard vitreux. Cependant, après qu’elle ait détourné les yeux vers Imeah, la Khaleesi aperçu un éclat encore présent au fond de ses pupilles. Son sourire ne s’en fit que plus grand, elle n’avait pas encore réussi à la briser. C’était une bonne chose.

Elle sentit les doigts de la jeune fille sur son bras, tentant de la convaincre de relâcher sa prise. Bien sûr, elle n’était pas prête de le faire immédiatement après la demande d’une esclave. Maeri attendit plutôt de voir ce que la Targaryen avait à lui dire et la réponse ne tarda en effet pas. Même si les mots pouvaient paraître respectueux, la Khaleesi savait bien de leur réelle signification. Pour le signifier à la jeune fille, elle resserra un instant sa prise sur son menton pour lui faire un peu plus relever la tête.

— J’en doute, mais tu essaierais.

Brusquement, elle la relâcha et la vit se reculer d’un pas. Le mouvement arracha un sourire moqueur à la Khaleesi mais elle ne l’en empêcha pas. De nouveau, Maeri la détailla de haut en bas, autant pour s’assurer de sa bonne santé que simplement pour la regarder.

— Tu es une esclave, tu feras ce que je te dis de faire, ou tu mourras en essayant. N’est-ce pas ?

En un seul pas, la Khaleesi se retrouva de nouveau très proche de son esclave, mais au lieu de se mettre face à elle, Maeri la contourna lentement. Son regard pesait lentement sur le corps de la jeune femme, jusqu’à ce qu’elle puisse une main se glisser dans ses cheveux d’argent. Maeri fit quelques boucles mais se rendit vite compte que leur état n’était pas idéal. Contrairement aux cheveux dothrakis huilés, idéal pour les coiffures en natte que portait les femmes ou les longues tresses des hommes. La sienne tinta justement à ce moment-là.

— Tes cheveux témoignent d’une grande lignée, paraît-il. Eux et tes yeux. Pourtant, tu es à moi.

Comme pour appuyer son propos, la poigne de Maeri se referma brusquement sur un bras de Daenerys, alors qu’elle se trouvait toujours derrière elle. Elle tâta de nouveau la peau pâle, effaçant les traces de sable et de poussière. La Targaryen paraissait si frêle au toucher, sans doute serait-elle aussi douce que sa favorite si elle avait été lavée. Pour l’heure, elle avait plutôt l’air d’une mendiante.

— Sais-tu pourquoi ? Je n'ai pas l'intention de te laisser marcher jusqu'à la mort, mais cela pourrait vite changer.

La Khaleesi était restée étonnamment stoïque à la réaction brutale de son esclave. L’apparition de l’arakh dans les mains de Daenerys puis sous sa gorge ne semblait pas l’effrayer. A l’inverse d’Imeah qui avait brusquement sursauté et même tenter un pas en avant, mais elle fut bien vite arrêtée par un geste de la main de Maeri. Celle-ci n’avait pas laissé son arme en évidence ainsi pour rien ; c’était une façon simple de tester la jeune femme et ses réactions à ce qu’elle allait dire. Cependant, elle devait bien admettre que cette réaction avait été plus rapide qu’elle ne l’avait d’abord imaginé. Loin de s’en montrer effrayé, la sauvage se fendit d’un sourire mauvais en sentant la lame contre sa peau.

Un sourire qu’elle perdit en voyant l’arme changer brusquement de cible. La réplique cinglante qu’elle réservait à la jeune fille se bloqua dans sa gorge quand elle la vit bouger. La Targaryen énonça clairement et lentement son intention de se tuer. Avant même qu’elle ne puisse lui répondre, la dothraki vit sa gorge se serrer et ses narines se dilater pour prendre une ultime inspiration.

La lame commença à pénétrer la peau mais s’arrêta avant de faire le moindre dommage permanent. Les doigts de la Khaleesi étaient refermés au-dessus de ceux de Daenerys, comme des serres. La poigne était plus forte que tout ce qu’avait connu Daenerys jusque là, et elle l’empêchait de continuer son geste. Le faciès de la dothraki s’était modifié aussi, sa bouche était crispé en une grimace mauvaise et ses sourcils profondément froncés. D’un coup brutal, elle arracha l’arme aux mains de son esclave et la jeta plus loin. Sa main se referma ensuite sur le poignet fragile pour l’empêcher de bouger. Elle serrait avec toujours plus de force, les traits déformés par la colère.

— C’est ta seule réponse, cracha-t-elle entre ses dents.

Avant que Daenerys ne puisse lui répondre, l’autre main de la Khaleesi jaillit d’un coup. Elle claqua violemment contre la joue de la soit-disant princesse. La force du coup laisserait probablement une marque mais cela ne semblait plus être dans les priorités de Maeri pour l’instant. Seule sa poigne fermée sur le poignet de la jeune fille empêcha cette dernière de reculer trop, mais cela l’éloigna tout de même du meuble et du lit. Ils approchaient du brasero central qui conférait à la pièce toute sa luminosité. Maeri lâcha son esclave mais c’était pour mieux lui attraper les épaules et la secouer. Si Daenerys la connaissait depuis un moment, c’était la toute première fois qu’elle l’a voyait se comporter ainsi.

— Tu es sensée être un dragon et c’est tout ce que tu es capable de faire ?! Rugit la Khaleesi.

Cette fois-ci, sa voix avait tonnée à l’intérieur de la tente, démonstration supplémentaire de la colère absurde qui l’habitait désormais. Toujours portée par la force de la sauvage, les deux femmes avancèrent jusqu’à ce que Daenerys puisse sentir la chaleur du feu derrière elle. Les flammes projetaient son ombre déformée sur les murs de la tente, alors qu’elles éclairaient aussi le visage de Maeri, accentuant encore ces traits et cet absence de sourire moqueur finalement plus inquiétante qu’autre chose. Les yeux de la Khaleesi étaient d’un bleu saisissant dans cette nouvelle lumière et ils la reflétaient étonnamment bien alors qu’elle plongeait son regard dans celui de la jeune fille.

— Peut-être que tu ne vaux vraiment rien, après tout, siffla-t-elle encore.

Son regard tomba ensuite sur la joue rougie de la jeune fille, la marque que laisserait son coup pour quelques jours. C’était la première fois qu’elle s’en prenait ainsi à elle. Elle prit elle-même conscience de la colère qui empourprait ses propres joues et qui lui tenaillait le ventre, puis du regard d’Imeah sur elle, plus terrifié encore qu’auparavant. Maeri prit une grande inspiration, puis une autre. Lentement, sa poigne se desserra et elle recula, tirant Daenerys avec elle pour l’éloigner des flammes. Ses mains remontèrent le long de sa gorge pour attraper sa mâchoire, caressant de nouveau la joue meurtrie et sa symétrique encore intacte.

— Je ne veux pas te faire mal, mais je n’ai nul besoin de quelqu’un qui a déjà abandonné. Je t’ai offert une arme et tu l’as retourné contre toi.

A nouveau, elle eut cette grimace douloureuse, mais elle secoua rapidement la tête pour chasser les souvenirs qui l’assaillaient.

— Tu n’es pas une vraie princesse, ni un vrai dragon, ni rien, si tu ne sais pas te battre. Personne ne t’as donc appris ça ?

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'Dé 100' : 78

Maeri avait bien aperçu le mouvement de son esclave, à la périphérie de son champ de vision, mais elle n’y avait pas prêté attention avant qu’elle ne colle sa main contre son épaule. Pendant un bref instant — moins d’une seconde — la Khaleesi se demanda si c’était là la seule réponse que pouvait lui faire la gamine. Puis elle ressentit la douleur, violente et perçante contre son épaule. Ses traits se déformèrent en mélange de rage pure et de douleur. Daenerys parlait, ou plutôt hurlait, mais Maeri avait cessé de s’en soucier quelque part entre le moment où la braise avait touchée sa peau et celui où l’esclave avait ouvert la bouche. Cette fois-ci, c’était une réaction qu’elle n’avait pas anticipée, mais la dothraki savait exactement comment y répondre.

Et puisque la Targaryen voulait jouer à ça, elle apprendrait vite qu’à ce jeu, elle n’avait aucune chance de gagner contre quelqu’un d’aussi expérimenté.

— Chiftik !

Les mains de la Khaleesi attrapèrent les bretelles de la tenue d’esclave avec assez de force pour faire craquer le tissu fragile. La braise était toujours contre son épaule et elle voyait Imeah s’approcher pour séparer les deux femmes, mais il était trop tard. Tirant brutalement sur le vêtement, Maeri projeta sa tête en arrière, avant de la rabattre d’un seul coup vers l’avant. Le coup de tête atteint Daenerys au front avec toute la force dont était capable la dothraki. Avec un cri de rage, Maeri enchaîna pas un coup de pied qui faucha les deux jambes de son esclave et la fit tomber au sol. Alors qu’elle était au sol, la sauvage continua par un coup de pied au thorax, suffisant pour lui couper le souffle. Imeah se tenait auprès d’elles, l’air paniqué.

— Khaleesi !
— Pas mal, dragon, cracha Maeri à l’intention de la femme à terre. Mais tu commencera par apprendre à qui ne pas t’attaquer.

Sans lui laisser le temps de répondre, la dothraki se pencha pour l’attraper encore une fois par son vêtement. Elle entendit très bien le tissu se déchirer mais n’en avait cure. Presque sans un effort, elle la souleva à moitié pour la projeter dans les airs, vers le lit près duquel elle s’écrasa. Quelque part dans son esprit, Maeri se souvenait qu’elle n’avait à l’origine pas voulu blesser cette esclave si particulière, mais la douleur avait été trop forte pour qu’elle se contrôle. La Khaleesi s’avança rapidement jusqu’à elle, envoyant d’un coup de pied l’arakh plus loin. Cette fois-ci, elle ne lui laisserait pas l’option de se défendre.

— Je vais t’apprendre…
— Khaleesi ! Attendez !

Sa douce, sa favorite, s’interposa brusquement devant elle. Comme elle ne l’avait encore jamais fait, mais son faciès paniqué suffit à calmer quelque secondes la dothraki. Suffisamment pour que la lysienne s’agenouille auprès de l’autre esclave et vienne délicatement lui prendre la main.

— Doucement, doucement, murmurait-elle à Daenerys.

Enfin, elle se décala pour laisser Maeri voir la main incriminée, et surtout la paume intacte qui avait tenu le morceau de braise. Les yeux sombres de la dothraki s’écarquillèrent et elle pencha le nez sur sa propre épaule, là où sa brûlure s’affichait déjà bien en évidence. Son regard revint à la gamine et soudainement son visage changea. Un sourire triomphant revint sur ses lèvres et elle attrapa le visage d’Imeah pour la relever, collant sauvagement ses lèvres contre les siennes.

— Ma douce, cours voir les femmes stériles et ramène du baume pour la douleur et les brûlures. Pour moi, et pour elle.

La jeune esclave subit le baiser avec un petit sourire, mais se mit à hésiter en recevant l’ordre. Elle jeta un dernier regard à la Targaryen avant de sortir de la tente. Maeri revint ensuite à la dragon et se pencha sur elle, un sourire mauvais sur les lèvres.

— Quant à toi, je vais commencer par t’apprendre à choisir tes adversaires.

Elle attrapa ce qui restait de son vêtement pour la soulever et la poser assise sur le lit. La dothraki se pencha sur elle pour inspecter de plus près les marques qu’elle avait laissé sur sa peau.

— Ta force n’est pas physique, mais il y a peut-être quelque chose à faire de toi. Je t’interdis de me combattre à nouveau, ou je risquerais de te tuer, cette fois-ci. Compris ?

Il était difficile pour Maeri de ne pas trouver la Targaryen absolument pathétique en cet instant précis. Ses tentatives désespérés pour l’empêcher de la toucher ne provoquait rien d’autre qu’un sourire plus grand chez la Dothraki. Daenerys était une gamine effrayée qui tentait encore de se battre, parce qu’elle croyait n’avoir plus rien à perdre. La petite idiote. La Khaleesi commença par lui rire au nez, avant de jeter un nouveau regard sur elle. A présent, la jeune femme lui rappelait quelqu’un, et cela fit disparaître son sourire. D’un seul coup, elle eut envie de la frapper à nouveau, et de l’empêcher de la regarder ainsi. Ses pupilles violacées étaient définitivement trop familière. Heureusement, elle avait déjà constaté les dégâts précédents et il était hors de question de l’abîmer plus. Sa main se posa fermement sur l’épaule dénudée de la jeune fille et serra avec assez de force pour lui rappeler la différence entre elles.

— Alors, tu mourras assez vite, mais peut-être pourrais-tu attendre encore quelques temps avant de me défier.

La dothraki s’assit à côté de la jeune fille, sans sembler craindre qu’elle ne l’attaque à nouveau. Malgré la douleur lancinante dans son épaule, Maeri se savait bien supérieur à la Targaryen et cette fois-ci, il n’y avait ni arme, ni braise à proximité. Elle en profita pour attraper le pan de sa tenue qu’elle avait déchiré et tira encore dessus. Outre dévoiler un sein — que la Khaleesi n’observa que quelques secondes — cela fit apparaître le début d’hématome qui allait grandir sur les côtes de son esclave. Elle y avait été fort, bien plus que prévu, mais c’était Daenerys qui était entièrement à blâmer. La douleur était probablement aussi intense pour la gamine que pour elle, sauf que Maeri avait appris à supporter ça depuis longtemps.

— Tu peux essayer de m’affronter encore dans cet état. Ou tu peux attendre de te sentir un peu mieux pour retenter ta chance et mourir. C’est une autre liberté qu’il te reste.

Quand elle tenta encore de se débattre, Maeri lui attrapa les poignets pour les maintenir sur le lit. La dothraki poussa un soupir fatigué alors que son regard sombre détaillait encore la jeune femme. Lentement, elle attrapa les deux poignets avec une main et reprit son examen avec l’autre, le bout de ses doigts effleurant la peau qui commençait à bleuir.

— Si tu arrêtes de bouger, je ne vais pas te faire de mal.

L’absence de coopération de la jeune fille commençait à lui peser, en plus de lui rappeler beaucoup trop de mauvais souvenirs. Elle hésita à la frapper encore mais puisqu’elle venait de promettre qu’elle ne le ferait pas, ce ne serait pas une bonne idée. Par chance pour les deux femmes, Imeah ne tarda pas à revenir dans la tente, les bras chargés de baumes confiés par les femmes stériles. L’un d’eux était inconnu de Maeri, il s’agissait probablement de celui pour les brûlures. L’autre en revanche, elle connaissait bien, il soulageait les douleurs et les hématomes, à défaut de les effacer. La Khaleesi prit celui-ci des mains de son esclave et s’en enduit les doigts. L’odeur l’assaillit immédiatement, mélange de la mer Dothrak et de fleurs particulières. Elle sourit, puis posa ses doigts froids sur la peau marquée de Daenerys.

— Je vais te proposer un marché. Je vais t’appliquer ça où tu as mal, partout, et pendant ce temps, je vais te raconter une histoire. Si à la fin de l’histoire, tu as toujours envie de te suicider, je te promets que je verrais ce que je peux faire.

Maeri releva le nez vers elle pour la regarder de nouveau dans les yeux. Dans ses yeux et dans son sourire, il y avait quelque chose de nouveau.

— C’est d’accord ?

La Khaleesi continuait de maintenir la jeune femme sur le lit, les deux poignets fermement tenus par une seule main. Malgré la colère accumulée, Daenerys n’avait pas encore la force de s’opposer correctement à elle. Qui plus est, après avoir encaissé autant pour quelqu’un qui n’était clairement pas une combattante. Aussi Maeri savait-elle qu’il n’y aurait pas à attendre bien longtemps avant qu’elle n’abandonne, c’était même ce qu’elle avait de mieux à faire. Une autre tentative aurait probablement résulté dans un coup autrement plus violent pour l’assommer et il était toujours difficile de savoir comment l’on reviendrait d’un tel coup. La dothraki n’eut heureusement pas à attendre très longtemps avant que son esclave n’admette sa défaite.

Elle sentit le corps de la jeune fille se détendre sous elle et Maeri se permit de lui lâcher prudemment les mains. Pendant un temps, elle s’assura que Daenerys ne tentait pas de l’attaquer au détour d’une distraction, mais elle avait abandonné l’idée. Une chance pour elle. La Khaleesi posa donc le baume sur une petite table proche et commença à s’en enduire les deux mains. Ce n’était pas un geste qui lui était inconnu : elle revenait rarement de bataille sans avoir encaissé au moins quelques coups et il était toujours utile de savoir les soulager.

— Sage décision. Voilà l’histoire : il est arrivé autrefois qu’un Khal désire une femme qui ne le désirait pas en retour. Il fit alors ce que tout Khal ferait et défia son père en combat pour s’approprier la fille désirée, mais il tricha pour réussir.

Pendant qu’elle parlait, Maeri traçait des doigts la ligne des coups de pied qu’elle avait donné à la jeune femme pendant que celle-ci était au sol. Elle retint une grimace : la peau de Daenerys était très claire et elle marquait parfaitement les coups, de sorte qu’on avait l’impression que la dothraki s’était acharnée pendant des heures. Malgré tout le temps passé sous le soleil de l’Est, la Targaryen avait toujours une peau à la teinte du lait, ce que certain dothrakis n’hésitaient pas à attribuer à la teneur de son sang. Les dragons n’étaient plus que des buveurs de lait après tout.
La sensation du baume sur la peau était froide, mais heureusement Maeri faisait preuve d’une étonnante délicatesse dans l’application. Elle soulignait les zones meurtries sans appuyés mais étalait correctement jusqu’à ce que la pommade disparaisse. Il s’en exhalait une odeur forte de fleurs étranges, peu agréables mais pas repoussantes.

— Ainsi la jeune fille fut obligée d’épouser le Khal et de subir ses brimades des années durant. Car elle ne le désirait pas et repoussait sans cesse ses avances, pour subir punitions sur punitions. Très vite, elle décida de prendre un autre chemin et elle s’entraîna chaque nuit, chaque matin qu’il passait à la chasse, à manier les armes et à se battre.

Sans ménagement, la Khaleesi attrapa son esclave par la taille pour la retourner sur le ventre et ainsi appliquer la même pommade sur son dos, meurtris par le vol qu’elle avait fait jusqu’au lit.

— Tu devines ce qui est arrivée au Khal ? Celui-ci se complaisait de sa nouvelle puissance et de ce qu’il avait, si bien qu’il ne vit pas venir ce qui le tua.

Elle retourna de nouveau Daenerys vers elle et étala un peu de baume sur son front, là où elle lui avait donné un coup de tête.
Puis son sourire se mua en une expression carnassière et elle attrapa sa longue tresse pour la montrer à son esclave. Les nombreuses clochettes tintèrent au mouvement. Du bout des doigts, elle traça une ligne le long des clochettes ayant un jour appartenues à Joqo.

— Voilà tout ce qu’il reste de Khal Joqo. Je l’ai tué moi-même.

Une fois son office terminée, Maeri rangea soigneusement le baume et essuya grossièrement ses doigts sur le vêtement déchiré de Daenerys avant de le jeter plus loin. Elle lui en fournirait un autre, il était hors de question qu’elle se balade ainsi dans le camp.

— Je ne suis pas assez idiote pour faire la même erreur que lui, ce n’était pas le but de mon histoire.

Elle se releva et fit face à Daenerys, bras croisés sous la poitrine.

— Tu as quelque chose. Je ne sais pas quoi, mais je compte bien le découvrir. Quelque chose de grands, pour toi et pour moi. Tu peux décider de gâcher ce quelque chose et je te tuerais. Si je suis de mauvais humeur, je proposerais peut-être à mes hommes de s’amuser avec toi avant, ou après. Ou tu peux faire ce que j’ai fait et attendre ton heure. Apprendre et grandir.

La Dothraki se fendit d’un sourire mauvais.

— Qui sait ? Tu survivras peut-être jusque là…

La Khaleesi avait terminé de raconter son histoire et pour elle cela signifiait presque la fin de cette entrevue. Elle n’attendait pas vraiment de réaction particulière chez Daenerys, sinon d’accepter l’idée ; le choix proposé n’en était pas vraiment un après tout et la Targaryen avait déjà montré à plusieurs reprises son désir de rester en vie et de se battre. La seule raison pour laquelle Dany était encore dans la tente, c’était pour que Maeri puisse entendre la confirmation, connaissant son esclave ce serait sans doute la seule chose qu’elle dirait avant de retourner dans le mutisme.
Sûre de son fait, la dothraki avait donc attrapé le second baume, pris une noisette et avait commencé à traiter la brûlure sur son épaule. Elle n’émit qu’une brève grimace au contact de la pommade froide contre sa peau. La Targaryen avait déjà été punie pour ça, même si assez peu sévèrement, et il était inutile de recommencer même si l’envie lui prenait. Cela confirmait toutefois une fois plus la bizarrerie de ce qui était arrivée : elle avait une véritable brûlure, pas une légère marque, alors que Daenerys n’avait rien.

La séance fut toutefois interrompue quand la fille aux cheveux cendrés se décida à ouvrir de nouveau la bouche. Maeri se tourna vers elle pour constater qu’elle souriait, son ton était celui de la plaisanterie, mais du genre de plaisanterie qu’on espérait un peu sérieuse. La Khaleesi se fendit d’un sourire plus grand encore : Daenerys avait retenu ce qu’il fallait — ou presque.
D’un geste rapide, elle referma la main sur le menton de la jeune femme et l’obligea à se redresser sur le lit, jusqu’à lui faire face. La dothraki planta ses yeux noirs dans les siens. Il fallait bien lui rappeler qui elle était, même si Maeri avait apprécié cette dernière tentative de rebuffade, elle ne voulait pas d’un mouton effrayant. Pour autant, la Targaryen devait se souvenir de qui était sa maîtresse à présent, elle n’était pas Drogo.

— Peut-être même que tu tenteras ça. Nous verrons si tu apprends à te servir d’une autre arme que des cendres.

Elle la regarda de bas en haut à nouveau, contempla sa faiblesse. Malgré la douleur lancinante dans son épaule et les souvenirs douloureux que la Targaryen lui évoquait, la Khaleesi était aussi assurée d’une chose : elle la voulait. Autant pour l’empêcher de se débattre que pour la toucher, son autre main attrapa le bras droit de la jeune femme, étalant le reste de baume pour les brûlures contre sa peau. La dothraki la regardait maintenant différemment, elle semblait hésiter. Ou plutôt elle semblait lutter.
Maeri pouvait la prendre, maintenant ou plus tard, quand elle le voulait. La gamine se débattrait, crierait, mais cela ne changerait rien car elle avait la force de son côté. Elle pouvait en fait ce qu’elle voulait si l’envie lui prenait. Mais elle savait aussi ce qui arriverait dans ce cas, la haine que chaque coup ferait grandir et la douleur dans chacun des cris de la Targaryen. Et pourtant, ces cheveux d’argent et ces pupilles améthystes si rares…

Avec un grognement, la Khaleesi colla ses lèvres contre celles de sa prisonnière. Ce n’était pas tant un baiser qu’un contact brut et violent entre les deux femmes. Maeri goûta rapidement à la peau de l’étrangère, forçant ses lèvres entre les siennes. Elle faillit la mordre, et savait intérieurement que Daenerys voulait faire de même. Le contact ne dura que quelques instants et c’est la Dothraki qui l’interrompit en repoussant avec presque autant de brutalité la jeune femme pour la laisser tomber sur le lit.
Elle-même se recula de quelques pas. Elle avait l’air essoufflée, ou énervée. La Khaleesi elle-même aurait été bien en peine de définir exactement ce qu’elle était. Son regard sombre tomba de nouveau sur la jeune femme.

— Tu peux partir.

Comme son vêtement était toujours déchiré, Maeri attrapa un de ses propres hauts, bien mieux taillé que ceux réservés aux esclaves. Il était large au niveau des épaules mais il éviterait que le regard de ses guerriers ne s’égarent sur sa propriété. Elle le jeta à Daenerys, sans approcher.

— Fais dire à Imeah de me rejoindre. Maintenant va-t-en et dépêche toi.